s’il n’eft pas vrai que les fcholaftiques ont trouvé
une méthode plus commode & plus exafte pour en-
feigner la Théologie , &C fi leur ftyle n’eft pas ^lus fo-
Iide & plus précis que celui des anciens, il répond,
» J e l ’ai fouvent oui-dire , mais je ne puis en con-
» venir, & on ne me persuadera jamais, que juf-
» qu’au douzième fiecle la méthode ait manqué dans
» les écoles chrétiennes. Il eft v rai, ajoute-t-il, que
» les anciens n’ont pas entrepris de faire un cours
» entier de Théologie , comme ont fait Hugues de
» Saint-Vi&or, Robert Pullus, Hildebert de Tours,
♦> & tant d’autres. Mais ils n’ont pas laiffé que de
» nous donner dans leurs ouvrages le plan entier de
» la religion, comme S. Auguftin dans fon Enchiri-
» dion, montre tout ce qu’on doit croire, &c la ma-
» niere de l’enfeigner dans le livre de la doélrine"
» chrétienne. On trouve de même l’abrégé de la
» morale dans quelques autres traités, comme dans
» le pédagogue de S. Clément Alexandrin ».
» Que manque-t-il donc aux anciens, continue-t-
» il ? Eft-ce de n’avoir pas donné chacun leur cours
» entier de Théologie, recommençant toujours à di-
» vifer & à définir les mêmes matières? l'avoue que
» les modernes l’ont fait, mais je ne conviens pas
5> que la religion en ait été mieux enfeignée. L’effet
» le plus fenfible de cette méthode eft d’avoir rem-
» pli le monde d’une infinité de volumes, partie im-
» primés , partie encore manufcrits qui demeurent
» en repos dans les grandes bibliothèques , parce
» qu’ils n’attirent les leûeurs ni par l’utilité, ni par
» l’agrément : car qui lit aujourd’hui Alexandre de
» Haies ou Albert le grand »? Et il avoit remarqué
plus haut qu’il ne voyoit rien dé grand dans ce dernier
que la groffeur & le nombre des volumes.
Il obferve enfuite que les fcholaftiques prétendoient
fuivre la méthode des géo’metres , mais qu’ils ne la
fuivoient pas en effet, prenant fouvent l’Ecriture
dans des fens figurés & détournés, pofant pour principes
des axiomes d’une mauvaife pnilofopnie, ou des
autorités de quelqu’auteur profane. Puis il ajoute :
« fi les fcholaftiques ont imité la méthode des géo-
» métrés, iis ont encore mieux copié leur ftyle fec
» & uniforme. Ils ont donné dans un autre défaut,
» en fe faifantun langage particulier diftingué de tou-
» tes les langues vulgaires & du vrai latin, quoi-
» qu’il en tire fon origine. Ce qui toutefois n’eft point
» aéceffaire, puifque chacun peut philofopher en
» parlant bien fa langue. Les écrits d’Ariftote font
» en bon grec ; les ouvrages philofophiques de Cicé-
» r<5n en bon latin, &C dans le dernier fiecle Defcar-
» tes a expliqué fa doûrine en bon françois.. . .
» Un autre erreur eft de croire qu’un ftyle fec,
» contraint, & partout uniforme , foit plus clair &
» plus court que le difcours ordinaire & naturel, où
>» l’on fe donne la liberté de varier les phrafes , &
» d’employer quelques figures. Ce ftyle gêné & jette
» en moule, pour ainfi dire , eft plus long, outre
» qu’il eft très-ennuyeux. On y répété à chaque page
» les mêmes formules, par exemple ; fur cette matière
» on fait j ix quejlions ; a la première , on procédé ainfi,
» puis trois objections, puis je réponds qu'il faut dire ,
» &c. enfuite viennent les réponfes aux obje&ions.
» Vous diriez que l’auteur eft forcé par une néceffité
» inévitable de s’exprimer toujours de même. On
» répété à chaque ligne les termes de l’art : propofi-
» tion, affertion, majeure, mineure, preuve , con-
» dufion, &c. or ces répétitions alongent beaucoup
» le difcours.....
» Les argumens en fojme allongent encore nota-
» blement le difcours , oc impatientent celui qui voit
» d’abord la conclufion. Il el$ foulagé par un enthy-
» même ou par une.fimple propofition, qui fait fous-
» entendre tout le refte. Il faudroit referver les fyl-
» logifmes entiers pour des occafions rares, lorfqu’il
» faut déveloper un fophifme fpécieux,ou rendre fen-
» fible une vérité abftraite.
» Cependant, conclut-il, ceux qui font accoutu-
» més au ftyle de l’école ne reconnoiffent point les
» raifonnemens, s’ils ne font revêtus de la forme fy l-
» logiftique. Les peres de l’Eglife leur paroiffent des
» rhétoriciens pour ne pas dire des difeoureurs, parce
»qu’ils s’expliquent naturellement, comme on fait
» en converfation, parce qu’ils ufent quelquefois
» d’interrogations, d’exclamations & d’autres figures
» ordinaires, & les fcholaftiques ne voyent pas que
» les figures & les tours ingénieux épargnent beau-
» coup de paroles, & que fouvent par un mot bien
» placé, on prévient ou l’on détourne une objeûion
» qui les occuperoit long-tems.
Ces accufations font graves, & l’on ne peut gue-
res dire plus de mal de la fcholaftique ; mais elles ne
tombent que fur l’ancienne fcholaftique défigurée par
des queftions frivoles & par un ftyle barbare. Car il
faut convenir que depuis le renouvellement des études
dans le xvj. fiecle la fcholaftique a bien changé de
forme à ces deux égards. En effet, à la confidérer
dans fon véritable point de vu e, elle n’eft que la connoiffance
des divines Ecritures, interpretees fuivant
le fens que l’Eglife approuve, en y joignant les explications
& les ceniures des peres, fans toutefois
négliger les fecours qu’on peut tirer des fciences profanes
pour éclaircir & foutenir la vérité. Scholaflica.
theologia ejl divinarüm feripturarum peritia , recepto
quem ecclejia approbat fenfu, non fpretis orthodoxorum
doctorum interpretationibus & cenfuris , interdum alla-
rum difciplinarum non conumpto fujfragio. C ’ eft ainfi
que l’a connue la faculté de théologie de Paris, qui la
cultive fur ces principes, & dont le but en y exerçant
fes éleves eft de les accoutumer à la jufteffe du
raifonnement par l ’ufage de la dialeftique.
Retranchez en effet de la fcholaftique un grand
nombre de queftions futiles dont la'furchargeoient les
anciens, écartez les abus de leur méthode, & rédui-
fez-la à traiter par ordre des vérités intéreffantes du
dogme & de la morale, & vous trouverez qu’elle eft
aufli ancienne que l’Eglife. Tant d’ouvrages polémiques
& dogmatiques des peres detous les iiecles,dans
lefquels ils établiffent les divers dogmes de la religion
attaqués par les hérétiques, en font une preuve
inconteftable. Car ils ne fe contentent pas d’y expo-
fer Amplement la foi de l’Eglife , & d’apporter les
paffages de l’Ecriture & des peres fur lefquels elle eft
fondée , mais ils emploient aufli la dialeftique & le
raifonnement pour établir le véritable fens des paila-
ges qu’ils citent, pour expliquer ceux qui font allégués
par leurs adverfaires, pour réfuter les difficultés
qu’ils propofent, pour éclaircir & développer les
conféquences des principes qu’ils trouvent établis
dans l’Ecriture fainte & dans la tradition, & pour convaincre
d’erreur les fauffes conféquences tirées par
les hérétiques : enfin ils ne négligèrent rien de tout
ce qui peut fervir à faire connoître , à éclaircir & à
foutenir la vérité, à perfuader ceux qui n’en font pas
convaincus, à retirer de l’erreur ceux qui y font engagés
; pour y réuflir, ils emploient les principes de
la raifon naturelle, la fcience des langues, les fubti-
lités de la dialeélique, les traits de l’éloquence, l’autorité
des philofophes & celles des hiftoriens. On
trouve dans leurs écrits des propofitions, des preuves,
des objections, des réponfes , des argumens,
des conféquences, &c. toute la différence vient donc
de ce que la méthode des modèrnes eft moins cachée,
& qu’ils ne font pas ou n’affeâent pas de paroître fi
éloquens. Mais au fond, en font-ils moins folides
quand ils ne s’attachent qu’aux points effentiels, ÔC
qu’ils les traitent par les grands principes, comme
font les fcholaftiques modernes, fur-tout dans la faculté
de théologie de Paris? Les défauts d’une méthode
haiffante ne prouvent pas toujours qu’elle foit mau-
vaifë , & font fouvent l’éloge de ceux qui l’ont perfectionnée.
Les théologiens ont coutume de traiter plufieurs
queftions fur la dignité, l’utilité, la néceflité de la
fcience qu’ils profelient, & nous renvoyerons fur
tous ces articles le leCteur à leurs écrits : nous nous
•contenterons de toucher ce qui regarde la certitude
de la Théologie ou des conclurions théologiques. Par
* conclufions théologiques on entend celles qui font évidemment
& certainement déduites d’une ou deux
prémiffes, qui font toutes deux révélées , ou dont
l’une eft révélée, & l’autre eft Amplement connue
par la lumière naturelle, & l’on demande fi ces conclufions
font d’une égale certitude que les propofitions
qui font de foi. z°. Si elles font plus ou moins
certaines que les conclufions des autres fciences.
Si elles égalent en certitude les premiers principesou
axiomes de géométrie, philoiophie, &c.
La déçifion de toutes ces queftions dépend de fa-
voir quel eft le fondement.de la certitude des conclufions
théologiques, c’ eft-à-dire, quel eft le motif qui
détermine l’efprit à y acquiefcer. On convient généralement
que la révélation immédiate de Dieu pro-
pofée par l’Eglife, eft le motif qui porte à acquiefcer
aux vérités qui font de fo i, & que la révélation virtuelle
ou médiate , c’eft-à-dire, la connexion qui fe.
trouve entre une conclufion théologique & la révélation,
connexion manifeftée parla lumière naturelle,
eft le motif qui porte à acquiefcer aux conclufions
théoiogiques.
De-là il eft aifé d’inférer i° . que les conclufions
purement théologiques n’ont pas le même degré de
certitude que les vérités de f o i , celles-ci étant fondées
i° . fur la révélation immédiate de Dieu ; z°. fur
la déçifion de l ’Eglife qui attelle la vérité de cette révélation
, au lieu que les conclufions théologiques
n’ont pour motif que leur liaifon avec la révélation ,
mais liaifon apperçue feulement par les lumières de
la raifon ; le motif d’acquielcement, & le moyen de
connoître ce motif, font, comme on v o it , dans les
conclufions théologiques d’un ordre inférieur au mot
if qui détermine l’efprit à le foumettre aux vérités
de f o i, & au moyen qui lui découvre ce motif.
2°. Que les conclufions théologiques font plus
certaines que les conclufions des lciences naturelles
prifes en général, parce qu’on fait que celles-ci ne
font fouvent appuyées que fur des conjectures , &
que leur liaifon avec les premiers principes, n’eft
pas fi évidente que celle des conclufions théologiques
avec la révélation immédiate.
Mais on eft partagé lur la troifieme queftion ; fa-
v o ir , fi les conclufions théologiques font plus ou
moins certaines que les premiers principes géométriques
ou philofophiques ; & il y a fur ce point deux
opinions.
La première eft celle des anciens théologiens qui
foutiennent que les conclufions théologiques font
plus certaines que les premiers principes, parce que,
difent-ils, elles font appuyées fur la révélation de
Dieu, qui ne peut, ni ne veut tromper les hommes ,
au lieu que la certitude des premiers principes n’eft
fondée que fur la raifon ou la lumière naturelle, qui
eft fujette à l’erreur.
La plupart des modernes penfent au-contraire que
les premiers principes font auffi certains que les con;
clufions théologiques, parce que i° . telle eft la certitude
de ces axiomes : le tout ejl plus grand que fa
partie ; deux^chofes égales à une troifieme font égales
entre elles , &c. qu’il eft impoflible d’en affigner une
plus grande ; & qu’on fent par expérience qu’il n’eft
point de. vérités auxquelles l’efprit acquiefce plus
promptement. i° . Parce que Dieu n’eft pas moins
1 auteur de la raifon que de la révélation , d’où il
Tome X V I .
s enfuit, que fi l’on ne peut foupçonner la révélation
de faux, de peur d’en faire retomber le reproche fur
Dieu meme, on ne peut non-plus foupçonner la rai-
ton d erreur quant aux premiers principes, puifque
Dieu-nous a donné également ces deux moyens l'un
de connoître les vérités naturelles , l’autre d’adhérer
aux vérités de foi. 3°. Parce que la foi même eft en
quelque torte appuyée fur la raifon : car, difent-ils
pourquoi croyons-nous à la révélation ? parce que
nous lilvons que Dieu eft la vérité par eflence qui
ne peut ni tromper, ni être trompé; & qui eft-ce
qm nous manifefte cette vérité ? la raifon fans doute;
ç eft elle aufli qui par divers motifs de crédibilité
nous perfuade que Jefus-Chrift eft le meflie, & que
fa religion eft la feule véritable : fi donc la raifon
nous mene comme par la main jufqu’à la fo i, & fi
elle en eft en quelque forte le fondement, pourquoi
veut-on que les conclufions théologiques qu’on avoue
etre moins certaines que les vérités de foi, le foient
davantage que lés axiomes 5c les premiers principes
de la raifon? Holden, de refolut.ßdti, l. I, c. iij. *
élément., theolog. c .j.p . 12.
T héologie mystique , fignifie une efpece de
théologie rafinée & fublime , que profeffent les myf-
tiques. Voye{ Mystiques & T heologie.
Cette théologie confifte dans une connoiffance de
Dieu & des chofes divines, non pas celle que l’on
acquiert par la voie ordinaire, mais celle que Dieu
infufe immédiatement par lui-même , & qui eft afl’ez
puiffante pour élever l’amqà un état calme , pour la
dégager de tout intérêt propre, pour l’enflammer
d’une dévotion affeélueufe, pour l’unir intimémentà
Dieu , pour illuminer fon entendement, ou pour
échauffer ou animer fa volonté d’une façon extraordinaire.
‘Parmi les oeuvres que l’on attribue à S. Denis l’A-
réopagite , on trouve un difcours de théologie myfii-
que , 6C plufieurs auteurs anciens & modernes ont
écrit fur le même fujet.
T héologie posit ive, eft celle qui confifte dns
la fimple connoiffance ou expofition des dogmes &
des articles de fo i , autant qu’ils font contenus dans
les faintes Ecritures, ou expliqués par les peres &
les conciles, dégagées de toutes difputes & controverses.
Voye{ T héologie.
En ce fens, la théologie poßtive eft oppofée à la
théologie fcholaflique & polémique.
THÉOLOGIEN, f. m. (Gram.) qui étudie, enfei-
gne ou écrit de la théologie. Voye^ T héologie.
THEO LOG IVM , f. m. (Littéral.) on donnoit ce
nom chez lès anciens à un lieu du théâtre, élevé au-
defliis dépendrait où les aéleurs ordinaires paroif-
foient. C’etoit celui d’où les dieux parloient, & des
machines fur lefquelles ils defeendoient. Il falloit un
theologium pour repréfenter l’Ajax de Sophocle &C
l’Hippolyte d’Euripide. Voye^ Scaliger, poèt. l.I. c .j.
de Gronovius , fur Y Hercules Æneus de Sophocle,
a^' V . verf. ic/40. Le mot latin theologium eft formé,
de -Siof, dieu, & xéyoe, difcours. (D . J. )
THÉOMANTIE, f. f. (Antiq. greq.)
divination qui. fe faifoit par l’infpiration fuppofée de
quelque divinité ; les détails en lont curieux, le tems
ne me permet pas de les décrire, mais vous en trouverez
le précis dans Porter. Archaol. grac. I. II. c.xij.
tome I. p. zc)8. & fuiv. (D . J .)
THÉOPASCHITES, f. m. pl. (Hiß. eccléf) hérétiques
du v. fiecle, & leflateurs de Pierre le Foulon ,
d’où ils ont été appellés quelquefois Fuloniani.
Leur doélrine diftinélive étoit que toute la Trinité
avoit fouffert dans la paflion de Jefus-Chrift. Voye^
Patripassiens.
Cette héréfie fut embraflee par les moines Euty-
chiens de Scythie, lefquels en s’efforçant de l’intro- WBÈ