parcouru un premier pié : donc la durée des chofes
qui co-exiftent au mobile pendant qu’il parcourt un
pié , étant prife pour un , la durée de celles qui co-
exifterontà l'on mouvement pendant qu’il parcourra
deux pies fera deux , 6c -ain.fi de fuite ; enlorte que
par-là le unis devient commenfurable , puifqu’on
peut afîïgner la raifon d’une durée à une autre durée
qu’on avoit prife pour l’unité ; ainli dans les horloges
l’aiguille fe meut uniformément dans un cercle, 6c
la douzième partie de la circonférence de ce cercle
fait unité , 6c l’on mefure le unis avec cette unité,
en difimt deux heures., trois heures , &c. De même
on prend une année pour un , parce que les révolutions
du foleil dans l’écliptique font égales, au-moins
fenfiblement, 6c on s’en fert pour mefurer d’autres
durées par rapport à cette unité. On connoît les
efforts que les Aftronômes ont faits pour trouver un
mouvement uniforme qui les mît à portée d’en mefurer
exactement le unis, 6c c’eft ce que M. Huyg-
hens a trouvé par le moyen des pendules. V Pendule
, &c. ) ’ ^
Comme ce. font nos idées qui nous repréfentent
les êtres fueceflifs., la notion du unis naît de la fuc-
ceflion de nos idées, 6c non du mouvement des corps
extérieurs ; car nous aurions une notion du unis ,
quand même il n’exifteroit autre chofe que notre
ame , 6c en tant que les chofes qui exiflent hors Ue
nous font conformes aux idées de notre ame qui les
repréfentent, elles exiftent dans le unis.
Le mouvement eft fi loin de nous donner par lui-
même l’idée de la durée, comme quelques philofo-
phes l’ont prétendu, que nous n’acquérons même
l ’idée du mouvement, que par la réflexion que nous
faifons fur les idées fucceflives, que le corps qui fe
meut excite dans notre efprit par fa co-exiftence fuc-
ceflive aux différens êtres qui l’environnent. Voilà
pourquoi nous n’avons point l’idée du mouvement,
en regardant la lune ou l’aiguille d’une montre, quoique
l’une 6c l’autre foit en mouvement ; car ce mou A
vement eft fi lent, que lé mobile paroît dans ce même
point pendant que nous avons une longue fuc-
ceffion d’idées. Le unis bien loin d’être la même
choie que le mouvement, n’en dépend donc à aucun
égard. Tant qu’il y aura des êtres dont l’exiftence fe
fuccédera , il y- aura néceflairement un tems, foit'
que les êtres fe meuvent ou qu’ils foient en repos.
Il n’y a point de mefure du ums exactement jüfte.
Chacun a la mefure propre du unis dans la promptitude
du la lenteur avec laquelle fes idées fe fucce-
dent, & c’eft de ces différentes vîteffes en diverfes
perfonnes, ou dans la même en divers tems , que
naiffent cés façons de parler ,j'a i trouvé le tems bien
Ions ou bien court; car le rem .nous paroît long, lorf-
que les idées fe fuccedent lentement dans notre efprit
, 6c au contraire. Les mefures du ums font arbitraires
, 6c peuvent varier chez les différens peuples ;
la feule qui foit univerfelle , c’eft l’inftant. Lifeç fur
la mefure du rem les écrits de Meilleurs Leibnitz 6c
Clarke, dans le recueil de diverfes pièces, publié par
M. des Maizaux.; 1 e tome I.chap. vj. des infiitutions
de phyftque de Madame du Châtelet ; & les paragraphes
âGc). 58 y. de l'ontologie de M. Wolf. Article de
M. FoRMEY.
Quelques auteurs diftinguent le tems en aftrono-
mique & civil.
Le tems aftronomique eft celui qui fe mefure purement
& fimplement par le mouvement des corps
céleftes: : • .•
Le ums civil n’eft autre chofe que le ums aftronomique
, accommodé aux ufages de la fociété c ivile,
& divifé en années, mois * jours, &c. Voye^ Jour ,
Semaine , M o is , Année , &c. Voyez duffi Alm a n
a ch , C alendrier, & c.
Le ums fait l’objet de la chronologie. Voye{ C hronologie.
. On diftingue aufli dans l’Aftronomie le tems vrai
ou apparent, 6c le tems moyen ; on en peut voir
l’explication kl'article ÉQUATION du tems. Cham-
bers.
' T ems , f. m. ( Gramm.j les Grammairiens , fi l’on
veut juger de leurs idées par les dénominations qui
les défignent, femblent n’avoir eu jufqu’à préfent
que des notions bien confiifes des tems en général 6c
de leurs différentes efpeces. Pour ne pas fuivre en
aveugle le torrent de la multitude, 6c pour n’en
adopter les décifions qu’en connoiffance de caufe ,
qu’il me foit permis de recourir ici-au flambeau dë la
Métaphyfiqué ; elle feule peut indiquer toutes les
idées Comprifes dans la nature des ums, 6c les différences
qui peuvent en conftituer les éfpëces : quand
elle aura prononcé fur les points de vue poflibles, il
ne s’agira plus que de les reconnoître dans les ufages’
connus des langues, foit en les confidérant d’une maniéré
générale , foit en les examinant dans les différens
modes du verbe.
A r t . I. Notion générale des tems. Selon M. de Gâ-
maches ( dijfert. I. de fo n Ajlronomie phyfique ) que
l’on peut en ce point regarder comme Porgane de
toute l’école cartéfienne fie tems eft la fuccsffion même
attachée à Vexiflence de la créature. Si cette notion du
ums a quelque défaut d’exattitude, il faut pourtant
avouer qu’elle tient de bien près à la v érité, puifque
l’exiftence fucceflive des êtres eft la feule mefure du
unis qui foit à notre portée, comme le tems devient
à fon tour la mefure de l’exiftence fucceflive.
Cette mobilité fucceflive de l’exiftence ou du ums,
nous la fixons en quelque forte , pour la rendre commenfurable
, en y établiflant des points fixes caraç-
térifés par quelques faits particuliers : de même que
nous parvenons à foumettre à nos mefures 6c à nos
calculs l’étendue intellectuelle , quelque impalpable
qu’elle fo it, en y établiflant des points fixes carac-
térifés par quelque corps palpable 6c fenfible.
On donne à ces points fixes de la fuccéflion de
l’exiftence ou du um s , le npm d’époques ( du grec
Way.it, venu de w W w , morari, arrêter ) , parce que
ce-font des inftans dont on arrête , en quelque maniéré
, la rapide mobilité, pour en faire comme des
lieux de repos , d’où l’on obferve , pour ainfi dire ,
ce qui Co-exifte, ce qui précédé 6c ce qui fuit. On
appelle période , une portion du tems dont le commencement
& la fin font déterminés’ par des époques
: dé 7mpi, circum, 6c oS'u , via ; parce qu’une
portion de tems bornée de toutes parts, eft comme
un efpace autour duquel on peut tourner.
Après ces notions préliminaires 6c fondamentales,
il femble que l’on peut dire qu’en général les tems
font les formes du verbe, qui expriment les différens rapports
d.' exiftence aux diverfes époques que Üon peut en-
v i f ager dans La durée.
Je dis d’abord que ce font les formes du verbe, afin
de comprendre dans .cette définition, non-feulement
les fimples inflexions confacrées à cet ufage , mais
encore toutes les locutions qui y font deftinées ex-
clufivemenî, 6c qui auroient pu être remplacées par
des terminaifons ; enforte qu’elle peut convenir également
à ce qu’on appelle des ums fimples, des tems
compofés ou furcompofés , 6c même à quantité d’idio-
tifmes qui- ont une deftination analogue , comme en
françois,. j e viens d'entrer , fa llo is fp r tir , le monde
doit finir , 6cc.
J’ajoute que ces formes expriment les différens rapports
d'exiftence aux diverfes époques que to n peut en-
v i f ager dans la durée : par-là après avoir indiqué le
matériel des ums , j’en caratterife la fignification ,
dans laquelle il y a deux chofes ;à confidérer, favoir
les rapports d’exiftence à une époque , 6c l’époque
qui eft le terme de comparaifon. '
s-
§.I. Première divifiongénérale des L’exiftence
peut avoir, en général, trois fortes de rapports à l’époque
de comparaifon : rapport definitdtanéité, lorfque
l’exiftence eft coïncidente avec l’époque ; rapport
à!antériorité, lorfque l’exiftence précédé l’époque
; 6c rapport de poflériorité, lorfque l’exiftence
fuecede à l’epoque. De-là trois efpeces générales de
unis, les préfens, les prétérits & les futurs.
Les préfens font les formes du verbe, qui expriment
la fimultanéité d’exiftence à l’égard de l’époque
de comparaifon. On leur donne le nom de préfens,
parce qu’ils défignent une exiftence , q u i, dans le
tems même de l’epoque , eft réellement préfente,
puifqu’elle eft fimultanée avec l’époque.
Les prétérits font les formes du verbe , qui expriment
l’antériorité d’exiftence à l’égard de l’époque
de comparaifon. On leur donne le nom de prétérits ,
parce qu’ils défignent une exiftence , q u i, dans le
tems meme de l’époque, eft déjà paflee ( proeteriia ) ,
puifqu’èlle eft antérieure à l’époque.
Les futurs font les formes du verbe , qui expriment
là poftériorité d’exiftence à l’égard de l’époque
de comparaifon. On leur donne le nom de futurs,
parce qu’ils défignent une exiftence, q u i, dans le
tems meme de l’époque, eft encore à venir (futum'),
puifqu’elle eft poftérieure à l’époque.
C ’eft véritablement du point de l’époque qu’il faut
envifager les autres parties de la duree fucceflive
pour apprécier l’exiftence ; parce que l’époque eft le
point d’obfervation : ce qui co-exifte eft prefent, cé
qui précédé eft paffé ou prétérit * ce qui fuit eft avenir
ou futur. Rien donc de plus heureux que les dénominations
ordinaires pour défigiier les idées que
l ’on vient de développer ; rien de plus analogue que
ces idées, pour expliquer d une maniéré plaufible les 1
termes que l’on vient de définir.
L’idée de fimultanéitéc-araâérife très-bien lespré-
fens ;^ celle d’antériorité eft le caraftere exaû des
prétérits ; & l’idée de poftériorité offre nettement la
différence des futurs.
Il n’eft pas poflible que les tems des verbes expriment
autre chofe que des rapports d’exiftence à
quelque époque dè comparaifon ; il eft égàlefnent
impoflible d’imaginer quélque efpece de rapport autre
que ceux que l’on vient d’expofer: il ne peut
donc en effet y avoir que trois efpèces générales de
tems, & chacune doit être différenciée par l’u-n de
ces trois rapports généraux.
Je dis trois efpeces générales de Tè m 5,parce que chaque
efpece peut fe foudivifér, & fe foudivife réellement
en plufieurs branches, dont les caratteres dif-
îinftifs dépendent des divers points de vue acceflbi-
res qui peuvent fe combiner avec les idées générales
& fondamentales de ces trois efpeces primitives.
§ . z. Seconde divifion générale des T e m s . La foudi-
vifion la plus générale des tems doit fe prendre dans
la maniéré d’envifager l’époque de comparaifon , ou
fous un point de vue général & indéterminé, où fous
un point de vue fpécial & déterminé.
Sous le premier afpeû, les ums des verbes expriment
tel ou tel rapport d’exiftence à une époque
quelconque 6c indéterminée : fous le fécond a lp e a ,
les tems des verbes expriment tel ou tel rapport
d’exiftence à une époque précife 6c déterminée.
Les noms d'indéfinis 6c de définis employés ailleurs
abufivement par le commun des Grammairiens, me
paroiflent afîez propres à caraûérifer ces deux différences
de tems. On peut donner le nom d'indéfinis à
ceux de la première efpece , parce qu’ils ne tiennent
effectivement à aucune époque précife 6c déterminée
, & •qu’ils n’expriment en quelque forte que l’un
des trois rapports généraux d’exiftence, avec abftrac-
tion de toute époque de comparaifon. Ceux dé la fécondé
efpece peuvent être nommés définis, parce
Tome X F I ,
qu ils font efîentiellement relatifs à quelque époque
précife 6c déterminée.
Chacune des trois efpecés générales de tems eft fuf-
ceptible de cette diftinCtion, parce qu’on peut également
confidérer & exprimerla fimultanéité, l’antériorité
6c la poftériorité, ou avec abftra&ion de toute
époque, OU avec relation à une époque précife
6c déterminée ; on peut donc diftinguer en indéfinis
6c définis , les préfens , les prétérits 6c les futurs.
TJn préfent indéfini eft une forme du verbe qui exprime
la fimultanéité d’exiftence à l’égard d’une époque
quelconque ; un préfent défini eft une forme du
vërbe qui exprime la fimultanéité d’éxiftence à l’égard
d’une époque précife & déterminée.
Un prétérit indéfini eft une forme du verbe qui exprime
l’antériorité d’exiftence à l’égard d’une époque
quelconque; un prétérit défini eft une forme du verbe
qui expriment l’antériorité d’exiftence à l’égard d’une
époque précife 6c déterminée.
Lin. futur indéfini eft une forme du verbe qui exprime
là poftériorité d’exiftence à l’égard d’une époque
quelconque ; un futur défini eft une forme du
verbe qui exprime la poftériorité d’exiftence à l’égard
d’une époque précife 6c déterminée.
§. 3. Tro'îfieme divifion générale des Te m s . Il n’y a
qu’une maniéré de faire abftraftion de toute époque,
6c c’eft pour cela qu’il ne peut y avoir qu’un préfent,
un prétérit & Un futur indéfini. Mais il peut y avoir
fondement à la foudivifion de toutes les efpeces de
tems definis, dans les diverfes pofitions de l’époque
précife de comparaifon, je veux dire, dans les di-
verfès relations dë cette époque à un point fixe de la
durée.
Ce point fixé doit être le même pour celui qui parle
6c pour ceux à qui le difeours eft tranfmis , foit
de vive voix foit par écrit; autrement une langue
ancienne feroit, fi je puis le d ire, intraduifible pour
les modernes ; le langage d’un peuple feroit incommunicable
à un autre peuple, celui même d’un homme
feroit inintelligible pour un autre homme, quel-
qu&affinité qu’ils euffent d’ailleurs.
Mais dans cette fuite infinie d’inftans qui fe fuccedent
rapidement qui nous échappent fans ceffe,
auquel doit-on s’arrêter, & par quelle raifon de préférence
fe déterminera-t-on pour l’un plutôt que pour
l’autre ? Il en eft du choix de ce point fondamental,
dans la grammaire, comme de celui d’un premier
méridien, dans la géographie; rien de plus naturel
que de fe déterminer pour le méridien du lieu même
où le géographe opéré ; rien de plus raifonnable que
de fe fixer à l’inftant même de la produ&ion de la parole.
C’eft en effet celui qui, dans toutes lès langues,
fert de dernier terme à toutes les relations de ums
que l’on a befoin d’exprimer, fous quelque formé
que l’on veuille les rendre fenfibles.
On peut donc dire que la pofition de l’époque de
comparaifon eft la relation à l’inflant même de l’a&e
de la parole. Or cette relation peut être aufli ou de
fimultanéité, ou d’antériorité , ou de poftériorité 9
Ce qui peut faire diftinguer trois fortes d’époques déterminées
: une époque actuelle qui coïncide avec
l’adè de la parole : une époque antérieure, qui précédé
Patte ae la parole : 6c une époque poflérieure,
qui fuit Patte de fa parole.
De-là la diftinftion des trois efpeces de tems défi-.
niS entrois efpeces fubalternes , qui me femblent ne
pouvoir être mieux carattérifées que par les dénominations
d'actuel, dé antérieur 6c de poflérieur tirées
de la pofition même de l’époque déterminée qui les
différencie.
Un préfent défini eft donc actuel, antérieur ou pof-
térieur, félon qu’il exprime la fimultanéité d’exiftence
à l’égard d’une époque déterminément attuelle, antérieure
ou poftérieure.
N