mel année \6j j , il eft fait mention d’une torpille
qu’on compare-aux congres, c’eft-à-dire qui eft
d’une figure approchante de celle des anguilles. M.
Richer de qui eft cette relation, affure que ce poiffon
engourdit le bras lorfqu’on le touche même avec un
bâton 6c que fes effets vont iufqu’à donner des vertiges
; ce qu’il dit avoir expérimenté : dès-lors qu’il
n’y va que du plus au moins, nous n’avons pas de
peine à donner croyance aux faits de phyfique.
Le tremble ne feroit pas un grand ufagedela faculté
qu’il a d’engourdir, fi elle ne lui fer voit qu’à fe défendre
des pêcheurs ; il eft rare qu’il fe fauve de leurs
mains. Ariftote, Pline 6c la plûpart des naturaliftes
fe perfuadent qu’elle lui eft utile pour attraper des
poiffons ; une chofe sûre , au rapport des pêcheurs,
c’eft que les torpilles en mangent, 6c qu’on en rencontre
fréquemment dans leur eftomac. Cependant
pourquoi le tient-elle ordinairement fur le fable ou
lur la vafe ? y eft - elle en quelque maniéré à l’affût
pour y attraper les petits poiffons qui latoucheroient?
Mais les autres poiffons plats qui fe tiennent fur la
v a fe, ne s’y tiennent point par le même motif. Si la
torpille engourdit les petits poiffons qui la touchent,
& le s prend enfuite, ne pouvoit-ellepas les prendre
également bien fans cela? Elle a la même vîteffe que
mille autres poiffons de fa taille, qui favent bien attraper
les petits poiffons fans les engourdir. Nous
fommes trop prompts à affigner les caufes finales ;
elles ne font pas toujours aufïi démontrées qu’on le
prétend. Pour s’affurer du fait dont il eft ici queftion,
il faudroit par plusieurs expériences mettre des torpilles
avec divers autres petits poiffons en v ie , 6c en
examiner l’événement ; c’eft ce que quelque phyfi-
cien fera peut-être un jour.
On pourroit encore être curieux de favoir de
quelle épaiffeur doit être un corps placé entre la torpille
& la main, pour mettre la main à-l’abri de l’action
du poiffon. Il y a beaucoup d’autres expériences
à tenter fur cet animal.
La torpille ne pouvoit guere avoir une vertu en-
gourdiffante fi fort exaltée, fans manquer de lui attribuer
la même vertu contre plufieurs maladies. Aufli
Diofcoride prétend que la torpille fur la tête engourdit
le m al, 6c qu’elle remédie à la chute de l’anus en
l’appliquant fur le fondement. D’autres en recommandent
l’application à la plante des piés pour calmer
l’ardeur de la fievre. Nos pêcheurs font mieux, ils
en mangent le foie qui a le même goût que celui de la
raie.
Defcriptionde la torpille du golfe Perfique par Kamp-
fer. Je n’aùrois rien à ajouter fur ce poiffon, fi
Kæmpfer ne me fourniffoit, dans fes Amanites , une
delcription trop exafte de la torpille du golfe Perfique
, pour la paffer fous filence.
Les plus grandes torpilles de cette mer, qui en
produit beaucoup, ont deux pans de diamètre au
centre, qui eft fans os ; elles ont deux doigts d’épaif-
feur, 6c de-là elles diminuent infenfiblement julqu’-
a,ux bords qui font cartilagineux, 6c qui font l’office
de nageoires. Leur peau eft gliffante, fans écaille 6c
tachetée. Les taches du dos font blanches 6c brunes;
celles de la queue plus foncée ; mais le ventre eft tout-
à-fait blanc, comme dans la plûpart des poiffons plats.
Des deux côtés la furface eft inégale, particulièrement
fur le dos, dont le milieu s’ enfle comme un petit
bouclier. Cette élévation continue jufqu’à l’extrémité
de la queue, qui s’étend de la largeur de la main
au-delà du corps. Sa tête eft applatie ; fes yeux font
petits 6c placés deffus la tête à la diftance d’un pouce
l ’un de l’autre. Ils ont une double paupière dont la
fupérieure eft affez forte , 6c fe ferme rarement ; l’inférieure
eft mince, tranfparente , 6c fe ferme lorfque
le poiffon eft dans l’eau.
Au-deffous des y e u x , il y a deux conduits de refpîration
qui fe couvrent dans l’eau d’une petite pellicule
, de forte qu’on les prendroit pour d’autres
yeux , comme a fait Borrichius. La gueule eft au-
deffous de la tête dans l’endroit oppofé aux yeux.
Elle paroît très-petite lorfqu’elle eft fermée, mais
elle devient fort grande en s’ouvrant. Les levresfonc
entourées de petites pointes qui fervent à retenir ce
que l’animal y fait entrer. Dans la cavité des mâchoires
, on apperçoit une petite rangée de dents aiguës.
Sur le long du ventre qui eft doux , mince & fpon-
gieux, il y a deux rangées de petits trous oblongs ,
cinq de chaque cô té, placés trânfverfalement. L’anus
eft aufli de figure oblongue, 6c percé exa&ement
à la naiffance de la queue. On ne fauroit preffer cette
partie fans en faire lortir quelques faces entremêlées
comme devers de terre. La queue eft épaiffe, & de
figure pyramidale. Elle fe termine par'une nageoire
dont les pointes font obliques, 6c préfentent affez
bien la forme de la lettre X.
Au-deffus 6c à peu de diftance , font deux autres
nageoires plus grandes vers le dos que du côté de la
queue, 6c terminées en rond. A l’endroit où commence
la queue, il fe trouve encore de chaque côté
une nageoire plate 6c charnue. Dans les mâles , elle
fe termine à un pénis cartilagineux d’un pouce de
long , creux 6c percé à l’extrémité de deux trous ,
dont la moindre prefïion fait fortir une humeur grafle
6c vifqueufe.
Le péritoine eft ferme, les vertebres du dos carti-
lagineufes, 6c garnies de divers tendons qui en for-
tent. Le premier fe dirige vers les y e u x , & le dernier
vers le foie. Les autres prennent différentes di-
reélions affez près de leur origine. Le coeur qui eft
fitué dans le plus petit creux de la poitrine, a la forme
d’une figue. L’abdomen eft accompagné d’un large
ventricule mufculaire. Il y a plufieurs veines,
dont la plus confidérable s’étend jufqu’au lobe droit
du foie , & s’entortille au-tour de la véficule du fiel.
Le foie eft d’une fubftance rouge, pâle , compofe
de deux lobes, dont l’un remplit toute la cavité du
côté droit. Ces deux lobes font formés de glandes
ferrées les unes contre les autres, & qui partent peut-
être du pénis.
Après avoir vuidé les inteftins 6c les ventricules,
on découvre contre le dos,un petit fac inégal, tortu,
tranfparent, auquel tient une fubftance charnue qui
reffemble beaucoup aux ailes de la chauve-fouris ;
c’eft l’utérus ou l’ovaire. Kæmpfer y trouva plufieurs
oeufs pofés fur le lobe gauche du foie. Ils étoient renfermés
dans une mince pellicule, couleur de foufre
pâle , 6c attachée au foie ; du refte ils reffembloient
exactement aux oeufs de poule, 6c nageoient dans
une liqueur mucilagineufe.
La torpille du golfe Perfique paroîtroit fort différente
de celle de la Méditerranée , fi l’on jugeoit de
celle-ci parles deferiptions d’Ariftote, de Pline 6c de
Galien. La qualité que celle du golfe a d’engourdir ,
n’eft point une vertu qui l’accompagne toujours.Elle
ne s’exerce que dans certaines occafions ; comme
lorfque ce poiffon reffent l’impreffion de quelque
choie qui le bleffe , 6c qu’on arrête fa fuite au moment
qu’il veut la prendre. Il fe fait alors un mouvement
convulfif dans fon corps.
Enfin Kæmpfer a remarqué qu’en mettant la torpille
dans une même cuve avec d’autres poiffons, elle
ne leur a point faitfentir fa qualité torporifique, foit
par crainte , foit parce qu’elle n’eft pas en liberté ,
foit par d’autres raifons.
Telles font les obfervations de Kæmpfer fur la torpille
étrangère. Pour m’inftruire encore plus complètement
de la nature de ce poiffon dans toutes les mers
du monde, j’ai parcouru les autres relations des voyageurs
qui en ont parlé;celles deWindus, de Jobfon,
d’Atkius, de Moore, de Kolben , de Ludolf,
mais j’ai perdu mes peines, je n’airien trouvé d’exaû '
& de fatisfaifant dans aucun de ces écrivains ; d’où je
conclus qu’il faut s’en tenir aux lumières que nous en
ont donné les phyficiens que j’ai cités dans ce mémoire.
(L e chevalier D E J A U COU R T .)
TO RQ UE , f. f- ( terme de Blafon. ) fe dit d un
bourrelet de figure ronde, tant dans fa circonférence
que dans fon tôrtil, étant compofé d’étoffe tor-
tillee comme le bandeau dont on charge la tête de
more qui Pofe fur les ,écus- La torVu eft toujours
de deux principaux émaux , qui font le gros des armoiries
, aufli-bien que les lambrequins ; mais c’eft
le moins noble des enrichiffemens qui fe pofent furie
heaume pour cimier. (D . ƒ.)
T O R Q U EM A D A , ou TORREQUEM AD A ,
( Géogr. mod.) -c’eft-à-dire tour brûlée , en latin , tur-
ris cremataj petite ville , ou bourg d’Efpagne , au
royaume de Léon, fur le bord de là Pizuerga, à trois
lieues à l’orient de Palencia ; ce bourg eft entouré de
murs , & fes environs font très-fertiles. ( D. J. )
TORQUETTE , f. f. ( Comm. ) une certaine
quantité de poiffons entortillés dans de la paille. Il fe
dit aufli d’un panier de volaille. _ _
TORQUETUM, f. m. ( Agronomie.) ancien infiniment
d’aft rond mie, qui repréfentoit le mouvement
de l’équateur fur l’horifon. On s’en fervoitpour
obferver le lieu véritable du foleil 6c de la lune, 6c
de chaque étoile , tant en longitude qu’en latitude ;
la hauteur du.foleil & des aftres au-deffus del’hori-
fon, l’angle que Pécliptique faifoit avec l’horifon,
&c. On trouvoit aufli avec cet infiniment la longueur
du jour & .de la nuit, & le tems qu’une étoile s’arrête
fur l’horifon. Tous ces problèmes fe réfolvent
aujourd’hui fort aifément par l’ufage de la fphere ar-
millaire 6c du globe célefte. Regiomontan a donné
la delcription 6c l’ufage de cet infiniment dans fes
feripta Regipmontani, publies en 1544* Maurolycus
en traite encore dans fes oeuvres ou il décrit
^ X/. J . ) : ... .
TORQUEUR , f. m. ( Manufacl.de tabac. ) celui
qui torque ou file le tabac ; l’habileté d’un torqueur
confifte à faire fa corde bien égalé , à manier :fon
rouet de. manière qu’elle ne fe caffe point, & à la
bien monter & mettre en rôle. (D . /.)
TORRE , LÀ, ( Géog. mod. ) petite riviere d’Italie
, dans le Frioul. Elle tire là fource des montagnes
, paffe près d’Udine , 6c tombe dans le Lizon=
zo. ( D .J . )
T orre de Mo n co r vo , ( Géogr. mod.) petite
ville de Portugal, dans la province de Tra-los-mon-
tes , dans une vallé e, fur la pente d’une montagne ,
aux confins du royaume de Léon , à une lieue au
levant de la riviere Sabor. Sa campagne eft fertile en.
b lé , en vin , 6c en fruits. Long. lo. latit. 4/..
(D .J . ) -7 1 , ; fi •
T orre d’O l iv e to , ( Géog. mod.) petite ville du
royaume de Sicile , dans le val D emona, au pié du
mont Æthna, vers le midi occidental. ( D . J . )
TORRÉFACTION , f.f. (Docimaftiq.) La torré-
faûion, uflulatio, en allemand çoften, confifte à fé-
parer à l’aide du feu 6c de l’air , les matières volatiles
des fixes , pour avoir celles-ci feulement. .C’eft.
ainfi que l’on diflipe le fpufre- 6ç l’arfenic delà plûpart
des mines.
Le fuccès de la torréfaction eft affez difficile à obtenir
$ quand le corps que l’on y foumet entre en fon-
te prefque au même degré de chaleur qui eft nécef-
faire pour difllper fa partie. volatile. Ces fortes de
circonftances obligent donc i°. de triturer grpffiere-
ment le corps, qu’on veut rôtir, afin d’augmenter fes
fiirfaces 6c d’occafionner une aètion plus multipliée
de la part de l’air, a°, de modérer le feu ? crainte que
la fufiori n’ait fieu. 30. de donner üil libre accès à
l’a ir , comme étant le véhicule des vapeurs. 4°. de
répéter la trituration , au cas que le corps fournis au
rotiffage vienne à fe grumeler. 50. de l’étendre en
une couche mince. Les corps réfrafraires font bien
plus aifés à torréfier : on peut leur donner tout d’à*
bord un grand fe u , 6c l’on n’eft pas tenu de les
broyer fi fouvent, 6c de recommencer le grillage*
Lorfque l’on a à torréfier un corps qui fe fond au degré
de feu qui diflipe fa partie volatile t on abrégé
beaucoup l’opération , en lui mêlant un corps ré-
fraftaire ; mais il faut fe garder d’en employer un qui
foit contre-indiqué , par l’altération qui en pourroit
naître. Quoi qu’il en foit, on doit avoir l’attention
d’empêcher que les parties volatiles n’enlevent, en
fe dilfipant, quelques portions des matières fixes ;
Cet inconvénient naît la plûpart du tems, de ce qu’on
a donné un feu trop fort dès le commencement de-
l’opération : on le prévient à la faveur d’un fixant ,
auquel on a quelquefois recours.
Ce petit nombre de remarques générales fuffifent
ici ; le le&eur trouvera la matière traitée à fond, au
mot G rillage. ( D . J . )
TORRELAGUNA, (Géog. mod.) bourg d’Efpagne
, dans la vieille Caftille, célébré pour avoir donné
la naiffance en 143 7; au cardinal François Xiine-
nés , archevêque de Tolede, premier miniftre d’Efpagne
, 6c l’un des plus grands politiques qui aient
paru dans le monde.
La fortune le tira d’un état médiocre pour l’élevec
au frite des grandeurs ; fa famille n’avoit aucune il-
luftration , oc fon pere n’étoit qu’un colle&eur des
- décimes accordées par le pape aux rois d’Efpagne.
Lorfque fon fils eut achevé fes études, il réfolut d’aller
à Rome pour obtenir quelque emploi, 6c n’être
pas à charge à fes parens. Ayant été volé deux fois
en chemin , il fut obligé de s’arrêter à Aix en Provence
, n’ayant pas de quoi continuer fon voyage ;
heureufement un de fes compagnons d’étude lui donna
du fecours , 6c fit la route avec lui ; Cependant il
ne rapporta de Rome qu’un bref du pape pour la première
prébende qui vaqueroit dans fon pays.
En vertu de ce bref, il fe mit en poffeffion du
premier bénéfice qui vint à vaquer à fon arrivée , 6c
qui étoit tout-à-fait à fa bienféance ; mais l’archevêque
de Tolede qui en avoit pourvu un de fes aumôniers
, le refufa à Ximenès , 6c le fit mettre en pri-
fon. Sa fermeté, 6c l’intercelfion de la nièce de l’archevêque
, engagèrent ce prélat-à l’élargir ; Ximenès
promit en même tems de permuter ce bénéfice
avec la chapellenie.de l’églife de Siguença.
Cette permutation fut le premier échelon de fa
fortune, car l’évêque de Siguença ayant eu occafion
de connoître Ximenès , le choifit pouf fon grand vicaire
dans toute l’étendue de fort diocèfë. En 1492 ^
la reine Ifabelle le nomma pour fon confeffeùr; 6c
quelque tems après l’archevêque de Tolède étant
mort, elle le revêtit de cette éminente, dignité, qu’if
n’accepta qu’après une affez longue réfiftancfe, vraie
ou feinte. Il ftipula même pour conditions , qu’il ne
quitteroit jamais l’églife de Tolède , qu’on ne char-
geroit d’aucune penfion fon archevêché (le plus riche
du monde ) , 6c qu’on ne donàeroif aucune atteinte
aux privilèges 6c aux immunités de fon égliféi II eii
prit poffeffion en 1498, 6c fut reçu à Tolède avec
une magnificence, extraordinaire, v
Il débuta par des a êtes de fermeté pour le rétablif-
fement.de la difcipline ,i&.pour réprimer lès vexations
des fermiers des deniers royaux. Il caffa les juJ
gesqui vendoientla juftice , ou différoiént:de la rén-
dré; & donna de nouvelles lois pour terminer les
procès dans le terme de vingt jours au plus tard ; i l
tint deux fynodes dans lefquels il ftatua diverfes
ordonnances, qu’on a depuis obfervées en Efpagne^