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renient ne voit-on pas un homme de grand fèn.i, d'une
érudition profonde, 6c qui avoit employé la plus
«ramie partie de (a vie charger de ridicules l’incertitude
6c la variété des fyftèmcs de la philofophic fèc-
tnirc , entêté d'opinions mille fois plus extravagantes.
Mais Newton, après avoir donne Ion admirable
■ Ouvrage des principes de la philofophie naturelle,
publia-bien un commentaire lur Papocalyple.
Thomafïus termina Ton cours de philofophie par la
pratique de la philofophie politique, dont il faitfen-
■ tir la liaifon avec des connoiflances trop fouvent négligées
par les hommes qui s’occupent de cette
icience. .
11 cft difficile d’expofer le fyftème général de la
philofophie de Thorn,\/ins, parce qu’il changea fou-
vent «Fopinions. .
I)u reftè ce fut uh homme auffi cftimabre par les
moeurs que par lès talens. Sa vie fut innocente, il ne
connut ni l’orgueil ni l’avarice ; il aima tendrement
les amis ; U fut bon époux ; il s’occupa beaucoup de
l’éducation de lès enfans ; il chérit les difciples qui
me demeurèrent pas en relie avec lui ; il eut l’elprit
tlroit & le coeur jufte > 6c fon commerce ft.it inf-
«rtiftif & agréable.
On lui reproche fon penchant à la fatyre, au feep-
'tlcilVne> au naturalilme , 6c c’eft avec jufte raifon.
Principes généraux de la philofophie de Thomafius.
Tout être cft quelque chofe.
L’ame de’rhomme'a deux facultés > l’entendement
& la volonté.
Elles conliftent l’une 6c l’autre en pâmons 6c en
«fiions.
La paffion de l’entendement s’appelle fenfation ; la
paffion de la volonté , inclination. L’a&ion de l’entendement
s’appelle méditation ; l’aftion de la volonté,
impnljion.
Les pâlirons de l’entendement & de la volonté
précèdent toujours les aéttons ; 6c ces avions font
tomme mortes fans les pallions*
Les paffions de Penrendement 6c de la volonté font
des perceptions de l’ame.
Les êtres réels s’apperçoivent oii par la fenfation
<& l’entendement, ou par l’inclination & la volonté.
La perception de la volonté eft plus fubtiie que la
>percep‘tion de l’entendement ; la première s’étend
«ux vifibles 6c aux invisibles.
La perceptibilité eft nne affeftion de tout être,
fans laquelle il n’y a point de connoiflance vraie de
fon eflènee 6c de fa réalité.
L’elîènce eft dans Fêtrela qualité fans laquelle 1 ame
ne s’apperçoit pas.
Il y a des cholès qui font apperçues par la fenfation
; il y en a qui le font par‘l’inclination , & d’autres
par l’un 6c l’autre moyen.
Etre quelque part, c’eft être dedans ou dehors une
vhofe.
Ily a entre être en un Heu déterminé, & être quelque
part, la différence de ce qui contient à ce qui eft
-contenu.
L’amplitude eft le concept d’une chofe en tant que
longue oülarge, abftraftionfaite delà profondeur.
L ’amplitude eft oul’efpace oii la chofe eft ou mue
■ ou étendue, ouïe mu ou l’étendu dansl’efpace, ou
l’extenfion a&ive, ou l’étendu'paffif, ou la matière
aflive ou la choie mue paftivement.
Il y a une étendue finie 6c paflive. Il y en a une
infinie &a£Hve.
Il y a de la différence entre l’efpace & la chofe
étendue entre l’extenfion & l’étendue.
On peut confidérer fousdïfférens afpéÔS'une chofe
ou prile comme efpace, ou comme chofe étendue.
L’efpace infini n’éft que Fextenfion aftive où tout
fo meut, & qui ne fe meut en Tien.
U eft néceffaiire qu’il y ait quelqu’étendu fini, dans
lequel, comme dans l’efpace, un autre étendu ne fe
meuve pas.
Dieu & la créature font réellement distingués \
c’ert-à-dire que l’un des deux peut au - moins exister
fans l’autre.
Le premiercOnccpt de Dieit'eft d’être de lui-mê**
me, oc que tout le refte Sort de lui.
Mais ce qui eSt d’un autre eft postérieur à ce don't
il cft ; donc les créatures ne Sont pas co-éternelles à
Dieu.
•Les créatures s’apperçoivent par la fenfation ; alors
•naît l’inclination, qui cependant ne fuppofe pas n&-
ceffairement ni toujours la SenSation.
L’homme ne peut méditer des créatures qtt’ il n’apperçoit.,
point , 6c qu’il n’a pas apperçues par la ferï*
lation.
La méditation fur les èréahtrcs finit, fi denoU5»
velles Sèniations ne la réveille.
Dieu ne s’apperçoit point .par là fenfatiort;
Donc l’entendement n’apperçoit point que Dieft
vive , 6c toute Sa méditation fur cet êtrè eft morte.
Elle Sè borne àconnoître que Dieu eft autre chofe qUè
la créature , 6c ne s’étend point h ce qu’il eft.
Dieu s ’apperçoit par l’inclination au coeur qui
eft une paffion.
11 eft néceflaire que Dieu mefure le coeur dè
l’homme.
La paffion de l’entendement èft dans le cerveau '5
celle de là volonté eft dans le coeur.
Les créatures meuvent l’entendement ; D ieu meut
lé coeur.
La paffion de la volonté eft d’un ordre fupérievif ÿ
plus noble 6c meilleure que la paffion de l’entendement.
Elle eft de l’eflènee de l’homme; c’ eft elle qui
le diftingue de la bête.
L’homme eft une créàturè aima'hte & penfante ;
toute inclination de l’homme eft amour.
L’intelleél ne peut exciter en lui l’amour de Dieu ;
c’eft l’amour de Dieu qui l’excite.
Plus nous aimons Dieu , plus nous le connoiffonsk
Dieu eft en lui-même ; toutes les créatures font en
Dieu ; hors de Dieu il n’y a rien.
T ont tient fon origine de lu i, 6c tout eft en lui.
Quelque chofe peut opérer par lui, mais non hors
de lu i , ce qui s’opère, s’opère en lui.
Les créatures ont toutes été faites de rien , hors
de Dieu.
L’amplitude de Dieu eft infinie * celle de la créature
eft finie.
L’entendement de l’homme , fini, ne peut com*
prendre exactement toutes les créatures.
Mais la volonté inclinée par un être infini, eft infinie.
Rien n’ étend Dieu ; mais il étend & développe
tout. i
Toutes les créatures font étendues; & aucune n’en
étend une autre par une vertu qui foit d’ elle.
Etre étendu n’eft pas la même chofe que d'avoir
des parties.
Toute extenfion eft mouvement*
Toute matière fe meut ; Dieu meut tou t, & ce*
pendant il eft immobile.
Il y a deux fortes de mouvement, du non être à
l ’être , ou de l’ efpace à l’éfpace , ou dans l’efpace.
L’eflènee de Dieu étoit une amplitude enveloppée
avant qu’il étendît les créatures.
Alors les créatures étoient cachées en lui.
La création eft un développement de Dieu, ou un
afte , parce qu’il a produit de rien , en s’étendant,
les créatures qui étoient cachées en lui.
N’être rien ou être caché en Dieu, c’ eft une même
chofe.
La création eft une manifèftation de D ieu , par la
créature produite hors de lui*
Dieu n’opere rien hors de lui.
Il n’y a point de créature hors de Dieu ; cependant
l’eflènee de la créature différé de l’eflènee de
Dieu.
L’cflèncc de la créature confiftc à agir 6c à fouffrir,
ou A mouvoir*& ïl être mue ; 6c c’eft ainfi que la fenfation
de l’homme a lieu.
La perception par l’inclination eft la plus déliée ;
il n’y en a point de plus fubtiie ; le taft le plus délicat
ne lui peut être comparé.
Tout mouvement fe fait par attouchement ou con-
ta ft, ou application ou approche de la chofe qui
meut à la cnofe qui eft mue.
La fenfation fe fait par l’aproxiipation dè la chofe
aufens, 6c l’inclination par l’aproximation de la chofe
au coeur.
Le fens eft touché d’une maniéré vifible , le coeur
d’une maniéré invifiblc.
Tout contaft du fens fe fait par pulfion ; toute motion
de l’inclination, ou par pullion ou par attraction.
La créature paffive, l’être purement patient, s’appelle
matière ; c’eft l’oppofé de M efprit. Les oppofés
ont des effets oppofés.
L’efprit eft l’être agiftant 6c mouvant.
Tout ce,qui caractérife paffion eft affeétion de la
matière ; tout ce qui marque aétion eft afFeélion de
l ’eforit.
La paffion indique étendu, divifible, mobile ; elle
cft donc de la matière.
La matière eft pénétrable , non pénétrante , capable
d’union, de génération , de corruption, d’illumination
6c de chaleur.
Son eflènee eft donc froide 6c ténébreufe ; car
il n’y a rien dans cela qui ne foit paffif.
Dieu a donné à la matière le mouvement de non
être à l’être; mais l’efprit l’étend , la d ivife, la meut,
la pénétré, l’unit, l ’engendre, la corrompt, l’illumine,
l’échauffe & la refroidit; car tous ces effets marquent
'aétion.
L’efprit eft par fa nature lucide, chaud & fpirant,
ou il éclaire , échauffé , étend, meut, divife, pénétré
, unit, engendre, corrompt, illumine, échauffe,
refroidit.-
L’efprit ne peut fouffrit aucun de ces effets de la
matière ; cependant il n’a ni fa motion, ni fa lumière
de lui-même * parce qu’il eft une créature , 6c de
Dieu.
Dieu peut anéantir un efprit.
L’eflènee de l’efprit en elle-même confifte en vertu
ou puiffance adive. Son intention donne la vie à la
matie,re , forme fon eflènee '6c la fait ce qu’elle eft,
après l’exiftence qu’elle tient de Dieu.
La matière eft un être mort, fans vertu ; ce qu’elle
en a , elle le tient,de l’efprit qui fait.foneffence 6c fa
vie.
La matière devient informe, fi l’efprit l’abandonne
à elle. • ,
Un efprit peut être fans matière ; mais la matière
ne peut etre fans un efprit.
Un efprit deftiné à la matière defire de s’y unir 6c
d’exefeer fa vertu en elle.'
Tous les corps font compofés de matière & d’ef-
prit ; ils ont donc une forte de vie en conféquence
de laquelle leurs parties s’uniflènt & fe tiennent. •
L efprit eft dans tous les corps comme au centre.;
c ’eft de-là qu’il agit par rayons , & qu’il étend la matière.
S’il retire fes rayons au centré, le corps fe réfout
oc le corrompt.
Peu* attirer & pouffer un efprit.
. e,s „ rCS.s exercent fenfiblement dans la matière
unie a . Fefprit.
Dans 1 homme l’attradion 6c- Fimpulfion s’appellent
amour6c haine , dans les autres corps fympathie
6c antipathie.
L’elprit ne s’apperçoit point par les organes des
lens, parce que rien ne fouffre par la matière.
La matière ténébreufe en elle-même ne peut être
ni vue , ni touchée ; c ’eft par l’efprit qui [’illumine
quelle eft vifible; c’eft par l ’efprit qui la meut qu’elle
eft perceptible à l’oreille, &c.
La différence des couleurs, des fons , des odeurs
des faveurs, du toucher, naît de l’efformation Se
configuration du refte de la matière.
La chaleur 6c le froid font produits par la diverfité
de la motion de Fefprit dans la matière ; 6c cette motion
eft ou redtiligne ou circulaire.
C ’eft l’attradlion de l’efprit qui conftitue la folidité
6c la fluidité.
La fluidité eft de l’attraûion de l’efprit folaire ; la
folidité eft de l’attradlion de l’efprit terreftre.
C ’eft la quantité de la matière qui fait la gravité ou
la légerete, 1 efprit du corps féparé de fon tout étant
attiré 6c incliné par l’efprit univerfel ; c’eft ainfi qu’il
faut expliquer l’élafticité 6c la raréfaftion.
L’efprit en lui-même n’eft point oppofé à l’efpritJ
La fympathie 6c l’antipathie , l’amour 6c la haine
naiflènt d’opérations diverfes que l’e/prit exécute
dans la matière, félon la diverfité de fon efformation
6c de fa configuration.
Le corps humain, ainfi que tous les autres, a efprit
6c matière.
Il ne faut pas confondre en lui l’efprit corporél 6c
Famé.
Dans tous les corps la matière mue par l’efprit tou-'
che immédiatement la matière d’un autre corps ; mais
la matière touchée n’apperçoit pas l’attouchement 5
c eft la fondlion de l’efprit qui lui appartient.
J entends ici par appercevoir, comprendre & approuver
la vertu d’un autre, chercher à s’unir à elle ,
à augmenter fa propre vertu, lui céder la place, fe
reflèrrer. Ces perceptions varient dans les corps
avec les figures, 6c félon les efpeces. L’efprit au contraire
d’un corps à un autre ne différé que par l’aéle
intuitif, plus ou moins intenfe.
La divifion des corps en efprits eft une fuite de la
variété de la matière 6c de fa ftru&ure.
Il y a des corps lucides ; il y en a de tranfparens
& d opaques, félon la quantité plus ou moins grande
de la matière , 6c les motions diverfes de l ’efprit.
L’opération ou la perception de l’efprit animal con-
fifte^lans l’animal, en ce que-Fimage du contaél eft
comprife par le cerveau, 6c approuvée par le coeur ;
6c conféquemment les membres de l’animal font déterminés
par l’efprit à approcher la chofe qui a touché
, 011 à là fuir.
Si ce mouvement eft empêché, Fefprit moteur
dans l’animal excite le defir des chofes agréables 6c
l’averfion des autres.
La ftruéhire de la matière du corps de l’homme eft
telle que Fefprit ou conferve les images qu’il à re-
■ çues, ou les divife, ou les compofe, ou les approuve,
ou les haïffe, même dans l’abfence des chofes, 6c en
foit réjoui ou tourmenté.
- Cet efprit & Fefprit de tous les autres corps eft
immatériel ; il eft cependant capable d’approuver le
contaâ: de la matière , du plaifir & de la peine ; il eft
aflù jetti à l’intention des operations conféquentes aux
’ changemens de la matière; ileft-,--pour ainfi dire',
adhérent aux autres corps terreftres , & il ne peut
fans eux perfeverer dans fon union avec fon propre
'corps.
L’homme conlideré fous l’afpeft de matière unie
â cet efprit, eft l’homme animal.
Sa propriété de comprendre les ufages des chofes^
' dè les compofer 6c de [es divifer, s’appelle Ctjittnd
ment actif - * •