
et quant à l’eau, qui me semblait pour eux la chose la plus nécessaire, il
était mutile d’en envoyer. Les Brahmanes, les Chattries, les Hindous de haute
et moyenne caste, ne boivent que celle qu’ils ont puisée eux-mêmes, ou qui
l’a été par un homme de la même subdivision de la même caste. Je rus
tellement révolté de ces absurdes incapacités que me rappelait avec douceur
le cotwal, que mon humanité faillit un moment, et j’eus grande envie d’abandonner
à leur appétit des imbéciles si scrupuleux sur les moyens de
le satisfaire. Cependant on emplit un panier des mauvaises sucreries que toutes
les castes indistinctement peuvent manger, attendu, disent les Hindous,
qu’elles ne sont pas poccata (cuites), et il leur fut expédié. J’appris le lendemain
que les porteurs, effrayés des léopards pendant la nuit dans la montagne,
avaient rendu ma prévoyance inutile, en attendant le jour dans la plaine. Ma
caravane arriva moulue, affamée, après un jeûne de 36 heures. Quelles opérations
militaires sont possibles avec des soldats constamment menacés de
mourir de soif et de faim, s’ils n’ont pas leur propre vase ou un vase neuf
pour boire et pour manger ? /
Le froid me réveilla plusieurs fois pendant la nuit, quoique je fusse couche
près d’un grand fe u , et le sommeil de mes gens autour de moi me parut
aussi interrompu que le mien. Ils sommeillent la nuit plutôt qu’ils ne
dorment. Il semble que ce soit assez pour eux.- Les Nègres non plus ne
dorment pas. Le plaisir des hommes du Midi est de sommeiller la nuit et le
jour. Le simple sentiment passif de l’existence, voilà pour eux le bonheur dans
ce monde-ci, et ils n’ont pas inventé d’autre joie pour les bienheureux dans le
paradis. Quoique endurcis bien plus que nous au froid comme au chaud,
par l’habitude d’aller presque nus, les Indiens se refroidissent comme nous ,
quand ils sont pareillement exposés au froid ; ils grelottent en hiver le matin
sous la mousseline grossière qui leur sert de vêtement et de couverture,
et n’ont pas moins de peine à se lever sur leurs pieds, de dessus la terre froide
et dure où ils couchent, que nous à sortir d’un lit mou et chaud. Le matin,
sur la route, vers le lever du soleil, je les entends souvent se plaindre du
froid; cependant ils préfèrent en souffrir et marcher lentement, que doubler
le pas un quart d’heure pour se réchauffer. Le plaisir et la douleur physiques
ne sont pas plus susceptibles d’une mesure exacte et comparative que le bonheur
et le malheur. Il y a lieu de croire cependant que leur principe, la
sensibilité physique, est très-inégalement développé, non-seulement parmi
les individus, mais peut-être parmi les divers peuples. Je la crois très-obtuse
chez les Indiens. Les enfants pleurent aussi rarement qu’ils rient. Rarement
je les ai vus frappés par leurs parents. Il faut une correction très-sevère pour
leur arracher des cris. Pour montrer moins de signes de la douleur, en
éprouvent-ils moins? je le crois.
En quel pays d’Europe trouverait-on des malheureux qui, pour une récompense
médiocre, se fissent tournoyer en l’air avec vitesse, suspendus à une
corde par deux crochets aigus de fer passés comme des hameçons dans les
chairs du dos? Chaque année, à une des fêtes religieuses du printemps, des
gens de bonne volonté se soumettent à ce supplice, payés par des hommes
riches et hypocrites qui prétendent faire leur salut par les mortifications de
la chair d’autrui, et ils le subissent sans proférer une plainte; quelques-uns
en chantant. Guéris de leurs blessures, on les voit s’y-soumettre de nouveau
l’année suivante. Cependant, ce ne sont pas des martyrs, ils ne jouissent pas
dans leur supplice de la perspective des béatitudes célestes, ils savent tres-bien
que leur récompense se bornera à une centaine de roupies, a5o francs.
Les Chinois vont bien plus loin; ils se font, non torturer quelques minutes,
mais décapiter par procuration. Un homme riche, condamné à mort, est
admis quelquefois à se faire représenter par un remplaçant , et il en
trouve!— Cependant il ne s’agit pas seulement d’avoir la tête tranchée, des
supplices atroces précèdent ordinairement la mise à mort du condamné. Un
homme se vend en Chine pour le bourreau, afin de donner du pain à sa
famille, comme en Europe il se dévoue aux chances de la guerre, dans un
motif également intéressé. Quel doit etre 1 amour de cet homme pour sa famille?
ou l’obtusité de sa sensibilité physique? L ’un et l’autre nous sont
également incompréhensibles.
L e E o r t d’Ad.tigiiub. — C’est le sommet aplati et escarpé d’une montagne
en forme détour (Pl. X V I , fig. 3) , continue par sa base aux racines de celles
qui supportent le plateau de Panna.' Elle termine à peu près une petite branche
qui se détache de celles-ci vers le nord (vers les plaines du Bundelkund), se
relevant à la même hauteur que le plateau. Un col large et profond s’en
isole, nonobstant sa connexion et la continuité de leurs bases. Elle est séparée
pareillement d’une autre montagne de structure semblable, mais de forme
différente, à sommet conique échancré, situee au N . E ., laquelle est le dernier
grand relèvement de la même branche.
Ses pentes, fort roides depuis sa base, se relèvent sous le sommet jusqu’à
devenir presque verticales. Cette large tour, dont le diamètre au sommet
n’est pas moindre d’un mille (1 1.), est crénelée; cest 1 ouvrage des hommes.