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rer. Brunet, libraire, a recueilli Tes oeuvre:, & les
:a imprimées en vingt volumes in-i z.c’eft un mélange
d’écrits lacrés & profanes, d’hiftoriettes8cde pièces
graves , de fables, de contes, 8c de traductions en
vers des pfeaumes, defatyres de Perfe, de comédies,
& d’épîtres morales.
Payerai■ ( Jean) , ne en -i 5.34, fe rendit très habile
dans les Belles-Lettres, & joignit une rare politeffe à
beaucoup d’érudition. Ilfuccéda à Pierre Ramus dans
la chaire d’éloquence, 8c mourut en 1601, à 68 ans.
On a de lui des commentaires fur Catulle, Tibulle
& Properce, un livre âtcognnuone Huer arum, des notes
fur Pétrone, Ôc des poélies latines, dont les vers
marquent beaucoup de pureté de ftyle.
On ne fait pas le même cas de ceux de l’abbé Routard
, compatriote de Paflerat, né un iiecle après, &
mort à Paris en 17x9, âgé de 7 5 ans. Cet abbé ayant
composé en vers latins l ’éloge de M. fîoiîuet, ne prélat
lui coofeilla d’en compofer une autr-e à la gloire
de Louis X IV. 8c fe chargea de le préfenterlui-même.
Le roi récompenfa l’auteur par .une penlion de mille
livres, 8c M. Roffuet Lui procura des bénéfices qui
i,e mirent fort à fon aife. L ’abbé Boutard fe trouvant
riche, imagina avoir des talonsextraordinaires pour
la poéfie. Il oroojt de fes vers tous les monumens
érigés en l’honneur de fa majçfté, ôcfe croyoit obligé
par état de ne laiffer paffer aucun événement remarquable
du régné de ce prince, fans le .célébrer;
cependant le public méprifalg poste, fa verflficatipn
commune, les expr.eflions impropres , 8cfes penfées
obfcures.
Mais MM. Pithou freres ont fait un honneur immortel
à la ville de Troyes leur patrie. Pithou (Pierre),
célébré jurifconfulte & l’un des plus favans hommes
du xvj.fiecle, naquit en 1539, & mourut à Nogent-
fur-Seine en 1596, à 57 ans.
Perfonne, dit M. de Tihou, n’a jamais mieux fu
fes affaires domeftiques , qu’il favoit l’hiftojtre de
France & des étrangers. La mort de cet homme incomparable
, ajoute-t-il, avec lequel je partageois
mes foins, 8c à qui je çoromvmiquois mes études,
mes deffeins, 8c les affaires d’état, me fut fi jênfible,
que je cédai entièrement 1’hjftoire que j’avojs commencée;
8c j’euffe tout-à-fait abandonné cet ouvrage,
fi je n’avois pas cru devoir cette marque de refpeé!
à fa mémoire, que d’achever ce que j ’ayois entrepris
par fes confeils.
Dans le grand nombre .d’ouvrages qu’il a compofé
ou qui font fortis de fa bibliothèque, on eftime fin-
gulierement fon traité des libertés de l’Eglife gallicane
, qui fert de fondement à tout ce que les autres
en ont écrit depuis. La première édition de cet ouvrage
conçu en 83 articles , parut à Paris en 1594,
avec privilège. Les maximes -qui y font détachées 8c
fûivies par articles , ont en quelque fprte force de
lois , quoiqu’elles n’en ayent pas l ’authenticité. Le
roi en a reconnu l’importance par fon édit de 1719 ,
ou l’article 50. eft rapporré. Les expéditionnaires en
cour de Rome citent les articles de nos libertés dans
leurs certificats. Comme M. Pithou avoit lu les anciens
écrivains grecs 8c latins, 8c qu’il les avoit conférés
avec les vieux exemplaires,il en a mis plufieurs
au jour, 8c y a joint fes favant.es notes. On lui doit
çnçore des éditions de plufieurs monumens facrés &
profanes , des mifcellanea eccLjiajlica , quantité de
collerions hiftoriques, le canon des écritures de Ni-
céphore , des fragmens de S. Hilaire , les coutumes
du bailliage de Troyes, avec des annotations, &c.
Pithou ( François ) , avocat au parlement de Paris,
frere du précédent, fut comme lu i, un homme d’une
vertu rare, d’une modeftie exemplaire, extrêmement
habile dans les Belles-Lettres, dans le D roit, 8cpour
couper court, l’un des plus favans hommes de fon
tems. Il ns voulut jamais que l’on mît fon nom à au-
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cun de fes ouvrages. Ce fut lui qui découvrit ie
nuferit desfables de Phedre, & il le publia conjointement
avec fon frere pour lapremiere fois. Ces deuxil-
luftres favans, les Varrons de la France, travaillèrent
toujours enfemble. François Pithou donna tous fes
foins à reftituer 8c à éclaircir le corps du droit canonique,
ouvrage qui parut en 1687, & c’eft la meilleure
édition. LePichaanaeû. aufiî de lui. Il eft encore l’auteur
de la comparaifon de lois romaines avec celles
de Moïfe , 8c de l’édition de la loi falique, avec des
notes. Il fut du nombre des commiffaires qui réglèrent
les limites entre la France 8des Pays-Bas. Il étoit
né en 1544, & mourut en ï f i i i , âgé de 77 ans. Le
le&eur peut voir le catalogue -des ouvrages de MM.
Pithou, à la tête de leurs oeuvres imprimées en 1715
en latin.
Leur famille originaire de Vire en baffe Normandie
remontoit jufqu’à un Guillaume Pithou , qui eft
nommé entre ceux qui fe croiferent pour laTerre-
fiiinte en 1190; mais indépendamment de la nobleffe
le nom de cette famille fleurira dans la littérature,
tant que les lettres fubfifteront dans le monde. On
peut dire de chacun des deux freres que j’ai nommés,
un feul d’eux contenoit plufieurs favans, 8c ce qui eft
plus eftimable que le la v o ir , chacun portoit également
un attachement religieux à l’amour de la vérité.
Pierre Pithou a eu plus d’hiftoriens que n’en ont
eu la plupart des fouverains. On en compte j.ufqu’à
fopt qui fe font fait un honneur de célébrer fa gloire,
en écrivant fa vie ; mais M. Boivin le cadet a remporté
le prix dans cette carrière. ( Le chevalier d e
J au COURT. )
T ro y e s , blanc de, blanc d'Orléans , blanc d'Ef-
pagne, &c. on appelle ainfi une préparation de craie
que l’on divife eh molécules fort fines, qu’on met
en différentes formes de pains, & qu’on emploie
dans les arts : nous croyons devoir entrer dans quelques
détails inftruftifs fur la nature, la préparation,
& les ufages du blanc, & fur-tout de celui qui fe
fait à T royes, 8c de celui qu’on prépare à Levereau,
village à neuf lieues d’Orléans, que nous comparerons
enfemble.
La matière du blanc de Troyes fe trouve en grande
abondance dans un village nommé Villeloup, diftant
de Troyes d’environ 4 lieues du coté de l’oueft ; le
fol dans les environs eft une terre très-maigre & peu
profonde, qui peut à-peine porter dufeigle. Sous cette
couche légère regne .un gros mafftf dç craie plein de
fentes 8c de gerçures fi fréquentes qu’on n’en peut tirer
aucune pierre qui ait de la confiftan ce 8c de la foli-
dite, mais cette craie qui n’eft point propre à bâtir devient
une matière infiniment précieufe par l’emploi
que l’on en fait à Troyes pour la fabrique du blanc.
Les habitans de Villeloup commencent par tirer
cette matière en petits moëllons, ôc après l ’avoir
laiffé effuyer à l’air, ils la battent avec des maillets
armés de clous, & la réduifent en une poudre grof-
fiere qu’ils paffent au crible ; le blanc brute eft en-
fuite voituré à Troyes , oh les ouvriers qui [’achètent
exigent, comme une condition très-effentielle,
qu’il leur foit livré parfaitement fe c , 8c dégagé de
toute cette humidité dont il peut être imprégné dans
la carrière. Il paroit que dans cet état requis de parfaite
ficcité, la matière brute a plus de facilité à fe
laiffer pénétrer plus intimement de l’eau dont on
, r.°k» cIu,e^e fe divife en molécules plus fines par
1 aftion d’un fluide qu’elle boit avec plus d’avidité,
& qu’en conféquence elle fe réduit plus facilement
en bouillie.
Les ouvriers emploient pour détremper leur craie
1 eau blanche qui a déjà fervi, & qu’on a tiré des opérations
precedentes. Après qu’on a réduit la craie
en bouillie, ce' qui n’eft pas long, vû l’extrême faci-
lite avec laquelle la craie feche s’imbibe d’eau, on
paffe
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paffe au moulin la bouillie après -l’avoir long - tems
braffée. Cette nouvelle manipulation a pour but de-
fuppléer à ce que l’eau n’a pû faire par rapport à la
divifion de la craie, de la réduire en une pâte com-
pofée de molécules très-fines, & capables de former
des couches plus uniformes & plus grillantes lorf-
qu’on l’étend <ur des furfaces unies, en un mot de
mvorifer tous les effets du blanc.
Le moulin qui fert à cet ufage eft affez femblable
à celui avec lequel, on broyé la moutarde, & on le
fait jouer de la même maniéré ; il eft compofé de
deux meules de feize à dix-fept pouces de diamètre,
qui font des fragmens des vieilles meules de moulins
à ble. La meule luperieure qui a environ deux pouces
8c demi d epaiffeur, a au centre une ouverture
d’un demi-pouce cle diamètre, à laquelle eft adaptée
une écuelle percée, où l’ouvrier jette de tems- en-
temsfa bouillie de craie; la matière defeend peu-à-
Çeu entre les meules, & s’écoule après la trituration
en formant un filet continu par uae: ouverture latérale
pratiquée dans la cage qui renferme le tout. Plus
la matière eft fondue & réduite & les meules ferrées
plus le blanc qui paflie eft affine. Les différens degrés
d attention que les ouvriers apportent à toutes ces
préparations décident de la fineffe du blanc; un ouvrier
peut en faire paffer au moulin jufqu’à fix cens
livres par jour , mais il en fait paffer un tiers moins
de celui qui a acquis la derniere perfection.
Les peintres de batimens. ou autres ouvriers qui
veulent ménager la dépenfe de blanc de cérufe, &
qui n’onf pas befoin de préparations à l’huile, demandent
quelquefois du blanc de la plus grande fineffe
, afin d avoir moins de peine à le broyer fur le
marbre, & qu’il faffe un meilleur effet. Lorfqu’il fera
employé dans ces ca s , l’ouvrier prévenu pour répondre
aux intentions du peintre,ou plutôt du barbouilleur,
eft obligé de paffer trois fois la matière
du blanc par le moulin.
vjii. a îti uiiurdiion au moulin, oc on la lahli
repofer pendant fept ou huit jours;; la matière craîeuf
le,précipite infenfiblenjent au fond du tonneau, S
1 eau qui s en deiaiiit fumage , de forte uu’on peu
l’épuifer à mefure avec une écuelie ; c’eft cette eai
que l,on emploie à detremper la matière brute com
me nous l’avons obferyé plus haut.
Le fédiment craïeux quffe.aépofeau-fond des ton
neaux ne parvient pas de lui-même à un état de’ con
fiftence ^ allez conliderable- pour qu’on puilfe le ma
nier aifement & le réduire en pain, quand même 01
voudroit former la craie en cet état dans des moules
les pains qui en réfulteroient feraient exp'ôfés' à f
gercer en fechant ; la confidence de la craie eft alor
telle à-peu-près que celle de lachaux lorsqu’elle ei
univerfellement fondue. Pour parvenir donc à donne
à la crate le degré de confiftence & de defféchemen
convenable, l’ouvrier étend fa matière, qui eft for
H M , fur des treillis qu’il place au-deflus d’un |
de blanc brut. C’eft ici le point le plus délicat de f
mampulation & d’un procédé qui fuppofe une faga
di8ne de ' ’attention des Phyficiens & de
rhilofophes, pour le dire enpaffant, c’eft cette phy
nqtie uluelle qui mérite le plus notre étude fur-tou
iorfqu’elle préfente le réfultat des effais journalier
& traditionels appliqués aux arts; je dis donc que 1
pouffiere de la craie brute qui eft fort feche attir.
puiffamment & boit l’humidité furabondante du fédi
ment craïeux, enforte que celui-ci parvient en vingt
quatre heures à une confiftence de pâte très-mania
ble. L ouvrier n’a befoin pendant tout ce tems qti
de remuer une fois feulement fa matière, afin qu
toutes fes parties foient expofées également à l’ac
tion de la terre abforbante, & que la pâte s’affin-
^ e r Z l X r / 0ate 6 ferai^ remarqué
T R O f ît
M “ e.vdri‘^. affez importante, 'prouvée par fobs
ces eflins rault.pl,és , qui- eft que l’air agit moins effi.
cacement &. moins promptement que la niàtiéré
brute & feche -pour dégager l'eâii de la crâid imbi.
Enfin 1 .ouvrier -forme àvec les mains fettlés'.deé
pains de la pâte de craie* dont la -figure eft' c'élle
d un paralleleplpede emouffépartes côtés onariêtcs,
les .plus gros n’exbedent pas trois livres ; pour le .dé-
bit en détail on en feit des pains arrondis en formé
de mamelle.
oïl nerefte phts maintenant qu’à éxpofer la maniéré
dont on fait fécher les pains nouvellement formés '
7 11 X a ®ncore une petite manipulation fort fine 8c
tort phylique. Comme les pains ont fix faces , il n’y
en arque cinq qui puiffent être expofées à l’ait fo
pamj étant pofé fur la fixieme ; fi celle-ci ne féchoit
?as dans la.m?me progrefliôn' que les autres , peüt-
etre y âuroit-il à craindre des gerçures, ou ait-rhoins
on feroit dans la néceffité de retourner fouvenf.les
pains. Mais par une fuite de procédés 8c de réflexions
1 ouvrier a fenti qu’il éviteroit tous ces incon-
vemens oc ces embarras en pofant ces pains nouvellement
formes fur des moellons fecs de la craie de
VUle oup^de trois ou quatre pouces d’épaiffeur. Le
moellon feche l’humidité & en enleve autant que
l air, ils én prennent une fi grande quantité qu’il leur
taut un beau jour d’été pour fe fécher 8c être en état
de recevoir de bouveaux pains. C ’eft dans l’endroit
le plus eleve des maifons 8c le plus expofé à l’aétibii
de 1 air , que les vinaigriers-( car ce font eux qui à
Troyes font attachés à cette befogne) préparent le
blanc, 8c qu ils confervent la vieille eau blanchië
qui doit detremper le blanc brute ; ils ne travaillent
à cette fabrique que depuis le mois d’Avril jufqu’à la
fin du mois d’Oftobre ; la moindre gelée dérangeroit
tout le travail, 8c diffoudroit même les pains nouvellement
formés.
Les pains une fois féchës font extrêmement fragiles
, les molécules qui les forment n’ayant point
naturellement de vifeofités qui puiffent les fier entre
elles, & les ouvriers ne faifant entrer aucune efpece
de colle dans leur préparation, il eft néceffaire que
les parties craïeufës foient unies feulement par une
îl^ t e P°fltion q ^ e f t l ’ouvrage"de l ’eau, cette non-
vifcofite paroit même un point important par rapport
à la bonté du blanc. De toutes les différentes
carrières de craie qui fe trouvent aux environs de
T ro y e s , 8c qui fourniffent des matériaux propres
pour les édifices, il n’y a que celle de Villeîoup dont
la craie ait été juiqu’à préfent accueillie par les ouvriers,
comme ayant toutes les qualités fequifes pour
fe prêter à toutes leurs opérations. Quelques - uns
ayant voiilu épargner les frais de voiture, avoient
tente de préparer la craie tirée des carrières plus
voifines de Troyes ; mais ils ont trouvé plus de difficulté
à la façonner que la matière de Villeloup &
moins de blancheur dans les pains qui en prove-
noient. Quelques cantons de Villeloup fourniffent
meme de lavraie dans laquelle les ouvriers rencontrent
des marques de vifeofité fenfibles, qui l ’empêche
de paffer facilement au moulin, 8c qui en général
la rend peu fufceptible de fe prêter à toutes leurs
manipulations.
Il paroit donc que toutes les qualités requifes par
nos ouvriers pour la matière du blanc font ; i° . quelle
foit très^blanche ; i ° . qu’ elle foit tendre 8c fria-
ble; 3 9. qu’elle ne foit point vifqueufe; 40. qu’elle
foit exempte de toute terre ou pierre étrangère, tels
que les petits graviers ou molécules ferrugineiifes ;
les ouvriers prétendent qu’il ne faudroit qu’un grain
de gravier gros comme une tête d’épingle pour arrêter
l’ouvrage du moulin 8c les obliger à le démonter;
la craie de Villeloup réunit toutes ces qualités;