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Togà domefiica, «toit la robe qu’on.portoit feulement
dans la maifon, & avec laquelle on ne fortoit
point en public. On quittoit aufli la toge pendant les
laturnales, tems de plaifir & de liberté, qui ne s’ac-
cordoit point avec cet habit.
La forme en changea, fans doute, fuivant les tems,
& c’eft ce qui fait que les favans s’appuient fur divers
palTages des auteurs ; les uns, comme Sigonius,
pour dire qu’elle étoit quarrée ; d’autres, comme le
P. de Montfaucon, pour affurer qu’elle étoit toute
ouverte par devant; 8c d’autres, comme Ferrari, pour
prétendre qu’elle n’étoit ouverte que par le haut pour
la paffer par-deflùs la tête.
Elle devoit être fort ample dans le tems du déclin
de la république ; car Suétone rapporte que Jules Cé-
far fe voyant bleffé à mort par les conjurés, prit de
fa main gauche un des plis de fa toge pour s’en couvrir
le v ifage, & la fit defcendre jufqu’en bas, afin
de tomber avec plus de décence.
Il y avoit cette différence entre la toge des riches
& celle des pauvres, que la première étoit fort large
& avoit plufieurs plis, & que l’autre étoit fort étroite.
Il arriva •même que fous Augufte, le petit peuple
ne portoit plus qu’une efpece de tunique brune.L’empereur
indigné de voir le peuple dans cet équipage,
un jour qu’il le haranguoit, lui en marqua fon refien-
timent par ce vers prononcé avec mépris.
Romanos rerum dominât, gentemqne togatam.
» V oyez comme ces Romains, ces maîtres du mon-
» de ., font habillés » ! Mais il eut été bien furpris, fi
quelqu’un lui eut répondu : Céfar , c’eft l’habit du
changement de notre république en monarchie. ( Le
chevalier DE J AU COURT.')
TOG ISO NUS , ( Géog. anc. ) fleuve d’Italie , au
pays des Vénetes, dans le territoire de Padoue. Pline
, l\ IIL c.ff/vj. dit que les eaux de ce fleuve 8c celles
de l’Adige formoient le port Brundulus. Le Togi-
fonus fe nomme aujourd’hui Bachiglione ou Bacchi-
glione. (Z?. J.)
TOILE, f. f. ( Tifjérand. ) tiflu fait de fils entrelacés,
dont les uns appellés fils de chaîne s’étendent
en longueur , 8c les autres nommés fils de' trime tra-
verfent les fils de la chaîne.
Les toiles fe fabriquent fur un métier à deux marches
par le moyeu de la navette ; les matières qu’on
y emploie le plus fouvent, font le lin, le chanvre
8c le coton.
Il y a des toiles de toute forte de largeur 8c d’un
nombre prefqu’infini d’efpeces différentes.
Les ouvriers qui fabriquent les toiles , font appellés
toiliers, mais plus ordinairement tijjerands. Voyt{
T isserand.
T oile d’Hollande , T oile de demi-Hollande
, on appelle ainfi des toiles très-fines 8c très-belles'
qui fervent ordinairement à faire des chemifes pour
hommes 8c pour femmes. Elles viennent de Hollande
& de Frife, & de quelques autres endroits des Pro-
vinces-Unies, d’oii elles ont pris leur nom qu’on prononce
prefque toujours abfolument, 8c fans y ajouter
le mot de toile. Ainfi l’on dit de la Hollande, de
la demi-Hollande; mais on ne parle guère de la forte
que dans le commerce.
C ’eft à Harlem oùfe fait le plus grand négoce de
ces toiles, d’autant que c’eft en cette ville où elles
font prefque toutes envoyées en écru des endroits
de leur fabrique pour y recevoir dans le printems ce
beau blanc que chacun admire.
Ces fortes de toiles dont la matière eft de lin, font
très-ferrées , très-unies & très-fermes, quoique fort
fines. Les plus belles 8c les plus eftimées fe font dans
la province de Frife, ce qui fait qu’on les nomme
par diftinôion toiles de Frife ou Amplement frifies.
Les toiles de Hollande ont pour l’ordinaire trois
quarts 8c deux doigts de large, chaque pièce contenant
vingt-neuf à trente aunes mefufe de Paris.
Il fe fait encore en Hollande une forte de groffe
toile de chanvre écrue propre à faire des voiles de navire
, qui eft appellée dans le pays canefas,
On tire de Hollande, particulièrement d’Amfter-
dam & de Rotterdam, certaines efpeces de toile dont
la principale deftination eft pour l’Efpagne, où elles
font appellées hollandillos. Ces toiles ne font autre
chofe que des toiles de coton blanches des Indes.
Il fe fait du côté de Gand 8c de Courtray certaines
toiles auxquelles l’on donne le nom de toiles de
Hollande.
Il y a d’autres toiles appellées demi-hollandes que
l’on fabrique en Picardie. Il fe manufa&ure en coréen
France des toiles auxquelles on donne le nom de
toile demi-hollande trufiette.
T oile peinte des Indes, ( Hifi. des inventions. ) les
toiles des Indes tirent leur valeur 8c leur prix de la
vivacité, de la ténacité 8c de l’adhérence des couleurs
dont elles font peintes, qui eft telle, que loin
de perdre leur éclat quand on les lave, elles n’en deviennent
que plus belles.
Avant que de fe mettre à peindre fur la toile , i!
faut lui donner les préparations fuivantes. i° . On
prend une piece de toile neuve &c ferrée, la longueur
la plus commune eft de neuf coudées ; on la
blanchit à moitié ; nous dirons dans la fuite comment
cela fe pratique. 20. On prend des fruits fecs nommés
cadou ou cadoucaie, au nombre d’environ 2 5, ou
pour parler plus jufte, le poids de trois palams. Ce
poids indien équivaut à une once, plus un huitième
ou environ, puifque quatorze palams 8c un quart
font une livre. On cafte ce fruit pour en tirer le
noyau qui n’eft d’aucune utilité. On réduit ces fruits
fecs en poudre. Les Indiens le font fur une pierre, 8c
fe fervent pour cela d’un cylindre qui eft aufli de
pierre, & qu’ils emploient à-peu-près comme les pâ-
tifliers, lorfqu’ils broient 8c étendent leur pâte. 30.
On paffe cette poudre par le tamis, & on la met dans
deux pintes ou environ de lait de buffle ; ilfautaug*
menter le lait 8c le poids du cadou félon le befoin 8c
la quantité des toiles. 40. On y trempe peu de tems
après la toile autant de fois qu’il eft néceffaire , afin
qu’elle foit bien humeftée de ce lait ; on la retire
alors , on la tord fortement, 8c on la fait fécher au
foleii. 50. Le lendemain on lave légèrement la toile
dans de l’eau ordinaire ; on en exprime l’eau en la
tordant, 8c après l’avoir fait fécher au foleii, on la
laiffe au-moins un quart d’heure à l’ombre.
Après cette préparation qu’on pourroit appeller
intérieure, on doit paffer auffitôtàune autre, que l’on
appellera, fi l’on veut, extérieure, parce qu’elle n’a
pour objet que la fuperficie de la toile. Pour la rendre
plus unie, 8ç pour que rien n’arrête le pinceau , on
la plie en quatre ou en fix doubles, 8c avec une piece
de bois on la bat fur une autre pièce de bois bien unie,
obfervant de la battre partout également, 8c quand
elle eft fuffifamment battüe dans un fens, on la plie
dans un autre , 8c on recommence la même opération.
Il eft bon de faire ici quelques obfervations qui ne
feront pas tout-à-fait inutiles. i°. Le fruit cadou fe
trouve dans les bois fur un arbre de médiocre hauteur.
Il fe trouve prefque partout, mais principalement
dans le Malleialam, pays montagneux, ainfi
que fon nom le fignifie, qui s’étend confidérable-
ment le long de la côte de Malabar. z°. Ce fruit fec
qui eft de la groffeur de la mufeade, s’emploie aux
Indes par les médecins , 8c il entre furtout dans les
remedes que l’on donne aux femmes nouvellement
accouchées 30. Il eft extrêmement aigre au goût ; cependant
quand on en garde un morceau dans la bouche
pendant un certain tems , on lui trouve un petit
goût de régliffe. 40. Si après en avoir humefté mé-
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diocrement 8c briféun morceau dans la bouche, on
le prend entre les doigts, on le trouve fort gluant.
C ’eft en partie à ces deux qualités, c’eft-à-dire à fon
âpreté 8c à fon onftuofité, qu’on doit attribuer l’adhérence
des couleurs dans les toiles indiennes , fur-
tout à fon âpreté ; c’eft au-moins l’idée des peintres
indiens.
Il y a long-tems que l’on cherche en Europe l’art
de fixer les couleurs, 8c de leur donner cette adhérence
qu’on admire dans les toiles des Indes. Peut-
être en découvrira-t-on le fecret, fi l’on vient à con-
noître parfaitement le cadoucaie, furtout fa principale
qualité, qui eft fon extrême âpreté. Ne pour-
roit-on point trouver en Europe des fruits analogues
à celui-là? Les noix de galle, les nefles îéchées avant
leur maturité, l’écorce de grenade ne participeroient-
elles pas beaucoup aux qualités du cadou ?
Ajoutons à cés obfervations quelques expériences
qui ont été faites fur le cadou. i° . D e la chatix délayée
dans l’infufion de cadou donne du verd; s’il y
a trop de chaux, la teinture devient brune ; fi l’on
verfe fur cette teinture brune une trop grande quantité
de cette infiifion, la couleur paroît d’abord blanchâtre
, peu après la chaux fe précipite au fond du
vafe. 20. Un linge blanc trempé dans une forte in-
fufion de cadou contrarie une couleur jaunâtre fort
pâle ; mais quand on y a mêlé le lait de buffle, le linge
fort avec une couleur d’orangé un peu pâle. 3 °. Ayant
mêlé un peu de notre encre d’Europe avec de l’infu-
fion de cadou, on a remarqué au-dedans en plufieurs
endroits une pellicule bleuâtre femblable à celle que
l ’on voit fur les eaux ferrugineufes , avec cette différence
que cette pellicule étoit dans l’eau même, à
quelque diftance de la fuperficie. Il feroit aifé de faire
en Europe des expériences fur le cadou même, parce
qu’il eft facile d’en faire venir des Indes, ces fruits
étant à très-grand marché.
Pour ce qui eft du lait de buffle qu’on met avec
l’infufion du cadoucaie , on le préféré à celui de vache
, parce qu’il eft beaucoup plus gras 8c plus onctueux.
Ce lait produit pour les toiles,le même effet
que la gomrfte 8c les autres préparations que l’on emploie
jpour le papier afin qu’il ne boive pas. En effet
on a éprouvé que notre encre peinte lur une toile
préparée avec le cadou s’étend beaucoup, 8c pénétré
de l’autre côté. Il en arrive de même à la peinture
noire des Indiens.
Ce qu’il y a encore à obferver, eft que Fon ne fe
fert pas indifféremment de toute forte de bois pour
battre les toiles 8c lés polir. Le bois fur lequel on les
met, 8c celui qu’on emploie pour les battre, font
ordinairemen t de tamarinier ou d’un autre arbre nomme
porchi, parce qu’ils font extrêmement compactes
quand ils font vieux. Celui qu’on emploie pour
battre , fe nomme cattapouli. Il eft rond, long environ
d’une coudée, & gros comme la jambe, excepté
à une extrémité qui fert de manche. Deux ouvriers
affis vis-à-vis l’un de l’autre battent la toile à-
l’envi. Le Coup d’oeil 8c l’expérience ont bientôt appris
à connoître quand la toile eft polie 8c liffée au
point convenable.
La toile ainfi préparée, il faut y deflmer les fleurs
& les autres chofes qu’on veut y peindre. Les ou*
vriers indiens n’ont rien de particulier ; ils fe fervent
du ponds de même que nos brodeurs. Le peintre a
eu foin de tracer fon deffein fur le papier ; il ert pique
les traits principaux avec une aiguille fine ; il appli-
<I>11® Papier fur fa toile; il y paffe enfuite la ponce,
c elt-a-dire un rouet de poudre de charbon par-deffus
les piquures ; 8c par ce moyen le deffein fe trouve
tout trace fur la. toile. Toute forte de charbon eft pro*
pre à cette opération, excepté celui de palmier, par-
ce que félon 1 opmion des Indiens , il déchire la toit*.
Enfuue fur ces traits on paffe avec l ï p inceau du noir
8c du rouge , félon les endroits qui l’exigent ; après
quoi l’ouvrage fe trouve defliné.
Il s’agit maintenant de peindre les couleurs fur ce
deffein. La première qu’on applique, eft le noir.
Cette couleur n’eft guere en ufage, fi ce n’eft pour-
certains traits, 8c pour les tiges des fleurs. C ’eft ainfi
qu’on la prépare. i°. On prend plufieurs morceaux
de mâchefer ; on les frappe les uns contre les autres
pour en faire tomber ce qui eft moins folide. On ré-
ferve les gros morceaux , environ neuf à dix fois la
groffeur d un oeuf. 2°. On y joint quatre ou cinq
morceaux de fer vieux ou neuf, peu importe. 3°-.
Ayant mis à terre en un monceau le fer 8c le mâchefer
, on allume du feu par-deffus. Celui qu’on fait
avec des feuilles de bananier, eft meilleur qu’aucun
autre. Quand le fer 8c le mâchefer font rouges, on
les retire, & on les laiffe refroidir. 40. On met ce fer
8c ce mâchefer dans un vafe de huit à dix pintes, 8c
l’on y verfe du Cange chaud , c’eft-à dire de l’eau
dans laquelle on fait cuire le riz , prenant bien garde
qu’il n’y ait pas de fel. 5 °. On expofe le tout au grand
foleii, 8c après l’y avoir laiffe un jour entier , on
verfe à terre le cange, 8c l’on remplit le vafe de cal-
lou , c’eft-à-dire de vin de palmier ou de cocotier»
6°. On le remet au foleii trois ou quatre jours con-
fecutifs, 8c la couleur qui fert à peindre le noir, fe
trouve préparée.
Il y a quelques obfervations à faire fur cette opération.
La première eft qu’il ne faut pas mettre plus
de quatre ou cinq morceaux de fer fur huit ou neuf
pintes de cange ; autrement la teinture rougiroit 8c
couperoit la toile. La fécondé regardé la qualité du
vin de palmier 8c de cocotier qui s’aigrit ailément 8c
en peu de jours. On en fait du vinaigre, 8c l’on s’en
fert ali lieu de levain, pour faire lever la pâte. La
troifieme eft qu’on préféré le vin de palmier à celui
du cocotier. La quatrième eft qu’au défaut de ce vin,
on fe fert de ke varon qui eft un petit grain dont bien
des indiens fe nourriflent. Ce grain reffemble fort
pour la couleur 8c la grofleur, à la graine de navet ;
mais la tige 8c les feuilles font entièrement différen*
tes. On y emploie aufli le varagon, qui eft un autre
fruit qu’on préféré au kevaron. On en pile environ
deux poignées qu’on fait cuire enfuite dans de l’eau.
On verfe cette eau dans le vafe où font le fer 8c le
mâchefer. On y ajoute la groffeur de deux ou trois
mufeades de fucre brut de palmier, prenant garde
de n’en pas mettre davantage; autrement la couleur
ne tiendroit pas long-tems, 8c s’effaceroit enfin au
blanchiffage. La cinquième eft que pour rendre la
couleur plus belle,on joint au callou le kevaron ou lé
varagon préparé comme nous venons de le dire. La
fixieme 8c derniere obfervation eft que cette teinture
ne paroîtroit pas fort noire, 8c ne tiendroit pas
fur une toile qui n’auroit pas été préparée avec le
cadou.
Après avoir defliné & peint avec le noir tous les
endroits où cette couleur convient, on defline avec
le rouge les fleurs & autres chofès qui doivent être
terminées par cette autre couleur. Il faut remarquer
que l’on ne fait que defliner; car il n’eft pas encore
tems de peindre avec la couleur rouge : il faut anpa*
ravant appliquer le bleu; ce qui demande bien des
préparations.
ÏÏ faut d’abord mettre la toile dans de l’eau bouillante,
& l’y laiffer pendant une demi-heure : fi l’on
met avec la toile deux ou trois cadous, le noir en fera
plus beau. En fécond lieu, ayant délayé dans de l’eau
les crottes de brebis ou de chevres, on mettra tremper
la toile dans cette eau, 8c on l’y laiffera pendant
la nuit : on doit la laver le lendemain 8c l’cxpofer au
foleii.
Quand on demande aux peintres indiens à quoi
fert cette derniere opération, ils s’accordent tous à
A a a ij