
souvent, dans des années très-sèches, les eaux ont atteint un niveau aü dessous
duquel elles sont restées dans les années les plus pluvieuses. C’est la fonte
des neiges de l’Himalaya , tantôt lente > tantôt rapide, qui fait, d it -o n ,
enfler plus ou moins, et déborder le Gange.
Je ne vois aucune proportion entre la cause et l’effet. Prenez une carte de
l’Inde, voyez quelle immense surface de contrées forme le bassin du Gange, et
vous ne serez pas étonné de le voir creusé par une aussi large rivière ; mais n’essayez
pas de la remplir avec toutes les neiges qui couvrent l’Himalaya. Ces
montagnes , il est vrai, sont les plus hautes du monde, mais combien étroite
est la bande qu’elles supportent de neiges perpétuelles. Mesurez la surface
de la portion de cette bande neigeuse dont les pèntes conduisent les eaux
au Gange ; calculez ce qu’il peut tomber de neige chaque hiver sur cette
surface ; fondez toute cette neige en été , ce n’est pas avec elle que vous élèverez,
jusqu’à le faire déborder, un fleuve d’une largeur, d’une longueur
immense, et dont la vitesse, pendant ses crues, atteint 8 et 9 milles (3 lieues)
à l'heure.
On sait d’ailleurs que les neiges perpétuelles de l’Himalaya descendent
peu, malgré la distance de cette chaîne de montagnes à l’équateur, au dessous
de leur limite inférieure sous l’équateur même, dans la Cordilière des
Andes. M. de Mirbel, dans son dernier Essai sur la Géographie des plantes,
a expliqué cette circonstance et l’influence qu elle a sur la végétation de ces
montagnes, par l’atmosphère échauffée des plaines du Bengale que la mousson
du S . O . refoule sans cesse à leur pied et fait remonter le long de leurs pentes.
Mais le capitaine Herbert, qui a passé plusieurs fois de l’autre côté de l’Hi-
malaya, dans ce que tous les Géographes s’accordent à appeler le Tahle-lctnd,
ou plateau du Thibet, m’assure qu’il y a toujours vu le vent souffler du nord,
tandis qu’il soufflait du sud du côté du Bengale ; et cependant il n’a pas vu plus
de neiges du côté du Thibet que du côté de l’Inde, à une élévation où, suivant
la règle des Andes, la terre devait en être couverte éternellement. Ce pays
cependant est extrêmement froid; aussi froid peut-être que semblent devoir
le comporter sa latitude et son élévation. Et l’explication du capitaine Herbert
, pourquoi l’on n’y voit de neiges en été qu’à 4?7°° ou 459°° mètres au
dessus du niveau de la m e r , c’est qu’il en tombe extrêmement peu pendant
l’hiver; moins encore peut-être du côté du Thibet que du côté de Flnde. Je
ne crois pas que le capitaine Herbert ait vu l’hiver de ces régions; mais dans
des lieux habités, que leur situation semblait devoir condamner à n’être que
des glaciers, il a demandé combien il tombait de neige chaque année, et on
lui a dit que l’hiver était extrêmement sec, qu’il ne neigeait que rarement,
et très-peu à la fois.
L ’Hougli, dans ses plus grandes eaux, couvre une vaste étendue de terre :
on les y retient] à la marée haute, pour qu’elles déposent leur limon, et à
la marée basse on les laisse s’échapper. Dans les champs de r iz , on en garde
assez pour ne laisser paraître au dehors que la pointe de l’herbe. La campagne
ressemble alors à une vaste mer, et les paysans vont en bateau dans
les fossés qui séparent leurs terres : il serait facile de s’y noyer. On a creusé
autour de Calcutta tant d’excavations profondes pour élever les routes ou faire
de la brique avec la terre qu’on en a enlevée, qu’on serait sans cesse exposé
à y tomber si l’on s’aventurait hors des chaussées.
On a analysé le limon des èaux de l’Hougli (Piddington, Asiatick researches,
n° X V ): sa composition doit varier suivant les lieux où on le recueille. Quoique
l’eau de la rivière soit réputée douce jusqu’à quelques milles au dessous de Calcutta
, je ne doute pas qu’elle ne dépose sur les terres une portion notable
de sel marin. Tandis que les pluies, e t , pour une part minime, la fonte des
neiges de l’Himalaya enflent le Gange, la mousson du S.,0 . doit refouler
les eaux de la mer au fond de la Baie du Bengale. Je ne sache pas positivement
que cet effet soit produit; mais un effet analogue est causé chaque
année, à la même époque, avec tant de puissance, par les mêmes vents, dans
les golfes de Cambaie et de Cutch, que je ne puis douter de son existence
ici. La salure des eaux des bouches du Gange doit donc être la même à peu
près dans toutes les saisons, à la même distance de leur embouchure.
La végétation étale sa plus grande magnificence pendant la saison des pluies.
L ’état orageux du ciel précipite le développement des plantes, on ne voit plus
de vide dans le feuillage. Il y a un étrange contraste entre la richesse de la nature
et la pauvreté des hommes. Sur cette mer formée par le débordement de la
rivière, vous voyez s’élever une multitude de masses admirables de verdure.
Les Cocotiers élancent leurs gerbes empanachées au dessus des nobles.cimes
des Figuiers sacrés; le Banian et le Pipul Tree, d’élégants Mimoses, au feuillage
léger, adoucissent les contours de ces groupes superbes. Vous voulez
vous promener sous ces nobles voûtes; vous y trouvez un village populeux,
des huttes de boue entassées les unes sur les autres. Quelques Chèvres, quelques
Vaches d’une petitesse et d’une maigreur extrêmes sont attachées à 1 entour,
affamées, et leurs maîtres, accroupis comme des singes sur leur porte, fument
gravement le Houka.
Pendant mon séjour à Garden-Reach ( 11 juillet au 1" septembre), chaque
I. 3°