
les branches d’une multitude de Bois Noirs, en déracina quelques-uns, ainsi
que des Gérofliers. Mais je n’ai vu qu’un seul arbre très-résistant qui eût cédé
à sa violence, c’est un Tamarinier ( Tamarindus indica), dans la vallée de la
Grande-Chaloupe, entre Saint-Denis et Saint-Paul.
Il est très-singulier que le vent ayant soufflé du S . E ., à peine variable au
S . S . E ., ce soit la partie directement exposée au vent, Saint-Benoît et Sainte-
Rose, qui ait le moins souffert, et qu’au contraire la partie de dessous le
vent, Saint-Paul surtout, qui paraît abritée du vent du S .E . par l’interposition
des montagnes centrales de l’Ile, ait été le plus maltraitée;'
Il faut remonter aux années 1806 et 1807 pour trouver dans les annales
météorologiques de la Colonie un désastre aussi considérable. Dans l’une et
l’autre de ces années, il y eut un ouragan au lieu d’un seul coup de vént ;
mais si ses ravages furent plus considérables, si les cultures furent plus maltraitées
, ceux de la mer furent bien moindres. De mémoire d’homme on ne
l’avait vue aussi furieuse que le 10 février 1829.
Si le Ras de marée se fût levé, le vent battant en côte , de la partie du Nord,
tous les navires mouillés à Saint-Denis, à Sainte-Marie, au Bois-Rouge, eussent
péri à la côte.
Quand le coup de vent eut cessé, le 11 au matin, les anciens de l’Ile , qui
n’avaient su le prévoir, prédirent qu’il reviendrait, mais après avoir fait une
sautée, et de la partie du N .O . Ils calculaient qu’il serait bien plus terrible
encore; il semblait que la mer battue, refoulée contre la terre, dans cette direction,
dût tout détruire; car, disaient-ils, cela était toujours arrivé. Mais le
coup de vent cessa insensiblement, et sans aucun retour.
Il n’y a guère que les physiciens qui aient de l’expérience météorologique.
On s’attendait aussi à apprendre la nouvelle d’un désastre pareil à. l’Ile de
France. Ces prédictions furent démenties. Cette Colonie n’avait pas été atteinte.
Les matériaux du Raraçhois détruit avaient été chassés par la mer de manière
à former ^devant Saint-Denis un petit bassin où la Rarre ne se faisait
aucunement sentir. C’est un port de débarquement et d’embarquement pour
les chaloupes, bien plus commode que les ponts qui existaient auparavant,
protégés contre la lame par le Raraçhois; mais uu fort Ras de marée suffira
à le combler, et alors Saint-Denis n’aura , comme tous les autres lieux du
littoral, que des ponts de débarquement exposés à la fureur de la mer. C’est
le seul établissement qu’il soit sage d’y former.
T r a v e r s é e d e R o u r b o n a P o n d ic h é r y . Le 2 6 février a u s o i r , n o u s a p p a reillâmes
de la rade de Saint-Denis, où la Zélée avait reparu avec les premiers
navires après le coup de vent du 10, et qu’elle? avait quittée presqu aussitôt
pour croiser quelques jours autour de l’Ile, afin de porter secours aux bâtiments
en détresse. Elle était revenue sans résultat, de cette petite croisière.
Nous partîmes avec une belle brise du S .E. qui nous poussa assez promptement
jusqu’au 12e degré de latitude, presque droit au Nord. Là, elle faiblit, et notre
marche devint successivement plus lente. Les vents passèrent à l’Ouest, variant
du Nord au Sud, toujours très-faibles, quelquefois nuls.
Le .20 mars, nous atteignîmes le 2e degré de Lat. S. par 64° 3o' de Long. E.
Nous mîmes alors le Cap à l’Est, et n’avançâmes que très-lentement jusq
u e 1" avril, jour où nous coupâmes la ligne équinoxiale par 78° 3o' de longitude.
Alors succéda aux calmes et aux brises folles qui nous avaient si lentement
menés jusque-là, une jolie brise assez régulière dans sa force et dans
sa direction, soufflant du S . O ., et nous faisant faire 100 milles par jou r, qui
nous; mena assez rapidement jusqu’à Ceylan, que nous découvrîmes le 6 avril
à cinq heures du matin, d’accord,avec nos montres marines, et à 4° dans lEst
du point où nous mettait l’estime de notre longitude.
Aucune navigation ne peut être plus douce que celle-ci. Depuis notre départ
de Rourbon, pas un seul jour sans bonnettes; jamais de mer ni de roulis;
pas un seul jour entier de pluie.
Dans le voisinage de l’Équateur sous lequel, pour ainsi dire, nous avons
navigué pendant 15 jours , la chaleur est grande, mais jamais excessive. Le
thermomètre centigrade a atteint fréquemment 3o°, 3 i° peut-être, mais i ln a
pas dépassé ce terme.
L’azur du ciel ne s’est jamais montré bien pur; quelques nuages toujours,
et souvent des brumes le cachent ou l’obscurcissent ; des éclairs sans tonnerre,
sans pluie, sillonnent dans la nuit son obscurité. Les nuits sereines sont aussi
rares que les très-beaux jours ; je n’ai pas observé les plus légères traces de
roséé.
Nous avons passé sur plusieurs des bancs indiqués sur la plupart des cartes,
au Nord deBourbon et à l’Est des Séchelles. Ou a sondé à plus de 100 brasses
sans jamais trouver de fond.
Quelques Iles basses sont aussi marquées très-près de la route que nous
avons suivie. L ’existence de quelques-unes est très-douteuse, et il est aisé de
passer très-près des autres sans les distinguer au milieu des brumes qui obscurcissent
fréquemment l’atmosphère dans ces parages. Il en est de même dans
toutes les mers équatoriales. De petits nuages bas et sombres, qui se voient