I V
julien, de Libanius, où l’auteur parle de la transfufion
'tomme en ayant été témoin oculaire ; 11°. enfin il affu-
*re que Marfil Ficin, l’abbé Tritheme, Aquapendente,
la r v é e & Frapaolo l’ont expérimentée. ( LaMarti-
snierc, opufcttUs t leur, à M. de Colbert^ Il auroit pu
ajouter pour ôter à fes contemporains & à fes confrères
la gloire prétendue de cette découverte, que
Libavius avant Harvée l’avoit déjà propofée & décrite
trèsexaftement,que Handshan l’avoit pratiquée
en 1658, & qu’elle a voit été.perfectionnée en 166\
■ par L o v e r , &c.
La queftion fur l’ancienneté de cette opération
paroît aflez décidée par ce grand nombre de te-nioi-
gnages, dont on ne fauroit contefter l’authenticité,
•du-moins quant à la plus grande partie ; le défaut de
quelques ouvrages que la Martiniere cite, m’a empêché
de vérifier plusieurs de fes citations , il doit
■ être garant de leur jufteffe. Cependant je remarquera
i que Marfil F icin, qu’il donne comme transftfeur,
ne parle que des bains ou de la fuccion de fang humain
, .& non de la transfufion ,• que dans le livre de
4a fibylle Amalthée fur lesfoufirances des gladiateurs, 1
qu’il cite auffi, il n’y eft dit autre chofe, linon que
leur fang pourra fervir de remede , ce qui certainement
ne fauroit s’appliquer à la transfufion, parce
que le fang d’un homme mort n’eft point propre à
cette opération.
Cette découverte étant enlevée avec raifon aux
médecins du fiecle paffé , il relie à favoir à qui on
en doit le renouvellement, plufieurs perfonnes fe
l’attribuent ; les Anglois & les François s’en difpu-
tènt ce qu’ils appellent Y honneur ; &c chacun de fon
côté apporte des preuves , fur lefquelles il eft difficile
& très-fuperflu de décider. On convient allez
généralement que les premières expériences en furent
faites en Angleterre , & la première transfufion
bien avérée y fut tentée par Handsham en 1658.
Quelques allemands , Sturmius fameux mathématicien
d’Altorf, Vehrius profelfeur à Francfort, ont
prétendu que Maurice Hoffman en étoit le premier
auteur, c’eft-à-dire le renovateur ; mais leur prétention
n’eft point adoptée : c’eft auffi le fentiment de
M. Manfredi, que la transfufion a été imaginée en
Allemagne, publiée en Angleterre & perfedlioanée
en France. Quoique les François avouent que les Anglois
& les Allemands ont fur eux l’avantage d’avoir
effayé les premiers la transfufion , ils ne cedent pas
pour cela les droits qu’ils croient avoir à la découverte
, ou au renouvellement de cette opération ; ils
prétendent être les premiers qui l’ont propofée , &
ils fondent leurs prétentions fur un dil'cours qui fut
prononcé à Paris au mois de Juillet 1658, dans une
affemblée des favans qui fe tenoit chez M. de Mont-
mo r, par dom Robert de Galats, religieux bénédictin
: le fujet du difeours eft la transfufion du fang, &
le but de l’auteur eft d'y prouver la poffibilité, la
fécurité & les avantages de cette opération. Comme
ces affemblées étoient fréquentées par des favans
’etrangers , & qu’il y avoit entr’autres quelques gentilshommes
anglois qui y étoient très-aflidus, il n’eft
pas fort difficile à concevoir , difent les François ,
comment l’idée de la transfufion aura paffé par leur
moyen dans les pays les plus éloignés. T a rd y, médecin
de Paris, prétend en avoir eu la première idée,
& d’autres affurent que M. l’abbé Bourdelot, médecin
, en avoit parlé long-tems auparavant dans des
conférences qui fe faifoient chez lui. Il eft d’ailleurs
certain, par le témoignage unanime des auteurs de
différentes nations, que lesFrançois ont les premiers
ofé en faire des expériences fur les hommes ; mais en
cela méritent-ils plus d’éloges que de blâme ? Les fuc-
cès ne dépofent pas en leur faveur ; mais il faut présumer
que l’intérêt public & l’efpérance de guérir
plus promptement des maladies opiniâtres 9 furent
m a l
les motifè qui les engagerént à ces tentatives; & dans
ce cas , ils feroient certainement excufables : on ne
devroit au contraire avoir pour eux que de l’horreur
, s’ils n’ont eu d’autre but que defe diftinguer, 8c
s’ils ont cruellement fait fervir les hommes de vi£li-
mes à 'leur ambition. Quoiqu’il en fo it , l’exemple
de Denis , le premier transfufeur françois, fut bientôt
après Suivi par Lover & Ring. Les Italiens ne
furent pasmoinstéméraires ; en 1668, ils répétèrent
la transfujion fur .phifieurs hommes. MM. Riva 8c
Manfredi firent cette opération. Un médecin , nommé
Sïnibaldus, voulut bien s’y foumettre lui-même;
les mêmes expériences furent faites-en Flandres,
& eurent, s’il en faut croire Denis , un heureux
fuccès.
Les auteurs qui pratiquoient dans les commence-
mens la transfufion fur les animaux, ne cherchoient
par cette opération qu’à confirmer la fameufe découverte
pour-lors récente de la circulation du fang,
mais les preuves qui en réfulterent étoient affez inutiles
, & d’ailleurs peu concluantes, quoi qu’en dife
Boerhaave. Si on les avoit oppofées aux anciens > ils
n’auroient pas manqué d’y répondre que le fang étoit
reçu dans les veines fans circuler, ou qu’il y étoit
•agité par le mouvement de flux & reflux qu’ils admettaient
, que les modernes ont nié , & qui paroît
cependant confirmé par quelques expériences ; mais,
comme le remarque judicieufement l’immortel auteur
du traité du coeur, « lorfqu’on eonnoît le cours
» du fang , on trouve dans la transfufion une fuite,
» plutôt qu’une preuve évidente de la circulation »,
vol. II. liv. III. chap. iij. On ne fut pas long-tems à
fe perfuader qu’on pourroit tirer de la transfufion
des avantages bien plus grands , fi on ofoit l’appliquer
aux hommes, M. Denis affùre qu’il donna d’autant
plus volontiers dans cette id ée, que de tous les
animaux qu’il avoit fournis à la transfujion, aucun n’é-
toit;mort, & qu’au contraire il avoit toujours remarqué
quelque chofe de furprenant dans ceux qui
avoient reçu un nouveau fang ; mais comme il n’a-
voit jamais pratiqué telle opération que fur des fil-
jets de même efpece, il voulut, avant de la tenter
fur des hommes , effayer fi les phénomènes en feroient
les mêmes, & les fuites auffi peu funeftes, en
faifant pafferle fang d’un animal dans un autre d’une
efpece différente : il choifit pour cet effet le chien &
le veau , dont il crut le fang moins analogue ; mais
cette expérience réitérée plufieurs fois, ayant eu
conftamment le même fuccès, les chiens recevant
fans aucune indifpofition le fang étranger, il fe confirma
de plus en plus dans l’efpérance de la voir
reuffir dans l’homme. Cependant ne voulant rien
précipiter dans une matière auffi intéreffante, où les
fautes font fi graves & irréparables, ce médecin prudent
publia Tes expériences , annonça celles qu’il
vouloit faire fur les hommes, bien-aife de favoir
l’avis des favans à ce .fujet, & d’examiner les objections
qu’on pourroit lui' faire pour le diffuader de
pouffer fi loin fes expériences, mais il n’eut pas lieu
d’être retenu par les raifons qu’on lui oppofâ. Fondées
uniquement fur la doctrine affez peu fatisfai-
fante de l’école , elles ne pouvoient pas avoir beaucoup
de force : les principales étoient i°. que ladi-
verfité des complexions fondée fur le fang, fuppofe
qu’il y a tant de diverfité dans les fangs des différens
animaux, qu’il eft impoffible que l’un ne foit’un poi-
fon à l’ égard de l’autre ; 20. que le fang extravafe y
ou qui fort de fon lieu naturel, doit néceffairement
Te corrompre , fuivant le fentiment d’Hippocrate ;
30. qu’il doit fe coaguler en paffant par des vaiffeaux:
inanimés, & caufer enfuite en paffant par le cceus
des palpitations mortelles. 11 ne fut pas mal-aifé à
Denis de détruire ces objections frivoles, i l y oppo-
fa de mauvais raifonnemens qui pafferent alors pouft
bons ; il répondit encore moins folidem&nt & plus
prolixement à ceux qui lui objeûoient que lé fang
pur tranfmis dans les veines d’un animal qui en con-
tenoient d’impur, devoit fe mêler avec lui & contracter
fes mauvaifes qualités ; Ôc que d’ailleurs quand
même il arriveroit que le mauvais firng changeât par
le mélange du bon, la caufe qui l’avoit altéré fubfif-
tant toujours, il ne tarderoit pas à dégénérer de nouveau
& à corrompre le fang pur. Cet argument eft
un des plus forts contre la transfufion, & auquel fes
partifans ne pouvoient jamais faire de réponfe fa-
tisfaifante. . ;
Denis croyant avoir repoüffe les traits de fes ad-
Verfaites , emprunta à fon tour le raifonnement pour
foutenir la thèfe qu’il avoit avancée. En premier lieu;
il étaya fon opinion par l’exemple de la nature , qui
ne pouvant nourrir le foetus dans la matrice par la
bouche fait, fuivant lui, une transfufion continuelle
du fang de la mere dans la veine umbilicale de l’enfant.
i° . Il prétendit que la transfufion n’étoit qu’un
chemin plus abrégé pour faire parvenir dans le fang
la matière de la nutrition, & que par ce moyen on
évitoit à la machine tout le travail de la digeftion ,
de la chylification & de la fanguification , & qu’on
fuppléoit très-bien aux vices qui pouvoient fe trouver
dans quelqu’une des parties deftinées à ces fonctions.
30. Il fit valoir l’idée de la plupart des médecins
de fon tems, qui déduifoient prefque toutes les
maladies de l ’intempérie & de la corruption du fang,
& qui n’y apportaient d’autres remedes que la fai-
gnée ou les boiffons rafraîchiffantes ; il propofa la
transfufion comme rempliffant les indications qui fe
préfentoient, mieux que ces fecours , & comme une
voie d’accommodement entre les médecins partifans
des faignées & ceux qui en étoient les ennemis, di-
fant aux premiers que la transfufion exigeoit qu’on
évacuât auparavant le fang vieux & corrompu avant
d’y en fubftituer un nouveau ; & raffinant les autres
que la foibleffe & les autres accidens qui fuivent les
faignées éloignoient de ce fecours , en leur faifant
Voir que la tranfufion remédie à ces inconvéniens ,
parce que le nouveau fang répare bien au-delà les
forces abattues par l’évacuation du mauvais. 40. Enfin
il fit obferver que plufieurs perfonnes meurent
d’hémorrhagie qu’on ne peut arrêter , qu’il y en a
beaucoup qui font épuifés, & dont la vieilleffe s’avance
plutôt qu’elle nè dévroit par une difette de
fang & de chaleur vitale ; il ne balance point à décider
que la transfufion d’un fang doux & louable ne
pût prévenir la mort des uns & prolonger les jours
des autres.
. Tous ces raifonnemens qui bien appréciés ne font
que des fophifmes plus ou moins enveloppés, furent
réfutés avec beaucoup de foin, & même affez folide-
ment pour cetems-làjdansunediffertation particulière
par M. Pierre Petit, fous le nom üEutyphjon ; nous
paffonsfousfilencelesargumens dontilfe fert^dontla
plupart fort éloignés des idées plus faines qu’on s’eft
formé de l’homme paroîtroient abfurdes. En partant
des principes d’anatomie & d’économie animale les
plus univerfellemfcnt reçus aujourd’hui ou les mieux
conftatés, on répondroit à Denis, 1 °. que fa compa-
raifon de l’enfant nourri par une efpece de transfufion
du fang maternel dans fes vaiffeaux, avec ce qui
arriveroit à un homme dans qui l’on inje&eroit du
fang étranger, eft fauffe & inappliquable ; il eft démontré
que le fang ne paffe.point de la mere au foetus
, & que les vaiffeaùx dé la matrice, qui s’abouchent
avec les mamelons du placenta , ne filtrent
qu’une liqueur blanchâtre fort analogue au la it , que
la fanguification fe fait dans les vaiffeaux propres
du foetus. 2e. Que le travail de la digeftion n’eft pas
moins avantageux à la machine que les fucs qui en
réfultent ; que le paffage des alimens ÔC leur poids
même dafts l’eftomac la remontent dans l’inftant ; &
que prétendre abréger ce chemin , c’eft, comme l’a
déjà obfervé M. Petit, de même que fi on jettoit
quelqu’un par la fenêtre pour le faire plutôt afriver
dans la rue.; il eft inutile de rappeller toutes les rai*
fons tirées de l’action des différens organes chylopoié-
tiques, de la nature chimique des alimens & du fang,
&c. 3°. Qu’il eft faux que la plûpart des maladies viennent
du fang ; elles ont prefque toutes leur fource
dans le dérangement des parties folides, dans l’augmentation
f ou la diminution du jeu , & de l’aélivité
des différens vifeeres ; & quand les humeurs pechenr,
le vice eft rarement dans le fang proprement dit 9
il confifte plutôt dans l’altération des humeurs qui.
doivent fournir la matière des fecrétions ; le fang
d’un galeux, d’un vérolé, &c. font tout auffi purs
que celui d’un homme fain ; d’ailleurs lorfque la partie
rouge du fang eft viciée, n’arrive-t-il pas fréquemment
que c’eft par excès, que le fang eft trop abondant
, qu’il y a pléthore ? or la transfufion feroit
dans ce cas manifeftement nuifible. 40. Que dans
les hémorrhagies qui paroiffent au premier coup-
d’oeil indiquer la transfufion, cette opération y eft
ou inutile ou dangereufe ; inutile, s’il y a quelque
vaiffeau confidérable de coupé,parce que remettre du
fang dans les vaiffeaux, c’eft puifer de l’eau dans le
feau des danaides ; dangereufe, fi l’hémorrhagie eft
due à la foibleffe de quelque partie, à un dérangement
dans l’aftion de quelque vifeere , &c. parce qu’alors
les vaiffeaux extrêmement affoiblis par l’évacuation
du fang quia eu lieu , feroient incapables de contenir
du nouveau fang, & d’agir efficacement fur lui. II
feroit plutôt à craindre que ce fang n’augmentât ou
ne renouvellât l’hémorrhagie par l’irritation qu’il feroit,
par l’efpece de gêne qu’il occafionneroit dans
toute la machine , & fur-tout dans le fyftème fan-
guin. La transfufion paroît par les mêmes raifons devoir
être plus inutile, &plus déplacée chez les perfonnes
épuifées, chez les gens vieux, &c. car le vice
eft alors plus évidemment dans les parties folides ;
& fe flatter de tirer des avantages de cette opération
dahs les pleuréfies, véroles , lepres , cancers , éréfi-
peles, rage , folie , &c. c’eft confondre des maladies
abfolunient différentes, & afficher une ignorance
groffiere fur leur nature , leur marche, leurs caufes
& leur guérifon.
Il ne fut bientôt plus queftion de raifonnemens ;
les chocs préliminaires faits avec ces armes foibles
& à deux tranchans qui pouvoient fe tourner également
contre les deux partis, n’avoient fervi qu’à
échauffer & préparer les efprits lans éclaircir la queftion;
Denis ofa enfin employer pour combattre, des
armes d’une trempe plus forte, plus meurtrière , 8s
dont les coups dévoient être plus certains & plus dé-
cififs ; il en vint à ces fameufes expériences", dont le
fuccès heureux ou malheureux fembloit devoir terminer
irrévocablement la difpute, confirmer., ou détruire
fes prétentions ; la prudence auroit ce femble ,
exigé qu’il fît les premières tentatives d’une opération
fi douteufe fur un criminel condamné àia mort;
quelles qu’en euffent été les fuites, perfonne n’au-
roit eu lieu de fe plaindre ; le criminel voyant une
elpérance d’échapper à la mort, s’y feroit fournis volontiers
; c’eft ainfi qu’on devroit fouvent tirer parti
de ces hommes que la juftice immole à la furete publique
, on pourroit les foumettre à des épreuves de
remedes inconnus , à des opérations nouvelles ; ou
effayer fur eux différentes façons d’opérer, l’on ob-
tiendroit par-là deux avantages, la punition du crime
, & la perfeâion de la medecine ; Denis ne voulut
pas prendre un parti fi prudent, dans la. crainte
qu’un criminel déjà altéré, par l’appréhenfion de la
mort, .& qui pourroit s’intimider davantage par l’appareil
de l’opération, ne la çonfidérant que comntg;