& deux ou trois jours : on dit qu’elle coupe avec les
dents le cordon ombilical Ôc qu’elle mange l’arriere-
faix : le nouveau-né s’appelle petit chien.
Les yeux de ces petits animaux ne commencent
à s’ouvrir qu’au bout de quelques jours. La mere
leche fans ceffe fes petits ôc avale leur urine Ôc leurs
excrémens pour qu’il n’y ait aucune odeur dans fon
lit ; quand on lui enleve fes petits elle va les chercher
& les prend à fa gueule avec beaucoup de précaution
; on prétend qu’elle commence toujours par
le meilleur , 6c qu’elle détermine ainfi le choix des
chaffeurs, qui le gardent préférablement aux autres;
On ne peut réfléchir fans admiration fur la force
digeftive de l’eftomac des chiens ; les os y font ramollis
& digérés, le fuc nourricier en eft extrait. Quoique
l’eftomac des chiens paroiffe allez s’accommoder de
toutes fortes d’alimens, il eft rare de leur voir manger
des végétaux cruds ; lorfqu’ils fe fentent malades ils
broutent des feuilles de gramen, qui.les font vomir
8c les guériffent. Les crottes ou excrémens que rendent
ces animaux font blanchâtres, fur-tout lorfqu’ils
ont mangé des os ; ces excrémens blancs font
nommés par les Apothicaires magnifie animale ou
album gracum ; ôc la Médecine qui ne fe pique pas
de fatisfaire le goût par fes préparations, le l’eft approprié
comme médicament : cependant on eft revenu,
à ce qu’il paroit, de l’ufage de cette fubftance
prife intérieurement pour la pleuréfie , on en fait
tout-au-plus ufage à l’extérieur dans l’efquinancie,
comme contenant un fel ammoniacal nitreux. On
prétend que ces excrémens font li âcres, qu’ils dé-
truifent entieremeet les plantes,excepté la renouée,
le polygonutn, ôc le fophia des Chirurgiens, 8c que
leur caufticité eft telle qu’aucun infefte ne s’y attache.
Tout le monde a remarqué que lorfqu’un chien
veut fe repofer, il fait un tour ou deux en pivotant
fur le même lieu. Les chiens ont mille autres petites
allures diftinûes qui frappent trop les yeux de tout
le monde pour que nous en parlions. L’attachement
que quelques perfonnes ont pour cet animal va juf*
qu’à la folie. Les Mahométans ont dans leurs principales
villes des hôpitaux pour les chiens infirmes,
8c Tournefort affure qu’on leur laiflè des penfions en
mourant, 8c qu’on paye des gens pour exécuter les
intentions du teftateur. Il arrive quelquefois aux
chiens de rêver en dormant : ils remuent alors les
jambes & aboient fourdement.
Quelques auteurs prétendent que les chiens contractent
les maladies des perfonnes avec qui on les
fait coucher, ôc que c ’èft même un excellent moyen
de guérir les gouteux ; mais comme un homme qui
prend la maladie d’un autre ne le foulage pas pour
ce la , il y a toute apparence qu’un malade ne peut
recevoir de foulagement d’un chien qu’on lui applique
, que dans le cas oit la chaleur de l’animal atta-
queroit la maladie , en ouvrant les pores, en facilitant
la tranfpiration, 8c en donnant ifliie à la matière
morbifique. Quoiqu’il enfoit, comme les chiens,
en léchant les plaies, qu’ils ont reçues, les détergent
8c en hâtent la confoUdation , on a vu des perfonnes
guéries avec fuccès, de plaies 8c d’ulceres invétérés,
en les faifant lécher par des chiens. C étoit la méthode
de guérir d’unhommeque l’on a vu long-tems
à Paris, ÔC que l’on nommoit le médecin de Chaudrai,
du lieu oii il faifoit fon féjour.
Rage. De tous les animaux que nous connoiffons,
les chiens font les plus fujets à la rage ou hydrophobie
, maladie caufée à ces animaux par la difette de
Boire 8c de mangerpendant plufieurs jours, ou quelquefois
par la mauvaife qualité de matières corrompues
dont ils fe nourriffent aflez fouvent (fuivant'M.
Mead, médecin anglois) , ou encore par le défaut
d’une abondante tranfpiration , après avoir long-tems
couru. Cette maladie terrible rend le chien furieux ;
il s’élance indifféremment fur les hon mes ÔC furies
animaux, il les mord , 8c fa morfure leur caufe la
même maladie , fi on n’y porte un prompt remede.
Cette maladie gagne d’abord les parties du corps, les
plus humides, telle que la bouche , la gorge , l’eftomac;
elle y caufe une ardeur, un déffechement,
6c une irritation fi grande , que le malade tombe
dans une aliénation de raifon, dans des convulfions,
dans une horreur 8c une appréhenfion terrible de
tout ce qui eft liquide : aufli ne faut-il pas s’étonner
fi les animaux, ainfi que les hommes, dans cet état
de fureur, ont une averfion infoiitenable pour l’eau.
Cet effet, ainfi qu’on l’apprend des malades , dépend
de l’impoffibilité où ils font d’avaler les liquides
: car toutes les fois qu’ils font effort pour le faire,
il leur monte alors , à ce qui leur femble , quelque
chofe fubitement dans la gorge qui s’oppofe à la def-
cente du fluide. Les fimptômes de cette maladie font
des plus terribles, 6c màlheureufement les remedes
connus ne font pas toujours des effets certains. On
emploie le plus communément les bains froids 8c les
immerfions dans la mer , quelquefois fans fuccès :
on a imaginé aufli de faire ufage de la pommade mercurielle
q u i, à ce qu’il paroît, n’eft pas non plus toujours
infaillible. Comme cette maladie paroit être
vraiment fpafmodique , on y a employé avec fuccès
les caïmans , tels que l’opium 6c les antifpafmodi-
ques ; ainfi qu’on le voit dans la differtation du docteur
Nugent, médecin à Bath. Lemery confeiile en
pareil cas , l’ufage fréquent des fels volatils , &c.
Comme il arrive fouvent dans plufieurs maladies
des hommes ,< que la crainte 6c l’inquiétude influent
plus fur un malade que le mal rée l, M. Petit, chirurgien,
offre dans l’hiftoire de l’académie, an. 1713;
un expédient pour favoir fi le chien dont on a été
mordu, 6c que l’on fuppofe tué depuis, étoit enragé
ou non ; il faut, dit7i l , frotter la gueule , les dents,
6c les gencives du chien mort, avec un morceau de
chair cuite que l’on préfente enfuite à un chien v ivant
; s’il, le refufe en criant 6c heurlant ,1e mort
étoit enragé, pourvu cependant qu’il n’y eût point
de fang à la gueule ; fi la viande a été bien reçue 6c
mangée, il n’y a rien à craindre.
Les chiens font encore fujets à plufieurs autres maladies.
.
Dans l’Amérique méridionale les chiens font attaqués
d’une efpece de maladie vénérienne qui reffem-
ble à la petite vérole. Les habitans du pays l’appellent
pefie.
Le chien courant que M. de Buffon a fait defliner,
a été choifi par M. de Dampierre , qui a autant de
connoiffance que de goût dans tout ce qui concerne
la chaffe.
Les chiens Courans ont le mufeau aufli long 6c plus
gros que celui des mâtins ; la tête eft groffe 6c ronde,
les oreilles font larges 6c pendantes, les jambes longues
6c charnues , le corps eft gros ôc alongé, la
queue s’élève en-haut & fe recourbe en-avant , le
poil eft court 6c à-peu-près de la même longueur fur
tout le corps , les chiens courans font blancs ou ont
des taches noires ou fauves fur un fond blanc.
Il y en,a de trois fortes : favoir, les chiens fran-
çois , les chiens normands ou baubis, 6c les chiens
anglois. ,
Defcription du chien courant. Il faut que les chiens
courans françois aient les nafeaux ouverts , le corps
peu alongé de la tête à la queue, la tête légère 6c
nerveufe , le mufeau pointu ; l’oeil grand, é le v é ,
n et, luifant, plein de feu ; l’oreille grande , fouple
6c pendante ; le col long, rond 6c flexible ; la poitrine
étroite fans être ferrée , les épaules légères , la
jambe ronde, droite 6c bien formée ; les côtés forts *
le rein court, haut, large , nerveux, peu charnu;
.. 111
le ventre avalé, ( c’eft un défaut qu’on n’a pas fait
remarquer à M. de Buffon ; il ne doit être ni trop
retrouffé , ni trop avalé, il faut un milieu ) ; la cuif-
le ronde 6c détachée, le flanc fec 6c décharné, le
jarret court 6c large, la queue forte à fon origine,
velue ( il la faut à poil ras ) , longue, déliée, mobile
, fans poil à l’extrémité ; le poil du ventre rude ,
la patte lèche , peu alongée, 6c l’ongle gros , &c.
Les chiens normans ou baubis ont le corfage plus
épais, la tête plus courte , 6c les oreilles moins longues.
Les chiens anglois ont la tête plus menue , le
mufeau plus long 6c plus effilé , le corfage, les oreilles
6c les jarrets plus courts ; la taille plus légère , 6c
les piés mieux faits : ceux de la race pure font ordinairement
de poil gris moucheté.
Le chien qu’on apreferité à M. de Buffon à l’équipage
du daim, pour le faire defliner pour un limier,
n’eft pas aflez beau ; il le nomme bien un métis de
race de baffet 6c de mâtin ; il y en a voit à la vénerie
de bien plus beaux 6c de vraie race de limiers de
Normandie , qui auroient mieux rempli fon objet.
Chiens de Calabre. Ces chiens font très-grands parce
qu’ilsviennent de très-grands danois mêlés avec
de grands épagneuls; il y a quelques années qu’on en
fit peindre à Verfailles deux très-beaux, de la haute
taille du danois , fort courageux, 6c très-ardens à la
chafle du loup; ils participoient des carafteres des
danois 6c des épagneuls pour la forme du corps 6c
pour le poil ; les chiens ont cinq doigts y compris
l’ongle , qui eft un peu au-defliis du pié en-dedans,
6c que M.de Buffon compte pour le pouce. Le chien
courant que M. Buffon a-fait defliner, ayoit deux
piés neuf pouces, depuis le bout du nez jufqu’à l’anus.
Hauteur du train de devant, 1 pié 9 pouces 9 lig.
Hauteur du train de derrière , 1 pié 10 pouces.
Longueur des oreilles , 6 pouces 6 lignes.
Les chiens paffent pour avoir dix mamelles, cinq
de chaque côté , favoir quatre fur la poitrine, 6c fix
fur le ventre.
Les chiens ont neuf vraies côtes, trois de chaque
côtés, 6c quatre fauffes.
Les vertebres de la queue du chien font au nombre
de vingt.
M. de Buffon ne dit rien du ver que les chiens ont
fous la langue, ni de l’opération de couper les lices,
ôc de ce qu’on leur ôte pour empêcher la génération,
foit tefticules ou autres chofes, on leur ôte deux petites
glandes.
Il y a dans les mémoires de l’académie des Sciences
, l’hiftoire d’une chienne qui ayant été oubliée
dans une maifon de campagne, a vécu quarante jours
fans autre nourriture que l’étoffe ou la laine d’un
matelat qu’elle avoit déchiré.
Epreuve de M. de Buffon. Il éleva une louve prife
à l’âge de deux mois dans la forêt ; il l’enferma dans
une cour avec un jeune chien du même âge ; ils ne
connoiffoient l’un 6c l’autre aucun individu de leur efpece;
la première annéeeesjeunesanimauxjouoient
perpétuellement enfemble , 6c paroiffoient s’aimer.
A la leconde année ils commencèrent à fe difputer la
nourriture 6c à fe donner quelques coups de dents ;
la querellé commençoit toujours par la louve. A la
fin de la troifieme année ces animaux commencèrent
à fentir les impreflions du rut, mais fans amour : car
loin que cet état les adoucît ou les rapprochât l’un de
l’autre , ils devinrent plus féroces , ils maigrirent
tous deux , 6c le chien tua enfin la louve , qui étoit
devenue la plus foible 6c la plus maigre.
M. de Ligniville a fait une expérience pareille ,
mais qui à mieux réufli, püifqu’il en eft forti des
chiens , mais qui ne valoient rien pour la chafle.
Dans le même tems M. de Buffon fit enfermer#vec
une chienne en chaleur ,-un renard que l’on avoit
pris au piege. Ces animaux n’eurent pas la moindre'
V E N 937
querellé enfemble ; le renard s’apprOchoit même'af-
fez familièrement, mais dès qu’il avoit flairé de trop
près fa compagne, le figne du defir difparoiffoit, 6c
il s’en retournoit triftement dans fa hute. Lôrfque
la chaleur de cette chienne fut paflee, on lui en fid>
ftitua jufqu’à trois autres fucceflivement, pour lef-
quels il eut la même douceur, mais la même indifférence
: enfin on lui amena une femelle de fon efpece
qu’il couvrit dès le même jour.
On peut donc conclure de ces épreuves faites d’après
la nature, que le renard 6c le loup font des ef-
peces non-feulement différentes du chien , mais fé-
parées ôc aflez éloignées pour ne pouvoir les rap»
procher,du moins dans ces climats.
Xénophon dit qu’il avoit des chiens qu’il nommoit
renardiers en efpece.
Le cerf. M. Buffon, tom. X I . p. 85. Voici l’un des
animaux innocens, doux 6c tranquilles qui ne fem-
blent être faits que pour embellir, animer la folitude
des forêts , 6c occuper loin de nous les retraites
paifibles de ces jardins de la nature. Sa forme élégante
6c légère , fa taille aufli fvelte que bien prife, lès
membres flexibles ôc nerveux, fa tête parée plutôt
qu’armée d’un bois vivant, 6c q ui, comme la cime
des arbres, tous les ans fe renouvelle, fa grandeur,
fa légéreté, fa force, le diftinguent affez des autres
habitans des bois ; 6c comme il eft le plus noble d’en-
tr’eu x, il ne fert qu’aux plaifirs des plus nobles des
hommes ; il a dans tous les tems occupé le loifir des
héros ; l’exercice de la chafle doit fuccéder aux travaux
de la guerre, il doit même les précéder ; favoir
manier les chevaux 6c les armes font des talens
communs au chaflèur 6c au guerrier ; l’habitude au
mouvement, à la fatigue, l’adreffe , la légéreté du
corps, fi néceffaires pour foutenir , 6c même pour
féconder le courage , fe prennent à la chaffe, 6c fe
portent à la guerre ; c’eft l’école agréable d’un art
néceffaire, c’eft: encore le feul amufement qui fafle
diverfion entière aux affaires, le feul délaflëment fans
molefle, le feul qui donne un plaifir v if fans langueur
, fans mélange 6c fans fatieté.
Que peuvent faire de mieux les hommes qui par
état font fans ceffe fatigués de la préfence des autres
hommes? Toujours environnés, obfédés 6c gênés
pour ainfi dire, par le nombre, toujours en butte à
leurs demandes, à leur empreffement, forcés de s’occuper
des foins étrangers 6c d’affaires, agités par de
grands intérêts , ÔC d’autant plus contraints, qu’ils
lont plus élevés ; les grands ne fentiroient que le
poids de la grandeur, 6c n’exifteroient que pour les
autres , s’ils ne fe déroboient par inftans à la foule
même des flatteurs. Pour jouir de foi-même, pour
rappeller dans l’ame les affeftions perfonnelles, les
defirs fecrets, ces fentimens intimes mille fois plus ;
précieux que les idées de la grandeur, ils ontbefoin
de folitude ; Ôc quelle folitude plus variée, plus ani- ‘
niée que celle de la chaffe ? Quel exercice plus fain
pour le corps, quel repos plus agréable pour l’efprit?
II feroit aufli pénible de toujours repréfenter que -
de toujours méditer. L’homme n’eft pas fait parla nature
pour la contemplation des chofes abftraites ; 6c
de même que s’occuper fans relâche d’études difficiles
, d’affaires épineufes, mener une vie fédentaire
6c faire de fon cabinet le centre de fon exiftence, eft
un état peu naturel, il femble que celui d’une vie tu-,
multueufe, agitée, entraînée , pour ainfi dire, par
le mouvement des autres’ hommes, 6c où l’on eft
obligé de s’obferver, de fe contraindre 6c de repréfenter
continuellement à leurs yeux, eft encore une.
fituation plus forcée. Quelque idée que ncms voulions
avoir de nous-mêmes, il eft aifé de fentir que
repréfe'nter n’eft pas être, ôc aufli que nous -fommes
moins faits pour penfer que pour agir , pour raifon-
ner que pour jouir. Nos vrais plaifirs confiftent dans
I
WÊÊÊitÊlÊÊiÊKÊlÊÊÊÊ!ÊÊÊÊ^SSBÊÊÊÊÊÊSÊBÊÊÊÊBÊÊÊÊB!ÊÊÊÊÊÊÊÊBÊÊBÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊBÊÊÊÊÊÉiÊIÊÊÊÊÊÊÊÊ.