» mes. On les payoit en armes , draps Sc chevaine,
» & pour ne rien déguifer, on leur donnoit auflide
» l’argent ; mais pour rendre les récompenfes des
v gens de qualité plus honnêtes & plus dignes d’eux,
» les princeffes 8c les plus grandes dames y joi-
» gnoient fouvent leurs faveurs. Elles étoient fort
>> toibles contre les beaux efprits ». Hiß. du théâtre
franç.pag. 3 6* (T, oeuv. de AI. de Fontcnellc , torn. III.
Les plus célébrés troubadours font Arnaud Daniel,
né dans le xi), fiecle à Tarafcon ou à Beaucaire ou à
Montpellier, d’une famille noble , mais pauvre , auteur
de plufieurs tragédies & comédies, 8c entr’au-
tres d’un poëme intitulé , les illufions du paganifme „•
des poéfies duquel Pétrarque a bien fu profiter. An-
felme Faydit, Hugues Brunet, Pierre de Saint-Remi,
Perdrigon, Richard de Noues, Luco, Parafols, Pierre
Roger, Giraud de Bournel, R-emond le Proux,
Ruthehceuf, Hebers, Chrétien de Troies , Eufiace
Ii peintre, &c.
Ces troubadours brillèrent en Europe environ 2.50
ans, c’eft-à-dire, depuis 112.0 ou 1130, jufqu’à la
fin du regne de Jeanne I. du nom, reine de Naples Sc
de Sicile, 8c comteflè de Provence, qui mourut en
1381. Alors défaillirent les Mécènes, 8c défaillirent
-auffi les poètes, dit Noftradamus. D ’autres voulurent
fuivre les traces des premiers troubadours, mai%
n’en ayant pas la capacité, ils fe firent mépriler ; de
forte que tous ceux de cette profeflion fe léparerent
en deux différentes efpeces d’afleurs ; les uns fous
l ’ancien nom de jongleurs, joignirent aux inftruniens
le chant ou le récit des vers, 8c les autres prirent
Simplement le nom de joueurs, joculatores, ainfi qu’ils
font nommés dans les anciennes ordonnances.,
M. l’abbé Goujet de qui nous empruntons ceci,
remarque que parmi ces poètes il y en eut qu’on
nomma comiques,. c’eft-à-dire comédiens, parce qu’en
effet ils jouoient eux-mêmes dans les pièces qu’ils
çompofoient, 8c peut-être dans celles q,u’ils débi-
toient à la cour des rois & des princes où ils étoient
admis. Suppl, de Morery.
TROU BLE, f. m. ( Gram.') état contraire à celui
de paix, de tranquillité, de repos. On dit le trouble
de l’air , le trouble des eaux, le trouble des provinces
, les troubles d’une maifon, le trouble des pallions,
de la confcience , du coeur , de l’efprit. Il y avoit
dans toutes fes aôions ce trouble que caufe toujours
l’amour vrai dans l’innocence de la première jeuneffe:
les difeours de celui qui aime, font accompagnés d’un
trouble plus fédu&eur que tout ce qu’il dit.
T rouble , ( Jurifprud. ) .eft l’interruption qui eft
faite à quelqu’un dans fa poffelîion.
Pour acquérir la prefcription il faut entr’autres
chofes avoir joui fans trouble pendant le tems fixé par
la loi.
Le trouble eft de fait ou de droit.
On entend par trouble de fait celui qui fe commet
par quelque a&ion qui nuit au poffeffeur , comme
quand un autre vient prendre poffelîion du même
héritage, qu’il le fait labourer ou enfemencer, qu’il
en fait récolter les fruits , ou lorfqu’il empêche le
premier poffeffeur de le faire.
Le trouble de droit eft celui qui fans faire obftacle
à la poffelîion de fa it, empêche néanmoins qu’elle
ne foit utile pour la prefcription , comme quand on
fait lignifier quelque a été au poffeffeur pour interrompre
fa poffelîion.
Celui qui prétend avoir la poffelîion d’an 8c jour,
& qui intente complainte , déclare qu’iLprend pour
trouble en fa poffelîion d’an 8c jour l’aéte qui lui a été
lignifié, ou l’ entreprife faite par fon adverfaire , il,
demande d’être maintenu dans fa poffelîion ; 8c pour
réparation du trouble , des dommages 8c intérêts.
Voye{ C omplainte Possession % Prescrip-
IION. (A)
T rouble , ( Pêcherie. ) filet de pêcheurs dont on
ne fe fert guere qu’en hiver , pour aller pêcher le
long des rivages en l’enfonçant fous lesbordages,ce.
qui ne pouvant s’exécuter fans troubler l’eau , a donné
le nom au filet. 11 eft fait en demi-rond , que forme
un morceau d’orme autour duquel le filet de la
trouble eft attaché ; une fourchette ae bois à deux ou
trois fourchons foutient le morceau d’orme 8c fert
de manche : on ne s’en fert que de deffus le bateau.
Ce filet a ordinairement huit à neuf piés de hauteur.
Savary. (D .J .)
TROUBLÉE, adj. ( Mathémat. ) on dit que des
grandeurs font en raifon troublée , quand étant proportionnelles
, elles ne le font pas dans le même ordre
où elles font écrites. Supposions les trois nombres
2 , 3 , 9 , dans un rang, 8c trois autres 8 , 2 4 3 6 ,
dans un autre rang proportionnel aux trois précédens,
mais dans un ordre différent ; en forte que 2 foit à
3 : : 24 eft à 3 6 , 8c 3 eft à 9 comme 8 eft à 24 on-
dit en ce cas que ces grandeurs font en raifon troublée.
'Voye^ R aison. Chambers. (E )
TROUCHET , {instrumentde Tonnelier.) c’ eft une
efpece de gros billot de bois conftruit comme le
moyeu d’une roue ; il eft plat par en-haut, 8c porté
par en-bas fur trois piés. Les tonneliers s’en fervent
pour doler leurs douves, c’eft-à-dire pour les dé-
groflir.
T R O U E T T E , voye{ G ardon.
TROUPE, BANDE , COMPAGNIE, ( fynon.)
plufieurs perfonnes jointes pour aller enfemble font
la troupe. Plufieurs perfonnes féparées des autres
pour fe fuivre 8c ne fe point quitter, font la bande,
Plufieurs perfonnes réunies par l’occupation , l’emploi
ou l’intérêt, font la compagnie.
On dit une troupe de comédiens, une bande de vio-
, Ions, 8c la compagnie 4es Indes.
Il n’eft pas honnête de fe féparer de fa troupe pour
faire bande à part ; 8c il convient ordinairement de
prendre le parti de la compagnie où l’on fe trouve en-
: gagé. Girard. (D .J .)
T roupes , {Art. milit.) on appelle du nom général
de troupes toutes fortes de gens armés 8c affemblés
pour combattre.
Les troupes font compofées principalement de deux
fortes de perfonnes ; favoir de fimples combattans 8c
; d’officiers.
Les fimples combattans font ceux qui ne font
chargés d’aucune autre chofe que d’employer leur
i perfonne 8c leur force dans les fon&ions de la
: guerre.
Les offipiers font ceux qui outre l’obligation de
; fimples combattans, doivent encore être employés
; à la conduite des troupes , 8c à y maintenir l’ordre
8c la réglé.
Les troupes font formées de gens deftinés à combattre
à pié , 8c d’autres à combattre à cheval. On
ne mêle pas confùfément ces deux efpeces de convi
battans. On fait combattre enfemble les gens de pié,
de même que ceux de cheval ; on les partage en difi
férens corps , appellés bataillons pour les premiers,
8c efeadrons pour les féconds. IL y a des troupes qui
combattent a pié & à cheval, luivant l’occàfion ;
voye i Infanterie , C avalerie , D ragons , E s«
cadron ,, Bataillon 6* Evo lu t io n .
Outre les troupes de cavalerie 8c d’infanterie dont
on vient de parler, il y a des troupes légères compo-
. fées de l’une 8c l’autre efpece , dont l’objet eft d’aller
à la découverte, de roder continuellement autour
de l’ennemi pour épier fes démarches , le harceler ,
&c. Ces troupes différent des autres en ce qu’elles ne
font pas , comme celles-ci, deftinées. à combattre en
ligne.
Les troupes d’un, état font nationales ou étrangères.
Il y a plufieurs inconveniens à en avoir un trop
* m grand
grand no.ro or e d.étrangères o u d’auxiliaires dans les
armées,; car outre'q.u’elles coûtent .pins.que les nationales
, elles fontiplus difficiles,à conduire , 8c bien
plus .difficiles ;à ramener lorfqu e i ’efprit :de fédition
8c de .mutinerie s y .introduit. •« Le s premiers R o -
» .mains,, dit un auteur,célébré , ne mettoierrt point
» dao.s.leurs armées un plus /grand nombre de t r o u -
» p c S ' auxiliaires -quede romaines,; & quoique leurs
» allies fuffentproprement .des fu je ts , ils ne y,ou-
» .lpient point a voir p o u r fivjets des peuples plus hei-
» Uq.u.eux qu’eux-mêmes. Mais dans les .derniers
» tems non-feulement ils .n’oWorvereM pas cette
» proportion des t r o u p e s auxiliaires,, mais même
» fis remplirent ,de foldats barbares les corps des
» t r o u p e s ' nationales 0 ,c,e ,qui contribua beaucoup à
» leur décadence. » V o y e ^ fur,cettematiece le c o m m
e n t a i r e f u r P o l y .b e de ,M, le chevalier Folarri , to m .
II. pag. $ jÿ . le s r é f l e x i o n s m i l i t a i r e s .de M . le mar-
quis de .Sanfa-Crnx. t o m . 1 . c L f u i v , 6 c .
Les t r o u p e s q u e chaque état entretient d oivent être
proporîioonées à fa richeffe 8c au nombred’habitans
qu’il con tient, autrement il eft difficile .de les entretenir
long-rems,
•Suivant M. le prefident de Montefquieu , « une
» expcrience con tinuelle,a pu faire çonnoîcre en Eu-
» ro p e , .qu ,un pj in ce q u i a un million d eiujets , ne
» p e u t , fans fe détruire lui-même, entretenir plus
» de dix mille hommes.
» On d o it , dit M. de Beaufobr<e fur c e même fu-
Je t , établir .une proportion entre la quantité de
» t r o u p e s A entretenir, ,8c celle des cito y en squ e l’on
» a. Quoiqu’un prince,puiffe -en ménager une partie
» par un luppiement.de t r o u p e s étrangères, c e fup-
» plément calu el ne doit pas ledifpenter.d’obfe rve r
» cette propoi’rion dans fon é ta t ; il doit regarder
» comme ,un gain de foulag.er les nationaux d’une \
» partie d es occafions quj peuvent en diminuer le 1
» .nombre ? fans cependant laiffer perdre le goût des '
» l e p o i n t d ' h o n n e u r d e l à n a t i o n . I - .e s ( d a x -
» thaginois périrent pour av o ir outré ce ménage-
» m e n t , & rendu leurs citoyens paneffeux. Jufqu’à j
» Augufte les Romains obferverent très-exariement
» la proportion entre les légions des cito yens 8c
celles des allies. Les empereurs ayant négligé cette
» proportion , elle fut perdue de vue & s’évanouit
» avec Lempire.
»» Un é ta t| continue Je «même auteur, qui auroit
» de grandes v illes dont les terres devroient être né-
» ceffairement cultivées , où i l y auroit beaucoup
» d employés , d ’artifans , de célib ata ires, de ma-
» giftra ts , d’eecléfiaftiques, de fa luiquans, d e lit -
m locateurs, 8c qui contiendroit vingt millions d’a-
» m e s , n e pourroit pas entretenir plus de deux cens
» mille hommes fous les armes, c’eft-à-dire en arra-
» cher un plus grand nombre à la culture des te rre s ,
%> W È Ê Ê Ï^ ' SUX Prof®^ons néceffaires à l’intérieur
» de l’etat^encore faudroit-il que cet ératn’effuyik pas
» de longues g u erres , 8c fiit fondé fur des lois qui en-
» courageaffent la population. Sans ces deux con-
v dirions on auroit peine à e® entretenir cent mille.
» Il faut confidcrer les hommes qui compofent la
»> n u ljc e , comme v iv an t beaucoup moins que les
» autres, comme célibataires, & les plus v igoureux
» d entr’eux comme incapables de faire la guerre
» avec l’aclivité réquife dès qu’ils ont fait v ingt cam-
» pagnes. O te z de ces vingt millions d’amesles fem-
» m e s , les v ie illa rd s , les enfans, les hommes hors
» d état de fe rvir par leurs infirmités 8c leur défaut
» de force o u de courage ; ceux qui font mal con-
» formes; les gens exempts du fervice par leur aifan-
» ce , les charges 8c les emplois ; les eccléfiaftiqûes,
M le smagiftrats8c gens de fo is , & les hommes en
»> état de travailler dont les provinces ont befoin 8c
* v o ^ r^ u ,iln e vo u s en reliera pas davantage
J. pourçeo-tarJa guerre au-dehors & nour'I’eirfrcte-
» mr. Plus un état eft étendu, moins il eft peuplé
*> à praporaion.d nn .petit ; plus il eft urbauifé f s c
» moins il contient de foldats.
,» ftome.ne renfermoit ancun cultivateur. Les eiT-
» o l a ^ y compofoient.la claffe des domeftiques &
m celle des arttfans. L e célibat y étoit regardé avec
” >g';?n'‘nte;les,Qtoyens , à lW ep t io n tftm très-
I P « « prêtres,& d’augures, n’étoient
>, defcnes qu aux armes , 8c elles étoient unies aux
» .Ghargesdugouvernement. Sur laftn du régné d'Att-
» «ufte cotte capitale contenoit quatre millions cent
•» trente-leprt mille citoyens infc'rits dans le dénom -
.hremenjt^c d:age,àêtre admis aux charges ou dans
■ » la mthoe; le total du peuplede tout â g e& d e tout
» face étptt .de treize millions «inquante-un mille
» cent fotxante-dtxubuit âmes. La milice compofée
» de citoyens n s o it que de cent quatre-vinm-fept
» imliedeux cent cinquante, tant infanteriemte ca-
» valene. en forte.que le nombre des am e sfeo iti
B cel,n “ es Soldats, comme 75 ou 76 eft à 1 • il au
» J-qit été au-moins de t jp à 1 , fi l’ancienne-Rome
» eut eu en citoyens le nombre de domeftiques & de
» célibataires de toute condition q u ’on trouve dans
» les Mlles modernes ... TabUnu militmrt des Grus
imprime à la fuite du commentaire fur Enée le tafti-
eien.
Ce n’eft pas tant le grand nombre de M s » qui
fait la surete des états , que des troupes bien difcipH
uses, Si commandées par des dhefs corfommés dans
1 art de la guerre. Les Romains firent toutes leurs
conquêtes avec de petites armées,mais bien exercées
dans toutes les manoeuvres militaires. «Car une ar-
» mée formée & ’dilciplmée de longue main, ditun
» grand capitaine, quoique petite, eft plus capable
» de fe defendre & même d’acquérir, que ces ar- mees qm ne s’affurent q u e fur leur grand nombre
» Les grandes conquêtes fe font prefque toujours
» faites p ar les armees médiocres, comme les grands
» empires te font toujours perdus avec leurspeuples
» innombrables; 8t cela parce que ceux qui avoient
» à combattre ces armées fi nombreufes, ont v oulu
» leur oppofer une exaêle difcipline 8c un bon o r-
» d r e , & le s autres ayant négligé toutebonne difei-
» plme & ordre, ont voulu récompenfer ce défàut
» par legrand nombre d’hommes, qui leur a caufé
» toute contefion , 8c n’a fervi qu’à les faire perdre
» plus honteufement ». Traité de la guerre par M. le
duc de Rohan.
Que l exafte difcipline pttïîîè fitppiéer avantageux
fement au nombre des troupes, c’eft ce que les Grecs
& enfuiteies Romains ont fait voir dans le degré
ie plus évident. Les premiers avec leurs petites armées
furent varnere celles de Xercès & de Darius
infiniment plas nombreufes ; & lès autres celles de
Mithridate & des autres princes de l’Afre qui avoient
armé des peuples entiers contre eux. Les anciens bien
perfuadés que le nombre de trait,« fans une bonne
difciplalne ne fait rien à la guerre, ne négligeoient
rien pour mettre les leurs en état de ne rien trouver
d’unpoffible quels que fuffent leurs foldats ils
fayotent en faire de bonnes troupes. Lorfque Scipion
eut le commandement de l’armée romaine en Efpa-
gne, les troupes étoient mauvaifes & découragées ,
parce qu’elles avoient fouvent été battues fousles au-
ttes generaux. Ce grand homme s’appliqua d’abord
à les remettre fous les lois de la difcipline, & il trouva
bientôt enfuite le moyen de prendre Numance.
qui jufque-là avoit été l’ecueil de la valeur romaine.
C’eft par-là queBelifaire fediftinguafous Juftinien
& qu il fut le boulevard de l’empire. Avec un général
qui avoit toutes les maximes des premiers Romains
, il fe forma, dit l’illuftre auteur de Yefprit des
lois, une armée telle que les anciennes armées ro-
XXx x