diens qui donnent des couleurs femblables ; enforte
qu’il eut été impoffible de traiter ces couleurs léparé-
ment, fans tomber dans des répétitions ennuyeufes,
& même embarraffantes pour le le&eur.
De la teinture de bourre. Une laine teinte en jaune
avec la gau de paflee dans la teinture de bourre , donne
un bel orangé tirant fur le couleur de feu , c’eft-
à-dire, de la couleur appellée nacarat, 8c connue
chez les Teinturiers fous le nom de nacart de bourre ,
parce qu’il fe fait communément avec la bourre fondue
, quoiqu’on puiffe le faire aulîi beau & beaucoup
meilleur en bon teint. On peut faire , fur le même
bain , plufieurs couleurs en dégradation, depuis le
cerife 8c couleur de feu, jüfqu’au couleur de chair
le plus pâle.
Del'orfeille. La couleur qu’on peut tirer de cet ingrédient.,
eft un beau gris-de-lin , violet, lilas, ama-
ranthe, couleur de penlée. Oh fait encore de la demi-
écarlate avec l’orfeille , en la mêlant avec la compo-
fition ordinaire dans le bouillon 8c dans la rougie.
Du bois-d’inde ou de campêche. Le bois-d’inde eft
d ’un très-grand ulàge dans le petit teint ; & il feroit
fort à fouhaiter qu’on ne s’en fervît pas dans le bon
teint, parce que la couleur que ce bois fournit, perd
-en très-peu de tem$ tout fon éclat , 8c difparoît même
en partie étant expofée à l’air. Son peu de valeur
eft une des raifons qui le font employer li fouvent ;
mais la plus forte eft que par le moyen des différentes
préparations 8c des différens fels, on tire de ce
bois une grande quantité de couleurs 8c de nuances ,
qu’on ne fait qu’avec peine iorfqu’on ne veut fe fer-
v ir que des ingrédiens de bon teint. Cependant il eft
poffible de faire toutes les couleurs fans ce fecours ;
ainfi on a eu très-grande raifon de défendre, dans le
bon teint, l’ufage d’une matière dont la teinture n’a
aucune folidité.
On fert du bois - d’inde pour l’achevément des
noirs ; mais c’eft l’ouvrage des teinturiers du petit
teint. On s’en fert encore avec la galle 8c la coupe-
rofe , pour toutes les nuances de gris qui tirent fur
l’ardoifé , le lavande , le gris de ramier.,f Je gris de
plomb , 6c autres femblables jufqu’à l’infini. On ne
peut fixer la dofe des ingrédiens de cette efpece,parce
que les teinturiers du petit teint étant en ufage de
teindre fur les échantillons qui leur font remisde s
petites étoffes pour fervir de doublure , ilsfe règlent
à la feule vue de leur ouvrage , 8c commencent toujours
à tenir les étoffes plus claires qù’il ne faut , 8c
les brunifiënt en ajoutant l’ingrédient convenable,
jufqu’à ce qu’elles foient de la couleur qu’ils défirent.
On fait encore , avec le bois-d’inde, des beaux
violets , en guefdant premièrement l’étoffe , 8c l’alu-
nant enfuite. Il donne encore une couleur bleue,
mais fi peu folide , 8c le bleu de bon teint coûte fi
peu , quand il n’eft pas des plus foncés , qu’il n’arrive
prefque jamais qu’on en faffe ufage.
On peut aufli, par le même moyen, faire le vert
en un leul bain. Pour cela , on met dans la chaudière
du bois-d’in d ed e là graine d’Avignon & du vert-de-
gris ; ce mélange donne au bain une belle couleur
verte. Il fuffit alors d’y paffer la laine, jufqu’à ce
qu’elle foit à la hauteur que l’on defire. On voit que
ce vert fera de la nuance que l’on voudra, en mettant
la quantité qu’on jugera à-propos de bois-d’inde
& de graine d’Avignon. Cette couleur verte ne vaut
pas mieux que la bleue, 8c elles devroient être l’une
8c l’autre bannies de la teinture.
.L’ufage le plus ordinaire du bois-d’inde dans le petit
teint, eft pour les couleurs de prune, de pruneau,
de pourpre , 8c leurs nuances 8c dégradations. Ce
bois , joint à la noix de galle donne toutes ces couleurs
avec beaucoup de facilité fur la laine guédée :
<on les rabat ayec un peu de couperofe verte qui les
brunit; & l’on parvient par ce moyen & tout d’un
coup, à des nuances qui font beaucoup plus difficiles
à laifir en bon teint, parce que les degrés différens
de bruniture font beaucoup moins aifés à prendre ,
tels qu’on les veut, fur une cuve de bleu ,qu’à l’aide
dii fer de la couperofe.,Mais ces couleurs ont le défaut
de paffer très-promptement à l’air ; 8c en peu de
jours, on voit une fort grande différence entre les
parties de l’étoffe qui ont été expofées à l’air, & celles
qui font demeurées couvertes.. -
Du bois, de Brèjil. On comprend fous le nom général
de bois de Bréjîl, celui de Fernambouc , de
Sainte-Marthe , du Japon-, 8c quelques autres dont
ce n’eft pas ici le lieu de faire ladiftin&ion, puifqu’ils
s’emploient tous de la même maniéré pour la teinture.
Tous ces bois donnent à-peu-près la même couleur
que le bois-d’inde ; fouvent on les mêle enfemble.
Il n’eft pas poffible de fixer la quantité de cet ingrédient
pour les couleurs qu’on veut faire , parce
qu’il y en a qui donnent plus de couleur les uns que
les autres , ou qui la donnent plus belle; mais cela
vient fouvent des parties de ce bois qui ont été expofées
à l’air les unes plus que les autres, ou de ce qu’il
y a des, endroits qui auront été éventés ou pourris.
Il faut choifir, pour la teinture, le plus fain 8c le plus
haut en couleur.
La couleur naturelle du Bréfil, 8c celle pour laquelle
il eft le plus fouvent employé , eft la fauffe
écarlate, qui ne .laifle pas que d’être .belle & d’avoir
de l’éclat, mais un éclat fort inférieur à celui de l’é-,
carlate de cochenille ou de gomme iacque.
Du fujlel. Le bois de fuftel donne une couleur
orangée qui n’a aucune folidité. Il s’emploie ordinairement
dans le petit teint , comme la racine de noyer
ou le brou de noix , fans faire bouillir l’étoffe ; en-
forte qu’il n’y à aucune difficulté à l’employer. On
le mêle fouvent avec le brou 8c la gaude pour faire
,les couleurs de tabac, de canelle & autres nuances
femblables. Mais on peut regarder ce bois comme un
très-mauvais ingrédient ; car fa couleur expofée à
l’air pendant très-peu de tems , y perd tout fon éclat
8c la plus grande partie de fa nuance de jaune. Si l’on
paffe fur la cuve du bleu une étoffe teinte avec le
fuftel, on a un olive affez defagréable, qui ne réfifte
point à l’a ir , 8c qui devient très - vilain en peu de
tems.
On fe fe r t , dans le Languedoc, du fuftel pour
faire des couleurs de langoufte qu’on envoie dans le
Levant : il épargne confidérablement la cochenille ;
on mêle, pour cet effet, dans un même bain, de la
gâude, du/uftel 8c de la cochenille avec un peu de
crème de tartre , 8c l’étoffe bouillie dans ce bain en
fort de la couleur qu’on nomme langoujle; 8c fuivant
la dofe de ces différens ingrédiens , elle eft plus ou
moins rouge, ou plus ou moins orangée. Quoique cet
ufage de mêler enfemble des ingrédiens du bon teint
avec ceux du petit teint foit condamnable, il paroît
cependant que dans cè cas , qui eft très-rare, 8c pour
cette couleur feulement, que les commiffionnaires
du Levant demandent de tems en tems , on peut tolérer
le fuftel; parce que la même couleur ayant été
tentée avec les feu 1singrédiens du bon teint, elle n’a
pas été trouvée plus folide.
Du rocou. Le rocou ou raucourt, donne une couleur
orangé à-peu-près comme le fuftel, & la teinture
n’eri eft pas plus folide. Ce ne feroit pas néanmoins
par le débouilli de l’alun qu’il faudroit juger de la
qualité du rocou : car il n’àftere en rien fa couleur ,
6c elle n’en devient que plus belle ; mais l’air l’emporte
8c l’efface en très-peu de tems ; le favon fait la
même chofe ; & c ’eft en effet par le débouilli qu’il en
faut juger, ainfi qu’il eft prefcrit dans l’inftruûion fur
ces fortes d’épreuves. Cette matière eft facilement
remplacée dans le bon teint, par la gaude 8c la garance
mêlées enfemble ; mais ori fe fert du rocou
dans le petit teint pour les autres jaunes, &c. En général
le rocou, eft un très-mauvais ingrédient pour la
teinture des laines, Se même il n’eft pas d un grand
ufage , parce qu’il ne laiffe pas d’etre cher, 8c qu d
eft facilement remplacé par d’autres plus tenaces,
à meilleur marché. . A ;
De la graine d'Avignon. La graine d Avignon eit
de très-peu d’ufage en teinture : elle-fait un affez beau
jaune , mais qui n’a aucune folidité ; non plus que le
yert qu’elle donne, en paffant dans fon bain une
étoffe qui a reçu un pié de bleu.- ; : v
De la terra mérita. La terra mérita s emploie a-peu-
près de même que. la graine d’Avignon ; mais en
beaucoup moindre quantité , parce qu elle fournit
beaucoup plus de teinture. Elle eft un peu moins mau-
vaife que les autres ingrédiens jaunes dont il a ete
parlé précédemment. Mais comme elle eft chere,
c’eft une raifon fuffifante pour ne l’employer prefque
jamais dans le petit teint. On s’en fert quelquefois
*lans le bon teint pour dorer les jaunes faits avec la
gaude , 8c pour éclaircir 8c oranger les écarlates;
mais cette pratique eft condamnable , car 1 air emporte
en très-peu de rems toute la partie de la couleur
qui vient de la terra mérita ; enforte que les jaunes
dorés reviennent dans leur premier état, 8c que
les écarlateS bruniffent confidérablement ; quand cela
arrive à ces fortes de couleurs , on peut etre affuré
qu’ elles ont été falfifiées avec ce faux ingrédient qui
h’a aucune folidité. „ , . , ,
Voilà tout ce qu’il y a à dire fur les ingrédiens du
petit teint : ils ne doivent être employés dans la teinture
que pour les étoffes commîmes ou de bas prix.
Ce ffeft pas qu’on croye impoffible d en tirer des
couleurs folïdes ; mais alors les couleurs ne feront
plus précifément celles que ces ingrédiens donnent
naturellement, ou parles méthodes ordinaires; comme
il faut y ajouter l’adftriûion 8c le gommeux qui
leur manque , ce n’eft plus alors le meme arrangement
des parties ; & pa r conséquent les rayons de la
lumière feront réfléchis différemment. I
• Instruction fur U débouilli des laines & étoffes de
laine. Comme il a été reconnu que l’ancienne méthode
prefcrite pour le debouilli des teintures n eft
pas fuffifante pour juger exactement de la bonté ou
de la fauffeté de plufieurs couleurs ; que cette méthode
pouvoit même quelquefois induire en erreur,
& donner lieu à des conteftations ; il a été fait, par
ordre de fa majefté, différentes expériences lur les
laines deftiriées à la fabrique des tapifferies pourcon-
noître le degré de bonté de chaque couleur, 8c les
débouillis les plus convenables à chacune.
Pour y parvenir,il a été teint des laines fines en
toutes fortes de couleurs, tant en bon teint qu’en
petit teint, 8c elles ont été expofées à l’air 6c au
foleil pendantrin tems convenable. Les bonnes çou-
leurs fe font parfaitement foutenues ; 8c les fauffes
fe font effacées plus ou moins, à proportion du degré
de leur mauvaife qualité : & comme une couleur
ne doit être réputée bonne, qu autant qu’elle
réfifte à l’aftion de l’air 8c du foleil , c’eft cette
épreuve qui a fervi de réglé pour décider fur la
bonté des différentes couleurs. ; .. . . . .
Il a été fait enfuite, fur les mêmes laines dont les
échantillons avoient été expofés à l’air & au foleil,
diverfes épreuves de débouilli ; & il a d’abord ete
reconnu qùe les mêmes ingrédiens ne pouvoient pas
être indifféremment employés dans les débouillis de
toutes les couleurs, parce qu’il arrivoit quelquefois
qu’une couleur reconnue bonne par l’expofition à
l’air, étoit confidérablement altérée par le debouilli,
& qu’une couleur fauffe réfiftoit au même de-
bouilli-
Tome XVI\
Ces différentes expériences ont fait fentir ïhnüti*
lité du citron > du vinaigre , des eaux fures &c des
eaux fortes, par l’impoffibilité de s’affurer du degré
d’acidité de ces liqueurs ; & il a paru que la méthode
la plus fure eft de fe fervir , avec de l’eau
commune , d’ingrédiens dont l’effet eft toujours
égal. . S E SS 4 , ,
En fuivant cet objet, il a été jugé neceffairè de
féparer en trois claffes toutes les couleurs dans lef-
quelles les laines peuvent être teintes, tant ert bon
qu’en petit teint, & de fixer les ingrédiens qui doivent
être employés dans les débouillis des couleurs
comprifes dans chacune de ces trois claffes.
Les couleurs comprifes dans la première claffe,
doivent être débouillies avec l’alun de Rome ; celles
de la fécondé, avec le favori blanc ; & celles de la
troifieme, avec le tartre roüge.
Mais comme il ne fuffit pas, pour s’affurer dê la
bonté d’une couleur par l’epreuve du débouilli, d’y
employer des ingrédiens dont l’effet foit toujours
égal; qu’il faut encore, non-feulement que la* durée
de cette opération foit exaâement determinee ;
mais même que la quantité de liqueur foit fixee,
parce que le plus ou moins d’eau diminue pu augmente
confidérablement l’aftivite des ingrédiens qui
y entrent , la maniéré, de procéder aux différens
débouillis, fera prefcrite par les articles fuivans.
Article premier. Le débouilli avec 1 alun de Rome
fera fait en la maniéré fuivante.
On mettra dans un vàfe de terre Ou terriné, une
livre d’eau & unê demi-once d’alun ; on mettra le
vaiffeaù fur le, feu;: êç lorfque l’eau bouillira à gros
bouillons’, ôn y mçttra la laine dont l’épreuve doit
être faite, & on l’y laiffera bouillir pendant cinq
minutes ; après quoi on la retirera & on la lavera
bien dans l’eau froide : le poids de l’échantillon
doit être d’un gros ou environ.
z. JLorfqu’il. y aura plufieurs échantillons de laine
débouillir enfemble, il faudra doubler la quantité
d’eau & celle d’alun, ou même la tripler ; ce qui ne
changera en rien la force &c l’effet du debouilli, en
obfervant la proportion de l’éau Sc de l’alun, en
forte que pour chaque livre d’eau, il y ait toujours
üiiè demi-once d’alun. ^ ; t
3. Pour rendre plus certain l’effet du débouilli,
on obfervera de ne pas faire débouillir enfémble
des laines de différéntés. couleurs.
,4. Le débouilli avec le favon blâhc fe fera en la
maniéré fuivante.
On mettra dans une livre d’eau, deux gfoS feulement
de favori blanc,haché en petits morceaux;
ayant -mis enfuitë le vaiffeaù fur le feu , on aura
foin de remuer l’eau avec un bâton, pour bien faire
fondre le favon ; lorfqu’il fêta fondu , 8c que l’eau
bouillira à gros bouillons, on y mettra l’échantillon
de laine, qu’on y fera pareillement bouillir pendant
cinq minutes , à compter du moment que l’échantillon
y aura été mis, Ce qui ne fe fera que lorfque
l’eau bouillira à gros bouillons.
5. Lorfqu’il y aura plufieurs échantillons de laine
à debouillir enfemble, on obfervera la méthode prefcrite
par l’article 2* c’eft-à-dire, que pour chaque
livre d’eau, on mettra toujours deux gros de favon.
6. Le débouilli avec le tartre rouge fe fera preci-
fément de même, avec les mêmes dofes & dans les
mêïhes proportions que le débouilli avec l’alun ; en
obfervant de bien pulvérifer le tartre, avant que
de le mettre dans l’eau , afin qu’il foit entièrement
fondu lorfqu’on y mettra les écnantillons de laine.
7. Les couleurs fuivantes feront debôuillies avec
l’alun de Rome ; favoir, le cramoifi de toute nuance
s , l’écarlate de Venife, l’écarlate couleur de feu,
le couleur de cerife, & autres nuances de 1 ecar-
; la te, les violets ÔC gris-de-lin de toutes nuances,
I . . D i j