
gratuites cju’il a fait le plan de la v ille , et travaillé si activement à l’assainir
et à l’embellir. La Cour des Directeurs, dont tout le monde ne parle dans
l’Inde qu’avec le plus profond mépris, vient de consommer sa spoliation,
et le comité d'improvement a cessé d’exister.
La population de Bénarès est généralement portée à 600,000 habitants.
M. J. Prinsep vient d’en faire le recensement, le premier exact qui ait été
fait d’une ville indienne. En faisant le plan de la ville, il en a compté les
maisons; il à noté leur âge, leur propriétaire, les noms de tous leurs habitants,
leur âge, leur profession, leur caste ou religion. Puis, s’adressant aux
chefs de chaque caste, il a obtenu les noms de tous les habitants de la ville
appartenant^ chacune : autre travail immense qui prouve merveilleusement
la justesse du premier. Bénarès, au lieu de 600,000 habitants, en a 181,000,
dont 3o,ooo environ sont Mahométans. Il n’y a pas moins de 20,000 âmes
dans la caste des Brahmanes.
En ajoutant à cette population celle des cantonnements du camp des trouves
natives, que grossissent les familles de beaucoup de Sipahis, les domestiques
de plus de cent Européens, et les bazars établis en permanence autour d’eux ,
Bénarès compte exactement 200,000 âmes.
Les dimensions de cette ville n’ont pas été moins exagérées que le nombre
de ses habitants. Sa longueur n’excède pas 3 m ih .f f 1. ) , et sa largeur
atteint à peine 1 mil. ( | 1. ). C’est un espace fort petit pour une si grande
population.
Il est probable que l’on trouvera le même mécompte dans la population
des villes de l’Inde où l’on fera des recensements judicieux. Ce qu’on peut,
dès à présent, conclure du petit nombre de ceux qui ont été tentés, c’est que
l’on n’a pas la moindre idée de la population totale de l’Empire.
Les Hindous brûlant tous leurs morts sur le bord du Gange, en un petit
nombre de lieux consacrés spécialement à cet usage, il est aisé de savoir, jour
par jour, la quotité de la mortalité parmi eux, et la connaissance de cet élément
statistique, facile à compléter par celle de la mortalité annuelle chez
les Musulmans, ajoutée aux données recueillies par M. J. Prinsep; donnera
la loi de mortalité : autre objet intéressant, absolument inconnu.
C’est sans commission du Gouvernement que M. Prinsep a fait ce grand
travail . un titre officiel pour l’exécuter le lui eût rendu presque impossible.
Le Gouvernement est si fertile en inventions d’impositions nouvelles, qu’un
dénombrement fait par ses ordres eût été entravé p a r la mauvaise volonté
de tous les habitants, comme l’annonce d’une taxe nouvelle. Mais la curiosité
de M. Prinsep est connue des natifs, il n’en est pas un qui ne l’ait vu s’amuser
à dessiner leur ville, leurs temples, leurs mosquées. Nombre d’entre eux le
consultent dans les embarras de leurs métiers; en un mot, il s’est fait du pays, de
la ville. C’est avec lui que j ’ai fait ma première excursion le i er janvier i 83o.
Je le vis d’abord procéder à la location d’un bazar qu’il vient de construire :
c’est une halle circulaire destinée à la vente des grains; le plus grand espace
ouvert de la ville. Cent contrats dressés d’avance furent lus et signés ;
après quoi un pavillon fut dressé au milieu du marché, pour en consacrer,
suivant l’usage national, l’installation. Cent figures de marchands de grains
que cette petite solennité nous fournit l’occasion de passer en revue, nous
présentèrent une variété infinie d’expressions de l’avarice, de la fourbe, de
l’esprit de calcul réfléchi, de l’ordre, modifiées par l’âge et la couleur de la
peau, depuis l’adolescence jusqu’à la vieillesse, et le jaune clair jusquà lé -
bène. Beaucoup de Brahmanes parmi ces marchands de grains, et 1 un d eux ,
qui semble le plus misérable, est de la plus haute de toutes les branches de
cette tribu. Un Faquir hindou, de haute caste aussi, et jadis un homme riche,
s’attache à M. Prinsep au milieu de la foule dont nous sommes pressés, pour
obtenir de hisser quelque magot d’idole à son mât de pavillon. Insistant,
après un refus, il est éconduit brutalement par nos domestiques, et la foule
le repousse et l’éloigne. J’ignore si réellement on nous respecte beaucoup ,
mais nous avons le pouvoir, on a besoin de nous, et assurément on nous
craint plus que l’on ne respecte les Faquirs, même à Bénarès.
Le saint territoire de Bénarès s’étend bien au delà des limites de la ville
et des cantonnements européens; mais le terrain semble d autant plus précieux
qu’il est plus rapproché des bords du Gange. L à , il n y a aucune rue
où puisse passer une voiture. Elles ne sont bâties que de pagodes ou de maisons
habitées par des gens riches. Nous entrâmes dans une d elles occupée par les maçons,
et nous en vîmes tous les détails. C’est une propriété nouvellement acquise
par le frère de Yex-Peischwa;e\\e consistait en deux grandes maisons en pierre,
contiguës l’une à l ’autre. Le prince Mahratte, qui compte faire prochainement
ici quelque séjour, en a fait démolir une que Ion vient de rebâtir, à la mode
des Mahrattes, en terre battue et en bois. Celle-ci a sept étages : cest une des
plus hautes de la ville. Le plan d’ailleurs en est le meme que dans toutes
les parties de l’Inde. Les fenêtres percées sur la rue sont très-petites et très-
peu nombreuses ; il n’y en a presque aucune dans les étages supérieurs destinés
aux femmes. Les étages sont très-bas; les portes hautes de 1 ,6 au plus.
Les escaliers droits, étroits et très-roides; toutes les issues étroites et basses.
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