
des Provinces mahrattes, avec une suite et une escorte nombreuses ; il quittait
1 emploi de Résident politique. La n u it, il ne laissait pas même ses culottes
dans sa tente, tant il croyait plus à lhabileté ¿les voleurs qu’à la vigilance
de ses gardes. Une fois il se sentit éveillé par un sentiment importun et un
bruit incertain; puis, se rendormant bientôt, il fut de nouveau réveillé par
un léger bruit et une sensation désagréable; il étendit la main hors du lit,
et saisit le bras dun voleur au moment même où celui-ci f étranglait o ': la corde
était passée autour de son cou, le noeud fait, le voleur commençait à serrer.
A Bénarès, il y a un vieux coqmn, à carrosse, hindou d’ailleurs et de
haute caste, qui fait profession de dédaigner les natifs. « C’est bon pour la
canaille,» dit-il ; «moi, je ne vole que les Européens.» Ce n’est pas qu’il vole
lui-même, il est beaucoup trop grand seigneur pour c e la , mais il emploie
des voleurs, leur donne de quoi vivre dans les saisons mortes, et recèle ce
qu’ils ont volé.
La législation provinciale des Anglais dans l’Inde est très-douce pour ce
genre de crime; elle ne le punit que par les travaux forcés. Lord L a k e ,
après sa guerre dans le nord de l’Inde, trouva le pays qu’il venait de conquérir
infesté de voleurs : il fit un exemple et en pendit un. Pendant ce temps,
dans d autres districts de 1 ouest, les mesures les plus rigoureuses étaient prises
contre les petites bandes de brigands qui les désolaient, et d’autres chefs militaires
leur faisaient une guerre d’extermination, n’accordant de quartier jamais
, et faisant pecher dans les puits, pour les pendre selon la rè g le , en
bonne et due forme, ceux qui s’y étaient jetés pour éviter de tomber aux
mains des sipahis. Le remède triompha du mal; mais le Gouvernement suprême
le trouva pire, blâma lord Lake et ceux qui imitaient sa rigueur; les
voleurs cessèrent d être pendus et contenus. Lord Amherst fut volé plusieurs
fois dans son yoyage aux hautes provinces. Le major-général actuel de l’armée,
le colonel Fagan, fut volé de toute son argenterie dans sa tente, et
Ion ne put même prouver la complicité de ses domestiques; l’honneur des
sipahis qui entouraient ses quartiers en grand nombre ne put être mis en
doute. Cette fois, on rendit responsable du vol le riche Zémindar sur les
terres duquel il avait été commis.
Mais après tout, il y a si peu d’Européens dans l’Inde, que les vols faits sur
eux sont, malgré leur éclat, de peu d’importance au peuple des voleurs. C’est
aux frais des pauvres diables qu ils vivent surtout. Souvent, au lieu de leur
couper les bras plus expéditivement, les voleurs ôtent aux enfants endormis
les bracelets d argent, toujours fort étroits, que portent la plupart d’entre
eux, et cela à côté du père qui dort à deux pas. Ils tourmentent le sommeil
par des bruits, des attouchements, et font prendre au corps et à tous les
membres la position qui convient à leur dessein, sans jamais aller jusqu’à
éveiller le sujet de leur expérience.
Le jour, ils procèdent autrement. A quelque occupation qu’il vaque dans
les champs, tout être humain, dans l’Inde, porte à la main le vase de cuivre
qui lui sert à boire. Il n’y a pas de si pauvre diable auquel on ne puisse voler
une roupie environ ( 2*,5o ) , la valeur de ce vase. Le voleur accoste sa proie
sous un prétexte indifférent ou amical, chemine avec lui sur la route; à
l’heure du repas, l’accompagne au puits voisin pour tirer de l’eau; alors, s’il
voit peu de témoins à l’horizon, et s’il croit ses jambes et son talvar meilleurs
que ceux de son compagnon, il saisit son vase et s’enfuit. Poursuivi
ou menacé, il dégaine, étourdit le pauvre volé de l’adresse avec laquelle il
manie son arme, et lui promet de lui couper la gorge s’il insiste.
Nombre de sipahis sont tués chaque année en allant chez eux en congé. Jamais
ils ne s’éloignent de leur corps, pour aller dans leur famille, sans porter quelque
argent. Les voleurs se donnent près d’eux, sur la route, pour d’anciens sipahis ;
on devient ami de part et d’autre, marchant en commun ; et quand le lieu, l’heure
et toutes les autres circonstances sont favorables au voleur, il saisit le vêtement
du soldat où le pécule est noué dans uii coin, son vase à boire, et s’enfuit le
sabre à la main. Le sipahi, s’il en a u n , et s’il essaye de ressaisir son bien,
est ordinairement un homme mort. Les voleurs sont d’une adresse extrême.
Deux jours après mon passage à Saseram, le séraï de la Compagnie est
assailli pendant la nuit par 6o decoïts. Ils tombent à coups de sabre sur
les conducteurs de boeufs qui portaient des soieries de Calcutta à Bénarès,
en tuent quelques-uns, en blessent un grand nombre, mettent les autres en
fuite, et pillent leur convoi.
Le 6 janvier i 83o. — A Mohunka-Seraï, 9 mil. ( a -£ 1. ) Bénarès.
C’est la route d’Allahabad; elle est superbe. On ne voit pas le Gange qui
coule à quelques milles au sud. Plaines immenses cultivées avec soin. La campagne
est toute percée de puits dont on tire de l’eau partout pour arroser
les blés. Les puits ont tous la même profondeur à peu près; l’eau s’y trouve
au niveau du fleuve, à environ 16, 18 ou 20 mètres du sol. Ce sont d’élégantes
constructions. On élève, à dessein, la hauteur d’où il faut puiser
l’eau, comme le montre la fi g. 5 , Pl. X X , pour se ménager une pente assez
roide qui soulage, dit-on, les boeufs. Je ne vois guère comment; l’outre qu’ils