
toute joyeuse; ils jouent avec leur trompe, et répondent du geste, avec un air
d intelligence bien singulier, aux paroles de leur conducteur. On s’étonne de
la sagacité du chien; mais le chien est modifié par l’homme depuis des milliers
d’années dans son type physique et dans son type intellectuel ; et l’éléphant,
que nous ployons à la même obéissance, nonobstant sa force prodigieuse,
a toujours été pris sauvage dans les bois, souvent dans un âge déjà
ayaneé. Où s’arrêterait son intelligence, si l’on pouvait éduquer sa race, au
lieu d’individus qui ne se reproduisent pas ?
Deux faibles cours d’eau, l’un, large à peine comme la moitié delà Seine,
à Paris, et l’autre de la même largeur, coulent en cemioment, perdus au milieu
des sables de la Sône, près de sa rive gauche, distants entre eux d’un demi-
mille ( i l. ). On traverse ces deux-bras dans de mauvais bateaux. La multitude
des natifs qui voyagent à pied donne un pice ou f pice pour le passage^ of,04
ou of,02). Pendant les pluies, c’est quinze ou vingt fois davantage, 3 ou 4
annas (of,5o ou of,6o); c’est alors une navigation de 2 où. 3 heures. Mais il
y a peu de voyageurs à cette époque sur la route, et point de voitures?' elles
se perdraient dans la boue.
Une petite Indigoterie sur la rive gauche, puis des jungles rarement interrompus
par quelque peu de culture. Le passade de la rivière avait demandé
4 ï heures, et de sa rive à Saseram il y a 5 cos. (3 1.); journée bien pénible
pour les bêtes, et bien longue. L ’excessive froidure des eaux de la rivière m’avait
engourdi les jambes en un moment le matin, et le soleil,,, au haut de
sa course, était devenu brûlant. Cependant, le fond de l’air demeure tempéré
lorsqu’il ne reste pas frais, et il est toujours vif. C’ést le même ’Caractère de
chaleur que j ’éprouvai en Provence aux mois de mai et de juin sèche, excitante.
La tête bien couverte, je ne puis me méfier de ce soleil. Je vis si différemment
de tous les Européens qui s’y exposent en ce pays, que j ’ai droit
vraiment à n’en être pas maltraité comme eux.
Deux pauvres gens, faisant même route que moi, marchaient d’un pas
de* course. Je leur demandai le sujet de leur hâte : ils étaient à court d’argent,
et pressés d’arriver chez eux, où ils ne trouveront peut-être pas plus de riz
que sur le grand chemin. Us revenaient d’un pèlerinage à Jagrenat : ils avaient
dépensé chacun, pour faire le voyage, allée et retour, 4 ° ° lieues environ,
8 roupies 10 annas ( 22f,o o ) , dont 2 roupies 6 annas (v6f,oo) payés à la Compagnie
pour entrer dans Eenceiûte sacrée où les chars roulent sur le corps des
fanatiques qui se .précipitent au-devant de leurs roues. En déduisant le prix de
ce spectacle,, chacun n’avait donc dépensé que 6 roupies et 4 annas, environ
i$ ,o o , pour vivre pendant 2 mois, et faire près de 400 lieues. Ils revenaient
au reste bien maigres. L’un d’eux portait un petit pinceau de roseaux cueillis
près de Jagrenat, auquel il semblait attacher la même idée de sainteté et le
même prix que les dévots du petit peuple chez nous, aux chapelets bénits par
le pape. Tous deux avaient l’air très-satisfaits de leur,; voyage. Ils vont en effet
se trouver les conteurs par excellence dans leur village:
Un monticule, au Nord du chemin, à 3 cos. ( 1 f ) de la Sône, est formé de
couches horizontales de Grès peu coloré, fin $ à peine micacé, médiocrement
dur. Des débris de la même roche se trouvent à 2 cos. ( 1 \ 1. ) du pied d’une
rangée de collines à cime unie, déployées au Sud du chemin : elles sont
évidemment formées des mêmes Grèsv
Le jour tombait quand j ’arrivai à Saseram ; je ne vis rien de la ville qu’une
forêts de Palmiers, Tars et Dattiers, à L’entrée de laquelle je campai près du
Bungalow de la Compagnie.
Bêtes et gens étaient exténués ; j ’étais le seul qui n’eusse pas besoin de repos;
mais il était juste d’en accorder un jour à ma caravane après 10 journées de
marche. Malgré la diligence que. je dois; faire pour arriver aux montagnes
avant le renversement de la Mousson, je dois; aussi un jour à la première
ville ancienne que je trouve Sur ma route.
Le 26 décembre 182g. —1 Séjour à Saseram.
Je m’attendais a voir une antique cité indienne, et je n’ai vu qu’une ville
de tombeaux musulmans. Û
Saseram compte encore peut-être io,opo habitants; mais les demeures des
vivants occupent moins de place que celles des morts : il y a des rues qui ne
sont bordées que de tombes et de mosquées; constructions lourdes et massives
, dont les petites proportions défient le temps. Mon guide au travers de
ces étranges sentiers est un pauvre Musulman qui paraît fier de la grandeur
passée de ceux de sa croyance, et de leur prédominance actuelle sur les Hindous.
En effet, je n’ai pas vu une pagode ; et c’est au pied de quelques vieux
arbres de Bhoeur ( Ficus indica) que les Hindous font leurs prières. Parmi ces
ruines s’élèvent les dômes du Mausolée et de la Mosquée du Padischah ; une
porte se tient encore debout, vers le Sud de la v ille , plus haute que les faîtes
des maisons d’aujourd’hui. Au delà, on voit les restes d’une résidence royale.
Le Mausolée est un édifice octogone que recouvre un dôme légèrement
bombé, flanqué de petits minarets. Une galerie, ouverte et voûtée, règne tout
autour. Sur l’aire, à l’intérieur, s’élèvent de nombreuses tombes toutes simples