
chiens Te font évanouies , & de ces mélanges de races
il n’eft refté que la curiofité du pelage : l’on a
choifi pour courre le ce r f, les chiens blancs les pins
grands que l’on peut trouver de race mêlée, parce
qu’on a remarqué , que de ce p o il, ils font de plus
haut nez, gardent mieux le change , font plus fermes
8c tiennent mieux dans les chaleurs que les autres.
Les Anglois font de même que les François, & ne fe
fervent que des plus grands chiens blancs qu’ils ont,
pour courre le cerf. Ils font très-vîtes 8c crient peu ;
ils font mêlés avec des lévriers, qui, naturellement
rident (terme que je ne trouve pas). Les Anglois ont,
outre cela, de trois fortes de chiens ; les plus grands
8c les plus beaux font dits de race royale, ils font blancs,
marquetés de noir. Ils gardent fort bien le change ,
& font dreffés de telle forte, qu’ils chalfent tous en-
femble fans ofer fe jetter à l’écart, de peur du châtiment
que les valets de chiens anglois, qui font très-
rudes, leur donnent avec de grandes gaules qu’ils
portent exprès : les féconds font appellés beaubis, 8c
les troifiemes bigles, dont il y en a de deux fortes,
de grands 8c de petits ; on a confondu toutes ces races
avec les françoifes.
Figure 6* taille des chiens cour ans. Aucun auteur n’a
défigné la taille des chiens courans ; mais ils décrivent
bien leur figure. Voici le tableau que Fouilloux
en fait. Il faut, dit-il, ch. vj. qu’un chien courant
pour être beau , ait la tête de moyenne groffeur,
plus longue que camufe, les nazeaux gros 8c ouverts,
les oreilles larges de moyenne épaiffeur, les reins
courbés, le rable gros, les hanches groffes près des
reins, 8c le relie grêle jufqu’au bout, le poil de def-
fous le ventre rude, la jambe groffe, la partie du pié
feche&en forme de celle d’un renard, les ongles gros.
On ne voit guere un chien retrouffé, ayant le derrière
plus haut que le devant, être vite. Le mâle doit être
court 8c courbé, & la lice longue. Les nazeaux ouverts
lignifient chien de haut nez. Les reins courbés &
le jarret droit, lignifient vitelfe. La queue groffe près
des reins, longue 8c déliée au bout, lignifient force
aux reins, 8c que le chien ell de longue haleine. Le
poil rude au-deffous du ventre, dénote qu’il ell vigoureux
, ne craignant parles eaux. La jambe 8c les
ongles gros , le pié de renard, démontrent qu’il n’a
point les piés foibles, qu’il ell fort fur les membres
pour courre long-tems fans s’engraver.
SalnovtjC. iv. dit qu’il faut qu’un chien courant ait la
tête plus longue que grofle, que le front en foit large,
l’oeil gros & gai, qu’il ait au milieu du front un épi, qui
foit de poils plus gros 8c plus longs,fe joignant par le
bout à l’oppolite l’un de l’autre. Je ne dis pas, continue
t-il , qu’il le faille à tous, mais quand il s’y rencontre
, c’ell un ligne évident de vigueur 8c de force.
Il faut aufli que le chien foit bien avalé, les oreilles
paffant le nez de quatre doigts au plus, & non comme
celles qui le paffent d’un grand demi pié ; nous appelions
les chiens qui les ont ainli clabots, à caufe qu’ils
demeurent à chalfer dans trois ou quatre arpens de
terre ou de bois, où ils retournent 8c rebattent les
voies plulieurs fois; ce qui les y oblige, c’ell qu’ils ont
naturellement peu de force. Il faut aufli que les chiens
courans aient s’il fe peut une petite marque à la tête
quinedefeendepas au-deflous des yeu x, qu’ils n’aient
point les épaules larges ni trop étroites, que les reins
en foient hauts en Forme d’arc 8c larges, la queue
grofle auprès des reins, en aménuifant jufqu’au bout,
qui fera épié & relevé en s’arrondiflant fur les reins,
& non tournée comme une trompe, ce qui ell marqué
de peu de force & de vîtefle ( mais l’on en peut faire
des limiers ). La cuifle en doit être trouffée, le jarret
droit 8c la jambe nerveufe, le pié petit 8c fec, les ongles
gros 8c courts, qu’ils ne l'oient pas ergotés, au-
moins pour courre, cela n’importe ; c’ell la taille 8c
les Agnes qu’il faut aux chiens courans 8c aux lices,
pour être affurément bons. Le rein gros 8c la chair
fort dure fur les reins, font deux qualités qu’exige M.
' de Ligniville dans le choix des chiens.
Nous avons , dit le même M. de Ligniville de deux
tailles de chiens courans ; des efclamcs ( terme de
fauconnerie, Dictionnaire de chajfe par M. Langlois ,
p. 8t. ) approchant de la taille des lévriers à lievres ;
d’autres plus goufleaux 8c mieux fournis comme lévriers
d’attaches. Les chiens efclames font bien faits ,
arpés, c’elt-à-dire ayant les hanches larges 8c étrignés
comme lévriers. Ces chiens doivent être vîtes pour les
vues , de grandes jambes, force 8c vîtefle pour un
jour ; les chiens d’autres tailles harpés , mais plus
goufleaux 8c mieux fournis des reins, 8c larges, plus
enfemble , fans excès en leur taille , ne le doivent
point céder à la fin du jour 8c des chaffes à leurs
compagnons, même s’il ell quellion de charper trois
jours de fuite , comme on fait quelquefois. Je tiens
que les chiens mieux fournis ne fe rendent pas litôt
que les autres. -
Le chien efclame doit avoir la tête plus longue
que le gouffeau, 8c celui-ci plus courte, toutes les
deux doivent être proportionnées à la taille ; le relie
leur fera commun fans excès à leur grandeur & taille ,
la tête feche, nerveufe, le deflïis au front plein de
petites veines, les yeux élevés, noir-clair, grand 8c
large front, les tempes creufes, plutôt courtes oreilles
que trop longues, fans poil au-dedans, le col affez
long 8c délicat pour être prompt au mouvement la
poitrine large 8c groffette, les aiffelles un peu dilatantes
des épaules, les jambes de devant petites,
droites, rondes 8c fermes, le pli des cuifles droit,
les côtés non creufés, mais un peu relevés, les reins
charnus, ni trop longs ni trop courts, les flancs entre
le mol 8c le dur 8c bien trouffés, les cuifles potelées,
charnues en bas, larges par le haut, retirées en-dedans
, le ventre avec ce qui en dépend bien vuidé ,
la queue remuante, droite, grofle près des reins plutôt
que déliée, 8c venant à proportion à diminuer ,
déliée vers le bout, venant aboutir au noeud du jarret
, s’il la tourne le long du tour 8c creux delà cuifle,
les jambes de devant beaucou]>plus hautes que celles
de derrière, 8c les piés petits, ferrés 8c ronds. Voilà
la taille d’un chien robufte, agile , léger 8c beau à
voir, convenable aux efforts , tels qui font choifis
dans la meute de Xenophon 8c dont Cyrus 8c Alexandre
fe fervoient.
Il n’y a rien à ajouter au tableau que M. de Ligniville
fait du chien courant ; il le peint comme font
aujourd’hui nos plus beaux chiens françois 8c bâtards
anglois qui font moulés ; il n’en marque point
la hauteur, finon celle du levrier pour lievres. La
taille de ces beaux chiens qui font aujourd’hui dans
la grande meute du ro i, eft de 24 à 25 pouces de
hauteur.
Les Anglois, dit M. de Selincourt, obfervent régulièrement
ce qu’il faut faire pour avoir de bons
chiens courans, 8c pour en avoir quantité ; car ils
gardent des lices exprès , qui ne vont jamais à la
chaffe, de toutes les meilleures races qu’ils aient,
pour leur fervir de lices portières, lefquelles ils laif-
lent libres dans leurs baffes-cours, comme les mâtines
, qui n’avortent jamais, qui leur font tous leâ
ans deux portées, dont ils n’en gardent jamais plus
de fix de chaque portée ; li bien qu’il n’y a point de
lice qui ne leur donne tous les ans, l’un portant
l’autre, une douzaine de chiens ; 8c comme ils abondent
en laitage, 8c que leurs lices font toujours en
liberté, ils les nourriffent mieux que tous autres ,
8c pouffent leurs petits chiens jufqu’à l’âge de cinq
mpis, qu’ils ont fait leurs gueules à force de lait ; en
telle forte qu’ils deviennent beaux , grands 8c forts ,
8c font plus prêts à chaffer à un an, que les autres à
dix-huit mois ; 8c ainfi font-ils de toute autre race de
chiens.
Si les françois imitaient les anglois, qui font nourrir
tous leurs jeunes chiens enfemble, 8c dès l’âge-de
lix mois, les mènent à la campagne pour leur ap- ,
prendre à être obéiffans, ne leur permettant pas que
jamais ilsfe l'éparent les uns des autres ; ils auroient
des chiens fages 8c obéiffans , qui chafferoient toujours
enfemble ; car les chiens françois ont des qualités
plus relevées que les chiens anglois. Ils ont les
voix plus hautaines, chaffent plus gaiement, la queue
plus haute, tournent mieux, requêtent incompara-
, blement mieux , rentrent mieux dans les voies,
trouvent mieux les retours, 8c fe font plus entendre
de deux lieues, qu’une meute angloife ne feroit
d’un quart de lieue, parce qu’ils chaffent le nez haut
à plus d’un pié de terre ; au lieu que les anglois
chaffent le nez bas 8c d’une voix étouffée contre
terre. Tous les avantages des chiens françois s’éva-
vanouiffent par la mauvaife nourriture qu’on leur
donne , les faifant nourrir féparément; les uns par
des laboureurs , 8c les autres par des bouchers, en
plein libertinage jufqu’à un an ou quinze mois ; pendant
lequel temps ils acquièrent des qualités li vi-
cieufes, qu’avant d’entrer .au chenil, ils font incorrigibles
, 8c que l’obéiffance 8e la crainte ne peuvent
plus rien fur leurs vicieufes habitudes , 8c que ce
n’ell qu’à force de coups qu’on les peut réduire,
encore n’en peut-on venir à bout : li bien qu’une
meute ne devient fage qu’à force de vieillir.
•La Briffardiere, nouveau traité de vénerie , c. xxxvj.
dit peu de chofe fur les races de chiens courans : il
donne aux chiens blancs la préférence fur tous les
autres poils, 8c fur ceux d’une taille médiocre , qui
font plus vigoureux 8c courent plus long-temps que
les chiens élancés 8c de haute taille : ces derniers
n’ont que le premier feu , 8c après le premier relais,
ils ne lauroient plus fuivre les autres : il propofe ,
quand on a une meute de chiens blancs, de les faire
chaffer le lievre deux fois la femaine, 8c que les piqueurs
n’épargnent pas les coups de fouet, pour les
rendre attentifs 8c dociles, pour leur apprendre à
s’ameuter avec les autres, s’y rallier 8c tourner où ■
l’on voudra : après , leur faire chaflèr le cerf ou le
chevreuil, 8c en peu de temps ils feront formés :
quand les lices deviennent en chaleur, les faire couvrir
par les meilleurs chiens, comme il eft dit ci-
devant ; les féparer de la meute douze jours avant
de mettre bas, &c.
. Phoebus, dans fon chapitre xxiij. du Chenil, dit
comme les chiens doivent demeurer 8c comme ils
doivent être tenus. De fon temps il y avoit un
préau qui étoit conftruit exprès , avec une porte de
derrière, pour que les chiens allafl’ent au foleil, qui
y donnoit tout le jour ; les chiens pouvoient y aller
quand ils vouloient : il prétend que cette conftruc-
tion de chenil avec un préau , les empêchoit de devenir
galeux li fouvent ; ( je fefois bien de fon fen-
timent, que le grand air ne peut faire que du bien aux
chiens , lur-tout dans les beaux jours. ) Il faifoit ficher
des bâtons en terre, environnés de paille, hors
les bancs où ils fe couchoient, pour que les chiens
y vinffent piffer ; il en faifoit meure jufqu’à fisc. Si
l’on frottoit quelqu’un de ces bâtons avec du galba-
nuni, tous les chiens iraient piffer contre. La méthode
n’étoit que très-bonne; cela les empêchoit
de piffer fur les bancs où ils fe couchoient, ce qui
faifoit que leurs lits étoient toujours fecs : l’on n’a
plus cette habitude ; prétendant que des chiens , en
jouant ou en fe battant, ou en fortant de viteffe
pour l’ébat ou pour manger la mouée, qu’ils pour-
roient s’étruflèr, fe bleffer de différentes façons ;
je laiffe la chofe à décider. Il y avoit de fon tems,
des cheminées dans les chenils, pour les réchauffer
dans l’hiver & quand ils revénoient de la chaffe,
ayant eu la pluie quelquefois foute la journée fur le
corps,' avoir battu l ’eau dans des étangs ou des rivières,
la boue, la crotte. Fouilloux parla de l ’ufage
des cheminées. Il faifoit bouchonner les chiens apres
la chaffe, pour faire tomber la boue 8c la crotte. L’on
avoit confèrvé cet ufage jufqu’au régné de Louis
X IV. j ai vu de grandes cheminées , environnées
de grillages de fer, dans les chenils de Verfailles ;
je crois que c’eft la peur du feu qui les a fait détruire
; je les approuverais cependant, pour le bien
& la confervation des chiens : à l’égard du feu , on
peut prendre des précautions comme on les pre-
noit dans ce tems - là , où il n’eft point mention
qu’il foit arrivé d’accident.
Phoebus , dans fon chap. xxiv. d i t , qu’il faifoit
mener fes chiens à l’ébat deux fois le jour , le matin
& le foir , au foleil, en beau 8c grand pré ; on les y
peignoit 8c bouchonnoit tous les matins, on les me-
noit dans des lieux où il y avoit des herbes tendres
ou blé verd, pour qu’ils fe purgeaffent; on leur
donnoit de la paille fraiche une fois le jbur, 8c celle
de deffus les bancs on la mettoit deffous les piés.
Charles IX. leur faifoit donner de l’eau fraiche deux
fois le jour, les faifoit rendre obéiffans à l’ébat ; il
vouloit qu’on ne les laiflat pas écarter, qu’on les fît
rentrer dans la meute, en les corrigeant & les nommant
par leurs noms, qu’on les tînt en crainte 8c
obeiffance le plus qu on pourrait ; qu’on les pansât
deux fois le jour : c etoit la méthode du régné de
Charles IX. 8c de Salnove ; ils ajoutent, fans y manr
quer ,J i on les veut avoir beaux, vigoureux , 6* toujours
en bon corps. Il y avoit deux petits valets de chiens ordinaires
, qui couchoient au chenil. Ligniville dit qu’il
faut des planches le long des murailles où couchent
les chiens , pour les garantir de l’humidité des murs
contre lefquels ils s’appuient. La précaution eft très-
bonne ; on les faifoit panfer le matin à fix heures en
été , 8c à cinq le foir , en hiver à huit heures du matin
8c à trois du foir ; on les faifoitpromener 8c mener
à l’ébat après leurs panfemens, les y laiffant une
heure dehors. M. de Selincourt recommande.Ia même
chofe, difant que fi les chiens ne font bien pan-
fés 8c tenus proprement, qu’il en arrive toujours
deux accidens fort grands 8c fâcheux, qui font la
galle 8c la rage ; il recommande de même des cheminées
dans les chenils 8c grand feu au retour des chaf-
fes froides 8c humides en hiver.
On ne peut rien ajouter pour la propreté des chiens
à l’ufage que les anciens en avoient ; je fuivrois avec
plaifir leur méthode; aujourd’hui on s’eft relâché fur
bien des bonnes chofes qu’on a abolies pour en introduire
d’autres qui ne les valent pas, comme de
laver les chiens le lendemain des chaffes en hiver
avec de l’eau glacée dans un grand chenil qui n’a de
chaleur que ce que les chiens lui en donnent ; cela
doit leur être bien contraire. On ne les panfe plus ,
ou on ne le fait que très-rarement ; quand ils ont été
lavés, en voilà jufqu’à la prochaine chaffe fans qu’on
les peigne ni qu’on les broffe ; je ne defaprouverat
pas qu’on les lave dans l’été, dans les jours de chaleur
le lendemain des chaffes : cela les délaffe , 8c ne
peut que leur faire du bien ; mais cela n’empêche-
roit point qu’ils ne fuffent panfés avec le peigne 8c
la broffe tous les jours une fois jufqu’au jour de la
chaffe. En lavant les chiens en hiver avec de l’eau
froide, vos vieux chiens qui à peine font réchauffés
de la veille , fe mettent les uns fur les autres pour
trouver de la chaleur, fe falliffent autant qu’ils l’é-
toient auparavant, ne peuvent fe réchauffer qu’avec
bien de la peine, ils maigriffent à vue-d’oe il, 8c ne
durent pas long-tems. Les auteurs anciens difentque
leurs chiens courans duraient en bonté 8c force neuf
ans dans leurs meutes ; aujourd’hui quand ils en durent
f ix , c’eft beaucoup.
Si les chiens, dit Fouilloux^ avoient des poux 8c