
verses parties de l’Inde et au Caboul; des étoffes de coton imprimées en couleur
dans le goût des châles de Cachemir, et des soieries, dont la majeure partie
est transportée dans le Deccan.
Mirzapour, avant la domination des Anglais et les entraves dont la Compagnie
a chargé le commerce, pour en voir périr quelques branches, au lieu d’en
réserver, comme elle l’espérait, tous les fruits pour elle seule, Mirzapour
était un des plus vastes entrepôts de l’Inde. C’était là que le Bengale échangeait
ses produits contre ceux des provinces septentrionales de l’Empire, ses grains,
et le sel fabriqué par la lixiviation des terres salées à l’embouchure du Gange.
Le prix de ces denrées, élevé d’une manière exorbitante par quelques compagnies
de monopolistes jalouses de réaliser immédiatement de grandes fortunes,
et peu soucieuses des chances de l’avenir pour leurs successeurs, éloigna
les acheteurs ; les vastes principautés d’Oude et d’Allahabad se pourvurent de
sel à D eh li, et l’importance commerciale de Mirzapour décrût rapidement
comme celle de Bénarès.
Mirzapour est la résidence d’un Rajah de la plus haute caste, très-supérieur
en rang à celui de Bénarès, mais grevé de dettes et fort misérable, me dit-on.
Je n’ai pu parvenir à savoir ce que l’on appelle la misère d’un Rajah. Il habite
une belle maison bâtie à l’européenne sur la rive gauche du Gange, en face
et un peu au-dessous de la ville. Aucune relation entre lui et les résidents
européens. A en juger par les journaux de Madras, il y aurait plus de rapports
entre les grands seigneurs indiens de cette partie de l ’Empire et les
officiers du Gouvernement anglais, qu’au Bengale et dans les provinces de la
grande présidence.
Les avenues de Mirzapour sont une des portions du territoire indien les
plus infestées de voleurs; c’est qu’ils y trouvent toujours à piller. Les moyens
de répression sont évidemment insuffisants ; et le Gouvernement anglais n’en
adoptera pas d’autres tant que les voleurs auront la prudence de ne pas massacrer
des sujets anglais. Cette douceur de la justice est une prime d’encouragement
au crime, au brigandage. «Mais,» dit-on, «les Dec oit s ne sont pas
« des gens du p ays, ce sont des gens de la province d’Oude ; ils passent par
« petites bandes inaperçues, qui se grossissent tout à coup en une troupe
« formidable, en se réunissant en un lieu favorable à leurs entreprises, puis
« ils se dispersent, traversent le Gange, et il est impossible de les saisir. »
Une petite guerre d’extermination faite à cette population vagabonde et armée,
amènerait seule l’ordre : les voies ordinaires de la justice suffisent à le maintenir
quand il a été une fois établi ; mais pour le commencement elles sont absolument
insuffisantes. Ici, il n’y a qu’une chose à faire d’un brigand, c’est de le tuer;
car il est impropre à toute autre chose que le brigandage, et s’il élève une
famille, ce sera dans ses habitudes. Tels étaient et tels sont encore assurément
les Klephtes de la Grèce; tels sont, dans l’Inde, les Bhîls et les Pindarris.
Ils sont brigands de père en fils : et ce n’est pas seulement la nécessité qui
les y force tous. La vie aventureuse d’un voleur de grand chemin, là où elle
n’est pas couverte d’infamie et menacée à chaque instant de l’échafaud, a des
charmes qui font dédaigner à bien des hommes une existence laborieuse et
paisible. Pour réprimer cette perversion de l’instinct, ou peut-être ce penchant
de notre nature, il faut des moyens proportionnés à sa puissance :
des cours martiales qui fusillent sans rémission les coupables de la moindre
participation au crime.
Les louanges que j ’entends chanter, pendant l’élégant cüner du magistrat,
M. Taylor, à Bonaparte, dieu de la liberté, me donnent des accès de jacobinisme
et d’ultracisme. C’est une chose étrange que l’ignorance profonde
où sont, de l’état intérieur de la France sous l’Empire, des hommes qui connaissent
si bien l’histoire politique de leur pays et celle des événements dont
l’empereur semait l’Europe. Parmi la jeunesse, toutes les opinions semblent
se confondre dans une commune admiration, dans de l’amour presque, pour
Napoléon. Je ne sais qui en est le plus enthousiaste ic i, d’un homme sensé
et libéral, ou d’un tory enragé, dévoué à lord Eldon. L’aristocratie a , dans la
société anglaise, des racines bien profondes.
Les membres de la station essayaient de souscrire entre eux pour bâtir
une église et entretenir un prêtre. Les femmes, qui ont grand besoin de dévotion
dans l’Inde pour passer le temps, se plaignaient de la froideur que
les militaires montraient pour cette proposition.
C l im a t . — Chacun semble revendiquer pour soi les plus insupportables chaleurs.
A Calcutta, on dit qu e , si le thermomètre ne monte pas aussi haut
que dans les provinces septentrionales, il y a dans l’air une qualité énervante
qui fait paraître bien plus forte cette chaleur, en réalité moindre ; et cela peut
être vrai. De tout ce que j ’avais entendu et lu, j ’avais cependant conclu que
nulle part les hot winds n’échaufiaient l’atmosphère autant qu’au pied des
montagnes. A Mirzapour, on dit qu’ils sont encore plus terribles, ainsi que
dans l’Inde centrale, à Jebbelpour et à Nagpour.
La température du mois de janvier, au soleil levant, varie de 40 à 46o
Fahrenheit, 4 à 70 centigrades. Le feu est nécessaire matin et soir dans les