» de Rome, comme ï’aftre de la nuit brille entre les
» étoiles.
Crefcit occulta velut arbor esvo
Fama Marcelli : micat inter ornnes
Juliutn fidus , velut inter ignés
Luna minores. . L. î. Ode 11.
Tant que le goût des belles chofes fubfiftera dans
le monde , on ne eefiera de lire fans des tranfporîs
d’admiration , & fans être émû, l’éloge que Virgile
a, fait de ce jeune Marcellus ; c’eft fans doute le plus
beau morceau du lixieme livre de l’Enéide ; nous
avons peut-être déjà dit ailleurs, combien cet endroit
attendrit Augufte & O&avie , & combien de larmes
il leur fit répandre ; mais quand cette tendre mere
entendit .ces mots, tu Marcellus eris, elle s’évanouit,
& l’on eut bien de la peine à la faire revenir. Au «»u fi
te fut extrêmement touché de la perte de fon gendre
, & les Romains dont il étoit les délices, en témoignèrent
la plus vive douleur à fes funérailles qui
fe firent dans le champ de Mars. Virgile n’a pas oublié
cette anecdote dans fon éloge.
Quantos ille virum magnarn Mavortis ad urbem
Campus âges gemitus J vel quce} Tiberine, videbis
Fanera, cum tumulum prcetetlabere recentem !
D e combien de gémiffemens, & de quels cris fa
mort fera retentir le champ de Mars ! Dieu du T ibre
, quelle pompe funebre tu verras fur tes bords,
lorfqu’on lui élevera un tombeau que tu baigneras
de tes ondes { 1
Sa mort fut un fi rude coup pour Oôavie, qu’elle
ne s’en put jamais confoler. Elle fit donner à Virgile
un talent ( 47001. ) pour chaque vers de l’éloge
de fon fils, mais ils réveillèrent tellement fa douleur,
qu’elle défendit qu’on lui en lût d’autres à l’avenir.
Dès ce moment, elle fe plongea dans la folitude &
dans une affreufe mélancolie qui dura le refie de fes
jours. Pour encourir fon indignation , c’étoit affez
que d’être mere. Elle ne garda aucun portrait de fon
fils, & ne voulut plus qu’on lui en parlât. Séneque
peint fi bien toutes ces chofes, en y joignant un tableau
fi parfait des vertus de Marcellus, que je n’en
puis rien fupprimer, parce que ce font des morceaux
uniques dans l’hiftoire.
Ociavia Marcellum, cui & ayunctdus & focer'mcutn-
bere cceperat. in quem onus imperii rtclinare : adolef-
etntem animo alacrem , ingeniopotentem ; fed & fruga-
litatis, contincnticcque in illis aut annis, aut opibus
non mediocritet admirandum j patientent laborum, vo-
luptatibus alienum ; quantum citmque imponereilli avun--
calas , & ( ut ità dicam ) incedificare voluiffet, laturum.
B cm léger at nulli teffura ponderi fundamenta.
Nullum finem, per omne vitee fuoe tempus, Jlendi ge-
mendique fecit ; nec ullas admijît voces ,jdlutare aliquid
afferentes : ne avocari quidem fe paffa ejl. Intenta in
unam rem, & toto animo affixa, ta lis per omnem vi-
tam fu it, qualis in funere : non dico non aufa confur- '
gtre , fed allevari reeufans : fecundam orbitatem judi-
cans, lacrimas omittere. Nullam habere imaginem filii
iariffimi volait, nullam fibifieri de illo mentionem. Ode-
rat omnes maires^ & in Liviam maximï furebat; quia vi-
debatur ad illius filium tranjiiffe Jibi promiffa félicitas.
Tintbris 6* folitudini familiarijfima , ne ad fratrem
quidem refpiciens, carmina celebranda Marcelli memo-
riee compofîta , aliofque Jludiorum honores rejecit, & au-
res fia s adverfus omne folatium claufit, à folemnibus
offeiis feducla, & ipfam magnitudine fraterntz nimis cir-
cumhicentem fortunam exqfa , defodit fe , & abdidit.
Affideniibus liberis , nepotibus lugubrem veflem non de-
pofuit; non fine contumeliâ omnium fuorum, quibusfal-
vis orba fibi videbatur. Senec. confol. ad Mariam
cap. ij.
Pour revenir au théâtre qu’Augufte confacra à la
mémoire du jeune Marcellus ; il contenoit, dit-on,
i l milles perfonnes, & c’eft le plus petit des théâtres
qui fe voÿoient à Rome. Le diamètre intérieur du
dèmi cercle de Ce théâtre, étoit de 1 94 piés antiques,
& le diamètre extérieur de 417. Il étoit fitué dans
la neuvième région ; l’on eii voit aujourd’hui les ruines
dans la place Morttanara, ôii eft le palais Savelli
au quartier Ripa de Rome moderne. ( Le chevalier DÉ
Jà u c o ü r T.')
T h e a tRe DES G recs , ( Archit. greq. ) de toutes
les matières dont les auteurs anciens ont traité, celle
de la conftruftion de leurs théâtres eft la plus obfcure
&C la plus tronquée. Vitruve lui-même y lai fié lés
gens à moitié chemin, & n e donne ni les dimenfions,
ni la fituation, ni le nombre des principales parties
qu’il fuppofoit être aflez connues , ne s’imaginant
pas qu’elles duflént jamais périr ; par exemple , il ne
détermine point la quantité des diazonia ou prtzciiz*
cliônes, que nous appelions indifféremment corridors *
retraites owpaliers. En même tems dans les chofes qu’il
a fpécifîées il établit des réglés , que nous Voyons
aêiuellementn’aVoir pas été obfervees, comme quand
il donne de deux fortes de hauteurs à la conftruttion
de fes degrés, & cependant ni l’une ni l’autre ne s’accorde
aucunement à ce qui nous refte des amphithéâtres
6c des théâtres de l’antiquité.
Entre les modernes , le jéfuite Gallutius Sabienus
& le dofte Scaliger ont négligé le plus effentiel ; tandis
que l’amas informe des citations de Butengerus
épouvante ceux qui le veulent déchiffrer. On aurait
beau cpnfulter les auteurs qu’il a cités, Athénée, Hé-
• fi.chiits, Pollux, Euftathius, Suidas & les autres, toutes
les lumières qu’ils donnent font fi foibles, qu’elles
ne peuvent fervir de rien fans l’infpeÛion du ter-
rein. Ainfi la curiofité de M. de la Guilletiere l’ayant
mis en tête d’en faire un plan exaft, il eut recours
aux mefures aâuelles des parties qui fubfiftent encore
à Athènes, &aux préfomptions convaincantes
prifes de ces auteurs qui ayant marqué à quel ufage
étoient deftinées les parties qui ne fubfiftent plus ,
fourniffent des préjugés infaillibles de l’étendue qu’elles
avoient.
Pour cet effet, il fe fervit d’une mefure divifée félon
le pié commun des Athéniens, & félon le pié de
roi qui furpaftè l’athénien de huit à neuf lignes ; de
forte que trois de nos piés françois gagnent un peu
plus de deux pouces fur trois piés athéniens, &c par-
là cent de leurs piés répondent à 94 piés, & environ
6 pouces de notre mefure françoife, rejettant
les petites fra&ions pour éviter ici les minuties du
calcul.
Par le mot de théâtre, les anciens entendoient tout
le corps d’un édifice oii l’on s^affembloit pour voir
les repréfentations publiques. Le fameux archite&e
Philon fit bâtir à Athènes celui de Bacchus du tems
de Périclès, il y a plus de deux mille ans, & le def-
fein de Philon fiit encore fuivi par Ariobarfane, roi
de Capadoce, qui le rétablit , & par l’empereur
Adrien qui le répara ; fon dehors étoit compofé de
trois rangs de portiques élevés l’un fur l’autre ; & à
l’égard du dedans, comme il avoit des lieux principaux,
le lieu des fpettateurs & le lieu des fpeftacles,
chacun des deux étoit compofé de fes parties différentes.
Les parties qui compofoient le lieu des fpefta-
teurs s’appelloient le con fira ou parterre ; les rangs
des degrés, les dia^oma ou condor ; les gradins ou
petits efcaliers, le cercys & les échos. Les autres parties
qui appartenoient au lieu des fpe&acles s’appel-
loient Yorchefire , Yhypofcénion , le logéon ou thimélé ,
le profcénion, le parafcénion & la feene.
Pour tracer le plan de l’édifice, on avoit donc dé-'
crit un cercle d’un demi-diametre de 47 piés & 3 pouces
; & du même cercle , on avoit retranché le quart
en tirant la corde de quatre-vingt-dix .degrés. Cette
corde déferminoit le front de la fcène ou la face des
décorations, car proprement le mot de jcchè ne fighi-
fioit autre chofe-.
La petite partie dj.t diamètre quela corde de quatre-
vingt-dix degrés avoir retranchée au derrière de la
feene, étoit d’environ quatorze piés ; & à dix-huit
piés de cette corde, allant vers le centre du cercle,
on avoit tiré une ligne parallèle à la face ou au-devant
du profcénion , c’eft ainfi qu’ils appelloiçnt un
exhauffement ou plate-forme qui_ fervoit de pofte
aux comédiens, de forte que l’enfoncement ou la largeur
de ce pofte étoit de dix-huit piés ; delà face ou
devant du profcénion retranchoit cent quarante-deux
degrés, quarante-fix minutes, de la circonférence du
'cercle : le refte , àfavoir deux cens dix-fept degrés,
quatorze minutes, déterminoit l’enceinte intérieure
de l’édifice, dont le trait furpafloit le demi-cercle
contre l’opinion de beaucoup de gens qui ont écrit
que la figure du théâtre grec étoit un hémicicle.
C’eft le terrein de toute cette enceinte, que les
Athéniens appelloient confira, c’eft-à-dire le parterre
i les Romains le nommoient l'arène. A Athènes,
l’orcheftre occupoit une partie du confira, d’oii vient
que' quelques-uns , prenant la partie pour le tou t,
l’appellerent aulïi Yorcheflre. Cette ufurpationde mots
(eft particulièrement venue des Romains , fur quoi
l’on remarquera qu’encore que le théâtre romain eût
à-peu-près les memes parties que celui d’Athènes,
& que ces parties euffent prefque les mêmes noms,
al y avoit une notable différence dans leurs proportions,
dans leurs fituations & dans leurs ufages ; mais
il n’eft ici queftion que du théâtre des Grecs.
La ftruéture intérieure du théâtre regnoit donc en
arc-de-cercle jufqu’aux deux encoignures de la face
du profcénion ; fur cette portion de circonférence
s’élevoient vingt-quatre rangs de fiéges par étages
qui regnoient circulâirement autour du confira Du
parterre, pour placer les fpeélateursl
Toute la hauteur de ces rangs étoit divifée de huit
èn huit rangs , par trois corridors , retraites ou pal-
liers, qüe les Athéniens appelloient diaroma. Ils fui-
Voient la courbure des rangs , & fervoient à faire
paffer les fpeftateurs d’un rang à l’autre, fans incom-,
ïnoder ceux qui étoient déjà placés. E t, pour la même
commodité, il y avoit de petits efcaliers ou gradins,
qui alloient de haut en-bas d’un corridor à l’autre au-
îravers des rangs , pour monter & defeendre fans
embarrafler.il y avoit auprès de ces gradins des paffa-
ges qui donnoient dans les portiques de l’enceinte
extérieure, & c ’étoit par ces paüages qu’entroient
les fpeûateurs pour fe venir placer lur les rangs»
Les meilleures places étoient fur les huit ranps,
compris entre le huitième & le dix-feptieme ;■ c’eft
ce qu’ils appelloient bouleuticon, deftiné particulièrement
pour les officiers de jüdicature. Les autres
rangs s’appelloient ephébicon, où fe plaçoient le s,citoyens
, dès qu’ils entroient dans leur dix-neuvieme
année»
La hauteur dè chacun de Ces rangs de degrés étoit
de treize à quatorze pouces , la largeur environ de
vingt-deux. On ne laiffoit pas d’y être aflîs fort commodément..
Théophrafte dit que les plus riches y
portoient chacun un petit carreau. Le plus bas rang
avoit prefque quatre piés de hauteur fur le niveau
de la campagne. Chaque marche des petits efcaliers
ou gradins n’avoit que la moitié de la hauteur, & la
«noitié de la largeur d’un des rangs de degrés. Pour
les corridors, la largeur & la hauteur de chacun d’eux
etoit double de la hauteur & de la largeur des mêmes
rangs ; mais les efcaliers n’étoient point parai*
leles l’un à l’autre , car fi on eût prolongé le trait de
leur alignement depuis la plus haute de leurs mar*
ches jufqu à la plus baffe, toutes ces lignes produites
<e feroient venu couper du côté du parterre. Ainfi les
degrés compris entre deux efcaliers ou gradins, fai*
Tome X V Iy
(oient la figure d’un coin étroit par en-baS, & large
par en-haut : d’où vient que les Romains les appel*
loienVcunei. Pour empêcher que la pluie gâtât rien à
toutes ces marches > on leur avoit donne une petite
pente ^ par où les eaux s’écouloient.
Le long de chaque corridor, il y avoit de diftancè
en diftancè dans l’épaiffeur du bâtiment des petits
réduits ou cellules, appelléès echeea , qui étoient occupés
par des vaiffeaux d’airain en façon de ton*
neaux, chaque vaiffeau étoit ouvert par un de fes
fonds ; ce fond-là étoit tourné vers la fcène -, & y re*
gardoit par de petites ouvertures qu’avoit chaque
réduit pour un ufage admirable que je dirai dans la
fuite -, la répercuïïion de la voix.
Au-deffus dutroifieme corridor s’élévoitune galerie
ou portique, qui s’appelloit cercys. C’étoit-là que
les Athéniens plaçoient leurs femmes : celles d’une
vie déréglée avoient un lieu féparé. On mettoit aufli
dans le cercys les étrangers & les amis de province *
car il falloit néceffairement avoir le droit de bour*
geoifie , pour être placé fur les degrés ; il y avoit
même des places qui appartenoient en propre à des
particuliers ; & c’étoit un bien de fuecefîion, qui al*
loit aux aînés de la maifon.
Le théâtre des Grecs n’étoir pas de la capacité de
celui que l’édile Marcus Scaurus fit bâtir à Rome,.où
il y avoit place pour foixante-dix-neuf mille hommes»
II fera facile aux Géomètres de favoir, par exemple ,
le nombre des fpe&ateurs que contenoit le théâtre de
Bacchus à Athènes. L’arc d’un pié & demi eft cô
qu’on donne ordinairement pour la place qu’un hom«.
me peut occuper ; mais on remarquera que, comme
les affemblées du peuple s’y failoient quelquefois
pour regler les affaires d’état, il falloit du - moins
qu’il pût contenir fix mille hommes ; car les lois atti-
ques vouloient pofitivement qu’il ÿ eût au-moins fix
mille fuffrages pour autorifer un decret du peuple.
Voilà ce qui regarde le lieu des fpeftateurs. Quand,'
au-lieu des fpeftacles, l’orcheftre, qui étoit une eftra-
de, une élévation dans le coniftra ou parterre, corn*
mençoit à-peu-près à cinquante-quatre piés de la face
du profcénion ou. pofte des comédiens, & venoitfinir
fur le trait du même profcénion ; la hauteur de l’or»
cheftre étoit environ de quatre piés, autant qu’en
avoit le premier rang des degrés lur le rez-de-chauf-
fée» La figure de fon plan étoit un quarré long , dé*
taché des fieges des fpe&ateurs ; c’etoit dâhs un en*
droit de l’orcheftre que nous allons décrire , que fe
mettoient les muficiens, le choeur & les mimes» Chez
les Romains, elle avoit un plus noble ufage, car l’em*
pereur, le fénat, les veftales & les autres perfonnes
de qualité y avoient leurs fieges.
Sur le plan de l’orcheftre d’Athènes > tirant vers
le pofte des comédiens , il y avoit un autre exhauffement
ou petite plate-forme , nommée logéon ou
thimélé. Les Romains l’appelloient pulpitum. Le lo-
geon étoit élevé environ neuf piés fur le rez-de-
chauffée, & cinq fur le plan de l’orcheftre. Sa figure
étoit un quarré de vingt-quatre, piés à chaque face»
C ’étoit-là que venolent les mimes pour marquer les
entre-aûes de la piece, & e’étoit*là que le choeur fai*
foit fes récits*
Au pié du logéon fur le meme plan de l’orcheftre
il y avoit une enceinte de colonnes qui enfermoit
Une efpace de l’orcheftre, appellé hypofcénion» Voilà
la partie du théâtre g rec, qùe les écrivains modernes
ont le plus mal.entendue. Les uns l’ont confondue
avec le podion ou baluftrade, qui étoit entre le profcénion
6c la fcène du théâtre romain, ce qu’on peut
convaincre d'abfurdité par la différence de leurs fituations
& de leurs ufages. Quelques autres difent
que l’hypofcénion étoit la face du profcénion , Comprife
depuis le niveau de l’orcheftre jufqu’à l’efplanade du