5ï® T R A
faire de «kt Cange au mot inveftimra , ÔÏt il explique
toutes les différentes maniérés d’inveftiture ou de
tradition feinte qui fe pratiquoient anciennement.
-Tradition brevis mantis, eft une tradition feinte qui
~fe Fait .pour éviter un circuit inutile de.traditions, en
compenfent la tradition qu’il faudroit faire de part &
Vau tre; comme dans la vente d’une chofe que l’acheteur
tient déjà à titre de prêt. Pour que te.vendeur
remît la chofe à l’acheteur, il faudroit que celui
ci commençât par la.lui remettre; 8c pour abréger
, on fuppofe que cette tradition réciproque a été
faite i c’eft pourquoi on l’appelle brevis mànus,parce
que c’eft l’acheteur qui fe remet à lui-mêmei Inftit. de
-acquir. rer. domin. ^ v t
Tradition civile, eft une tradition feinte, qui con-
fifte dans la forme établie par la loi : elle eft oppofée
à la tradition réelle. Voyez tradition feinte 8c tradition
vèelUi. ,
Tradition par le côuteau, per cuttllum, c’etoit une
mife en poffeffion qui fe faifoit en donnant un couteau
plié, F l e glofjaire de du Cange au mot invefii-
tura. . .
Tradition feinte ou fictive, eft celle qui eft faite
pour opérer 1e même effet que la tradition réelle : on
la divife en fymbolique ôc non-fymbolique.
.. Tradition par un feftu, per feftucam , c’eft-à-dire
un brin de paille, étoit une tradition fidive qui fe
pratiquoit autrefois affez communément en préfen-
tant un feftu. Foye{ du Cange au mot inyefiiture.
; Tradition fictive, Foyei ci-devant tradition feinte.
Tradition par un gaçon de terre, c’étoit une façon
' de livrer un héritage, en donnant un gazon pour
fymbole de cet héritage. Foye^du Cange««mot inve-
fiitura. -, _
- Tradition de longue main, longa tnanus., eft une
tradition fictive qui fe fait montrant la chofe, & donnant
la faculté d’en prendre poffeffion : elle le pratique
ordinairement pour la délivrance des immeubles
réels, 8c pour celte des chofes mobiliaires d’un
poids confidérable. Foyei aux inftit. le lit. de acquir.
rer. dom.
Tradition de la main à la main, ç’ eft lorfqu’une
chofe paffe à l’inftant de la main d’une pérfonne en
celle d’une autre, à laquelle la premiere la remet.
Tradition réelle , eft celte qui confifte dans une re-
mife effe&ive de la chofe.
Tradition fymbolique, eft celle qui fe fait en donnant
quelque fymbole de la chofe que l’on doit livrer;
comme quand on livre les clés du grenier où
eft le froment que l’on a vendu. Foye^ aux inftit. de
acq. rer. dom.
Tradition non fymbolique, eft celle ou on ne donne
ni la chofe réellement, ni aucun fymbole ou figne de
la chofe ; mais où la tradition s’opère par d’autres fictions,
comme dans la tradition appellee longa mantis
, 8c dans celle appellée brevis manus. Voyes^ ci-
deffus tradition de longue main 8c tradition brevis manus.
Voye{ auffi fur la tradition en général, les mots
D é l i v r a n c e , M a in a s s i s e , M i s e d e f a i t , N a n t
i s s e m e n t , P o s s e s s io n , R e m i s e , S a i s i n e . ( A )
TRADITION AIRE, f. m. (Hift- Jud.Jeû un nom
que tes Juifs donnent à ceux qui reconnoiffent la tradition
, qui la fuivent, 8c qui s’en fervent pour ex-
pofer les écritures feintes : ils font oppofés aux Ca-
raïtes, qui refiifent de reconnoitre d’autre autorité
que celte des écritures mêmes.
Les traditionaires font ceux que l’on appelle plus
communément les rabbins 8c les talmudifies. Foye.i
R a b b in s , R a b b i n i s t e s , T a l m u s , & c .
Hillel s’eft autant diftingué parmi les traditionaires,
que Schammaï parmi tes textuaires.
TRADUCIENS, f. m. pi. (Hifi. eccléf.) nom que
les Pélagiens donnoient aux Catholiques, parce qu’ils
-enfeignoiept que le péché originel paffoit du pere
T R A
aux enfans, êc Êjue ces hérétiques croyôient qu*H fe
communiquoit par la voie de la génération. Foyer
CHÉ ORIGINEL.
Ce mot eft forme du latin tradux, dont on fe fer-
voit pour exprimer la communication, 8c qui vient
de traduco , je tranfmetsde l’un à l’autre.
Aujourd’hui quelques-uns donnent le nom de tra-
duciens à ceux qui croient que les âmes des enfans
émanent de celles de leurs peres. Voyeç A me.
TRADUCTEUR , f. m. (Belles-lettres.) c’eft celui
qui traduit un livre, qui le tourne d’une langue dans
une autre. Voye{ le mot T raduc tio n.
Je me contenterai d’obferver i c i, que les matières
de fciences 8c de dogmes, exigent d’un traducteur une
grande précifion dans les termes. Celles que décrit
la Poéfie, rejettent les périphrafes, qui affoibliffent
les idées; 8c un attachement fervile, qui éteint le
fentiment. La repréfentation fcrupuleufe de tous les
membres d’un poëte , n’offre qu’un corps maigre 8c
décharné ; mais la repréfentation libre ne doit pas
être infidelle. On dit que M. de Sévigné comparoit
les traducteurs à des dojneftiques qui vont faire un
meffage de la part de leur maître, 8c qui dffent fou-
vent le contraire de ce qu’on leur a ordonné. Ils ont
encore un autre défaut de domeftiques, c’eft de fe
croire auffi grands feigneurs que leurs maîtres, fur-
tout quand ce maître eft fort ancien' & du premier
rang. On a vu des traducteurs d’une feule piece dé Sophocle
ou d’Euripide, qu’on ne pouvoit pas jouer fur
notre théâtre, méprifer Cinna, Polieufte 8c Caton,
{ O . J .)
TR AD U CT ION , {. f. VERSION, f. f. (Syno-
nymes. ) On entend également par ces deux mots la
copie qui fe fait dans une langue d’un difeours premièrement
énoncé dans une autre, comme d’hébreu
en grec, de grec en latin, de latin en françois, &c.
Mais l’ufege ordinaire nous indique que ces deux
mots different entr’eux par quelques idées acceffoi-
res , puifque l’on employé l’un en bien des cas ou
l’on ne pourroit pas fe fervir de l’autre : on dit, en
parlant des feintes écritures, la V e r s io n des fep-
tante, la V e r s io n vulgate ; 8c l’on ne diroit pas de
même, la Tr a d u c t i o n des feptante,la T r a d u c t
io n vulgate : on dit au contraire que Vaitgelas a
fait une excellente traduction de Qtiint-Ciirce, 8C
l’on ne pourroit pas dire qu’il en a fait une excellente
verjion.
Il me femble que la verjion eft plus littérale, plus
attachée aux procédés propres de la langue originale
, 8c plus affervie dans fes moyens aux vues de
la conftrudion analytique ; 8c que la traduction eft
plus occupée du fond des penfées, plus attentive à
les préfenter fous la forme qui peut leur convenir
dans la langue nouvelle, 8c plus affujettie dans fes
expreffions aux tours 8c aux idiotifmes de cette
langue.
Delà vient que nous difons la verjion vulgate, 8c
non la traduction vulgate ; parce que l’auteur a tâché
, par refpeû pour le texte fecre, de 1e fuivre littéralement,
8c de mettre, en quelque forte, l’hébreu
même à la portée du vulgaire, fous les fimples
apparences du latin dont il emprunte les mots. Mi-
fer une Judoei ab Jerofolimis facerdotes & levitas ad eum,
ut interrogarent eum : tu quis es ? ( Joan. j . i c).') Voilà
des mots latins, mais point de latinité, parce que
ce n’étoit point l’intention de l’auteur ; c’eft l’nc-
braïfme tout pur qui perce d’une maniéré évidente
dans cette interrogation direfte , tu quis es : les latins
auroient préféré le tour oblique quis ou quifnam
effet ; mais l’intégrité du texte original feroit com-
promife. Rendons cela en notre langue, en difent,
les juifs lui envoyèrent de Jérufalem des prêtres & des
lévites, afin qu'ils lintcrrogeaffent, qui es-tu? Nous
aurons une verjion françoife du même texte : adajj-
T R A
an s lé lour de hotrè langue à IB M H B &
■ Rions As /«/ƒ, lui envoyèrent de Jerujolem des pretres
(g des lévites, pour favoir.de lui qm il itou, 8c nous
aurons une tmduclïon. .
L’art de la trèduclion fuppofe neceffairement celur
àe la verftrm ; & delà vient ifre les tranflatnsns que
■ fait faire au* jeunes gens dans nos eolleges'du
grec'on du latin en françois, font tres-blen nommées
des vtrfîons : les premiers effars de traduction
ne peuvent & ne doivent être rien autre èhflfe.
La verfton littérale trouve fes lumières dans la
marche invariable: de la conftruaion analytique, qui
lui fert à lui faire remarquer les idiotifmes de la langue
originale, & à lui en donner l’intelligence , en
rempliflant les vuides de L’ellipfe, en fupprimant les
redondances du pléonafme , en ramenant à la fefti-
tude de l’ordre naturel les écarts de la conftruaion
ufuelle. Voyc[ Inv er s io n , Méth od e, Supéee-
MENT , dit. , -
La traduction ajoute aux decouvertes de la verfion
littérale, le tour propre du génie de la langue dans
laquelle elle prétend s'expliquer : elle n’employe_ les
fecousâ analytiques que comme des moyens qui font
entendre la penfée j mais elle, doit la rendre cette
penfée, comme on la rendroit dans le fécond idiome
, fi on i’avoit Conçue, fans la puifer dans une langue
étrangère; Il n’ en faut rien retrancher, il n’y
faut rien ajouter, il n’y faut rien changer ; ce ne
fercit plus ni verfion, ni traduction ; ce feroit un co/ra-
Ne pouvant pas mettre ici un traité développé
des principes de la traduction-, qu’il me foit permis
d’en donner feulement une idée generale, 8c de commencer
.par un exempte de traduction, q u i, quoique
forti de la niàin d’un grand maître , me purent encore
repréhenfible. t
Cicéron, dans fon livre intitulé Brutus, ou des
orateurs illufires, s’exprime ainfi : (ch. x x x j . ) Quis
ubetior indicendo Platane ? Quis Ariflottk nervpfior ?
Theop/trafio dulcior ? Voici comment ce paffage eft
rendu en français par M. de la Bruyere, dans fort
difeours fur Théophrafte : << Qui eft plus fécond
» 8c plus abondant que Platon ? pliis folide &G plus
» ferme qu’Ariftote ? plus agréable 8c plus doux qud
» Théopnfafte ? A ,
C ’eft encore ici un commentaire plutôt qu une
traduction, 8c wn commentaire au-moins inutile.-
Uberior ne fignifie pas tout à Ja fois pltis abondant &
plus fécond ; la fécondité produit. l’abondance , 8c
il y a entre l’ün 8c l’autre la même différence qu’entre
la cairfe 8c l’effet; la fécondité étoit dans le
génie de Platon, & elle a produit l’abondance qui
eft ené’ore dans fes écrits.
Nervofus, au fens propre, fignifie nerveux ; 8c-
l’effet immédiat de cette heureufe eonftitUtion eft
la force, dont les nerfs font l’inftmment 8c la foutee :
le fens figuré ne peut prendre la place du fens propre
que par analogie ,• 8c nervofus doit pareillement
exprimer ou la force, ou la caufe dé la force. Ner-
vofior ne veut donc pas dire plus folide & plus ferme
; la force dont >1 s’agit in dieendo , c’eft l'énergie.
Dulcior ( plus agréable' 8c plus doux ) ; dulcior
n’exprime encore que la douceur, 8c c’eft ajouter à
l’original que d’y joindre l’agrément : l’agrément
peut être un effet de la douceur, mais il peut l’être
auffi de toute autre caufe. D’ailleurs pourquoi charger
l’original ?' C e n’eft plus le traduire, c’eft le commenter;
ce n’eft plus le copier, c’eft 1e défigurer.
Ajoutez que , dans fa prétendue traduction, M. de
la Bruyere ne tient aucun, compte de ces mots in di-
cendo, qui font pourtant effentiels dans l’original,
8c qui y déterminent le fens des trois adjeâifs uberior,
nervofior, dulcior'. car la conftruérion analytique
i qui eft le fondement de la verjion, 8c confé-
T R A 511
quemment de la traduction, fuppofe la phrafe rendue
ainfi ; quis fuit uberior in dieendo pra Platone ?
quis fuit nervofior in dieendo, pree Ariflottle ? quis
fuit dulcior in dieendo, pra Theophrajlo ? Qr dès qu’il
s’agit d'expreffion, il eft évident que ces adjeâifs
doivent énoncer les effets qui ÿ ont produit les
caufes qui exiftoient dans le génie des grands hommes
dont on parte.
Ces réflexions me porteroiept donc à traduire ainfi
le paflàge dont il s’agit : Qui a dans fon élocution plus
d'abondance que Platon? plus de nerf qu Ariflote?
plus de douceur que Théophrafte ? fi cette.traduction n’a
pas encore toute l’exa&itude dont elle eft peut-être
fufceptible, je crois du moins avoir indiqué ce qu’il
faut tâcher d’y confervér ; l’ordre des idées de l’original
, la précifion de fe phrafe, la propriété de fes
termes. ( Foye{ Synecdoque j §. n . la critique
d’une traduction de M. du Marfeis, 8c au mot Méthode
, la verfion 8c la traduction d’un paffage de
C ic .) J’avoue que ce n’eft pas toujours une tâche
fort aifée ; mais qui ne la remplit pas n’atteint pas
le but.
« Quand il s’agit, dit M. Batteux , ( Cours de
» belles-lettres, III. paru jv . fecl. ) de 'repréfentef
» dans une autre langue les chofes , tes penfées, les
» expreffions, tes tours, les tons d’un ouvrage ;
» tes chofes telles qu’elles font, fens rien ajouter,
» ni retrancher, ni déplacer ; les penfées dans leurs
» couleurs, leurs degrés, leurs nuances ; les tours
» qui donnent 1e feu, Fefprit, la vie au difeours j
» les expreffions naturelles j figurées, fortes, riches,
» gratieüfes, délicates, &c. 8c 1e tout d’après tinmo-
» dele qui commande durement,8c qui veut qu’on lui
» obéifië d’un air aifé : il faut, finori autant de gé-
» nie j du-moins autant de goût, pour bien traduire
» que pour compofer. Peut-être même en faut-il
» davantage. L ’auteur qui compofe, conduit feule-
» ment par une forte d’inftinft toujours libre, 8c
» par fa matière qui lui préfente des idées qu’il
» peut accepter ou rejétter à fon gré, eft maître
j » abfolu de fes penfées 8c de fes expreffions : fi la
» penfée rie lui convient pas, ou fi l’éxpreffiori né
» convient pas à la penféë, il peut rejetter l’une 8c
» l’autre : qua defperat traîlata nittfeere poffe j relin-
>> qua. Le traducteur n’eft maître de rien ; il eft obli-
» de fuivre par-tout fon auteur, & de fe plier à
» toutes fes variations avec une foupleffe infinie*
» Qu’ôn en juge par la variété des tons qui fe trou-
» vent, riéceffairement dans un même fujetj 8c à
» plus forte raifon dans un même genre. . . . Pouf
» rendre tous ces degrés, il faut d’abord les avoitf
» bien fends,- enfuite maîtrifer à un point peu com-f
» mun la langue que l’on veut enrichir de dépouilles
» étrangères. Quelle idée donc ne doit-on pas avoir
» d’uiie traduction faite avec fuccès ? »
Rien de plus difficile en effet, 8c rien de plus rare
qu’une excellente traduction, parce que riert n’eft ni
plus difficile ni plus rare, que de garder un jufte mi-*
lieu entre la licence du commentaire 8c la fervitude
de la lettre. Un attachement trop fcrupuleux à la
lettre, détruit l’efprit, 8c c’eft l’efprit qui donne la
v ie : trop de liberté détruit les traits caraétérifti-
| ques de l’original, on ert fait une copie infidèle.
Qu’il eft fâcheux que les révolutions des fieeles
! nous aient dérobé tes traductions que Cicéron avoit
! faites de grec en latin, des fameufes harangues drt
i Démofthene 8c d’Efchine : elles feraient apparemment
pour nous des modèles sûrs ; 8c il ne s’agiroit-
que de les confulter avec intelligence, pour traduire
; enfuite avec fuccès. Jugeons-en par la méthode qu’il
j s’étoit preferite dans ce genre d’ouvrage, 8c d'ont il
: rend compte lui-même dans fon traité de optimo généré
oratorum. C’eft l’abrégé 1e plus précis, mais le
j plus lumineux 8c le plus v rai, des réglés qjfil con