■J' 1S lli Tour s’en convaincre* on n’a qu’à lire les anciens
•auteurs, fur-tout Paufanias qui s’eft attaché particulièrement
A les décrire, •& qui en parle prefque à
chaque page de fon voyage de la Grece. ,
Parmi tant de temples, Vitruve en admirôit principalement
quatre bâtis dô mafbfe, & fi-noblement
enrichis, qu’ils faifoient l’étonnement des plus grands
con’noiiTeirrs,& étoient devenus la réglé des bâtimenS
dans les trois ordres d’architeéhire, le do rien, l’ionien
& le corinthien.
Le-premier de tes beaux ouvrages, étoit le temple
de Diane à Ephèfe ; le fécond celui d’Apollon dans
la ville de Milet, l’un & l’autre d’ordre ionique ; le
troifrerrre étoit le lemplt d’EleufiS, d’ordre dorique;
le quatrième étoit le temple de Jupiter Olympien à
Athènes , d’ordre corinthien. On penfe bien que ces
quatre temples ne feront pas oubliés dans notre lifte;
il ne s’agit ici que d’obfervationS générales fur tous
les temples de la Grece.
Ils étoient partagés en pliïneiïrS parties qu’il eft
bon de diftinguer pour entendre lès deferiptions
qu’en font les hiftoriens. La prerrtie'rë étoit le ve’fti-
bule, oii étoient la pifeiné, dans laquelle les prêtres*
{éditai, puifoient l’eau luftrale , pouf expier ceux
qui voulaient entrer dans les temples ; enfuite venoit
la nef, paie ; 6c le lieu faint appelle peiictrale, faera-
rium, adytum, dans lequel il n’étoit pas permis aux
particuliers d’entrer ; il y avoit enfin l’-arr'iere temple,
tTTid-oS'ô/j.t f , mais tous n’avoient pas cette partie. Les
-temples grecs avoient fouvent des portiques, Sc toujours
des marches pour y monter; il y en avoit aufli
plufteurs avec des galeries autour ; ces galeries
étoient formées d’un rang de colonnes pofées à un
certain efpace du mur Couvertes de grandes pierres :
ces fortes de tétnples fe nommoient peteptères, c’eft-
à-dire, ailés ; diptères, quand la galerie avoit deux
rangs de colonnes ; propyles, lorfque les colonnes
formoient le portique fans galerie; & enfin kype-
thres, quand ils avoient en-dehors deux rangs de co*
lonnes, 6c autant en-dedans , tout le milieu étant
découvert à-peu-près comme nos.cloîtres. Les Romains
imitèrent toutes ces différentes ftru&ures. Vitruve
remarque encore d’autres .particularités qu’on
peut voir dans fon ouvrage : je n’en citerai que deux.
i°. Un temple ne pou voit être confacré fans la fta-
tue du dieu qui devoit être placée au milieu. Il y
avoit au pié de la ftatüe un autel fur lequel les premières
offrandes qu’on faifoit, étoient de légumes
cuites dans de l’eau, & une efpece de bouillie qu’on
diftribuoit aux ouvriers qui avoient élevé la ftatue.
i°. Quoique communément les hommes & les
femmes entraffent dans les temples, il y en avoit
dont l’entrée étoit défendue aux hommes ; tel étoit
celui de Diane à Rome, dans la rue nommée Viens-
patriùus, ainfi que Plutarque nous l’apprend ; &
néanmoins tout le monde pouvoit entrer dans les autres
temples de cette déeffe. On croit que la raifon
de cette défenfe venoit de ce qu’une femme qui
prioit dans ce temple, y reçut le plus fanglant affront.
Enfin, les politiques confidérantla magnificence
des temples de la Grece, le nombre de prêtres & de
prêtreffes de tous ordres qui les deffervoient, & les
frais des facrifices ; les politiques, dis-je, demandent
avec curiofité, par quel moyen on fuppléoit à
de fi grandes dépenfes. Je réponds di’abord que les
temples à oracles fi’avoient befoin de rien pour leur
• fubfiftance; ils regorgeoient de préfens, 6c les autres
avoient des revenus particuliers qui leur étoient af-
feâés : voici ceux de ma connoiffance.
L’un de ces revenus à Athènes étoit le produit des
amendes auxquelles on condamnoit les particuliers
amendes dont la dixième partie appartenoit à Minerve
Poliade, 6c la cinquantième aux autres dieux,
Se aux héros dont les tribus portoient le nom. De»
plus , lorfque les Prytanes ne tenoient pas les aîfemi-
•blées conformément aux,lois, chacun d’eux, étoit
puni par une amende de mille dragmes qu’il falloir
pay er à k déeffe. Si les proëdres, c’eft-à-dire, les
fénatelirs chargés- de faire à ces affemblées le rapport
des matières fur lefquelles on devoit délibérer,
ne le faifoient pas fuivant les réglés , & dans l’ordre
preferit, ils étoient aufli condamnés ..à une amende
de quarante dragmes, appliquée comme l’autre au
profit de Minerve, ce qui devoit.l’enrichir.
Outre cette efpece de-revenu appartenant en commun
aux dieux, & qui varioit fuivant le nombre ô£
la grandeur des fautes, les temples en avoient de par-
ticuliers; c ’eft lepfo.duit des terres confacrées aux
divinités c rien n’étoit plus commun dans la Grece
que ces fondations. Je ne parle pas ici des terres que
l ’on confacroit aux dieux, & qui étoient condamnées
à refter éternellement'incultes, comme le territoire
de Cir/ha proferit par le decret folemneldes amphic-
tions, la campagne fituée entre Mégare & l’Attique
confacrée aux déeffes d’Eléufxs, & plufieurs autres :
il ne s’agit que de celles que l’on eultivoit, & dont
les fruits faifoient la richeffe des temples.
. Tel fut le champ que Xénophon confacra à Diané
d’Ephèfe, en exécution d’un voeuqu’il lui avoit fait
pour fon heureux retour dans la retraite des dix
mille. Il l’acheta d’une partie de l’argent qui prove-
noit des dépouilles, des Perfes, & de. la rançon de
leurs prifonniers ; ce champ étoit fitué auprès de Sri*
lunte, petit bourg fondé par le$ Lacédémoniens
fur la route de Sparte à Olympie; il employa ce
qu’il eut de refte après cet achat, & à faire bâtir
un temple fur le modèle de celui d’Efphèfe : un trait
de reffemblance affez fingulier entre ces deux édifices
, c’eft leur fituation. Le fleuve qui couloit auprès
du temple d’Ephèfe fe nommoit Sellène, & noufriffoit
beaucoup de poiffon.. Un ruiffeau du même nom,
& qui avoit le même avantage, arrôfoit la campagne.
oîi Xénophon fit élever le fien. Ses environs, aufli
variés que fertiles., offroient des terres labourables,
des pâturages excellens , oîi les animaux deftinés à
fervir de vièrimes trouvoient une nourriture abondante,
des forêts remplies de gibier de toutes efpè-
ce s, & qui fervoient de retraite à une grande multitude
de bêtes fauves.,
Le temple étoit environné d’un bois faeré 6C dé
jardins plantés d’arbres fruitiers de toute faifon:Devant
la porte de cet édifice, on voyoit une colomne
que Xénophon fit élever comme le monument de la
fondation, & fur laquelle on lifoit ces mots: hpôà
* mpoç t»( ApTtpiiS'oç : terre confacrée à Diane. Elle
étoit affermée ; celui qui percevoit les fruits devoit
en pa^rer la dixme à la déeflè, & dépofer le.refte
pour etre employé aux réparations 6c aux dçpenfes
ordinaires.
Cette dixme fervoit aux facrifices offerts dans la
fête folemnelle que Xénophon inftitua en l’honneur
de Diane. Elle fe célébroit tous les ans, & duroit
plufieurs jours ; tous les habitans du bourg & dès
environs s’y trouvoient, & la divinité noiirriffoit
pendant tout le tems fes adorateurs, en leur four-
niffant du b lé , du v in , & toutes les chofes né-
ceffaires à la vie. Xénophon même, afin de procurer
l’abondance ,,indiquoit auparavant une chaffe
générale, à laquelle il préfidoit avec fes enfans. J’ai
rapporté tous ces détails d’après les Mém. des Infcript.
parce que c’eft peut-être la feule fondation dont les
particularités nous ayent été confervées, & qu’elle
peut donner une idée de toutes les autres. (D . J.')
T emples des Rom ains, [A n t. rom.) Rome
& l’Italie n’avoient peut-être pas moins de temples
que k G rece. Donnons une idée générale de leur
origine^
I j m Â
Origine, de leur confécration & de leur ftru&ure ;
les détails font réfervés à chaque temple en particulier.
On fait affez que les anciens romains ont eu beaucoup
d’attachement pour leur religion ; je dirai
mieux, beaucoup de fuperftition daus leur culte. Il
ne leur arrivoit guere d’heureux ou fâcheux fuccès,'
qui ne fût fuivi de laconftrufrion de quelque temple»
Le nom même des temples qu’ils confacrerent aux
dieux , tire fon origine du temple augurai; c’eft-à-
dire , d’une fimple enceinte dans laquelle les augures
obfervoient le vol dés oifeaux. Toüsles lieux tracés
parles augures étoient même appelles temple.s, tem-
pla , quoiqu’ils ne fiiffent pas deftinés au culte de la
religion ; c’feft ainfi que les augures trouvèrent le fe*
cret d’accréditer leur ouvrage»-
Les uns attribuent la Fondation des premiers lern*-
pies,de l’Italie à Janus, par l’invocation duquel ôn
commençoit tous les facrifices ; les autres en donnent
la gloire à Faune, & prétenderît que le motfanum
«n tiré fon origine. Quoi qu’il en loit, ces premiers
temples, n’etoient que des bois facrés, puifque les Ro-
mains, au rapport de Vartôn-, ont été fans temples
pendant. Eefpace de 170 axis. Ainfi le temple de Jupiter
Féremeu & celui de Jupiter Stator n’étQient
point apparemment çonfacrés, & le temple de Jaqus
ne doit être envifagé que comme un monument de
l’union des Romains &c des Sabins, dont k ftatue de
çe dieu à deux vifages étoit le fymbole, & le fut
•auffi de la paix & de là guerre.
• Les formalités requifes pour I’établiffement d’un
véritable temple, étoient l’autorité des lois , l’obfer-
vation des aufpices , les cérémonies de la confécration.
Un magiftrat qui avoit fait voeu de bâtir un temple
, n’engagéoit point la république fans fon confen*
tement. Quand la conftru&ion du temple avoit été ré-
folue dans le fénat, il falioit une loi ou un plébifcite ■
pour l’exécution-du projet. Sous les empereurs, leur
Volonté tenoit lieu de loi.
Enfuite on confultoit les augures qui -s’affem-
bloient par ordre des duumvirs, c’eft-à-dire, des
commiffaires nommés pour 1a conduite de l’ouvrage.
Lès augures commençoient par le choix du terrein,
en quoi ils avoient égard à la nature & aux fondrions
des dieux auxquels le temple devoit être confacrés
Suivant les obfervations de Vitruve, les.temples de
Jupiter, de Junon & de Minerve dévoient être conf-
truits fur des hauteurs, parce que ces divinités avoient
infpedrion fur toutes les affaires de l’empire dont elles
prenoient un foin particulier. Mercure, Ifis & Séra-
'pis, dieux du commerce, avoient leurs temples proche
des marchés. Ceux de Mars, de Bellône, de
Vulcain & de Vénus étoient hors de la ville ; on les
regardoit comme des divinités ou turbulentes ou
dangereufes. Il eft vrai que ces convenances n’ont pas
toujours été obfervées.
Le lieu delà conftruâion étant choifi, les augures *
prenoient les aufpices, 6c fi les aufpices étoient favorables,
ils traçoient le plan du temple ; c’eft ce qu’on
appelloit ejfari ou fijlere iemplum. .On pofoit la première
pierre avec plus de cérémonie encore. Les
veftales accompagnées de jeunes garçons & de jeu*
•nés filles, ayant pere & m ere, arrofoient la place de
trois fortes d’eaux ; on 1a purifioit encore par le fa-
crifice d’un taureau blanc &c d’une geniffe. Le grand
prêtre invoquoit les dieux auxquels le temple étoit
deftiné. La pierre fur laquelle étoient gravés les noms
du magiftrat 6c du fouverain pontife, étoit mife dans
la fondation avec des médailles d’or 6c d’argent, &
du métal tel qu’il fort de 1a mine , aux acclamations
■ de tout le peuple qui s’empreffoit d’y prêter la main.
Lorfque le temple étoit' b âti, on en faifoit 1a dédicace.
Cette fonérion appartenoit dans les premiers
tems aux grands magiftrats ; enfuite à caufe des dif-
Tome X F I ,
fenfiotis qui furvinrent à cette occafion , On eut recours
à la puiffanee du peuple. Enfin on en laiffa là
difpofition au fénat, avec l’intervention des tribuns
du peuple , qui n’y eurent plus de part fous les empereurs.
Le jour de la dédicace d’un temple étoit une fête fo*
Icmnelle , accompagnée de réjouiflances extraordinaires.
On immqloit des viérimes fur tous les autels ;
on chantoit des hymnes au fon de la flûte. Le temple
étoit orné de fleurs & de bandelettes. Le magiftrat
qui faifoit la cérémonie , mettoit la main fur le jambage
de la.porte,appellant à haute! voix le fouverain
pontife , pour lui aider à s’acquitter de cette fonc*
tion-, en prononçant devant lui la forrrhile delà dédicace
qu’il répétoit mot-à-mot. Ils- étoiènt fi ferupu-
leux fur la prononciation de ces paroles ; qu’ils s’i*
maginoient qu’un feul mot ou une fyllabé oubliée
ou mal articulée gâtoit tout le myftere. C’eft pourquoi
legrand pontife Metellus qui étoit bogue, s’exerça
plufieurs mois pour pouvoir-bien'prononcer le
motd'opiferà. Le deuil étoit ■ incompatible'àvêc la fo-
lemnité ; en le quittait pour y aflifter erï habit blanc-.
Sur ce prétexte ÿ lës 'ennemis d’Horatius Pulvillus
qui faifoit la dédicace du temple du capitole, vinrent
troubler la cérémonie, en lui annonçant la fauffe
nouvelle de la mort de fon fils, mais il 1a reçut fans
s’émouvoir, & continua ce qu’il avoit Commencé.
T ac ite, liv. H. parlant du rétabliffement du capi-
toîe, nous a confervé là formule & les autres cérémonies
de la confécration du lieu deftiné à bâtir un
temple. Vefpafien, dit-il, ayant chargé L. Veftînus du
foin de rétablir le capitole, ce chevalier romain con-
fnlta les arufpices, & il apprit d’eux qu’il falioit corn*
mencer par tranfporter dans des marais les reftes du
vieux temple, 6c en bâtir un nouveau fur les mêmes
fondemens l’onzieme jour avant les kalendes de Juillet,'
le ciel étant ferain» Tout l ’efpace deftiné pour
l’édifieë fut ceint de rubans &c de couronnes. Ceux
des foldats dont le nom etoit de bon augure, entrèrent
dans cette enceinte avec desraméaiix à la main;
puis vibrent les veftales accompagnées de jeunes gar*
çons-& dejeunes filles dont les peres & meres vi-
voieht encore , qui lavèrent tout ce lieu avec de l’eau
de fontaine, de lac & de fleuve. Alors Heividins Prif-*
eus, prêteur,précédé de PlauteElieri, pontife, ache*
va d’expier l’enceinte par le facrifice d’une vache 6c
de quelques taureaux qu’il offrit à Jupiter, à Junon ,
àMinérve & aux dieux patrons de l’empire, & les
pria défaire en-forte- que le bâtiment que la piété des
hommes.avoit commencé pour „leur demeure, fut
heureufement achevé. Les autres magiftrats quiaflif*
toient à cette cérémonie, les prêtres ,ile fénat, les
chevaliers & le peuple pleins d’ardeur 6c de joie, fe
mirent àremuerame piêrre d’une grpffeur énorme,
pour la traîner au lieu où elle devoit être mife en
oeuvre. Enfin on jetta dans les fondemens plufieurs
petites monnoies d’or & d’autres pièces de métal,
comme nous venons de le aire. Les noms des magiftrats
étoient gravés au frontifpice des temples qu’ils
avoient dédiés. Ceux qui les faifoient rebâtir, en y
mettant de nouvelles inferiptions, n’en ôtoient pas
celles des premiers fondateurs.
Quoique là partie du temple appellée cella fut def-
tinée au culte de la religion , on ne laiffoit pas d’y
traiter d’affaires profanés après les facrifices, en tirant
des voiles qui couvroient les ftatues & les autels.
Elle ne pouvoit être dédiée à plufieurs divinités , à
moins qu’elles ne fuffent inféparables, comme Caftor
& Pollux ; mais plufieurs dieux pou voient avoir chacun
1a fienne fous un même toît; 6c alors ce temple
s’appelloit ddubrum, quoique ce terme foit un terme
générique.
La ftatue du dieu y étoit placée quelquefois dans
une niche ou tabernacle appelle oedicula. Elle regar-
I