res étoient parés , & dont il devoit enfuite lui fane
une offrande.
Ce n’étoit pas les feules offrandes que les chevaliers
vainqueurs faifoient aux daines ; ils leur prefen-
toient aum quelquefois les champions qu ils avoient
renverfés, & les chevaux dont ils leur avoient fait
vuider les arçons.
Lorfque toutes ces marques, fans lefquelles on ne
.pouvoir démêler ceux qui fe fignaloient, avoient été
rompues & déchirées , ce qui arrivoit fouvent par
•les coups qu’ils fe portoient en fe heurtant les uns les
autres, & s’arrachant à-l’envi leurs armes ; les nouvelles
faveurs qu’on leur donnoit fur le champ , fer-
voient d’enfeignes aux dames, pour reconnoître celui
qu’elles ne dévoient point perdre de v u e , & dont la
gloire devoit réjaillir fur elles. Quelques-unes de ces
tirconftances ne font prifes à-la-vérité que des récits
de nos romanciers; mais l’accord de cesauteurs avec
les relations hiftoriques des tournois juftifie la fincé-
rité de leurs dépolirions;.
Enfin on ne peut pas douter que les dames attentives
à ces tournois ne priffent un intérêt fenfible aux
fuccès de leurs champions. L’attention des autres
fpe&ateurs n’étoit guère moins capable d’encourager
les combattans : tout avantage remarquable que rem-
portoit quelqu’un des tournoyans , étoit célébré par
les fons des ménétriers, & par les voix des héraults.
Dans la victoire on crioit, honneur au fils des preux ;
c a r , dit Monftrelet, nul chevalier ne peut être jugé
preux lui-même , fi ce n’eff après le trépaffement.
D ’autrefois on crioit, louange & prix aux chevaliers
^ui foutiennent les griefs , faits & armes, par qui valeur
, hardiment & proueje efi guaignê en fang mêle de
fueitr.
A-proportion des criées & huées qu’avoient excitées
les hérauts & les ménétriers , ils étoient payés
par les champions. Leurs préfens étoient reçus avec
d’ autres cris ; les mots de largeffe ôwnoblejfe, c’eft-à-
dire libéralité, fe répétoient à chaque diflribution nouvelle.
Une des vertus les plus recommandées aux
chevaliers, étoit la générofité ; c’eft auffi la vertu que
les jongleurs, les poètes & le s romanciers ont le plus
•exaltée dans leurs chanfons & dans leurs écrits : elle
fe fignaloit encore par la richeffe des armes Sc des
habillemens. Les débris qui tomboient dans la carrière
, les éclats des armes, les paillettes d’or & d’argent
dont étoit jonché le champ de bataille , tout fe
partageoit entre les hérauts & les ménétriers. On
-vit une noble imitation de cette antique magnificence
chevalerefque à la cour de Louis XIII. lorfque le
duc de Bukingham, allant à l’audience de la reine,
parut avec un habit chargé de perles, que l’on avoit
exprès mal attachées ; il s’ étoit ménagé par ce moyen
un prétexte honnête de les faire accepter à ceux qui
les ramaffoient pour les lui remettre.
Les principaux réglemens des tournois , appellés
icoles de proueffe dans le roman de Perceforeff, confi-
ftoient à ne point frapper de la pointe, mais du tranchant
de l’épée , ni combattre hors de fon rang ; à
ne point bleffer le cheval de fon adverfaire ; à ne
porter des coups de lance qu’au vifage, & entre les
quatre membres ; c’ eft-à-dire au plaftron ; à ne plus
frapper un chevalier dès qu’il avoit ôté la vifiere de
fon cafque , ou qu’il s’étoit déhaumé, à ne point fe
réunir plufieurs contre un feul dans certains combats,
comme dans celui qui étoit proprement appelléyoa/e.
Le juge de paix choifi par les dames, avec un appareil
curieux , étoit toujours prêt d’interpofer fon
miniftere pacifique, lorfqu’un chevalier ayant violé
par inadvertance les lois du combat, avoit attiré
contre lui feul les armes de plufieurs combattans. Le
champion des dames , armé d’une longue pique, ou
d’une lame furmontée d’une coëffe , n’avoit pas plutôt
abaiffé fur le heaume de ce chevalier le figne de
la clémence & de la fauve-garde des dames, que l’on
ne pouvoit plus toucher au coupable. Il étoit abfous
de la faute loriqu’on la croyoit en quelque façon involontaire;
mais fi l’on s’appercevoit qu il eût eu def-
fein de la commettre, on devoit la lui faire expier par
une rigoureufe punition.
Celles qui avoient été l’ame de ces combats , y
étoient célébrées d’une façon particuliere. Les chevaliers
ne terminoient aucun exercice fans faire à
leur, honneur une derniere joute , qu’ils nommoient
le coup des dames ; & cet hommage fe répétoit en
combattant pour elles à l’épée, à la hache d’armes &
à la dague. C’étoit de toutes les joutes celle oii l’on
fe piquoit de faire des plus nobles efforts.
Le tournoi fini, on s’occupoit du foin de diftribuer
le prix que l’on avoit propofé , fuivant les divers
genres de force ou d’adreffe par lefquels on s’étoit
diflingué ; foit pour avoir brifé le plus grand nombre
de lances ; foit pour avoir fait le plus beau coup d’épée;
foit pour être refté plus long-tems à cheval fans
être démonté , ni défarçonné ; foit enfin pour avoir
tenu plus long tems de pié ferme dans la foule du
tournoi, fans fe déhaumer, ou fans lever la vifiere
pour reprendre haleine.
Les officiers d’armes faifoient leur rapport du combat
devant les juges , qui prononçoient le nom du
vainqueur. Souvent on demaridoit l’avis des dames,
qui adjugeoient le prix comme fouveraines du tournoi
; & quand il arrivoit qu’il n’étoit point adjugé au
chevalier qu’elles en avoient eftimé le plus digne ,
elles lui accordoient elles-mêmes un fécond prix.
Enfin lorfque le prix avoit été décerné, les officiers
d’armes alloient prendre parmi les dames ou les de-
moifelles celles qui dévoient préfenter ce prix au
vainqueur. Le baifer qu’il avoit droit de leur donner
en recevant le gage de fa gloire, lui paroiffoitleplus
haut point de fon triomphe.
Ge prix que les dames lui portoient étoit adjugé
tantôt fur les lices, & tantôt dans le palais au milieu
des divertiffemens qui venoient à la fuite du tournoi ,
comme on le vit dans les fêtes du duc de Bourgogne
à Lille en 1453. <» Tandis qu’on danfoit, dit Olivier
de la Marche, mém. liv. I. pag. 437. » les roys d’ar-
>, mes & héraux, aveques les nobles hommes qui fu-
» rent ordonnés pour l’enquefte , allèrent aux da-
» mes & aux demoifelles, favoir à qui l’on devoit
» préfenter le prix , pour avoir le mieux joufté &
» rompu bois pour ce jou r , & fut trouvé que M.
» de Charolois l’avoit gagné, & deffervy. Si prirent
» les officiers d’armes deux damoyfelles, princeffes
» ( mademoifelle de Bourbon mademoifelle d’Ef-
» tampes), pour le prix préfenter, & elles le baille-
» rent à mon ditt feigneur de Charolois , lequel les
» baifa, comme il avoit accoutumé, & qu’il étoit de
» coutume , & fut crié mont joye , moult haute-,
» ment ».
Non-feulement le vainqueur recevoit le baifer ^
gage de fon triomphe , mais il étoit défarmé par les
memes dames qui lui préfentoient des habits , & le
menoient à la falie où il étoit reçu par le prince, qui
le faifoit affeoir au feftin dans la place la plus honorable.
Son nom étoit inferit dans les regiftres des officiers
d’armes, & fes aérions faifoient fouvent la matière
des chanfons & des lays que chantoient les dames
& les demoifelles au fon des inftrumens des mé-,
nétriers.
Voilà le beau des tournois, il n’eft pas difficile d’en
voir le ridicule & les abus. Comme il n’y avoit qu’un
pas des dévots chevaliers à l’irréligion, ils n’eurent
auffi qu’un pas à faire de leur fanatifme en amour,,
aux plus grands excès de libertinage ; les tournois,
prefque toujours défendus par l’Eglife à caufe du
fang que l’on y répandoit, & fouvent interdits par
nos rois, à caufe des dépenfes énormes qui s’y fai-
foientj
foient ; les tournois, d is - je , ruinèrent une grande
partie des nobles, qu’avoient épargnés les croifades
& les autres guerres. ,
Il efi vrarnéanmoins que fi nos rois réprimèrent
fouvent par leurs ordonnances la fureur des tournois,
ils les ranimèrent encore plus fouvent par leur exemple
; de-là vient qu’il efi: fait mention dans nos anciens
fabliaux, d’une de ces défenfespafi'ageres, qui
fut fuivie de la publication d’un tournoi fait à la
Haye en Touraine. Ainfi ne foyons pas furpris que
ces fortes de combats fuffent toujours en honneur,
malgré les canons des conciles, les excommunications
des papes, les remontrances des gens d’églife,
& le fang qui s’y répandoit. Il en coûta la vie en 1240
à loixante chevaliers & écuyers, dans un feul tournoi
fait à N uys, près de Cologne. Charles VI. les
foutint, & fa paffion pour cét exercice lui attira
fouvent des reproches très-férieux; car contre l’ufa-
ge ordinàire des rois, il s’y mefuroit avec les plus
adroits jouteurs, compromettoit ainfi fa dignité, &
expofoit témérairement fa v ie , en fe mêlant avec
eux.
Enfin, le funefte accident d’Henri II. tué dans un
tournoi en 1559, fous les yeux de toute une nation,
modéra dans le coeur des François , l’ardeur qu’ils
avoient témoignée jufque-là pour ces fortes d’exercices
; cependant la vie défoeuvrée des grands,l’habitude
& la paffion, renouvelèrent ces jeux fiineftes
à Orléans, un an après la fin tragique d’Henri II.
Henri de Bourbon-Montpenfier, prince du fang, en
fut encore la viétime ; une chûte de cheval le fit périr.
Les tournois cefferent alors abfolument en Franc
e ; ainfi leur abolition efi de l ’année 1560. Avec
eux périt l’ancien efprit de chevalerie qui ne parut
plus guere que dans les romans. Les jeux qu’on continua
depuis d’appeller tournois ^ ne furent que des
caroufels, & cesmêmes.caroufels ont entièrement
paffé de mode dans toutes les cours de l ’Europe.
Les lettres reprenant le deffus fur tous ces amu-
femens frivoles, ont porté dans le coeur des hommes
le goût plein de charmes de la culture des arts & des
fciences. «Notre fiecle plus éclairé (dit un auteur
» roi, moins célébré encore par la gloire de fes armes
» que par fon vafte génie ) , notre fiecle plus éclairé
» n’accorde fon. eflime & fon goût qu’aux talens de
» l’eforit, & à ces vertus qui relevent l’homme au-
» demis de fa condition, le rendent bienfaifant, gé-
» néreux & fecourable».
De plus curieux que je ne fuis pourront confulter
fur les tournois Ducange au mot torneamentum & fa
Differtation à la fuite de Joinville ; le pere Meneftrier,
divers traités fur la chevalerie ; le pere Honoré de Ste.
Marie, Differtation hiflorique fur la chevalerie ancienne
& moderne ; Lacolombiere, Théâtre d'honneur & de
chevalerie, où il donne, tome I. pag. 5 ig. la lifte de
plufieurs relations de tournois faits depuis l’an 1500;
les Mémoires de littérature.
Mais le charmant ouvrage fiir l’ancienne chevalerie,
confédérée comme un établijfement politique & militaire
par M. de la Curne de Sainte - Palaye, & dont j’ai
tiré ce court mémoire, doit tenir lieu de tous ces
livres. ( l e chevalier d e J AU c o u r t .')
T o urn ois, ( Mohnoie de France.) ancienne mon-
noie de France : il y avoit des petits tournois d’argent
& des petits tournois de billon fon nommoit autrement
les petits tournois d’argent tournois blancs ou
mailles blanches, & les tournois de billon, des tournois
noirs.^Dans une ordonnance de Philippe-le-Long, il
eft fait mention des turones albi &c des turones nigri.
Tout le monde convient, dit M. Leblanc, que
faint Louis fit faire le gros tournois d’argent. Il n’eft
rien de fi célébré que cette monnoie dans les titres
& dans les auteurs anciens ; tantôt elle eft nommée
argentcus turonenfis , fouvent eroffus turonenfis, ÔC
Tome X V I .
quelquefois denarius groffus. Le nom de gros fut donné
à cette efpece, parce que c’étoit la plus groffe
monnoie d’argent qu’il y eût alors en France, & on
l’appella tournois, à caufe qu’elle étoit fabriquée'à
Tours, comme le marque la légende, turonus cl vis ,
pour turonus civitas ; cette monnoie pefoit 3 deniers
7 grains, f-f trébuchans ; il y en avoit par conféquent
58 dans un marc. Cela fe juftifie par un fragment
«d’ordonnance que faint Louis fit l’an 1266, pour régler
la maniéré dont on devoit pefer la monnoie,
avant que de la délivrer au public ; enfin Philippe-le-
Hardi fit faire des tournois de la même valeur que ,
ceux de faint Louis.
Au-refte, il eft certain oue le parifis-qui1 avoit
cours dans le même tems, etoit plus fort d’un quart
que le tournois qui a été aboli fous le régné de Louis
XIV. & on ne connoit plus que le parifis qui eft en
iifage dans le palais, où l’on ajoute le parifis, à l’ef-
timation que l’huiffier fait des effets mobiliers, en
procédant à l’inventaire d’un décédé ; & quand l’efi-
timation eft faite par un expert, on n’y ajoute point
de parifis. La livre tournois défigne une mbnnoie de
compte valant vingt fols. Voyer Livre tournois.
(D . J.)
TOURNON, ( Géog, mod.) en latin Tauredunum
par Grégoire de Tours, petite ville de France, dans
le haut Vivarais, au penchant d’une montagne, fur
la rive droite du Khône, vis-à-vis de Thain, à trois
lieues de V alence, & à quatre d’Annonay ; les jéfui-
tes y avoient un college : la terre de Tournon eft dans
la maifon de Rohan-Soubife. Long. 22.24. lut. 4 5 .7.
David (Pierre ) , né à Tournon en 1592 , mort à
Paris en 1655, eft auteur d’une grande Defcription
du monde, en 6 vol. in-fol, c’eft un ouvrage où l’on
trouve ç à & là des chofes amufantes. (Z). / .)
TOURNUS,' {Géog. mod.') petite ville de France,'
en Bourgogne, fur la droite de la Saône, entre Mâcon
& Châlons, à 82 lieueS de Paris, dans une fitua-
tion agréable & fertile.
Tournus a toujours été du diocèfe de Châlons, &
dépendoit autrefois du comté de la même ville ; aujourd’hui
elle eft du comté de Mâcon, où fes caufes
reffortiffent. Elle eft divifée en deux paroiffes ; mais
ce qui la diftingue eft fon abbaye d’hommes de l’ordre
de faint Benoît, qui a été érigé en collégiale, & qui
a un abbé titulaire. La juftice, foit dans la ville de
Tournus, foit dans fés dépendances, appartient à
cet abbé ; il a feul le droit d’en nommer tous les o f ficiers
, qui prerinent de lui leurs provifîons ; il a auffi
feul le droit de .créer des notaires & des procureurs
poftulans; auffi plufieurs auteurs ont écrit à l’envi
l’hiftoire de l’abbaye de Tournus, favoir Falcon,
moine de cette abbaye dans le xj. fiecle; Pierre de
Saint - Julien, furnommé de Baleurre ; le P. Chifflet,
jéfuite, & Pierre Juenin. Long. 3 4 . 46". lat. 4(0.34.
. La ville de Tournus eft d’une origine inconnue ; il
n’en eft parlé que dans le troifieme fiecle, fous le
nom de caflrum Timertium ou Trenorcium ; elle devint
ville de la Gaule celtique dans le pays des Eduens,
qui avoient Autun pour leur capitale ; ainfi elle étoit
comprife dans l’ancienne province Lyonnoife. Pierre
Juenin a mis aü jour à Dijon, en 1733 , en 2 vol.
in-4°. l’hiftoire de cette ville.
Moignon (J e an ) , poète françois, étoit de Tournus
: il fit fes études chez les jéfuites de Lyon, &
fut quelque tems avocat au préfidial de cette ville :
il vint enfuite à Paris & s’y établit. Il y mourut affaf-
finé, dit-on , fur le Pont-neuf en 16 6 1 , étant encore
affez jeune. Il a compofé beaucoup de mauvaifes
tragédies, entre autres Artaxerce, qui fut repréfen-
tée par l’illuftre théâtre ; c’étoit le nom que prenoit
une fociété de jeunes gens, du nombre defquels
étoient Moliere & Maignon, & qui s’exerçant à la
déclamation, repréfentoieni des pièces, tantôt dans