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leurs traités dans ce Di&ionnaire, chacun fous fon
titre particulier. . . , „
i°. Il y a donc en Dieu une feule eflence , une
feule nature divine qui eft fpirituélle, infinie, éternelle
, immenfe, toute-puiflante, qui voit to u t, qui
connoît tout, qui a créé toutes cnofes, 6 c qui les
conferve. Vouloir divifer cette nature, e’eft établir
ou le manichéifme, ou le trithéifme, ou le polythéif-
me. Voyt{ MANICHEISME, &c. ^
zp. Il y a en Dieu deux procédions ou émanations,
favoir celle du Fils, 6c celle du Saint-Efprit.
Le Fils tire fon origine du Pere, qui eft improduit,
& le S. Efprit tire la fiënne du Pere & du Fils. La
proceflion du Fils s’appelle génération, celle du 5 . Efprit
retient le nôm de proceffion. Voye{ GÉNÉRATION,
&c.
Le Fils procédé du Pere par l’entendement, ou par
voie de connoîflance : car Dieu fe connoiflant lui-
même de toute éternité, neceffairement 6c infiniment
, produit un terme, une idée, une notion ou
connoiflance de lui-même, & de toutes fes perfections
, qui eft appellée fon Ferbe, fon F ils , Vimage de
f a fubftance, qui lui eft égal en toutes chofes, éternel
, infini, néceflaire, &c. comme fon Pere.
Le Pere regarde fon Fils comme fon Verbe, & le
Ris regarde Ion Pere comme fon principe ; & en fe
regardant ainfi l’un & l’autre éternellement, néceffai-
rement & infiniment, ils s’aiment néeeffairement, &
produifent un afte de leur amour mutuel.
Le terme de cet amour eft le S. Efprit, qui.procédé
du Pere & du Fils par voie de fpiration, c’eft-à-dire
de volonté, d’amour & d’impulfion, 6c qui eft aufli
égal en toutes chofes au Pere & au Fils. Voye^ Pere,
Fils & S. Esprit.
Ces proceflions font éternelles, puifque le Fils &
le S. Efprit qui en réfulteht, font eux-mêmes éternels.
Elles font né.ceffaires & non contingentes, car fi elles
étoient libres en Dieu, le Fils & le 8. Efprit qui
en émanent feroient contingens, 6c dès-lors ils ne
feroient plus Dieu. Enfin elles ne produifent rien
hors du Pere, puifque le Fils 6c le S. Efprit qiû en
font le terme,demeurent unis au Pere fans en être
féparés, quoiqu’ils foient réellement diftingués de
lui.
3°. Chaque proceflion divine établit deux rela-,
lions ; l’une du côté du principe, ou de la perfonne
de qui une autre émane ; 6c l’autre du côté du terme
ou de la perfonne qui émane d’une autre perfonne divine.
. _
La paternité eft une relation fondée fur ce que les
théologiens fcholaftiques appellent l'entendement no-
tionel, par lequel le Pere a rapport à la fécondé perfonne
qui eft le Fils. La filiation eft la relation parla-,
quelle la fécondé perfonne, c’eft-à-dire le Fils, a rapport
au Pere. Ainfi la première proceflion qu’on
nomme génération, fuppofe néeeffairement deux relations
, la paternité&4a filiation. Foye^ Paternité
6* Fil iat io n .
La fpiration aftive eft la relation fondée fur l’afte
riotionel de la volonté, par laquelle la première & la
fécondé perfonne regardent ou fe rapportent à la
troifieme. La fpiration paflive, ou proceflion prife
dans fa fignification ftriû e, eft la relation par laquelle
la troifieme perfonne regarde ou fe rapporte à la
première & à la fécondé. Par conféquent la fécondé
proceflion, qui retient proprement le nom de pro-
cejjion, forme néeeflairement deux relations; la fpiration
aétive & la fpiration paflive. Voye^ Spira-
tion.
Ou pour exprimer encore plus clairement ces
chofes abftraites. La première perfonne qui s’appelle
Pere, a en qualité ae Pere, un rapport réel de paternité
avec le Fils qu’il engendre. La fécondé perfonne
qui s’appelle F ils , a en qualité de Fils , un rap-
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port réel de filiation avec le Pere qui le produit. La
troifieme perfonne qui s’appelle le Saint-Efprit, a
en qualité de Saint-Efprit, un rapport réel de fpiration
paflive avec le Pere 6c le Fils, parce qu’il en
procédé. Le Pere 6c le Fils qui produifent le S. Efprit
, ont en qualité de principe du S . Efprit, un rapport
réel de fpiration a&ive avec cette troifieme per*
lonne qui émane d’eux,
4°. Par perfonne on entend une fubftance indivi*
duelle, raifonnable ou intellectuelle, ou bien une
fubftance intellectuelle 6c incommunicable. Voye^
Personne.
Quoique dans les premiers liecles ort ait difputé
fur la fignification du mot hypoftafe, quelques pere»
le rejettant pour ne pas paroître admettre en Dieu
trois natures ; cependant félon l’ufage reçu depuis
long-tems dans l’Eglife 6c dans les écoles, le mot hy*
poftafe eft fynonyme à celui de perfonne. Il y a donc
dans la fainte Trinité trois hypoftafes , ou trois perfonne?
, le Pere, le Fils 6c le S. Efprit, qui font con-
ftituées par les relations propres 6t particulières à
chacune d’elles. En forte qu’excepté ces relations,
toutes chofes leur font communes. C’eft de-là qu’eft
venu cet axiome en Théologie: omnia in divinis
unum fu n t , ubi non obviai relationis oppofitio , c’eft-
à-dire qu’il n’y a point de diftin&ion dans les perfon-
nés divines, forlqu’il n’y a point d’oppofition de re*
lation. Ainfi tôùt ce qui concerne l’eflence ou la nature
leur eft commun, il n’y a que les propriétés relatives
qui regardent proprement les perfonnes. Re-
lativa nomïna Trinitatem faciun t, dit S. Fulgence,
lib. de Trinit. effentialia vero nullo modo iriplicàntur.
Ainfi fi la puiflance eft quelquefois attribuée au
Pere, la fagefle au Fils, 6c la bonté au S- Efprit ; 6c
de même fi l’on dit que lés péchés d’infirmité Ou de
foibleffe font commis contre le P ere, ceux d’ignorance
contre le Fils, ceux de malice contre le S. Efprit
, ce n’eft pas à dire pour cela que cés attributs
ne foient pas communs aux trois perfonnes, ni que
ces péchés les offenfent moins directement l’une que
l’autre. Mais on leur attribue ou rapporte ces chofes
par voie d’appropriation, 6c non de propriété ;
car toutes cés chofes font communes aux trois perfonnes
, d’où eft venu cet axiome : les oeuvres de la
fainte Trinité font communes & indivifes, (c’eft-à-dire
elles conviennent à toutes les perfonnes divines),
mais non pas leurs productions ad intra (comme on
les appelle), par la raifon qu’elles font relatives.
Par appropriation on entend l’aCtion de donner à
une perfonne divine, à caufè de quelque convenance
, un attribut qui eft réellement commun à toutes
les trois. Ainfi dan? les Ecritures', dans les épîtres
des apôtres, dans le fymbole de Nicée, la toute-
puiffance eft attribuée au Pere, parce qu’il eft le premier
principe, & un principe fans origine, ou principe
plus élevé. La fagefle eft attribuée au Fils, parce
qu’il eft le terme de l’entendement divin, auquel
la fagefle appartient. La bonté eft attribuée au S. El-
p rit, comme au terme de la volonté divine à laquelle
appartient la bonté.
Le Pere eft la première perfonne de la fainte Trinité,
par la raifon que le Pere feul produit le Verbe
par l’aCte de fon entendement; 6c avec le Verbe il
I produit le S. Efprit par l’aCte de fa volonté.
Il eft bon de remarquer ici que le S. Efprit n’eft
pas ainfi appellé à caule de fa fpirituafité, qui eft un
attribut commun à toutes les trois perfonnes ; mais
à caufe de la'lpiration paflive qui lui eft particulière
à lui feul. Spiritus, quafi fpiratus.
Ajoutez à cela, que quand une perfonne de la fainte
Trinité eft appellée première, une autre fécondé „
une autre troifieme, ces expreflions ne doivent point
s’entendre d’une priorité de tems ou de nature, qui
emporteroit avec çlle quelqu’idée de dépendance,
T R I
ou de commencement dans-le tems ; mais d’une priorité
d’origine ou d’émanation, qui confifte en ce
qu’une perfonne produit l’autre ; mais de toute éternité,
6c de telle forte que la perfonne qui produit
ne peut exifter, ni être conçue fans celle qui eft produite.
5°. îl fuit de ce que nous avons dit, que dans la
Trinité il y a des notions ; & par notion l’on entend
une marque particulière, ou un carïdere diftin&if
qui fert à diftinguer les trois perfonnes, & l’on en
compté cinq: La paternité, qui- diftingue le Pere du
Fils & du S. Efprit. La filiation , qui diftingue le Fils
des deux autres perfonnes divines. La fpiration active,
qui diftingue le Pere & le Fils d’avec le S. Efprit,
& la fpiration paffivi, qui diftingue le S. Efprit du
Pere & du Fils. Quelques théologiens prétendent
que ces quatre notions fuffifent, & que le Pere eft
aflez diftmgué du Fils; par la paternité, & du S. Efprit
par la fpiration active ; mais le plus'1 grand nombre
ajoute encore pour le Pere Yinnajcibilité. En effet,
ellé feule donne une idée jufte & totalédu Pere,
qui eft la première des trois perfonnes divines. Cette
première perfonne eft improduite, & qui dit fimple-
ment pere, n’énonce pas une perfonne non engendrée
: quiconque eft pere, peut avoir lui-même un
pere.
6°. La cifçiiminceflion, ou wepixap»«?, eftl’inexif-
ténee intime dés perfonnes divines, ou leur mutuelle
exiftence l’une dans l’autre. Car quoiqu’elles foient
réellement diftinguées, elles font cependant confub-
ftantielles ; c’eft pourquoi J. Ç. dit dans S. Jéan, ch.
xiv. Quoi, vous ne croyeç pas que je fuis dans le Pere ,
& que le Pere eft en moi? L’identité d’eflence que les
Grecs appellent op.wiet, & la confubftantialité avec
là diftinâion des perfonnes ; font néceflaires pour la
circuminceflion. V o y e ^ CiR CUMINCESSION.
Telle eft la foi fur le myftere de la fainte Trinité,
& telles font les expreflions confacrées parmi les
Théologiens pour expliquer ce myftere, autant que
l'es bornes de l’efprit humain peuvent le permettre.
Car on fent d’abord combien il en furpaue la foible
portée , & qu’on ne fauroit trop fcrupuleufement
s’attacher au langage reçu dans une matière où il eft
aufli facile que dangereux de s’égarer, comme l’a dit
S. Auguftin : in iis ubi quoeritur unitas trinitatis , Pa-
tris, 6r Filii, & Spiritus-Sancti, nec periculofiuS alicubi
erraiur, ne'c laboriofius aliquid queeritur. lib. I. de Triait.
c .j.
En'effet, il eft peu de dogmes qui aient été attaqués
avec tant d’acharnement & de tant de differentes
maniérés par les ennemis du chriftianifme. Car
fans parler des Juifs modernes qui le nient hautement
pour ne par reconnoître la divinité de Jefus-Chrift,
& fous prétexte de maintenir l’unité d’un Dieu qui
leur eft fi expreffément recommandée dans l’ancienne
lo i, comme fi l’on n’y-trouvoit pas des traces fuf-
fifantes de ce myftere ; parmi les autres hérétiques,
les uns l’ont combattu dans toutes fes parties en
niant la trinité des perfonnes ; d’autres, ne l’ont attaqué
qu’en quelquë points , foit en multipliant ou en
diverfifiant la nature divine, foit en niant l’ordre d’origine
qui fe trouve entre le Pere, le Fils & le Saint-
Eljprit.
Sabëllius & fes feâateurs "qui ont paru dans le
uj. fiecle de l’Eglife, les Spinofiftes & les Sociniens
qui fe font élevés dans ces derniers tems, en ont nié
la pofGbilité & la réalité. La pojfibilité, parce qu’ils
prétendent qu’il implique contradiction qu’il y ait en
Dieu trois perfonnes réellement diftinguées les unes
des autres, & que ces trois' perfonnes poffedent une
feule & même nature numérique & individuelle. La
réalité, parce qu’ils s’imaginent qu’il n’en eft fait aucune
mention dans les livres faints. Suivant eu x, c’eft
la même perfonne divine ou le même Dieu qui eft
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nomme Pere, F i ls S a in t -E fp r i t dans les Ecritures.
Pere , entant qu’il eft le principe dè toutes chofes &
qu’il a donné l’ancienne loi. Fils , entant qu’il a daigné
inftruire de nouveau les Hommes par Jefus-Chrift
qui étoit lui-même un pur homme. Saint-Efprit, entant
qu’il éclaire les créatures raifonnables, .& qu’il
les échauffe du feu de fon amour.
Jean Philojjonus eft le . premier qu’on connoifle.
avoir multiplie la nature divine dans les trois perfonnes
de lafainte Trinité. Il enfeignoit, lelon Nicephore
hifi. l .X F I I l \ que le Pere , le Fils & le Saint-efprit
avoient la même nature fpécifique, en ce qu’ils pof-
fedoienttous trois la' même divinité ; mais il a j ou toit
que la nature divine ne fe trouve pas une en nombre
dans ces trois perfonnes &qu’elley eft réellement multipliée.
Erreur que l’abbé Faydit a renouvellée dans
le dernier fiecle. Arius, prêtre d’Alexandrie & Macé-
donius , patriarche de Conftantinople, ont foutenu ;
l’un, que le Verbe n’étoit pas confubftantiel au Pere ;
1 autre, que le Saint-Efprit n’étoit pas Dieu comme le
Pere &c le Fils., Deux points que les Ariens modernes
ou Antitrinitaires ont aufli avancé dans ces derniers
tems. Enfin les Grecs penfent que le Saint-Efprit ne
procédé que du Pere & nullement du Fils.
A cés differentes erreurs , les Orthodoxes oppo-
fent. i°. Les écritures qui établiffent évidemment
1 exiftence de ce myftere, & par conféquent fa pof-
fibilite dont la raifon feule n’eft pas juge compétent. 2°.
Les decifions de l’églife & fa tradition confiante. 30.
Les recherches Scies raifonnemens d’un grand nombre
de Théologiens, foit proteftans, foit catholiques,
qui ont approfondi ces riiatieres dans les difputes avec
les Sociniens, de maniéré à faire voir que lés interprétations
.que ceux-ci donnent aux Ecritures font
rauffes1, forcées & également contraires à l’efprit 6c
à la lettre des livres faints. On peut confulter fur ce
point les PP. Petau & Thomaflin, MM. Boffuet,
Huet & Wuitaffe ;, & parmi les Proteftans , Abadie,
la Place, Bulhis , ffoornebek., 6cc.
T rin ité philosophique, nous entendons par
ce terme , les divers fentimens répandus dans l’antiquité
fur une trinité d’hypoftafes dans la divinité. /
En effet, parmi les paye'ns, plufieurs écrivains
femblent.avoir eu quelque notion de laTrini^'.Steuch.
Eugub. de Peren. Philof.lib. I . c. Uj. obferve qu’il n’y
a rien dans toute la théologie payenne qui ait été où
plus approfondi, ou plus généralement avoué par
les Philofophes que la Trinité. Les Chaldéens, les Phéniciens
, les Grecs 6c les Romains ont reconnu dans
leurs écrits que l’être fuprème a engendré un autre
être de toute éternité , qu’ils ont appellé quelquefois
le fils de D ie u , quelquefois le verbe, quelquefois Y efprit
& quelquefois la fageffe de Dieu , & ont afluré
qu’il étoit le créateur de toutes chofës. Voye{ Fils.
Parmi les fentences des Mages defeendans de Zo-
roaftre, on trouve celle-ci, -narra g j lM j
-naptS'av.t J'wTipu ; le pere a accompli toutes chofes
& les a remifes à fon fécond efprit. Les Egyptiens
âppelloient leur trinité hempta, & ils l’ont repréfen-
tée comme un globe, un ferpent & une aîle joints
dans un fymbole hiéroglyphique. Le P. Kircher &
M. Gale fuppofent que les Egyptiens avoient reçu
cette doéirine du patriarche Jofeph & des Hébreux.
Les Philofophes, dit S. Cyrille, ont reconnu trois
hypqftafes ou perfonnes. Ils ont étendu leur divinité
à trois perfonnes, & même.fe font quelquefois fer-
vis du mot trias, trinité. Il ne leur manquoit que d’admettre
la confubftantialité de ces trois hypoftafes ,
pour lignifier l’unité de la nature divine à l’exclufion
de toute triplicité, par rapport à la différence de nature
, & de ne point regarder comme néceflaire de
concevoir quelqu’infériorité de la fécondé hypofta-
fe, par rapport à la première ; & de la troifieme
par rapport aux deux autres. F o y e^ Hypostase. ?