
a5a JOURNAL,
Le *4 novembre i8 o g ._ A Tchôteland , 5 pos. ( * f j ) de t a * * * . . .
La pluie avait tout trempé dans la nuit; ce n’est qu’à 8 heures que mon
monde put Se mettre en route; je le suivis de près. C’est un des inconvénients
de .traîner sa maison avec soi : elle n’est point prête lorsqu’on arrive,
et si l’on part le matin dès qu’on la démolit, quand de force il en faut sortir,
on arrive au gîte du soir .4 ou 5 heures avant elle. Si lentement que l’on
marche, on va toujours le double des boeufs. Ils emploient 1 I heure à faire
un cosse, 2 milles anglais ( j lieue). J’en fais 4 au pas de mon cheval que
suivent aisément plusieurs serviteurs à pied. La campagne a les mêmes traits
qu’hier; il y a peut-être cependant moins de terres inondées; les champs de
Cannes sont plus communs, mais toujours fort petits ; la fabrication du sucre
dans lln d e , est une industrie domestique. Une culture nouvelle pour moi
en ce p ays, est celle de la Moutarde ; sa graine sert à faire de l’huile : on
en fait une grande consommation. Plus d’étangs encore qu’hier. Les uns sont
de forme irrégulière, faits comme en Europe, avec un barrage au travers
d un vallon ; mais il y en a peu de cette espèce, et ils sont très-petits et ont
à peine quelques centimètres de hauteur d’eau, ce sont des mares. D’autres,
creusés entièrement de main d’homme et appelés 7 alab { ^ ) , sont des
bassins carrés de om,7 à im,o de profondeur, entourés d’une haute et épaisse
muraille de terre ( le déblai de leur excavation), sur les talus de laquelle
sont plantés des borassus et des tamarins. Deux échancrures sont faites dans
cette haute chaussée, opposées lune à l’autre, par où l’on arrive aux degrés
qui descendent dans leau. Ce sont presque toujours des fondations pieuses.
Sous le motif des ablutions religieuses, Hindous et Musulmans vont s’y baigner
tous les matins; leur eau est la seule qu’ils boivent; elle n’est que
mauvaise, mais très-potable. Je ne vois de puits nulle part.
A Pondichéry les Talabs sont faits et plantés exactement comme ic i, et
qui en a vu u n , en a vu mille ; ils sont au reste fort beaux. Les arbres qui
les ombragent, nourris dans un sol de rapport, croissent toujours avec une
vigueur extraordinaire. Serrés les uns près des autres, les borassus élancent
leurs tiges dans toutes sortes de directions, pour chercher l’air et la lumière ;
courbées à leurs bases, et rétrécies jusqu’à une certaine hauteur, pour se redresser
ensuite et se renfler dans leur milieu, quelques-unes ressemblent à de
gigantesques serpents. Quelques dattiers , le seul palmier qui me semble indigène
au Bengale et à la côte de Coromandel, se mêlent toujours dans ce
fourré magnifique. Partout les jh ( Tar, espèce de Palmiers) me paraissent
avoir été plantés. Leurs frondes servent à faire des écrans ou des punkas à
main. Des incisions faites au sommet de leur tige, découle un suc avec lequel
les basses classes du peuple s’enivrent lorsqu’il a fermenté; on l’appelle Tari.
Le Dattier (Katchhour) a aussi le même usage.
Je vins camper à Tchôtekand ou f s ^ ) , ou Jowgong sur ma carte
anglaise. Rien de si difficile que d’écrire ces noms natifs. Je les fais prononcer
à vingt villageois. Les uns disent D j ’o, les autres Te ho ; les uns Kond ou
Kon-ne, les autres Gong. C’est un très-petit, hameau où se tient un relais de
porteurs. Un magnifique banian-tree est à l’entrée, et sur une jolie pelouse, à
quelques pas du chemin, un tamarin, le plus grand que j ’aie vu. C’était là
que j ’aurais voulu planter ma tente; mais les domestiques, d’un commun
accord avec le Tchouprassi, trouvèrent, contre ce joli endroit, des objections
auxquelles je cédai, et j ’allai m’établir sous de jeunes pipul-trees, dans le
hameau même. Un site pittoresque et retiré plaît davantage au voyageur,
mais c’est rarement là qu’il peut fixer sa demeure. Les serviteurs se soucient
peu du pittoresque, et ils ont la plus forte objection contre un lieu écarté.
Le plus près qu’ils peuvent être d’une hutte est le mieux pour eux, et il faut
bien complaire un peu à leur préférence. La nuit, s’il pleut, quelques-uns de
la secte du maître de la chaumière y trouvent un refuge ; le cuisinier y allume
son feu ; enfin, ils ont un voisin avec qui causer, ou plutôt disputer ; car je
n’ai jamais entendu de querelles si bruyantes et si ridicules; commencées et
poursuivies évidemment pour le seul plaisir de quereller, que depuis que je
suis en marche. Ils crient bien haut tous à la fois, mais jamais n’en viennent
aux coups. On campe ainsi toujours dans des lieux fréquentés, parce que la place
qui vous convient le mieux aujourd’h u i, par la même raison, a été occupée
hier par le voyageur qui passait par là. Ces traces de fréquentation n’ont rien
d’agréable. Il doit en être de même au désert. C’est toujours au voisinage d’un
puits que l’on doit y camper, non sur le sable aride, mais sur le fumier
des chameaux. La même convenance oblige toutes les caravanes à y faire halte-
Le a5 novembre 1829. — A Dibda (L»JJ^ ) , 5 cos. ( 31.) de Tchôtekand. = [Bursoul ( )■ ]
Quoique je fusse debout avant 5 heures pour presser les gens et hâter le départ,
ma bande ne s’ébranla qu’au moment où le soleil se montra à 1 horizon
derrière nous. Il disparaissait en face le soir quand mon bagage arriva à Dibda.
La journée fut belle, mais le soleil, perçant fréquemment entre les nuages,
extrêmement chaud. Éclairée d’une lumière brillante, la campagne me paraît
plus verte et plus gaie ; son aspect cependant est le même que précédemment,