» caitfe -font affreux : il met tout fens deffus-deffous*
» il force & réduit en pièces.les corps les plus forts,
» il arrache les arbres les plus gros, il rompt &
» brife leurs branches quelque groffes qu’elles foiént,
» il renverfe les vaifîeaux qu’il fait périr, &-même
» beaucoup plus vite que s’ils étoient frappés de
» quelque coup de vent le plus impétueux ». Muffch.
~Ef.de pkyf §. >688.
Les trombes font fort fréquentes auprès de certaines
côtes de la Méditerranée, fur-tout lorfque le ciel
eft fort couvert & que le vent fouffle en même tems
de plufieurs côtés ; elles font plus communes près
dès caps de Laodicée , de Grecgo & de Carmel, que
dans les autres parties de la Méditerranée.
Mais-il -faut diftinguer, dit M. de Buffon , deux
efpeces de trombes : la première, qui eft là trombe dont
nous yenons. de parler, n’eft autre choie qu’une nuée
épaiffe, comprimée, reft'erréeréduite en un petit
efpace par des vents oppofés & contraires , lefquels
foufflant en même tems de plufieurs côtés , donnent
•àla nuée,la forme d’un‘tourbillon cylindrique, &
font que l’eau tombe tout-à-la-fois fous cette forme
cylindrique ; la quantité d’eau eft fi grande & la chute
en eft fi précipitée , que fi malheureufement une de
•cés trombes tomboit fur un vaifleau, elle Je briferoit
& le fubmergeroit dans un inftant. On prétend , &
cela pourroit être fondé, qu’en tirant fur la trombe
.plufieurs coups de canons chargés à boulets , on la
.rompt, & que cette commotion de l’air la fait ceffer
.affez promptement ; cela revient à l’effet des, cloches
qu’on fonne pour écarter les nuages qui' portent le
■ tonnerre & la grêle.
L’autre efpece de trombe, continue M. de Buffon,
s’appelle typhon ; & plufieurs auteurs ont confondu
le tyhon avec l’ouragan, fur-tout en parlant des tempêtes
de la mer de la Chine, qui eft en effet fujette à
-tous deux , cependant ils .ont des caufes.bien différentes.
Le typhon ne defcend pas des nuages comme
la première efpece de trombe, il n’eft pas uniquement
produit par le tournoiement des vents comme
l ’ouragan , il s’élève de la mer vers le ciel avec une
.grande violence; & quoique ces typhons reffemblent
aux tourbillons qui s’élèvent fur la terre en tournoyant,
ils ont une autre origine. On voit fouvent,
lorfque les vents font violents & contraires , les ouragans
élever des tourbillons de fable , de terre, &c
fouvent ils enlevent & tranfportent dans ce tourbillon
les maifons, les arbres, les animaux. Les typhons
de mer au contraire reftent dans la même place, &
ils n’ont pas d’autre caufe que celle des feux fouter-
reins ; car la mer eft alors dans une grande ébullition
, & l’air eft fi fort rempli d’exhalaifons fulphu-
reufes que le ciel paroît caché d’une croûte couleur
■ de cuivre , quoiqu’il n’y ait aucun nuage , & qu’on
puiffe voir à-travers ces vapeurs le foleil & les étoiles
; c’eft à ces feux fouterreins qu’on peut attribuer
la tiédeur de la mer de la Chine en hiver, oit ces t y phons
font très - fréquens. Voyez Acta erud. Lipf.
fupplem. tome I. pag. 40S. Hijl. nat. génér. & part,
tome I.
Voici ce que ditThévenot, dans fon voyage du
Levant. « Nous vîmes des trombes dans le golfe Per-
» fique, entre les îles Quéfomo, Laréca, & Ormus.
» Je crois que peu de perfonnes ont confidéré les
» trombes avec toute l’attention que j’ai faite, dans
» la rencontre dont je viens de parler, & peut-être
» qu’on n’a jamais fait les remarques que le hafard
» m’a donné lieu de faire; je les expoferai avec toute
» la fimplicité dont je fais profeflion dans tout le ré-
» cit de mon voyage, afin de rendre les chofes plus
» fenfibles & plus aifées à comprendre.
» La première qui parut à nos yeux étoit du côté
» du nord ou tramontane, entre nous &• fîle Qué-
» fomo, à la portée d’un fufil du vaifleau ; nous avions
» alors la proue à grec-levant ou nord-eft. Nôits^p-
» perçûmes d’abord en cet endroit l’eau qui bouil*
» lonnoit & étoit élevée de la furface de la mer d’en-
» viron un pié , elle étoit blanchâtre, & au - deffus
» paroifloit comme une filmée noire un peu épaiffe
» de maniéré que cela reflembioit proprement à un
» tas de paille où on auroit mis le feu , mais qui ne
» feroit encore que fumer; cela failoit un bruit
» fourd, femblable à celui d’un torrent qui court
» avec beaucoup de violence dans un profond val-
» Ion ; mais ce bruit étoit mêlé d’un autre un peu plus
» clair, femblable à.un fort fifflement de ferpens1 ou
» d’oies ; vm peu après nous vîmes comme un canal
» obfcur qui avoit affez de reffemblance à une fumée
»-qui va montant aux nues en tournant avec beau*
» coup de vîteffe, ce canal paroifloit gros comme
» le doigt, & le même bruit continuoit toujours.
» Enfuite la lumière nous en ôta la vue , & nous con-
» numes que cette trombe étoit finie, parce que nous
» vîmes qu’elle ne s’élevoit plus, & ainfi la durée
» n’avoit pas été de plus d’un demi - quart d’heure.
» Celle-là finie nous en vîmes une autre du côté du
» midi qui commença de la même maniéré qu’avoit
» fait la précédente ; prefqu’aufîi ^ tôt il s’en fit une
» femblable à côté de ce lle -c i vers le couchant, &
» incontinent après une troifieme à côté de cette fe-
» conde ; la plus éloignée des trois pouvoit être à
» portée du moufquet loin dè nous ; elles paroiffoient
» toutes trois comme trois tas de paille hauts d’un
» pié & demi ou de deux, qui fumoient beaucoup,
» & faifoient même bruit que la première. Enfuite
» nous vîmes tout autant de canaux qui venoient
» depuis les nues fur ces endroits où l’eau étoit éle-
» v é e , & chacun de ces canaux étoit large par le
» bout qui tenoit à la nue, comme le large bout d’une
» trompette, & faifoit la même figure (pour l’expli-
» quer intelligiblement ) que peut faire la mamelle
» ou la tette d’un animal tire perpendiculairement
» par quelque poids. Ces canaux paroiffoient blancs
» d’une blancheur blafarde, & je crois que c’étoit
» l’eau qui étoit dans ces. canaux tranfparens qui les
» faifoit paroître blancs; car apparemment ils étoient
» déjà formés avant que de tirer l’eau, félon que l’on
» peut juger par ce qui fuit, & lorfqu’ils étoient
» vuides ils ne paroiffoient pas, de même qu’un ca-
» nal de verre fort clair expofé aur jour devant nos
» yeux à quelque diftance , ne paroit pas s’il n’eft
» rempli de quelque liqueur teinte,. Ces canaux n’é-
» toient pas droits, mais courbés à quelques endroits, y même ils n’étoient pas perpendiculaires, au con-
» traire, depuis les nues où ils paroiffoient entés,
» jufqu’aux endroits où ils tiroient l’eau, ils étoient
» fort inclinés, & ce qui eft de plus particulier, c’eft
» que la nue où étoit attachée là fécondé de ces trois
»ayant étéchaffée du vent, ce canal la fuivit fans
» le rompre & fans quitter le lieu où il tiroit l’eau,
» & paffant derrière le canal de la première , ils fu?
» rent quelque tems croifés comme en fautoir ou en
» croix de faint André. Au commencement ils étoient
»tous trois gros comme le doigt, fi ce n’eft auprès
» de la nue qu’ils étoient plus gros, comme j’ai déjà
» remarqué ; mais dans la fuite celui de la première
» de ces trois groflit confidérablement ; pour ce qui
» eft des deux autres, je n’en ai autre chofe à dire,
» car la derniere formée ne dura guere davantage
«.qu’avoit duré celle que nous avions vue du côte
» du nord. La fécondé du côté du midi dura environ
» un quart-d’heure ; mais la première de ce même
» côté dura un peu davantage, & ce fut celle qui
» nous donna le plus de crainte, & c’eft de celle-là
» qu’il me refte encore quelque chofe à dire ; d’abord
» fon canal étoit gros comme le doigt, enfuite il f®
» fit gros comme le bras, & après comme la jambe,
» & enfin comme un gros tronc d’arbre, autant qu’un
» homme poürrcit cmbraffer. Nous voyions diftinc-
»tement au-travers de ce corps tranfparent l’eau
» qui montoit en ferpentant un peu , ôc quelquefois
» il diminuent uil peu de groffeur, tantôt par le haut
» tantôt par le bas. Pour-lors il reflembioit juftement
» à un boyau rempli de quelque matière fluide que
b l’on prefferoit avec les doigts, ou par haut, pour
;> faire defcendre cette liqueur , ou par bas, pour la
» faire monter, & je me perfuadai que c’étoit la
» violence du vént qui faifoit ces changemens, fai-
» fant monter l’eau fort vite lorfqu’il preffoit le ca-
» nal par le bas, & la faifant defcendre lôrfqu’il lé
» preffoit par le haut. Après cela il diminua telle-
» ment de groffeur qu’il étoit plus menu que le bras,
» comme un boyau qu’on aionge perpendiculaire-
» ment, enfuite il retourna gros comme la cuiffe,
» après il redevint fort menu ; enfin je vis qiie l’eau
élevée fur la fuperficie de la mçr commençoit à
» s’abaiffer, & le bout du canal qui lui touchoit s’en
» fépara & s’étrécit, comme fi on l’eût lié , & alors
;> la lumière qui nous parut par le moyen d’un nuage
qui fe détourna, m’en ôta la vue ; je ne laiffai pas
» de regarder encore quelque tems fi je ne le rever-
» rois point, parce que j’avois remarqué que par
» trois ou quatre fois le canal de la feçonde de ce
» même côté du midi nous avoit paru fe rompre par
» le milieu, & incontinent après nous le revoyions
» entier, 6c ce n’étoit que la lumière qui nous en
» cachoit la moitié ; mais j’eus beau regarder avec
» toute l’attention poflible, je ne revis plus celui-ci,
» il ne fe fit plus de trombe, &c.
» Ces trombes font fort dangereufes fur mer ; car fi
» elles viennent fur un vaifleau, elles fe mêlent dans
» les voiles, enforte que quelquefois elle l’enlevent,
» & le laiffant enfuite retomber, elles le coulent à
»fond, Sc cela arrive particulièrement quand c’ eft
» un petit vaifleau ou une barque, tout-aiwnoins fi
» elles n’enlevent pas un vaifleau, elles rompent
» toutes les voiles, ou bien laiffent tomber dedans
» toute l’eau qu’elles tiennent, ce qui le fait fouvent
» couler à fond* Je ne doute point que ce ne foit par
» de femblabies accidens que plufieurs des vaifîeaux
» dont on n’a jamais eu de nouvelles ont été perdus,
» puifqü’il n’y a que trop d’exemples de ceux que
» l’pn a fu de certitude avoir péri de cette maniéré »;
On peut foupçonner, dit Mk de Buffon, qu’il y a
plufieurs illufions d’optique dans les phénomènes
que ce voyageur nous raconte ; mais on a été bien
aife de rapporter les faits tels qu’il a cru les v o ir ,
afin qu’on puiffe les vérifier, ou du-moins les comparer
avec ceux que rapportent les autres voyageurs
; voici la defcription qu’en donne le Gentil dans
Ion voyage autour du monde.
« A onze heures du matin, l’air étant chargé de
» nuages, nous vîmes autour de notre vaifleau, à un
» quart de lieue environ de diftance, fix trombes de
» mer qui fe formèrent avec un bruit fourd, fembla-
» ble à celui que fait l’eau en coulant dans des ea-
» naux fouterreins ; ce bruit s’accrut peu-à-peu, &
» reflembioit aufifïïement que font les cordages d’un
» vaifleau lorfqu’un vent impétueux s’y mêle. Nous
» remarquâmes d’abord l’eau qui bouillonnoit & qui
» s’élevoit au - deflùs de la furface de la mer d’envi-
» ron un pié & demi ; il paroifloit au - delà de ce
» bouillonnement un brouillard, ou plutôt une fu-
» mée épaiffe d’une couleur pâle, & cette fumée for-
» moit une efpece de canal qui montoit à la nue.
» Les canaux ou manches de ces trombes fe plioiént
» félon que le vent emportoit les nues auxquelles ils
» étoient attachés, & malgré l’impulfion du vent,
» non-feulement ils ne fe détachoient pas, mais en-
» core il fembloit qu’ils s’alongeaffent pour les fui-
» v re, en s’étréciffant & fe groflïffant à mefure que
» le nuage s’élevoit ou fe baiffoit.
Tome 'XVIi
» CeS phénomènes nous cauferent beaucoup de
.» frayeur, & nos matelots au-lieu de s’enhardir, fo-
» mentcient leur peur par les Contes qu’ils débitoient.
» Si ces trombes, difoient-ils, viennent à tomber fur
» notre vaifleau, elles l’enleveront ; & le laiffant en-
» fuite retomber ; elles lefubmergeront ; d’autres (&
» ceux-ci étoient les officiers )répondoient d’un ton
» decififj qu’elles, n’enleveroient pas le vaifleau,
» mais que venant à le rencontrer fur leur route,
>> cet obftacle romproit la communication qu’elles
» avoient ayec l’eau de la mer, & qu’étant pleines
» d’eau, toute l’eau qu’elles renfermoient tomberoif
» perpendiculairement fur le tillac du vaifleau & le
» briferoit.
>* Pour prévenir ce malheur on amena les voiles
» ôc on chargea le canon ; les gens!de merpréten-
» dant que le bruit du canon agitant l’air, fait crever
» les trombes & les diffipe ; mais nous n’eumes pas be:
» foin de recourir à ce remede ; quand elles eurent
» couru peiidant dix minutes autour du vaifleau, les
» unes à un quart de lieue, les autres à une moindre
» diftance, nous vîmes cjue les canaux s’étréciffoient
» peu-à-peu, qu’ils fe detacherent de la fuperficie de
»la mer, & qu’enfin ils fe diffiperent». Page tar.
tome I.
Il paroit, dit M. de Buffon, par la defcription que
ces deux voyageurs donnent des trombes^qu’elles font
produites, au-moins en partie,parl’aûiond’unfeit
ou d’une fumée qui s’élève du fond de la mer avec
une grande violence, & qu’elles font fort différentes
de l’autre efpece de trombe qui eft produite pàr l’action
des vents contraires, & par la compreflion forcée
& la réfolution fubite d’un ou de plufieurs nuages,
comme les décrit M. Shaw ,pag. 56. tom. II.
» Les trombes, dit-il, que j’ai eu occafion de voir;
» m’ont paru autant de cylindres d’eau qui tomboient
» des nues ; quoique par la réflexion des colonnes
» qui defcendent ou par les gouttes qui fe détachent
» de l’eau qu’elles contiennent & qui tombent, il
» femble quelquefois, fur-tout quand on eft à quel-
» que diftance, que l’ eau s’élève de la mer en-haut;
» Pour rendre raifon de ce phénomène, on peut fup-
» pofer que les hues étant affemblées dans un même
» endroit par des vents oppofés, ils les obligent, en
» les preffant avec violence, de fe condenier & de
» defcendre en tourbillons».
Il rçftè beaucoup de faits à acquérir, continue
M. de Buffon, avant qii’on puiffe donner ünè explication
complété de ces phénomènes ; il paroît feulement
que s’il y a fous lés eaux de la mer des ter-
reins mêlés de loufre, dë bitume & de minéraux,
comme l’on n’en peut guere douter, on peut concevoir
que ces matières venant à 9’ehflammer, pro-
duifent une grande quantité d’air, comme en produit
la poudre à canon ; que cette quantité d’air
nouvellement généré, & prodigieufement raréfié ,
s’échappe & monte avec rapidité, ce qui doit élever
l’eau, & peut produire ces trombes qui s’élèvent
de la mer vers le ciel ; Ôê de même fi par l’inflam*
mation des matières fiilphureufes que contient un
nuage, il fe 'forme un courant d’air qui defcende
perpendiculairement du nuage vers la mer, toutes
les parties aquéufes que contient le nuage peuvent
fuivre le courant d’air, & former une trombe qui
tombe du ciel fur la mer; mais il faut avouer que
l’explication de cette efpece de trombe, non plus que
celle que nous avons donnée par le tournoiement
des vents & la compreflion des nuages, ne fatisfait
pas encore à tout, car oh aura raifon de nous demander
pourquoi l’on né voit pas plus fouvent fui1
la terre comme fur la mer de ces efpeces de trombes
qui tombent perpendiculairement des nuages. Hifh
nat. gen. & part. tom. I. Voyez l’analyfe de l’air de
Mi Haies, & le traité de l’artillerie de M. Robins»