9 4 ° VEN
&: le grand veneur au roi. Voye^ le nouveau traite
de [a vénerie , Paris 1750. P* 27 ‘. , .
Rut : ils raient ( / ) d’une voix forte, le col oc la
gorge leur enflent, ils fe tourmentent, ils traverient
en plein jour les guérets 6c les plaines, ils donnent de
la tête contre les arbres 6c les fépées, enfin ils paroil-
fent tranfportés, furieux , 6c courent de pays en
pa ys, jufqu’à ce qu’ils ayent trouvé des bêtes, qu’il
ne fuffit pas de rencontrer, mais qu’il faut encore
pourfuivre, contraindre, affujettir : car elles évitent
d’abord, elles fuient , & ne les attendent qu après
avoir été long-tems fatiguées de leurs pourfiiites.C eft
aufli par les plus vieilles que commence le ru t, les
jeunes biches n’entrent en chaleur que plus tard , 6c
lorfque deux cerfs fe trouvent auprès de la meme ,
il faut encore combattre avant que de jouir ; s ils
font d’égale force, ils fe menacent , ils grattent la
terre, ils raient d’un cri terrible , ôc fe précipitant
l’un fur l’autre , ils fe battent à outrance , & le donnent
des coups d’andouillers (ni) fi forts que fouvent
ils fe bleffent à mort ; le combat ne finit que par la
défaite ou la fuite de l’un des deux , ôc alors le vainqueur
ne perd pas un inftant pour jouir de fa victoire
6c de fes defirs, à moins qu’un autre ne furvien-
ne encore, auquel cas il part pour l’attaquer 6c le
faire fuir comme le premier. Les plus vieux cerfs
font toujours les maîtres, parce qu’ils font plus fiers
& plus hardis que les jeunes qui n’oient approcher
d’eux ni de la bete, 6c qu’ils font obligés d’attendre
qu’ils l’aient quittée pour l’avoir à leur tour ; quelquefois
cependant ils fautent fur la biche pendant
que les vieux combattent, 6c après avoir joui fort
à la hâte , ils fuient promptement. Les biches préfèrent
les vieux cerfs, non parce qu ils font plus courageux
, mais parce qu’ils font beaucoup plus ardens
ôc plus chauds que les jeunes ; ils font aufli plus in-
conftans ; ils ontfouvent plufieurs bêtes à la fois ; 6c
lorfqu’ils n’en ont qu’une, ils ne s’y attachent pas,
ils ne la gardent que quelques jours, après quoi ils
s’en féparent & vont en chercher une autre auprès
de laquelle ils demeurent encore moins, 6c pafl'ent
ainfi fucceflivement plufieurs , jufqu’à ce qu’ils
foient tout-à-fait épuifés. ' >
• Gette fureur amoureufe ne dure que trois femai-
nes \ pendant ce tems ils ne mangent que très-peu ,
ne dorment ni ne repofent, nuit 6c jour ils font fur
pié , 6c ne font que marcher, courir , combattre &
jouir ; aufli fortent-ils de-là fi défaits, fi fatigués , fi
maigres., qu’il leur faut du tems pour fe remettre 6c
reprendre des forces : ils fe retirent ordinairement
-alors fur les bords des forêts , le long des meilleurs
gagnages oii ils peuvent trouver une nourriture abon-
dantè , & ils y demeurent jufqü’à ce qu’ils foient-rétablis.
Le rut pour les vieux cerfs commence au premier
Septembre, 6c finit vers le vingt; pour les cerfs
dix cors , 6c dix cors jeunement, il commence vers
le dix Septembre, & finit dans les premiers jours
d’O&obre ; pour les jeunes cerfs c’eft depuis le vingt
Septembre jufqu’au quinze Octobre ; 6c fur la fin de
ce même mois il n’y a plus que les daguets qui foient
en rut, parce qu’ils y font entrés les derniers de tous :
les plus jeûnes biches font de même les dernieres en
chaleur. Le rut eft donc entièrement fini au commencement
de Novembre, & les cerfs dans ce tems
de foibleffé font faciles à forcer. Dans les annéés
abondantes en glands-, ils fe rétabliflènt en peu de
;tems parla bonne nourriture , 6c l’on remarque fou-
vent un fécond rut à' la fin d’O&obre, mais qui dure
beaucoup moins que le premier.
Les" biches portent huit mois 6c quelques, jours ;
èlles-ne prbduifent ordinairement qu’un faon («),
(/) Raire,fericr. !
(m) Ap^ouillers » cornichons du bois de cerf.
(n) "Fâùn, c’eft le petit cerf qui vient de naitre» -
V E N
très-rarement deux ; elles mettent bas au mois de
Mai &c au commencement de Juin , elles ont grand
loin de dérober leur faon à la pourfuite des chiens,
elles fe prélentent 6c fe font chafier elles-mêmes pour
les éloigner , après quoi elles viennent le rejoindre.
Toutes les biches ne font pas fécondes , il y en a
qu’on appelle brehaignes, qui ne portent jamais ; ces
biches lont plus grafles & prennent beaucoup plus de
venaifon que les autres, aufli font elles les premières
en chaleur. On prétend aufli qu’il le trouve quelquefois
des biches qui ont un bois comme le ce r f,
ôc cela n’eft pas abloluinent contre toute vraiffem-
blance.
Dans le nouveau traité de vénerie, iy5 o. ch. xiv,
des têtes bifarres, pag. 40. il eft dit qu’au château de
Malherbe* on y voyoit lafigure d’une biche qui por-
toit un bois qui avoit huit andouillers , qui fut prife
par les chiens du roi Charles IX. Depuis on a apporté
cette tête à fa majefté Louis X V . à Fontainebleau.
M. de Ligniville, grand veneur de Lorraine , qui
a écrit fur la chaffe , dont le manufcrit eft à la bibliothèque
du r o i , rapporte qu’étant en Angleterre , le
roi Jacques I. lui fit voir dans Ion parle de Pilbokune
biche qui avoit ion faon , & qui portoit une perche
fort longue, 6c une petite , qu’il y avoit long-tems
qu’elle y étoit connue.
Le faon ne porte ce nom que jufqu’à fix mois environ
, alors les bofles commencent à paroître, 6c il
prend le nom de hem jufqu’à ce que ces bofles alon-
gées en dagues lui falfent prendre le nom de dagueu
11 ne quitte pas fa rnere dans les premiers tems, quoiqu’il
prenne un allez long accroiffement, il la fuit
pendant tout l’été ; en hiver les biches , les herres,
les daguets, & les jeunes cerfs fe rafîemblent en hardes
, Ôc forment des troupes d’autant plus nombreu-
fes que la faifon eft plus rigoureufe. Au printems ils
fe divifent, les biches fe recèlent pour mettre bas ,
6c dans ce tems il n’y a que les daguets 6c les jeunes
cerfs qui aillent enfemble. En général, les cerfs font
portés à demeurer les uns avec les autres, à marcher
de compagnie , 6c ce n’eft que la crainte ou la né-
ceflité qui les difperfe ou les fépare.
Le cerf eft en état d’engendrer à l’âge de dix-huit
mois , car on voit des daguets, c’eft-à-dire-des cerfs
nés au printems de l’année précédente , couvrir des
biches en automne, 6c l’on doit préfumer que ces
accoupiemens font prolifiques ; ce qui pourront peut-
être en faire douter, c’eft qu’ils n’ont encore pris
alors qu’environ la moitié ou les deux tiers de leur
accromement ; que les cerfs croiflent & grofîiffent
jufqu’à l’âge de huit ans, & que leur tête va. toujours
en augmentant tous les ans jufqu’au même âge;
mais il faut obferver que le faon qui vient de naître
fe fortifie en pe.u de tems , que fon accroifiement eft
prompt dans la première année , 6c ne fe ralentit
pas dans la fécondé ; qu’il y a déjà furabondance de
nourriture , puifqu’il poufle des dagues , 6c c’eft-là
le ligne le plus certain de la puiffance d’engendrer ;
mais ceux, qui ont un; tems marqué pour le ru t , ou
pour le frai , femblent faire une texception à ‘Cette
loi. Les poiflons fraient &c produifent avant que d’avoir.
pris le quart, ou même la huitième .partie d,e
leur accroiflement : 6c dans les animaux quadrupèdes
ceux qui, comme le ce r f, l’élan , le dain, le
renne , le chevreuil, 6*c..ont un rut bien marqué^
engendrent aufli plutôt que les autres animaux.
Il y a tant de rapport entre la nutrition, la pro-
duûiôn du bois , le rut 6c la génération dans ces animaux
, qu’il eft néceflaire, pour en bien concevoir
les effets particuliers, de fe rappelleriçi ce que nous
avons établi de plitsgéné'ral 6c de plus certain au.fu-
jet de la génération : elle dépend en epiièr de la ljùr-
abondance de la nourriture : tant .que Animal frP'N
VEN
c’eft toujours dans le premier âge que l’accroifïe-
ment eft le plus prompt, la nourriture eft entièrement
employée à l’extenfion , au développement du
, corps , il n’y a donc nulle furabondance , par confé-
quent nulle production , nulle fecrétion de liqueur
feminale, 6c c’eft par cette raifon que les jeunes animaux
ne font pas en état d’engendrer ; mais lorfqu’ils
ont pris la plus grande partie de leur accroiflement ;
la furabondance commence à fe manifefter par de
nouvelles productions. Dans l’homme, là barbe, le
poil,le gonflement des mamelles,i’épanouiffement des
parties de la génération, précédent la puberté. Dans
les animaux en général, & dans le Cerf en particulier,
la furàbondahcefe marque par des effets encore plus
I fenfibles ; elle produit la tête , le gonflement des dain-
tiers (0) , l’enflure du col & de la gorge, venaifon (/>).
( M. de Buffon nomme venaifon la graijje du cerf; dans
la vénerie, c’ eft fa chair ÔC non fa graifle ; quand la
chair eft bien vermeille, on dit que la venaifon eft
I belle, 6c quand elle eft pâle, on dit que la venaifon
n’eft pas belle ) ; 6c comme le cerf croit fort vîte dans
le premier âgé, il ne fe paffe qu’un an depuis fa naif-
fance, jufqu’autems où cette furabondance commence
à fe marquer au-dehors par la produftion du bois :
s’il eft né au mois de Mai, on verra paroître dans le
même mois de l’année fui vante, les naiflancesdu bois
qui commence à pouffer fur le têCt ( q ). C e font deux
dagues qui croiflent (fur deux pivots, qui font deux
bofles, fur lefqueiles le bois fe forme fur le maffacre
du c e r f ) s ’allongent & s’endurciffent à mefure que ■
l’animal prend de la nourriture ; elles ont déjà vers la
fin d’Août pris leur entier accroiffemerit 6c aflez de
folidité, pour qu’il cherche à les dépouiller de leur
peau eh les frottant contre les arbres ; 6c dans ie
même tems il achevé de fe charger de venaifon, qui
eft une graifle abondante , produite aufli par le fu-
perflu de la nourriture ; qui dès-lors commence à fe
( déterminer vers lés parties de la génération, 6c à exciter
le cerf à cette ardeur du rut qui le rend furieux.
Et ce qui prouve évidemment que la production du
bois 6c celle de la liqueur féminale dépendent de la
même càufe ; e’ëft que fi vous détruifez la fource de
la liqueur féminale, eh fupprimant par la caftraétion
lés organes néceflaires pour cette fécrétion , vous
fupprimez eh même tems la production du bois ; car
fl l’on fait cette opération dans le tems qu’il a mis bas
fa tête, il ne s’en forme pas une nouvelle ; & fi on ne
la fait au contraire que dans le tèriis qu’il à refait fa
tê te , elle rie tombe plus , l’animal en un mot refte
pour toute fà vie dans l’état où il étoit, lorfqu’il a
fttbi la caftration; & comme il n’éprouve plus les ardeurs
du ru t , les lignes qui l’accompagnent difpa-
roifleht aufli ; il n’y a plus de venaifon, plus d’enflure
du col ni à la gorge, 6c il devient d’un naturel plus
doux 6c plus tranquille. Ces parties qu’on a retranchées
étôiérit donc néeçflaires , non-feulement pour
faire la fécrétion de la nourriture furabbndânte, niais
élles fêrvoiént encore à l’animer, à la pouffer au-dehors
dans toutësles parties du corps, fous la forme
de là venaifon , & en particidier ah fommet dé la
tête , où elle fe mànifefte plus que par-tout ailleurs
par la production du bois.il eft vrai que lés cerfs coupés
ne laiffënt pas de devenir g ras, mais ils ne pro-
duiferit plus de bois, jamais là gorge ni le col né leur
enflent ,* & leur graifle né s’exalte ni ne s’échauffe
Comme la venaifon des cerfs entiers qui, lorfqu’ils
font ëri rüt, ont une odeur fi forte, qu’elle irife&e de
loin ; leur chair même en eft fi fort imbue & pénétrée,
(o) Les daintiers du cerf font fes tefticules.
1 (p) Venaifon; c’eft la graifle du cerf q'ui augmente pendant
l’été , & dont il eft furchargé au commencemeht-de l’automne
, dans le tems du'rut..,. 4
. * Le têéteft la partie de l’os frontal, fur laquelle appuie le
bois du cerf.
Tome X K U
V E N 94 r
qu*oîi ne peut ni la manger ni la fentir, & qu’elle ft
corrompt en peu de tems , au lieu que celle du cerf
coupé fe conferve fraîche, 6c peut fe manger dans
tous les terni'.
Remarque fur la cafltatlon. M. de Buffon eft du fen-
timent de tous les naturaliftes 6c auteurs, tant anciens
que modernes, 6c même de la tradition dans la vénerie
du ro i, que dans les cerfs à qui on a fait la caftration
, dans quelqu’état que les tetes fe trouvent, elles
y reftent, c’eft-à-dire, que fi l’opération fe fait après
qu’ils ont mis bas, il ne leur pouffera pas un nouveau
bois ; que fi un cerf a fa tête formée dans l’opération,
elle ne tombera point ; enfin que dans tel état que fa
tête fe trouve à la caftration, elle y refte.
Voici ce qui paroît détruire ce fentiment. Ml l’abbé
de Sainte-Aldégonde, aumônier du ro i, dit qu’on lui
a apporté deux faons mâles, qu’il a fait élever; après
les fix mois de faon, ils font devenus herres ; à l’en-
tree de leur fécondé année , daguets; à l’entrée de
leurtroifieme année, ils ont mis bas leurs dagues;
M. l’abbé a profité de l’occafion pour les faire couper,
de crainte que par la fuite leur bois ayant re-
pouffé ils ne bleffaffent quelqu’u n , étant perfuadé
qu’ils ne leur repoufferoit rien fur la tête ; à Ion grand
etonnement leur bois à cru , comme fi on ne leur
avoit pas fait l’opération, 6c il eft parvenu à la hauteur
, groffeur, 6c garni- d’andouillers, comme il en
auroit pouffé à des cerfs de leur âge ; mais la différence
qui s’y eft rencontrée , c’eft qu’ils n’ont point
eu la tête parfaitement dure, que la peau eft encore
deffus, 6c que les bouts des andouillers font mous,
tendres 6c fenfibles; voici la fécondé année depuis
l’opération, 6c qu’ils fe trouvent dans cet état : ce
fait a été rendu à S. M. par M. l’abbé , qui m’a fait
l’honneur de m’en faire le détail, comme il eft écrit.
En Bretagne, on avoit apporté un faon à un particulier
,.qui l’avoit élevé avec du lait 6c beaucoup de
foin , il eft devenu herre au bout d’un an, il lui eft:
pouffé des dagues qu’il a gardées un an fuivantl’ufage;
après ce tems il les a mis bas, il avoit deux ans , il lui
eft venu un bois qui étoit fa fécondé tête, qu’il a
gardé de même 6c a mis bas, il avoit alors trois ans
accomplis ; il lui eft pouffé un autre bois qui faifoit
fâ troifieme tête, qu’il a mis bas de même 6c toujours
dans le mois de Mai, il lui en eft pouffé un autre qui
lui faifoit fa quatrième tête, il avoit pour lors cinq
ans ; le particulier l’a donné à un marchand de bois à
Paris, chez lequel j’ai été lé voir au mois d’Ociobre
j 764. Ce cerf étoit dreffé à. tirer, on lui avoit fait
faire une petite voiture qu’il menoit ; celui à qui ii
avoit été donné voulut l’amener à Paris avec fa voiture
; après avoir fait environ quarante lieues , l’animal
fe trouva fi. fatigué qu’il ne pouvoit plus marcher
, on le mit dans une voiture bien lié ôc garotfé ,
il a été amené, mais dans un très-mauvais é tat, il s’é-
toit débattu, les cordes lui avoient fait des découpures
à plufieurs endroits, on l’a traité avec foin, ils s’eft
bien rétabli, i l a mis bas fa quatrième tête, toujours
dans le mois de Mai, il lui eft pouffé fa tête de cerf dix
çors jeunement, qui eft venu à fa maturité, commé
les autres, dans le mois de Septembre ; fa tête étant
prefquè tout-à-fait nettoyée de fes lambeaux, fon
maître lui a fait faire l’opération de la caftration ; ail
bout de trois femaihes dans le mois d’O&obre , fort
bois eft tombé , il a été remplacé par deux dagueS
fans andouillers de la hauteur d’un demi-pié, avec là
peau qui les couvre; ces deux dagues rie font poinr
venues en maturité, elles forit reftées molles, velues ,
çonfervantja chaleur naturelle ; il y avoit un an qu’il
avoit mis bas fa tête de dix cors jeunement, par
conféqiierit il avoit fept ans , & devoit être cerf de
dix cors ; triais par l’effet de l’opération , ii n’ayoit
pouffé que deux dagues , menues comme celle d’un
daguet, U y à une obfervation à faire, c’eft quç
DDD dd d z