902 y E L
fîcation de 4 liv. 10 fols fur chaque aune de velours
qu’ils fiùfoient fabriquer en foie feulement, 8c 7 liv.
10 lois pour chaque aune de ceux qui étoient en dorure.
Les fournies deftinées à payer cette gratification
étoient tirées de la caiffc de la recette des droits
fur les marchandifes étrangères.
Cette gratification excita tellement l’émulation
des marchands fabriquans de la ville de Lyon qu’ils
firent venir des ouvriers d’Italie , oh ce genre d’étoffe
étoit auffi brillant que l’ell actuellement le velours
uni : ces ouvriers en formèrent d’autres ; ils
furent rçcompenfés de leurs foins : on fit pour-lors
des velours cilélés auffi parfaits que chez, l’etranger;
la gratification accordée les fit donner à meilleur
p r ix , de forte que la perfection 8c le bon marché
leur tùiiant accorder la préférence , les fabriques
étrangères tombèrent totalement, & n’ont jamais pu
fe relever. Une fabrique tombée une fois, fe releve
difficilement.
On àiiroit fait tomber les velours unis, fi on avoit
i'uivi le même fyftème.
La ceffation de^ travaux dans la fabrique s’étant
fait refl'entii: par les diminutions confidérables fur les
efpeccs(x7x5 8c 17x6), le nombre des.pauvres ayant
conlidérablement augmenté dans l’hôpital - general
de la Chafité de Lyon, les magiftrats de la ville firent
accorder des fonimes confidérables pour fubvenir
au befoin des pauvres, lefquelles furent prifes fur la
recette des droits fur les marchandifes étrangères,
ce qui obligea le miniftere à fupprimer l’année fui-,
vante (17 x7) la gratification ordonnée, ôc engagea
les fabriquons de la ville de Lybn à augmenter la per-
feClion des velours pour fe conferver la préférence
fur les étrangers. ,
Les fabriquans -entreprirent pour-lors à augmenter
les vclqiirs de deux cens roquetins , c’eft-a-dire
de le faire avec nulle au-iieu de huit cens ; les ouvriers
trouvèrent cette augmentation extraordinaire,
parce qu’il fallut faire augmenter les caffins de cent
poulies , de même que les rames, les femples & les
planches pour les arcades^; ils eurent même peine à
s’y réfoudre , mais la ceffation des travaux ou la mi-
fere l’emporta ftirfla répugnance.
II fe fabrique aujourdTiui à Lyon des velours de
3x00 roquetins, c’eft-à-chre de quatre cantres com-
pofées de $00 chacune , dont une de ces cantres fait
le fond de l ’étoffe;, quand elle n’eft pas en dorure,
parce que pour-lors les qùatre cantres font difpofées
pour faire les fleurs. I
Les canfies qui font difpofées pour faire les fleurs
de l’étoffe )' foit qu’il y eh a trois, foit qu’il y en ait
quatre, font compofées-de vingt couleurs différentes
plus ou moins, fuivant la difpolition du deffein , con-
féquemment il faut que -l’ouvrier ait un grand foin
de conduire les couleurs’ par dégradations lorfqu’il
monte le métier , c’eft-à-;dire de la plus obfcure à la
plus claire , ce qui n’eft pas un léger embarras, &
cela afin que la fleur puiffe acquérir la beauté que le
deffinafeuf s’eft propofe' dé lui donner. -
Les métiers qui font montés de^zooroquetins;
vulgairement appelléstrente-deux-cens, doivent avoir
un pareil nombre démailles de corps ; puifque chaque
branche de roquétin -doit avoir fa maille , ce
corps eft divifé en quatre parties égales de 800 mailles
chacune , ce qui compoferoit 1600 cordes de
rame 8c defemple ; mais comme les beaux velours,
ou ceux de cette efpece font tous à petits bouquets,
fuivant le goût d’aujourd’hui, 8c que chaque bouquet
eft répété'au-moins huit fois dans l’étoffe, chaque
cordé de rame tirant quatre arcades qui lèvent huit
mailles , il s’enfuit que quatre cens cordés font lever
les 3 xoo mailles , ce qui n’augmente ni ne diminue
le cordage ordinaire. Si les SouqUetsr font répétés
dix fois dans la largeur de l’étoffe , pour-lors il ne
V E L
faut que 80 cordes chaque cantre, qui tient cinq arcades
, ce qui fait 3 xo cordes, tant pour le rame que
pour le leniple , ainfi des autres plus ou moins.
Les beaux velours ont encore un corps particulier
pour le poil compofé de 800 mailles. Si la répétition
eft de huit fleurs , il faut cent cordes de femple ci-
deftus , 8c j\ proportion fi elle eft de dix fleurs ; on
fait lire les cordes du poil pour donner à la dorure
le liage que l’on defirc, foit droit, foit guillochc ou
autrement. Il eft des velours qui n’ont pas de poil,
parce que pour-lors l’ouvrier paffe la dorure fous
une lifte de la chaîne de l’étotfe, ce qui fait un fond
de dorure égal , mais plus ferré 6c moins beau que
ceux qui ont un poil. Les 800 mailles de poil com-
pofent dix portées. Tous les velours font montés à
< liftes 6c 75 portées de chaîne , ce qui fait 15 portées
ou 1 xoo fils pour lier la dorure.
Tous les velours en 3x00, dont les bouquets font
répétés huit fois, n’ont que 400 roquetins au-lieu de
3 xoo , à l’exception néanmoins des ouvriers qui,
ayant fuffifamment de cantres 6c de roquetins , ne
jugent pas à propos ou ne font pas en état d’en faire
la dépenfe. Les velours qui ont dix bouquets n’ont'
befoin que de 3 x0 roquetins , ainfi des autres. Il s’agit
maintenant d’expliquer de quelle façon peut fe
faire une chofe auffi belle 6c auffi bien inventée.
Pour expliquer une chofe auffi bien concertée, il
faut faire attention qu’on vient de dire, que dans l’étoffe
oh les bouquets font répétés huit fois, chaque-
corde de femple ou de rame tire huit mailles ; de
même que dans celle oh il y en a dix , chaque corde
tire dix mailles. On charge , pour cette opération ,
le roquétin , qui eft plus gros que les ordinaires, de.
huit branches , pour l’étoffe oh les bouquets font
répétés huit fois, 6c de dix pour celles oh ils font répétés
.dix fois ; 6c on a foin que chaque branche du
roquétin foit paffee dans chaque maille tirée par la
même corde ; 6c afin que les branches du même ro--
quetin puiflent fe feparer aifément pendant le cours-
de la fabrication, on a foin de les enrouler fur le ro-'
quetin de la même façon, 6c avec la même précau-
tion-que l’on obferve quand on ourdit une chaîne ;
c’eft-à-dire , que fi une branche eft de quatre fils,
d’organfin , on paffe quatre fils dans une feule boucle
de la cantre à ourdir ; 6c les -huit ou dix bran-;
ches paflees, on les enroule enfemble fur le roque-
tin ; lequel étant chargé de la quantité néceffaire, on
enverge les branches, ou on les encroife.., pour que
chaque branche foit paffée de fuite dans là maille qui
lui eft deftinée.' Il paroit par cet. arrangement, que
chaque corde tirant les huit mailles ou dix , dans
lefquelles font pafleès les huit ou dix hranches du
rpquetin , chaque branche doit avoir la même ex-
tenfion, par conféquent Faire un. vtlpur.s parfait. ■ h.
Afin que le roquétin foit plus gai pour le mouvement
de la tire , 6c qu’il puiffe .tourner aifément
en avant 6c en arriéré', il n’eft point enfilé par.une
baguette de fer comme ceux des autres métiers ; ceux;
ci ont dans le centre deux pivots très-minces , qui
font placés dans une mortoife de pareille, ouverture,
8c conféquemment né font pas tant deffrottémens ;
ils ont en outre deux poids proportionnés,à la quantité
de branches-dont ils font garnis , un de chaque
çôté;, placés de façon que quand l’un: eft inonté, l’autre
eft encore à moitié de fa hauteur ; afin que fi ,
pàrévénement, l ’un fe trouvoit deffus là cannelure
du roquétin , celui-ci qui eft pendu donnât l’exten-
fiorrcontinuellé ; ce qui ne peut durer le tems d’une
fécondé ; par ce* queies poids étant ronds, il n’eft pas
poffible qu’ils puiflent fefoutenir fans tomber, fur une
furfacé auffi unie que celle de la circonférence de
ce roquétin , continuellement en mouvement , 6c
qui eft d’une rondeur parfaite. A obferver que l’on
ne pourroit pasfairé un velours à grand.deffein avec
V E L
des roquetins de cette efpcce , parce que pour lors
la corde ne doit tirer que deux mailles, quelquefois
même qu’une : ce qui a été pratiqué lorlqu’on a fait
des habits pour homme à bordure ; mais il ne s’en
fait plus aujourd’hui.
Etoffe à la broche. Quoique la façon de faire les
velours cifelés , chargés de roquetins , femblable à
celle que l’on vient de démontrer , foit auffi fingu-
liere qu’elle eft bien imaginée , il fe fabrique encore
à Lyon des étoffes riches auxquelles les ouvriers ont
donné le nom d'étoffes à la broche , qui cependant
dans le commerce n’ont d’autre dénomination que
celle de fond or ou argent riches ; il faut en donner
l’explication.
Toutes les étoffes riches de la fabrique dont la
dorure eft liée par les liffes, foit par un p o il, foit par
la chaîne, ont un liage fuivi qui forme des lignes diagonales,
lefquelles portent à droite ou à gauche, fuivant
la façon de commencer ou d’armer ce liage ;
en commençant par la première du côté du battant,
6c fnqffant par la quatrième du côté des liffes ; ou en
commençant par cette derniere , 6c finiffant par la
première du côté du battant. Cette façon d’armer lé
liage eft générale , 6c pourvu que la liffe ne foit pas
contrariée , elle eft la même , 6c produit le même
effet. Outre cette façon de lier la dorure dans les
étoffes riches, elles ont encore une dorure plus groffe
qui imite la broderie appellée vulgairement dorure
Jans liage, parce que pour lors on ne baiffe point de
liffe pour lier cette dorure qui n’eft arrêtée que parla
corde ; c’eft-à-rdire , que dans les parties de dorure
qui font tirées 6c qui ont une certaine largeur,
le deffinateur a foin de Iaiffer des cordés à fon choix,
lefquelles n’étâfit pas tirées , 6c fe trouvant à une distance
les unes des autres , arrêtent la dorure 6c lui
donne plus de relief , parce qu’elles portent plus
d’éloignement que le fil ordinaire qui la lie. La distance
ordinaire des cordés qui ne font point tirées,
afin d’arrêter la dorure , eft de treize à quatorze ; au
lieu que dans les liages ordinaires, elle ne paffe pas,
pour les plus larges , à 5 ou 6 cordes. Outre le grillant
que le liage par la corde dorihe à la dorure, le deffinateur
qui le marque au defféiri, a' encore la liberté
de diftribuer ce liage à fon choix, tantôt à droite,
tantôt à gauche, dans une partie de dorure en rond ,
en quatré , ôü ovale , comme il lui plaît, dans une
Feuille de dorure ; à former les veinés dés côtés, ce
qui ne peut point fe faire avec la liffé ordinaire. Cette
Façon de lier la dorure étant peinte fur le deffein ,
il n’eft pas de douté que le deffinâtèuf ne la diftribue
d’une façon à fâire briller davantage l’étoffe , 6c qu’il
ne la repréfente comme une broderie parfaite.
Obfervàùon fur Varticle vij du litre 8 du règlement
du ic) Juin i y 44 , qui déclare que dâfis le cas où les velours
unis feront fa briqués avec de l'orgàhfin , monté a
trois brins , chaque f il de poil fera compté pour un f il &
demi , & le velours pourra être marqué fur ce pié à la
lijiere , & vendu pour velours d trois poils, quoiqu'il ne
fo it qu'à deux.
On n’eiifret'a point ici dans le détail de la façon
dont eft monté l ’organfin à deux , trois 6c quatré
brins , ni dans la façon dont é ft fabriqué le velours,
pour démontrer le ridicule de cet article ; on ne s’attachera
qu’à la façon dont cette étoffé eft montée 6c
fabriquée chez les Génois 6c les Piémontois pour
faire voir que fi leurs velours ont plus de réputation
que les nôtres , ces étrangers le méritent à tous
égards.
Les fabricateurs du réglement de 1744 , qui eft
aujourd’hui attaqué de toutes parts, même par les ordres
du confeil, pour éblouir ceux qui ne connoif-
fent pas la manufaéhire ; ont fixé l’aune de la toile
pour les velours à trois, trois 6c demi 6c quatre poils,
îoit defoixante portées fimples-, foit de quarantepor-
Tome XVI.
V E L 903
tées doubles ; lefdites portées de quatre-vingt fils, à
vingt-deux deniers poids de marc, comme s’il étoit
d’une grande conféquence de ne l’avoir pas porté à
une once , 6c qu’il fût bien intéreffant qu’une chaîne
, qui ne paroit en aucune façon, fût plus ou moins
pefante , fur-tout lorfqu’il eft impoffible de faire l’é-
tofïè avec lin organfin plus léger; parce qu’il ne pourroit
pas réfifter au coup du battant , qui doit être
proportionné au genre d’étoffe pour laquelle il eft
deftiné.
C’eft une pure bavarderie de la part des inftiga-
teurs de ce réglement, que cette fixation illufoire de
vingt-deux deniers chaque aune de toile ourdie des
velours à trois poils 6c au-deffus ; parce que quand il
feroit poffible de fabriquer des velours de femblable
efpece ou qualité avec des organfxns plus légers de
6 den. chaque aune , la différence ne feroit pas de fix
liards , puifque l’organfin fin eft infiniment plus cher
que le gros , 6c qu’il faut fuppléer par la trame au
défaut de la chaîne dans des étoffes de cette qualité
, pour qu’elles foient parfaites 6c fortes.
Le poil de tous les velours eft compofé de vingt
portées , afin que tous les deux fils , dans la chaîne
de quarante portées doubles , il y en ait un de poil
de même que tous les trois fils, dans celles de foixante
portées fimples.
Le peigne pour fabriquer le velours doit contenir
vingt portées, à quarante dents chaque portée du
peigne , de façon que chaque dent doit avoir deux
fils de poil de deux boucles différentes.
On appelle velours à quatre poils , celui dont le
poil eft compofé de vingt portées à quatre fils par
boucle à Pourdiffage ; c’eft-à-dire , qu’au lieu d’un
fil il y en ait quatre enfemble; ce qui vaut autant pour
là quantité de foie que contient le p o il, que s’il y
avoit quatre-vingt portées féparées. Les velours à
trois poils 6c demi , ont une boucle de quatre fils, 8c
une de trois ; c’eft-à-dire, une huitième partie de
foie moins que les velours à quatre poils. Les velours
à trois poils ont trois fils par boucle ; c’eft-à-
dire , un quart de foie moins que les velours à
quatre poils. Ceux à deux poils ôc demi , ont une
boucle de deux fils , 8e une de trois, ainfi des autres.
Chaque dent du peigne doit contenir deux boucles
de quatre fils chacune , pour le velours à quatre
poils ; ce qui compofé huit fils féparés. Une boucle
de quatre fils 6c une de trois pour les velours à trois
poils & demi, ce qui compofé fept fils. Enfin , deux
boucles de trois fils chacune pour ceux à trois poils ,
ce qui compofé fix fils, ainfi des autres.
Le vèloiirs ne tire fa beauté que de la auantité
de fils qui eompofent le p o il, 6c de leur féparation,
lorfque l’ouvrier le coupe en le travaillant ; de façon
que s?il étoit poffible de fabriquer un velours à quatre
poils avec les huit brins féparés qui eompofent
les quatre fils d’organfin , il en feroit infiniment plus
beau ; il n’eft pas un fabriquant, pour peu qu’il foit
habile qui ne convienne de ce principe.
Selon le fyftême nouveau des fabricateurs du réglement
dé 1744 , ils veulent qu’un fil d’organfin
monté à trois brins, foit compté pour un fil 6c demi
; conféquemment qu’un velours fabriqué avec
deux fils d’organfin , monté à trois brins , puiffe être
marqué 6c vendu pour un velours à trois poils ;
quelle abfurdité , ou plutôt quelle fupercherie ! Sur
ce pied , un velours fabriqué avec deux fils d’or»an-
fin montés à quatre brins , pourra donc être marqué
8e vendu pour un velours à quatre poils, de même
qu’un velours fabriqué avec un fil d’organfin monté
à huit brins, pourra auffi être marqué 6c vendu pour
un velours à quatre poils ! A-t-on pû avancer une
femblable impofture ? on le demande aux plus habiles
fabriquans de l’Europe , principalement aux Génois
, qui fabriquent mieux que nous çe genre d’é-
Y Y y y y ij