tient la voile lorfqu'on veut la hifler, ou qü’on veut
la ramaffer.
Ces fortes de bûtimens ne font nullement bons
voiliers ; ils tiennent cependant mieux le vent que
les nôtres : ce qui vient de la roideur de leurs voiles
qui ne codent point au vent ; mais aufli comme la
conftruilion n en elt pas avantagent le , ils perdent à
la dérive l’avantage qu'ils ont lur nous en ce point.
Ils ne calfatent point leurs vaiffeaux avec du gau-
dron, comme on t'ait en Europe. Leur calfius eft fait
d’une efpece de gomme particulière, & il elt li bon
qu’un l'eul puits ou deux à tond de cale du vaijfeau
i'utfit pour le tenir fec. Jufqu’ici ils n’ont eu aucune
connoilfance de la pompe.
Leurs ancres ne font point de fer comme les nôtres;
elles font d'un bois dur & pelant,qu’ils appellent
bois de fer. Ils prétendent que ces ancres valent beaucoup
mieux que celles de fer, parce que, dil'ent-ils,
celles-ci font iujettes à le faufl'er : ce qui n’arrive pas
à celles de bois qu’ils emploient; cependant pour l’ordinaire
elles font armées de fer aux deux extrémités.
Les Chinois n’ont fur leur bord ni pilote > ni maître
de manoeuvre ; ce font les feuls timonniers qui
tonduifent le vaijfeau, & qui commandent la manoeuvre;
ils font néanmoins allez bons manoeuvriers,
'niais très-mauvais pilotes en haute mer. Ils mettent
le cap fur le rumb qu’ils croyent devoir taire, & fans
le mettre en peine des élans du vaijfeau, ils courent
ainli comme ils le jugent à-propos. Cette négligence
vient en partie de ce qu'ils ne font pas de voyages de
long cours.
Mais le leéteur fera bien aife de trouver ici la description
détaillée d’un grand naijfeau chinois, faite
par cinq millionnaires jel'uitespendant leur traverfe
de Siam à Canton en 1687.
Sa mâture. Cette fomme qu’ils montèrent fuivant
la maniéré de compter , qui a cours parpii les portugais
des Indes, étoit çiu port de 1900pics : ce qui à
ralfon de 100 catis ou 115 livres par pic , revient à
près de 12.0 tonneaux ; la pefanteur d’un tonneau elt
évaluée à deux mil e livres. Le gabarit en étoit a fiez
beau, à la réferve de la proue qui étoit coupée, plate
& fans éperon. Sa mâture étoit différente de celle
de nos vaiÿcaux, par la difpofition, par le nombre
& par la force des mâts; fon grand mât étoit placé,
ou peu s’en falloir , au lieu où nous plaçons notre
mât de mifaine, de forte que ces deux mâts étoient
affez proche l’un de l’autre. Ils avoient pour étai 6c
pour haubans un Simple cordage, qui fe tranfportoit
de bas-bord à tribord, pour être toujours amarré au-
defîus du vent. Elle avoit un beaupré 6c un artimon
qui étoient rangés à bas-bord. Au relie ces trois derniers
mâts étoient fort petits, & méritoient à peine
ce nom. Mais en récompenfe le grand mât étoit extrêmement
gros par rapport à la lomme , 6c pour le
fortifier encore davantage, il étoit faifi par deux jumelles
qui le prenoiént depuis la carlingue jufqu’au-
deffus du :econd pont. Deux pièces de bois plates
fortement chevillées à la tête du grand mât, & dont
les extrémités alloient fe réunir fept ou huit pies au-
delfusde cette tête, tenoient lieu de mât de hune.
Sa voilure. Pour ce qui eft de la voilure, elle con-
ülroit en deux voiles quarrées faites de nattes, fa-
voir la grande voile & la milaine. La première avoit
plus de 45 piés de hauteur fur 28 ou 30 de largeur ;
la leconde étoit proportionnée au mât qui la portoit.
Elles étoient garnies des deux côtés de plufieurs
rangs de bambous, couchés fur la largeur de la voile,
à un pié près les uns des autres en-dehors , 6c beaucoup
moins ferrés du côté des mâts dans lefquels
elles étoient enfilées par le moyen de plufieurs chapelets
, qui prenoient environ le quart de la largeur
de la voile, en commençant au côté qui étoit fans
écoute, de forte que les mâts les coupoient en deux
parties fort inégales, laiffant plus des trois quarts dé
la voile du côté de l’écoute, ce qui lui donnoit lo
moyen de tourner fur fon mât comme fur un pivot.
lur lequel elle pouvoit parcourir fans obftacle dit côté
de la pouppeau moins 26 rumbs, quand il falloit
revircr de bord , portant ainfi tantôt lur le mût, 6c
tantôt y étant feulement attachée par les chapelets.
Les vergues y fervoient de ralingue par le haut; un
gros rouleau de bois égal en grolfeur à la vergue ,
Faifoit le même office par le bas ; ce rouleau fervoit
à tenir la voile tendue; & afin qu’il ne la déchirât
pas, il étoit foutenu en deux endroits par deux ais,
qui étoient fufpendus chacun par deux amarres, lefquels
defcendoient du haut du mât à cet effet. Chacune
de ces voiles n’avoit qu’une écoute , un couet,
& ce que les Portugais nomment aragnéc, qui eft une
longue fuite de petites manoeuvres qui prennent le
bord de la voile depuis le haut jufqu’au bas, à un ou
deux piés de diftance les unes des autres, 6c dont
toutes les extrémités s’amarroient fur l’écoute, où
elles faifoient un gros noeud.
Sa manoeuvre. Ces fortes de voiles fe plient 6c fe
déplient comme nos paravents. Quand on vouloit hif-
fer la grande voile, on fe fervoit de deux virevaux
6c de trois driffes, qui paffoient fur trois rouets de
poulies enchâflées dans la tête du grand mât. Quand
il eft queftion de l’amener, ils y enfonçoient deux
crocs de fer, 6c après avoir largué les driffes, ils en
ferroient les différens pans à diverfes reprifes, enha-
lant avec force fur les crocs.
Inconvénient de cette manoeuvre. Ces manoeuvres
font rudes, 6c emportent beaucoup de tems. Aufli
les Chinois , pour s’en épargner la peine, laifloient
battre leur voile durant le calme. Il eft aifë de voir
que le poids énorme de cette voile joint à celui du
vent qui agiffoit fur le mât, comme lur un levier,
eût dû faire plonger dans la mer toute la proue, fi les
Chinois n’avoient prévenu dans l’arrimage cet inconvénient
en chargeant beaucoup plus l’arriere que l’avant,
pour contrebalancer la force du vent. De-là
vient que quand on étoit à l’ancre, la proue étoit
toute hors de l’eau, tandis que la pouppe y paroif-
foit fort enfoncée. Ils tirent cet avantage de la grandeur
de cette voile & de la fituation fur l’avant, qu’ils
font un grand chemin de vent arriéré ; mais en
échange, de vent largue 6c de bouline, ils ne peuvent
tenir, 6c ne font que dériver, fans parler du danger
où ils font de virer, quand ils fe laiflent furprendre
d’un coup de vent.
Dans le beau tems, on portoit outre une civadie-
re , un hunier, un grand coutelas qui fe mettoit au
côté de la voile, laquelle étoit fans écouté, des bonnettes
& une voile quarrée à l’artimon. Toutes ces
voiles étoient de toiles de coton.
Difpofition de la pouppe. La pouppe étoit fendue
par le milieu, pour faire place au gouvernail dans
une efpece de chambre qui le mettoit à couvert des
coups de mer dans le gros tems. Cette chambre étoit
formée par les deux côtés de la pouppe, qui laiflant
une large ouverture en-dehors, fe rapprochoient
peu-à-peu en-dedans, ou ils faifoient un angle rentrant
dont la pointe étoit coupée , pour donner au
jeu du gouvernail toute la liberté.
Du gouvernail. Ce gouvernail étoit fufpendu par
deux cables, dont les extrémités étoient roulées fur
un vireveau placé fur la dunete, afin de le bailler 6c
de le lever à-propos. Deux autres cables , qui après
avoir paffé par-deflous le vaijjeau, venoient remonter
par la proue à l’avant, où on les bandoit à l’aide
d’un vireveau, quand ils étoient relâchés, tenoient
la place des gonds qui attachent les nôtres à l’eftam-
bort. Il y avoit une barre de fept à huit piés de long
fins manivelle 6c fans poulie , pour augmenter la
force du timonier. Quatre manoeuvres attachées deux
à chaque bord du vaijfeau, 6c dont une de chaque
fcôté faifoit quelques tours fur le bout de la barre ,
fervoient au timonnier à le tenir en état.
Inconvénient de ce gouvernail. Un gouvernail de
cette maniéré ne fepeut faire fentir que foiblementà
un vaijjedu, non-feu leiheht parce que les cables,par
le moyen defquels il lui communique fon mouvement,
prêtent beaucoup 6c S’alongent aifement,
mais principalement à caufe des élans continuels qu'ils
lui donnent par le trémouflement où il eft la ns
ceffe ; d’où naît un autre inconvénient, qui eft qu’on
a toutes les peines du monde à tenir cônftamment le
même rumb dans cette agitation continuelle.
De la bOufJdle. Le pilote ne fe fervoit point de compas
de marine ; il régloit fa route avec de fimples
bouffoles, dont le limbe extérieur de la boëte était
partagé en vingt-quatre parties égales, qui mar-
quoient les rumbs de vent; elles étoient placées fur
une couche de fable, qui fervoit bien moins à les af-
feoif mollérrient & à leS garantir des fecouflcs du
vaijfeau (dont l’agitation he laiftoit pas de faire perdre
à tout moment l’équilibre aux aiguilles),qu’à porter
les bâtons des paftilles dont on les parfumoit làns
Ceffe. Ce n’étoit pas le feül régal que la fuperftition
chinoife faifoit à ces bouffoles , qu’ils regardoient
Comme les guides allurés dé leur voyage, ils en venoient
jufqu’ à ce point d’aveüglement, que de leur
offrir des viandes en facrificè.
1 Le pilote avoit grand foin fur-tout de bien garnir
fon habitacle de clous ': cë qui fait connoître combien
Cetté nation eft peu entendue en fait de marine. Les
Chinois, dit-oh, ont été les premiers inventeurs de
la bouffole ; mais fi cela eft , comme on Paffure, il
faut qü ils aient bien peu profité de leur invention.
Us mettaient le cap au rumb où ils voûtaient porter,
par le moyen d’un filet de foie, qui coupoit la fur-
face extérieure de la bouffole en deux parties égales
du nord aü fud : ce qu’ils pratiquoient en deux manières
differentes; par exemple pour porter au nord-
è f t , ils mettaient Ce rumb parallèle à la quille du
'vaijfeau, & détournoient enfuite le vaijfeau jufqu’à
ce que l’aiguille fut parallèle au filet, ou bien, ce qui
revient au même, mettant le filet parallèle à la quille,
ilsfaifoientporter l’aiguille fur le nord-oueft.L’aiguil-
le de la plus grandè de cës bouffoles n’avoit pas plus
de trois pouces de longueur. Elles avoient toutes été
faites à Nangazaqui : un bout étoit terminé par une
Cfpece de fleur de ly s , & l’autre par un trident.
_ Du fond de cale. Le fond dé cale était partagé eh
fcinq ou lix grandes foutês ~féparées les unes des autres
par de fortes cloifons de bois. Pour toute pompe
, il y avoit un puits au pié du grand mât, d’où
fans autre artifice, ôn tiroit l’eau avec des féaux.
Quoiqlië les mets biffent extrêmement hautes & la
fomme exceflivëmeritchargée,cèpendànt parla force
de fes memBrurès & la bonté de fon calfat, elle
rie fit prefque point d’eau.
Compojition du calfat. Ce calfat eft une efpece de
compofition de chaux, d’une efpece de réfine qui découle
d un arbre nommé tiong-yéoh, 6c de filafle de
bambous. La chaux en eft la bafé ; & quand tout eft
f e c , on diroit que ce n’eft que de la chaux pure &
fans aucun mélange. Outre que le bâtiment en eft
beaucoup plus propre , on ne fent point, comme
dans nos vâifleaux, eetté Odeur de gaudron infup-
portable à quiconque n’y eft point accoutumé ; mais
Il y a encore en cela un avantage plus confidérablè,
c ’eft que par-là ils fe garaiitiffent des àccidens du feu,
auquel notrë brai de gaùdron expofe nos vaiffeaux;
Defcript. de la Chine par lt p. dii Halde. (D . J.')
V aisseaux JAPONOIS, (Marine du Japon.} tous
les vaiffeaux japoiiois qü’on voit fur mer, font faits
de bois de lapin ou de cedre, qu’on trouve en abondance
dans lej)ays. Ils font conftruits différemment,
Tom e X V I i
fmvant le but qu’on fe propofe, & Ici lieux pour Irf-
quels on les deftine.
Les bateaux de plaifir, qui font une efpece â part
6c dont on fe fort feulement pour remonter 6c descendre
les rivières, ou pour traverfer de petites
baies, différent encore beaucoup dans leur ftructure
la fantaifie de ceux â qui ils appartiennent. Ordinairement
ils font faits pour aller â la rame ; le premier
pont eft plus bas ; fur celui-là on en conftruit
un autre, qui a des fenêtres ouvertes, & qu’on peut
avec des paravents, divifer comme l’on veut en
plufieurs petites chambres ou loges. Le deflus & plu-
fleurs autres parties de ces bateaux font artifte-
ment ornées de diverfes banderolles, 6c d’autres
embelliffemens.
Les plus crands bâtimens que l’on ait au Japon
font les vaiffeaux marchands, qui s’expofent aux dangers
de la mer ( quoiqu’ils ne s’éloignent jamais beaucoup
des côtes ) , 6c qui fervent à tranfporter d’une
île ou d’une province à l’autre. Ils méritent une def-
cnption particulière, puifque c’eft par leur moyen
que le commerce s’étend dans toutes les parties de
"empire. •
Ils ont pour l’ordinaire quatorze toifes de loneu evx
fur quatre de largeur, & ils font fifits pour Sler à
w A rame* Ils vont en P™nte depuis le milieu
julqu à 1 eperon ; les deux bouts de la quille s’élèvent
confiderablement âu-deffus de l’eau; le corps duvaif-
feau n’eft pas convexe, comme celui de nos vaiffeaux
européens ; mais la partie qui eft fous l’eau statend
prefque en droite ligne du côté de la quille.La pouppe
eft large & plate, ayant une grande ouverture
dans ta milieu, qui va prefque jufqu’à fond de ca?e
& lame voir tout l’interieur du bâtiment. On avoit
d’abord inventé cette ouverture, pour conduire plus
aifement le gouvernail : depuis que l’empereur a ferme
l’entrée de fes états à tous tas étrangers, il a ordonne
expréffément qu’on ne bâtît point de vaijfeau
a S 7 ^air€ u.ne Pareilta ouverture ; & cela pour empêcher
fes fujets d’aller en haute-mer à quelque de£
fem que ce foit* p
Le tillac s’élève un peu vers la pouppe; il eft plus
large fur tas côtés, & dans cet endroit il eft plat &
uni : il eft fait feulement de planches de lapin , qui
ne font point fermes, ni attachées enfemble ; il eft
fort peu au-deflus de la furface de l’eau, quand le
vaijfeau a toute fa charge. Une efpece de cabane de
la hauteur d’un homme la couvre prelque tout-à-fàit *
il .y a feulement un petit efpace vers îéperon qu’oh
laifle vuide , pour y ferrer tas ancres & les cordages;
cettè cabanë avance hors du vaijfeau environ deux
pies de chaque côté, & tout-au-tour il y a des fenêtres
qui fe briferit, & qu’oh peut ouvrir ou fermer
comme l’on veut.
Dans le fond il y a de petites chambres pour les
paffageis, féparées tas unes des autres par des para-
vens & des portes, & dont tas planchers font couverts
de nattes artiftement travaillées ; la plus reculée
de ces chambres paffe toujours pour la meiiieu-
re , & par cette raifon elle eft deftinée au plus apparent
des paflagers. ^
Le deffus ou 1e pont le plus élevé eft un peu plat
& fait de planches fort propres & parfaitement bien
jointes : quand il pleut on amene 1e mât, 6c on le
met fur ce pont, & par-deffus on étend la voile, afin
que tas matelots puiffent y être à couvert, <5c y palier
la nuit.
Quelquefois pour ta garantir encore mieux de la
pluie, on 1e couvre de nattes de paille, qu’on a toutes
prêtes pour cet ufage.
Le vaijfeau n’a qu’une voile faite de chanvre, &
fort ample, 6c n’a qu’un mât placé environ une toile
plus avant que lè milieu, du côté de la pouppe. On
éleve ce mât, qui eft aufii long que le vaîffcau, ave«
K K k . k k ij