
respective, pour les distinguer les unes des autres, manquent souvent au géologue,
en même temps que les caractères oryctognostiques lui échappent : là ,
il doit s’arrêter. Au-delà, il ne pourrait que s’égarer dans de stériles conjectures.
Des assises épaisses de tufs, de conglomérats volcaniques dont l’argile produite
par la décomposition des vaques est le ciment, se montrent en beaucoup
de lieux entre les plus vieilles coulées. Ailleurs les fragments vitrifiés manquent
dans ces sédiments ; ils ne sont formés que d’une argile rouge extrêmement
douce et grasse, qui n’est peut-être quelquefois qu’une vaque entièrement
décomposée sur place.
Ges bancs d’argile, quelle que soit leur origine, sont un accident caractéristique
du terrain basaltique. Le Cantal a les siens, et, dans Fintervalle qui sépare
les Monts-Dores des Monts-Dômes, la Serre de Fontfredde en renferme plusieurs
intercalés entre ses diverses coulées. Les Romains en faisaient de très-belles
poteries, dont j ’ai vu des débris chez M. de Montlosier. Ces argiles sont employées
aussi au même usage à Bourbon; mais on cuit peu les vases, que l’on
en forme, parce qu’on veut qu’ils demeurent assez poreux pour laisser filtrer
l’eau, afin qu elle s’y rafraîchisse. Leur pâte néanmoins ressemble beaucoup à
celle des vases romains de l ’Auvergne.
Un seul volcan brûle encore dans File de Bourbon. Les navires qui passent,
pendant la nuit, près de la pointe S .E . de l’Ile, où il est situé, aperçoivent
la lueur qui ne cesse d’en jaillir dans l’intervalle de ses éruptions. Les pentes
conduisent à la mer les laves qu’il rejette. En 1822, il couvrit la colonie de
filets vitrifiés de pyroxène. Son cratère, ouvert au milieu des produits volcaniques
les plus récents, est environné de plusieurs autres actuellement éteints,
dont l’assemblage forme ce qu’on appelle le pays brûle. Cette dénomination
de brûlé s’applique également à diverses autres parties de l’Ile , que lapreté des
laves qui les recouvrent rend stériles.
Je n’ai aperçu au Nord de Bourbon, entre la rivière du Mât et celle des
Galets, aucun grand courant régulier de laves modernes ; s’il y en a de cet â ge ,
elles sont toutes disloquées. On ne saurait remonter, sûrement aux bouches
d’où elles sont sorties. Je n’ai pas aperçu dç cratères ; e t , d’après ce que j ’ai pu
savoir de la configuration des parties centrales de Bourbon, qui en sont aussi
les plus hautes, il n’y aurait là non plus aucun cratère. L ’Ile tout entière a
subi probablement les plus violentes convulsions, depuis que l’action des
forces volcaniques s’est concentrée dans le territoire circonscrit du pays
brûlé.
Mais elles s'y exercent actuellement sans ébranler à peine le sol de l’Ile.
On n’a remarqué aucune coïncidence entre les, éruptions du volcan et les
tremblements de terre qui se font sentir quelquefois dans cette colonie. Aussi
le volcan, malgré la grandeur terrible des phénomènes qu’il montre assez
souvent, n’est-il aucunement redouté. Il brûle en paix, au milieu des déserts
qui l’entourent. Il est pour quelques habitants un objet de curiosité : pour
nul, il n’est un objet de crainte.
Presque toute la population de l’Ile est répandue sur son littoral. C’est là que
sont tous les établissements de culture. Elle remonte au fond de quelques vallons
et s’élève peu sur les croupes des montagnes; car on s’y trouve, à une
faible hauteur, presque toujours enveloppé de nuages qui se résolvent en
pluies fréquentes. Le soleil, la lumière manquent aux plantes, et celles que
l ’agriculture a adoptées en ont besoin, autant que de chaleur, pour mûrir
leurs fruits. Des bois et de maigres pâturages couvrent tout ce qui s’élève à
plus de 1000 mètres de hauteur absolue.
Bourbon compte un peu plus de 100,000 habitants; savoir : 20,000 Blancs,
5 à 6,000 Libres et le reste Esclaves. Le nombre des Blancs et des Libres ou
Affranchis, est seul connu exactement. L ’administration ne connaît que très-
imparfaitement celui des Noirs Esclaves, que les colons ont intérêt à lui cacher.
Quelques Blancs sont les descendants des premiers colons, demeurés propriétaires
des vastes possessions de leurs pères ; il y en a peu de cette espèce : ce
sont les plus riches.
Autour d’eux se groupent des familles également anciennes dans la colonie,
mais chez lesquelles les propriétés ont été partagées constamment avec plus
d’égalité, et dont aucun membre, à présent, ne possède une fortune considérable
: presque tous, cependant, vivent encore du revenu de leurs terres.
Ceux qui n’ont rien, spéculent, et exercent quelques professions libérales. Plusieurs
médecins sont des Colons. Bien des gens de loi sont nés dans la Colonie.
Peu de Français, nouveaux venus, possèdent des terres. Ceux qui arrivent
avec des capitaux, sont banquiers, négociants : l’immense majorité, qui vient
sans ressourcés, se livre au petit commerce de détail dans les Quartiers ou
villes ; ils établissent des cantines sur les routes, à la campagne. C’est le fléau
de la Colonie. Us vendent aux Noirs des aliments et des liqueurs fortes. Ils
sont les receleurs de tous leurs vols. Par opposition aux riches colons, qu’on
appelle Grands Blancs ; ceux-là sont les Petits Blancs. C’est aussi le nom d’une
autre partie de la population Blanche, très-ancienne dans l’I le , et la plus
nombreuse de beaucoup entre les gens de notre couleur. Ces Petits Blancs sont