>, qu’il ait etc fait ; & plufieurs princes m’ont écrit
» des lettres de remerciemens, fur ce que j’avois étc
» d’avis qu’on leur donnât le titre de rois, que non-
» feulement.je ne favois pas être rois,mais même
» qu’ils fùffent au monde ».
En un mot, il étoit d’autant plus difficile que Cé-
far pût défendre fa v ie , qu’il y àvoit u'rt certain droit
des «ens, une opinion établie dans toutes les républiques
de Grece &c d’ Italie j qui faifojt regarder
comme un homme vertueux, Faffaffin de celui qui
avoit iifurpé la fotiveràine puiffancé. A R ante fur-
tout , depuis l’expulfion dés rois, la loi étoit precife,
les exemples reçus; la république armoit le bras de
chaque citoyen, le faifoit magiftrat pour le moment.
& l’avouoit pour fa défenfe. Brutus ofa bien dire à
Tes amis, que quand fon pere reviendroit fur la terre
, il le tueroit tout de même s’il afpiroit à la tyrannie.
En effet, le crime de Céfar qui vivoit dans un
gouvernement libre, n’etoit-il pas hors d état d’ être
puni autrement que par un afiaffinat ? Et demander
pourquoi on ne Favoit pas pourfuivi par là force ouverte
, du par des lois, ffétoit-ce pas demander raifon
de fes crimes?.
U eft vrai que les conjurés finirent prefque tous
malheureùfement lëitr vie ; il fallait bien que des gens
à ia tête d’un parti abattu tant de fois, dans des guerres
où Fon ne fe faifoit aucun quartier, périffent de
mort violente. De-là cependant on tira la confé-
quèncé d’üne vengeance célefte, qui puniffoit les
meurtriers de Géfar, & profcrivoit létir caufe.
Conduite du fénat & d'Antoine après la tnort de Ci-
far. Après la mort de ce tyran, les conjurés ne firent
1-ien pour fe foutenir ; ils fe retirèrent feulement au
capitole, f ans favoir encore ce qu’ils avoient à ef-
pérèf pu à craindre de ce grand évéhèmenf ; mais
ils virent bientôt avec amertume, que la mort d’un
ufurpateür alloit cauferde nouvelles calamités dans
la république.
Le lendemain Lépidus fe faifitde la place Romaine
avec Un corps de troupes, qu’il y fit avancer par ordre
d’Antoine, alors premier conful. Les foldats vétérans
qui craignoient qü’on ne répétât lés dons im-
menfes qu’ils avoient reçus , entrèrent dans Rome.
Le fénat s’affembla, & comme il étoit queftion de
décider fi Géfar avoit été un tyran, ou un magiflrat
légitime, & fi ceux qui Favoient tué méritoient des
peines oudésrécompenfes, jamais cet âitgufte con-
feil ne s’étoit tenu pour une matière fi importante &
fi délicate. Après plufieurs avis différens, on prit un
tempérament pour contenter les deux partis. On
convint qu’on ne pourfuivroit point la mort de Céfar
; mais on arrêta pour concilier les extrêmes, que
toutes fes ordonnances fèroient ratifiées : ce qui pro->
duifit une fauffe paix.
Antoine diffimulant fes fentimens, fouferivit au
decret du fénat. Les provinces furent diftribuées en
même tems; Brutus eut le gouvernement de l’île de
Cretë; Caffius de l’Afrique; Trébonius de l’Afie ;
Cimber de la Bithinie, & on confirma à Décimus
Brutus, celui de la Gaule cifalpine, que Céfar lui
avoit donné. Antoine confentit même à voir Brutus
& Caflius. Ilfe fit une efpece de réconciliation entre
ces chefs de parti : réunion apparente qui ne trompa
perfonne.
Comme le fénat avoit approuvé tous lés a£le$ de
Céfar fans reftriêlion, & qué l’exécution en fut donnée
aux confuls, Antoine qui Fétoit, fe faifit du livre
de raifons de Céfar, gagna fon fecrétaire, & y
fit écrire tout ce qu’il voulut : de maniéré que le di-
ôateur régnoit plus impérieufement que pendant fa
vie ; car ce qu’il n’auroit jamais fait, Antoine le faifoit
; l’argent qu’il n’auroit jamais donné, Antoine le
donnoit ; & tout homme qui avoit de mauvaïfes intentions
contre la république, trouYoit foudain une
récompenfe dans les prétendus livres de Céfar.
Par un nouveau malheur, Céfar avoifl amaffé poxif
fon expédition, des famines immenfes, qu’il avoit
miles dans le temple d’Ops; Antoine avec fon livre,
en difpofa à fa fantaifie.
Les conjurés avoient d’abord réfoht de jetter le
corps de Céfar dans le Tibre : ils n’y auraient trouvé
nul obftacle ; cardans cesmomens d’étohnementqui
fùivent une aftion inopinée, il eft facile de faire tout
ce qu’on peut ofer : cela ne fut point exécuté, &
voici ce qui en arriva.
Le fénat fe crut obligé dé permettre les obfeques
de Céfar ; & effeftivement dès qu’il ne l’avoit pai
déclaré tyran, il ne pouvoit lui réfufer la fépulture.
Or c’étoit une coutume des Romains, fi vantée par
Polybe , de porter dans les funérailles les images des
ancêtres, & de faire enfuite l’oraifon funebre du défunt.
Antoine qui la fit, montra au peuple la robe
enfim damée de Céfar, lui lut fon teftament, où il hii
prodiguoit de grandes largeffès, & l’agita au point
qu’il mit le feu aux maifons des conjurés.
S’ils furent offenfés des difeours artificieux d’Antoine
, le fénat n’ en fut guere moins piqué, & fans
fe déclarer ouvertement, il ne laiffa pas de favorifer
fëcrèttement leurs entreprifes, perfuadé que la con-
fervation du gouvernement républicain dépendoit
des avantages de ce parti; cependant Antoine s’ache*
minoit à la fouveraine puiffancé, lorfqu’on vit arri-
ver le jeune Oûavius, petit-neveu de C éfar, qui fe
préfenta pour recueillir fa fucceffiorï.
Arrivée du jeune Ociavius à Rome. Il étoit fils d’un
fénateur appelle Caius Ociavius, qui avoit exercé la
préture, & d’A c ie, fille de Julie, lceur de Céfar, qui
àvoit été mariée en premières nôces à AcciusBalbus,
& ènfuite à Marcus PKilippus. Comme Oûavius
n’avoit pas encore dix - huit ans, Céfar l’avoit envoyé
à Apollonie , ville fur les côtes d’Epire, pouf
y achever fes études & fes exercices. Il n’y avoit pas
fix mois qu’il étoit dans cette ville lorfqu’il apprit
que fon grand-oncle avoit été affaffiné dans le fénat.
Ses parens & fes amis voulant oppofer fon nom à la
puiffancé d’Antoine, lui mandèrent de venir à Rome
pour y jouir du privilège de fon adoption, & la faire
autorifer par le préteur.
Au bruit de fa marche, les foldats vétérans auxquels
Céfar, après la fin des guerres civiles, avoit
donné des terres .dans l’Italie, accoururent lui offrir
leurs fervices ; on lui apportoit de l’argent de tous
les côtés, & quand il approcha de Rome, la plûpart
des magiftrâts, les officiers de guerre , toutes les
créatures du diâateur, & le peuple en foule forti-
rent au-devant de lui.
Ce jeune Oêtavius prit le nom de Céfar f vendit
fon patrimoine, paya une partie des legs portés par
le teftament de ion grand - oncle , & jetta avec un
filence profond, les fondemens de la perte d’Antoine.
Il fe voyoit foutenu du grand nom de Céfar,
qui feul lui donneroit bien-tôt des légions & des armées
à fes ordres ; d’un autre c ô té , Cicéron pour
perdre Antoine fon ennemi particulier, prit le mauvais
parti de travailler à l’élévation d’OÔaVius, &
au-lieu de faire oublier au peuple Céfar , il le lui remit
devant les yeux. Oétavius fe conduifit avec Cicéron
en homme habile ; il le flatta, le confulta, le
loua, & employa tous ces artifices dont la vanité
ne fe défie jamais. Prenant en même tèms fon intérêt
pour régie de fa conduite, tantôt il ménagea politiquement
Antoine, & tantôt le fénat, attendant
toujours à fe déterminer d’après les conjon&ures
favorables.
Il eft certain qu’Antoine ne craignoit pas moins
Oâ aviu s, que Brutus & Caffius ; mais il fut obligé
de diffimuler, & de garder beaucoup de mefures
avec le premier, à caufe de l’attachement que lut
portoient
portoient le peuple, les officiers, & les foldats qui
avoient fervi dans les armées du diélateur ; de - là
toutes les réunions apparentes qu’ils eurent l’un avec
l’autre*, n’étoient pour ainfi-dire qu’une matière d’infidélités
nouvelles : tous deux ne cherchèrent Iong-
tems qu’à fe détruire, chacun afpjrant à ' demeûref
feul à la tête du parti oppofé à celui des conjurés.
Antoine tenant affiégé Decimus Brutus dans Mo-
dène, & refufant de lever le fiege, le fénat irrité de
fa rébellion, ordonna à Hirtius 6c à Panfa, confuls,
aihfi qu’à Oôa vius, de marcher au fecours de Décimas.
Le combat fut long ; Antoine fut défait, & les
deux confuls y périrent ; cependant le fénat fon-
geant à abaifler Odtave, fier du grand nom dont il
avoit hérité, & du confulat qu’il avoit obtenu, mit
Decimus Brutus à la tête des troupes de la république.
Union d'Octave, d'Antoine, & de Lépidus. Ce fut
alors qu’Oêlavius, extrêmement piqué de cette injure
qui bridoit fon ambition , fongea férieufement
à fe reconcilier avec Antoine quand Foccafion s’en
préfenteroit ; mais il attendit politiquement à fe déterminer
qu’il fût sûr du parti qu’embrafferoient Lépidus
& Plancus. Antoine, gagna les foldats de Lépi-
dus, qui le reçurent la nuit dans leur camp & le reconnurent
pour leur général. Plancus toujours ef-
clave des événemens le déclara contre le fénat &
contre Decimus Brutus. Antoine repaffa les Alpes
à la tête de d ix-fept légions, arrêta Brutus dans les
défilés des montagnes voifines d’Aquilée, & lui fit
couper la tête.
Cette mort fut le m otif, ou plutôt le prétexte de
la réunion entre O&ave & Antoine ; ils s’y trouvèrent
enfin également difpofés l ’un & l’autre. Antoine
venoit d’éprouver devant. Modène ce que poifvoit
encore le nom de la république ; & comme il défef-
péroit alors de s’emparer feul de la fouveraine puif-
fance, il réfolut de la partager avec fon rival. Oriave
de fon côté craignoit que s’il différoit plus lone-tems
à fe racomiîioder avec Antoine , ce chef de parti ne
fe joignît à la fin aux conjurés, comme il l'en avoit
menacé, & que leurs forces réunies ne rétabliffent
l’autorité de la république ; ainfi la paix fut aifée à
faire entre deux ennemis qui trouvoient un intérêt
égal à fe rapprocher. Des amis communs les firent
convenir d’une entrevue ; la conférence fe tint dans
uhe petite île déferte, que forme, proche de Mo'd'è-
ne , 1a rivière dit Panarô.'
Formation du fécond triumvirat. Les deux armées'
campèrent fur fes bords , chacune de fon cô té , &
on avoit fait des ponts de.communication qui y abôür’
tiffoient, & fur iefquels ori avoit mis des Corps - dégardes.
Lépidus étant dans l’armée d’A n to id e fe
trouva naturellement à cette entrevue ; & quoiqu’il
n’eût pins que le nom dé générai & les apparences
du commandement, Antoine & Q êlave, touyoursen'
garde' i’un! contre l’autre , n’étpiént pas fâches qu’un
tiers, qui ne leur pouvoit être fufpeû, intervint dans
les différends qui pourroient naître entre eux.
Ainfi Lépidus entra le' premier dans Pire i ,’pqitf,
reconnoître s’ils y.pouvoient paffer en furété. Telle
ctoit la malheureufe condition de ces.homme ambk
lieux, qui dans leur réunion même, cOnfervoienf
encore une défiance réciproque. Lépidus l'etir'ayant'
fait le fignal dont on étoit'convenii, les deux gé'nés.
taux paflerënt dans l’-île, chacun de fon côté; Ils s’éin-'
brafferent d’abord, & fans entrer daris aucune expli-,
cation fur lé paffé, ils s’avancèrent pour conférer ^
vers l’enclroit le plus éleyé de l ’île , & d’où ils'pou-
voient être également vus par leurs gardes même
par lés deux'armées..
Ils s’affirent eux trois feuls. Oélave en qualité dé
çcnful, prit la place la plus/honorable & Té mit
au milieu des deux autres. Ils examinèrent 'quelle
Tome X V I»
forme Te gouvernement ils domiéroient à îâ république,
& fous quel titre ils pourroient jmtàger l’autorité
fouveraine, & retenir leurs armées, pour
maintenir leur puiffancé. La conférence dura t rois
jours ; on ne fait point le détail de ce qui s’y paffa :
il parut feulement par la fuite, qu’ils étoient convenus
qu’Oétave abdiqueroit le confulat, & le remet-'
troit pour le refte de l’année à Ventidius , un des
lieutenans d’Antoine ; mais qu’Oétave, Antoine, &c
Lépidus, fous le titre de triumvirs, s’empareroient
de l’autorité fouveraine pour cinq ans ; ils bornèrent
leur autorité A ce peu d’années, pour ne pas fe déclarer
d’abord trop ouvertement les tyrans de .leur
pafrie.
Fartage de l'empire entre les triumvirs. Ces triumvirs
partagèrent enfuite entre eux les provinces, les lé*
■ gions, &c l’argent même de la république ; Sc ils firent,
dit Plutarque, ce partage de tout l’empire*
comme fi c’eût été leur patrimoine.
Antoine retint pouf lui les Gaules, à l’exception
de la province qui confine aux Pyrénées, & qui fut
cédée à Lépidus avec les Efpagnes. O&avé eut pour
fa part l’Afrique, la Sicile, la Sardaigne, & les autres
îles. L ’Afie occupée par les conjurés n’entra
point dans ce partage ; mais Oftave & Antoine convinrent
qu’ils joindroient inceffamment leurs forcés
pour les en chaffer ; qu’ils fe mettroient chacun à la
tête de vingt légions; & que Lépidus', avec trois
autres, refteroit en Italie & dans Romé , pour y
maintenir leur autorité. Çes deux collègues ne lui
donnèrent point de part dans la guerre qu’ils alloient
entreprendre, parce qu’ils connoiffoient fon peu de
valeur & de capacité. Ils ne Fàffocierent au triumr.
virât, que pour lui laiffer en leur abfencecomme
en dépôt, l’autorité fouveraine, bien perfuadçs qu’ils
fe déferoient plus aifément de lui que d’un autre
général, s’il leur devenoif infidèle ou inutile.
Ils cirejjcrent un rôle de proferits & de récQmpênfesl
Leur ambition étoit fatisfaite par ce partagé ; mais ils
laiffoient à Rome & dans le fénat des ephemis cachés,
ÔC des républicain^ toujours zélés pour ia liberté
; ils réfolurent avant que de quittèr {’Italie',
d’immoler à leur fureté, & "de proferire les plus riches
& les plus précieux citoyens' ; ils en drefferent
un rôle. Chaque triumvir y comprit fes enqçmis
particuliers, .& les ennemis de fesJ çréafufes: ifs
pouffèrent l'inhumanité exécfàble ju^qu’is ’ 'â n d o n -
ner l ’un àTàutre leurs propres .parens 3 $c même' lès
plus pfOjçhes. Lépidus facrifia d’abord^îanjsbë'iriéJ/fon:
rrer'e à fes deux çollegués ; Antoine de _fon3‘côte:
abandonna à Oélavius le propre frère de'fàmërê ; Ss
celui-ci'Co'nfentit qn’Antoine f ît mourir Cicéron *
quoique Ce grand homme Fèût foutenu dëJ fon crédit
contre Antoine même. Ori mit dans qe Volé, fu-
nefte Thôranius, tuteur d’Od a v e, celui-Ta même
qui Favoit élevé avec tant de foin. Plotius défignp
cônïiil, Ffete de Plancus, un des lieutéhâns d’Antoine
, & Quiritus fon collègue au conMat, furent
couchésTur la lifte, quoique ce défqier’fut beau’-
per.è d’Afinius Pdllio, partifan zélé du 'triumvirat
ainfi tous les droits les .plus facrés de la nature'& dè
la récônndiffance fûqent violés par ces trois' fçél.é-.
rats;
Ori difpoïa des récomperifes, &;icef article étoit
importarit pour retenir les troupes dans leur dëvqir-
II fut dont Arrêté qu’on abandonneroit aux: foldàts
en propriété les terres & les maifqris de dix-;hûit des
meilleures Villes de l’ Italie , qüi furent thoifies par
les triumvirs,.félon qu'ils avoient des'fujets d’aver-
fion contre çes nliférables cités ; les plus grandes
étoient'Capoue, Reggium , Venouze , Benevent,
Noceré /Rimini, & Vibone :,tout cela fut réglé fans
conteftatîdn."
Ils ‘imitent Ma ri us & SyÜ<t dans leûr pnofeription,
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