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» Fleuve facré, puifque lu es touché de nos maux, de
» quelque terre que tu fortes, & quelle que foit ta
» four ce , je te rendrai toujours mes hommages. O
» fleuve, roi des fleuves de l’Hefpérie, fois-moi pro-
» pic e, & que ton prompt fecours juftifîe ta divine
» promeffe.
Que ne peut point un poëte ? Il ennoblit tout. Le
Tibre, ce ruiffeau bourbeux, peint par Virgile devient
le premier fleuve du monde. Voilà l’art magique
des hommes de génie. ( D . J. )
T ibr e , le, ( Gcog. mod.) en italien Tevere, en latin
Tiberis, auparavant Tybris, & premièrement A lbula
; c’eft Pline qui le dit, l. III. c. v. Tiberis anteà
Tibris, appellatus, & priiis Albula, ttnuis primo e media
longitudine Aptnnini, fini bus Arelluorum profilât,
quamlibet magnarum navium ex Italo mari capax, re-
rum in toto orbe nafcentiummercatorplacidijjimus. Mais
Virgile a cru devoir relever davantage la gloire du
Tibre, Æneid. I. VIII. v. 3,3 o.
Tum reges, afpcrque imntani corpore Tibris
A quo pofl Itali fiuvium cognomine Tibrim
Diximus ; amifitverum vêtus Albula nomen.
« Tibris, guerrier d’une taille énorme, conquit
» le Latium, & les Latins donnèrent fon nom à ce
» fleuve , qui portoit auparavant celui d’Albula ».
Selon les hiftoriens, ce fut le roi Tiberinus qui en
réalité donna fon nom au Tibre ; mais un grand poëte
devoit lui-même donner une étymologie plus ancienne
, & même fabuleufe.
Ce fleuve prend fa fource dans l’Apennin, allez
près des confins de la Romagne ; il n’eu qu’un petit
ruiffeau vers fa fource, mais il reçoit pluueurs ruif-
feaux & rivières, avant de fe rendre à Oflie. Les
villes qu’ il arrofe font Borgo, Citta di Caflello, To-
d i, Rome & Oflie. En fe jettant dans la mer il fe
partage en deux bras, dont celui qui efl à la droite
s’appelle Fiumechino, & celui qui efl à la gauche ,
confervele nom de Tibre ou Tevere. Ce dernier bras
étoit l’unique bouche par laquelle ce fleuve fe déchar-
geoit autrefois dans la mer, & c’efl ce qui avoit fait
donner à la ville qui étoit fur fon bord oriental, le
nom d’Oflia, comme étant la porte par laquelle le
Tibre entroit dans la Méditerranée ; fon embouchure
efl aujourd’hui entre Oflie & Porto.
Virgile donne à ce fleuve l’épithete de Lydius,
Æneid. I. II. v.y8i. parce que le pays d’Etrurie oit
il coule, étoit peuple d’une colonie de Lydiens ; ce
n’efl plus le tems oh Lucain pourroit dire de ce
fleuve.
Le Tibre a fous fies lois & le N il & libéré,
Voit l'Euphrate fournis , & le Rhein tributaire.
Il n’a pas dans Rome trois cens piés de largeur.
Augufle le fit nettoyer, & l’élargit un p eu , afin de
faciliter fon cours ; il fit aufîi fortifier fes bords par
de bonnes murailles de maçonnerie. D’autres empereurs
ont fait enfuite leurs efforts pour empêcher le
ravage de fes inondations ; mais prefque tous leurs
foins ont été inutiles.
Le firocco-levante, qui efl le fud-efl de la Méditerranée
, & qu’on appelle en Italie le vent-marin,
foufile quelquefois avec une telle violence , qu’il arrête
les eaux du Tibre à l’endroit de fon embouchure;
& quand il arrive alors que les neiges de l’Apennin
viennent à groflir les torrens qui tombent dans le Tibre,
ou qu’une pluie de quelques jours produit le
même effet, la rencontre de ces divers accidens, fait
néceffairement enfler cette riviere, & caufe des
inondations qui font le fléau de Rome , comme les
embrafemens du V éfuve font le fléau de Naples.
Le Tibre fi chanté par les poëtes , n’efl bon à rien,
& n’efl redevable de l’honneur qu’il a d’être fi connu
qu’à la poéfie, & à la réputation de la célébré
ville qu’il arrofe ; les grands fleuves ont eu raifon de -
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la traiter de ruiffeau bourbeux ; fon eau efl prefque'
toujours chargée d’un limon qu’on allure être d’une
qualité pernicieufe ; les poiflons même du Tibre ne
font ni fains, ni de bon goût. Aufîi de tout tems
Rome payenne & chrétienne s’efl donnée des foins
infinis pour fe procurer de l’autre .eau, & avoir un
grand nombre de fontaines pour fuppléer à la mau-
vaife eau du Tibre. (Z?. J. )
T IBU LA , ( Gcog. anc. ) ville de l’île de Sardaigne.
Elle efl marquée par Ptolomée, l. I I I . c. iij. fur
la côte feptentrionale de l’île entre Juliola civitas &
Tunis Biffonis civitas. L’itinéraire d’Antonin qui
écrit Tibultz lui donne un port, d’où il commence
trois de fes routes. Cette ville étoit apparemment la
capitale des p e u p l e s , qui habitoient, félon
Ptolomée, dans la partie la plus feptentrionale de
l’île. {D . J .)
TIBUR , ( Géog. anc. ') en grec TiCovpiç ; ville d’Italie
, dans le Latium, à 16 milles de Rome , & bien
plus ancienne que Rome. Elle fut bâtie fur le fleuve
Aniénus,aujourd’huiTévéronne,i 513 ans avant J. C .
ou par les Aborigènes, Selon Denys d’Halycarnaffe,
1. 1. c. xvj. ou par une troupe de Grecs qui étoient
venus du Péloponnèfe, félon quantité d’auteurs, qui
s’accordent fur l’origine grecque de cette ville. Horace
dit, ode vj. I. II.
Tibur Argeo pofita colono ,
Sit meoe fedes utinam fenecta !
» Veuillent les dieux , que Tibur, cette belle co-
» Ionie d’Argos, foit le féjour de ma viellieffe ».Ovide
n’en parle pas moins clairement, liv. IV. Faflorum ,
7 ‘ -
Jam mania Tiburis udi
Strabant Argolicoe quce pofuere manus.
Enfin Strabon , l. V. p. i j 5. Martial, égigr. 5y.
I. IV. & Artémidore cité par Etienne de Byzance ,
tiennent pour la même opinion.
Tibur, aujourd’hui Tivoli, fut bâtie par un grec
nommé Tibur ou Tiburnus, qui avec fes deux freres
Catillus & Coras, mena-là une colonie. Virgile le dit
dans fon Enéide , l. VII. v. Cyo.
Tum gemini fratres, Tiburnia mania linquunt,
Fratris Tiburti dictam de nomine gentem ,
Catilufque , acerque Coras , Argiva juventus.
« Alors les deux freres Catilus& Coras fortis de la
» ville d’Argos, quittèrent les murailles, & le peuple
» qui portoit le nom de leur frere Tibur.
Cette ville étoit déjà bien floriffante lorfqu’Enée
débarqua en Italie. Virgile, l. VII. v. Ç29. la compte
parmi les grandes villes qui s’armèrent contre les
Troïens,
Quinque adeo magnoe, pofitis incudibus, urbes,
Tela novant, Atina pottns, Tiburque fuperbum
Ardea, Crujiumerique, & turrigerce Antemnce.
L’hifloire nous apprend qu’elle réfifla vigoureufe-
ment & allez long-tems aux armes romaines , avant
que de fubir le joug de cette vi&orieufe république.
Elle y fut enfin contrainte l’an de Rome 403 ; mais
comme elle avoit de la grandeur d’ame, elle reprocha
une fois fi fierement aux Romains les fervices qu’elle
leur avoit rendus, que fes députés remportèrent pour
toute réponfe , vous êtes des fuperbes ,fuperbi efiis ;
& voilà pourquoi Virgile dit dans les vers que nous
venons de citer, Tiburque fuperbum.
Cette ville eut une dévotion particulière pour
Hercule, & lui fit bâtir un temple magnifique. Stace,
filv. j . I. III. a placé Tibur au nombre des quatre villes
où Hercule étoit principalement honore ; ce font,
dit-il, Némée, Argos, T ibur & Gadés.
Nec mihi plus Nemca , prifcumque hàbitabitw
Argos,
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Nec Tiburna domus > folifque tulilia Gades;
C ’efl pour cela que Tibur fut furnommée Hercu-
Itum ou Herculea, ville d’Hercule. Properce , /. II.
ileg. 23. le dit :
Cur ve te in Hercultum deportant-tffeda Tibur ?
On apprend aufîi la même chofe dans ces deux
vers de Silius Italicus ,L IV .
Quofque fuo Herculeis taciturno fiumine mûris
Pomijera arva créant, Anienicolaque Cueilli.
On voit en même tems ic i , que Tibur portoit le
nom de Catillus, & c’efl pour cela qu’Horace, ode
xviif. 1. 1. dit mania Catilli.
Il y avoit dans le temple d’Hercule à Tibur, uneaf-
fez belle bibliothèque , Aulugelle le d it , L X IX . c.
v. promit b bibliothecâ Tiburti qua tune in Hercu-
lis templofuis cotnmodï inflrucla libres crut, Arifiotelis
librum.
On juge bien que Tibur honoroit avec zèle fon fondateur
le dieu Tiburnus. Il y avoit un bois facré , le
bois de Tiburne, autrement dit le bois d'Albunée, fi
célébré dans les poëtes : voici ce qu’en dit Virgile ;
A t rex follicitus monfiris oracula Fauni
Fatidici genitoris adit, lucofque fub altâ
Confulit Albuneâ, nemorumque maxima facro
Fontefonat ,fevamque exhalat opaca mephitin,
Hinc Italagentes , omnifque (Eno tria tellus
In dubiis refponfapetunt.
« Le roi inquiet fur ces événemens alla confulter
» les oracles du dieu Faune fon pere. Il les rendoit
» dans le bois facré d’Albunée, & près de la fontainé
» qui roulant fes eaux avec grand bruit, exhale d’hor-
» ribles vapeurs. C’efl à cet oracle que les peuples
» d’Italie, & tous les pays.d’CEnotrie en particulier,
» ont recours dans leurs doutes.
Albunée étoit tout enfemble le nom d’un boisd’u-
ne fontaine, ,& d’une divinité de la montagne du
Tibur. Cette divinité étoit la dixième des fibylles ; on
l’honoroit à Tibur comme'une déefle, & l’on difoit
que fon fimulacre avoit été trouvé un livre à la main
dans le goufre de l’Anio.
Strabon parle defc belles carrières de Tibur, & ob-
ferve qu’elles fournirent de quoi bâtir la plupart des
édifices de Rome. La dureté des pierres de ces carrières
étoit à l’épreuve des fardeaux & des injures
de l’air , ce qui augmentoit leur prix & leur mérite.
Pline, l. X X X V I . c. vj. rapporte comme un bon mot
ce qui fut dit par Cicéron aux habitans de l’île de
Chios, qui lui montroiettt avec fafle les murs de
leurs maifons bâtis de marbre jafpé. Je les admire-
rois davantage, leur dit Cicéron , fi vous les aviez
bâti des pierres de Tibur. Cicéron vouloit leur dire :
votre marbre ne vous coûte guere, vous le trouvez
dans votre île, ne vous glorifiez donc pas de la fomp-
tuofité de vos maifons : vos richefles & vos dépen-
fes paroîtroient avec plus d’éclat, fi vous aviez fait
venir de Tibur, le matériaux de vos édifices.
Martial dit quelque part, que l’air de la montagne
de Tibur avoit la vertu de conferver à l’ivoire fa
blancheur & fon éclat, ou même de les réparer. Pline
& Properce difent la même chofe, & Silius Italicus,
liv. X I I . le dit aufîi.
Quale micatfemperque novum efi quodTibxiûs aura
Pafcit ebur.
^ fain & frais, les terres étoient
arrofees d’une infinité de ruiffeaux, & très-propres
a produire beaucoup de fruits. Il ne faut donc pas
s etonner que les Romains y aient eu tant de mai-
ions de campagne, tant de vergers, & tant d’autres
commodités. Augufle s’y retiroit de tems - en - tems.
ExfeceJJibus pracipuè frequentavit maritima,infulafqùe
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1 Campanïa, aiil proxima tirbi oppida, Lahuvium, Prit-
nefle, Tibur, ubi etiam in porticibus Herculis temple ,
perfap'e jus dixit. L’empereur Adrien y bâtit un magnifique
palais. Zénobie eut une retraite an voifi»
nage.Manlius Vopifcus y avoit une très-bellemaifon,
décrite par Stace. Enfin C. Aronius fit des dépenfes
énormes à élever dans Tibur un bâtiment qui effa-
çoit le temple d’Hercule.
Ædificator erat Cetronius, & modo curvo
Litore Cajeta, fumma nunc Tiburis arce,
N une pranefiinis in montibus, alta par abat
Culmina villarum, Gracis longeque petitis
Marmoribus vincens Fortuna, atque Herculis oedem.
Je ne veux pas oublier Horace qui avoit une mai-
fon ou il alloit très-fouvent, & qu’il fouhaitoit pour
retraite fixe de fes derniers jours. Vixit in plurimum
in fecefj'u rurisfui Sabini aut Tiburtini : domufqus ejus
ojlendetur circà Tiburtini lucum, dit Suétone. Il ne
faut donc pas s’étonner que ce poëte vante tant la
beauté de Tibur, & qu’il préféré cette ville à toutes
celles de la Grece.
Ne nec tam patiins Lacedoemon ;
Nec tam Lariffce perçu f i t campus opima ,
Quam domus Albunea refonantis ,
E t praceps Anio, & Tiburni lu eus, & uda
Mobilibus pomaria rivis.
« Je fuis enchanté des bocages de Tibur, & de
» fes vergers couverts d’arbres fruitiers, & entre-
» coupés de mille ruifleaux diflribués avec art. J’ai-
» me | entendre tantôt l’Albula rouler fes eaux avec
» bruit du haut des montagnes ; tantôt le rapide
» Anio fe précipiter au-travers des rochers. Non,
» Lacédémone, fi recommandable par la patience
» de fes habitans, & Lârifle avec fes gras pâturages,
» n’ont rien à mon gré qui approche dé ce charmant
» féjour».
Rien n’efl: plus heureux que le mobilibus rivis
d’Hotace ; c’efl le ductile fiumen àqua rigua de Martial,
les petits ruiffeaux qu'e l’on mene où l’on Veut
pour arrofer les jardins & les Vergers : pomaria font
des vergers de pommiers. La campagne de Tibur e'n
étoit couverte comme la Normandie : de - là vienf
que Columelle dit en parlant : pomofi Tiburis arva.
Munatius Plancus, dont nous connoiffons d’admirables
lettres qu’il écrivoit à Cicéron, & qui jôua
un grand rôle dans les armées , avoit aufîi une fort
belle maifon à Tibur; Horace le dit dans la même
ode
. . . . . . S eu tefielgentiafignis
Cafira teneht, feu denfa te ne bit
Tiburis umbra tui.
Enfin les poëtes ne ceffeHt dé faire f éloge des agré*
mens deTibur. On connoît les vers de Martial, epigr.
Ivij. liv. V . fur la mort d’un homme qui n’âvôit pu
fauver fa vie en refpirant le bon air de cètte ville.
Cîim Tiburtinus damnet Curiaùus auras
Inter laudatas adfiiga mijfus aquas ,
Nulla fata loco poffis excludete : cum mors
Venerit, in medio Tibure fardinia efi.
Voici d’àutrês Vers que le même auteur adrefle à
Fauflinus qui jouiflbit aè la fraîcheur de ce lieu-là
pendant les chaleurs de la canicule.
Htrculeos colles gelidâ vos vincite brumi,
Nunc Tiburtinis fedite frigoribus.
La Rome chrétienne n’a pas moins couru apfès
les délices de Tivoli. Léandre Alberti rapporte que
les prélats de cette cour alloient palier tout l’été à
la fraîcheur de ce lieu-là. Voye% T ivo l i.
Mais qu’efl devenu le tombeau de l’orgueilleux
Pallas, qui étoit fur le chemin de Tibur, & dont Pli