le l'bre de .nous-mêmes; nos vrais biefis font-
ceux de la nature-: c’eft le ciel, c’eftla terre, ce font
-ces campagnes, ces plaines, ces forêts dont elleiious
offre laiouiflance utile, inépuifable. Auffi le goût de
la chaffe,de la p êche, des jardins, de l’agriculture
eft uneoût naturel à tous les hommes ; & dans les
Aeiétfa plus fimples que la nôtre, il n’y a guère que
deux ordres, tous deux relatifs-à ce genre de vie ;
les nobles dont le métier eft la chaffe 6c les armes ^
les hommes en fous-ordre qui ne font occupes qu a
la culture de la terre. I . H
Et comme dans les fociétes policées on agrandit,
on perfectionne tout, pour rendre le plaihr de la
chaffe plus vif & plus piquant, pour ennoblir encore
cet exercice le plus noble de tous, on en a fait un
art. La chaffe du cerf demande des connoitlances
qu’on ne peut acquérir que par l’expérience ; elle
Puppofe un appareil royal, des hommes, des chevaux
des chiens, tous exerces, ftyles, dreffes, qui
par leurs mouvemens, leurs recherches ^ leur intel-
licence doivent auffi concourir au meme but. Le
veneur doit juger l’âge & le fexe ; il doit favoir dif-
tineuer & reconnoître fi le cerf qu’il a détourné (a)
avec fon limier ( 4) , eft un daguet (r),un jeune cerf
(d) , un cerf de dix cors jeunement (e), un cerf de
dix c o r s f n , ou tm vieux cerf ( g ) , & les principaux
indices qui peuvent donner cette connoiffance,
font le pié (4) & les filmées (i). Le pie du cerf eft
mieux fait que celui de la biche, fa jambe eft t t)
plus oroffe & plus près du talon, fes voies n t t font
mieux tournées, & fes allures (®) plus grandes ; il
marche plus régulièrement; il porte le pie de derrière
dans celui de devant, au lieu que la biche à le pie
plus mal fait, les allures plus courtes, & ne pofe pas
régulièrement lepié de derrière dans la trace de celui
du devant. . .
Dès que le cerf eft à fa quatrième tête (n ) , il elt
affez reconnoiflàble pour ne s ÿ pas méprendre; mais
il faut de l’habitude pour diftinguer le pié du jeune
cerf de celui de la biche; & pour être fû r , on doity
revarder de près & en revoir (o) foüvent & à plu-
fieurs endroits. Les cerfs de dix cors.jeunement, de
dix cors, &c. font encore plus aifés à reconnoître ;
& à juger, ils ont le pié de devant beaucoup plus
gros que celui de derrières. & plus ils font v ieu x,
plus les côtés des piés font gros & ufés : ce qui
fie juge aifément par les allures qui font aufii plus régulières
que celles.des jeunes cerfs,le pie de derrière
pofant toujours affez exaBement fur le pie de devant
, à moins qu’ils n’aient mis bas leurs têtes ; car
alors les vieux cerfs fe méjugent (/) prefque autant
que les jeunes cerfs, mais d’une maniéré differente
(«) Détourner le cerf, c’eft tonrner tout-autour de l'endroit
où un cerf eft entré, & s'aflùrer qu'il n’eft pasfiorn.
(b) Limier, chien que l’on choifit ordinairement parmi les
chiens courans , & que l'on dreffe pour détourner le cert, le
chevreuil, le fanglier, Oc.
(À Daguet, c’eft un jeune cerf qui porte les dagues, oc
les dagues font la première tête, ou le premier bois du cerf
oui lui vient au commencement de la fécondé année.
(J) Jeune cerf, qui eft dans la troifieme, quatrième ou
cinquième année de fa vie. - . „ ,. . r
■ (è) Cerf de dix corps jeunement, cerf qui eft dans la li-
xieme année de fa vie. , . I , >
( ƒ ) Cerf de dix corps, qui eft dans la feptieme année de
* WM Vieux cerf, cerf qui eft dans la huitième, neuvième,
dixième Oc. année de fa vie.
(h) Le pié, empreinte du pié du cerf lur la terre.
( i) Fumées, fientes du cerf.
IH On appelle jambes les deux os qui font en-bas à la partie
coftérieure , & qui font trace fur la terre avec le pie.
* (/) Voies, ce font les pas du cerf.
(ot) Allures du cerf, diftance de fes pas.
(n) Tête bois ou cornes du cerf.
(0) En revoir, C’eft d’avoir des indices du cerf parle pié.
(„) Se méjuger, c’eft, pour le cerf, mettre le pié de derrière
hors de la trace de celui de devant
&'avec uiie forte de régularité que n’ônt ni les jett*-'
nés cerfs, ni les biches ; ils pofent le pié de derrière
à côté de celui de devant , & jamais au-delà ni en-
deçà. .
Lorfque le veneur, dans les féchereffes de l’été >
ne peut juger par le p ié , il eft obligé de fuivre le
contrepié (q) de la bête pour tâcher de trouver des
fumées , & de la reconnoître par cet indice qui demande
autant & peut-être plus d’habitude que la con-
noiflànce dupié ; fans cela il ne lui feroitpas poffible
de faire un rapport jufte à l’affemblée des chaffeurs ;
& lorfque fur ce rapport l’on aura conduit les chiens
à fes brifées (r)il doit encore favoir animer fon limier
& le faire appuyer fur les voies jufqu’à ce que le cerf
foit lancé; dans cet inftant celui qui,laiffe courre (ƒ )
( on ne fait plus ufage de lancer a trait de limier, on
découple dans l’enceinte une demhdouzaine de vieux
chiens pour lancer le c e r f, & les veneurs foulent
l’enceinte à cheval en faifant du bruit pour le faire
partir), fonne pour faire découpler (r; les chiens,
& dès qu’ils le font, il doit les appuyer delà voixôc
de la trompe ; il doit auffi être connoiffeur 6c bien
remarquer le pié de fon ce r f, afin de le reconnoître
dans le change (w) ou dans le cas qu’il foit accompagné.
Il arrive fouvent alors que les chiens fe fé-
parent 6c font deux chaffes; les piqueurs (* ) doivent
fe féparer auffi 6c sompre ( y ) les chiens qui fe font
fourvoyés ({) pour les ramener & les rallier à ceux
qui chaffent le cerf de meute . Le piqueur doit bien
accompagner fes chiens , toujours piquer à côté
d’eu x , toujours les animer fans trop les preflèr, les
aider dans le change (quand un cerf eft accompagné),
les faire revenir fur un retour poqr ne fe pas méprendre
, tâcher de revoir du cerf auffi fouvent qu’il eft
poffible, car il ne manque jamais de faire des rufes ;
îlpaffe &repaffe fouvent deux ou trois fois fur fes
voies ; il cherche à fe faire accompagner d’autres
bêtes pour donner le change, 6c alors il perce, il
s’éloigne tout-de-fuite, ou bien il fe jette à l’écart,
fe cache 6c refte fur le ventre ; dans ce cas lorfqu’on
eft en défaut ( a ) , on prend les devants, on retourne
fur les derrières ; les piqueurs 6c les chiens travaillent
de concert ; li l’on ne retrouve pas la voie
du cerf, on juge qu’il eft refté dans l’enceinte dont
on vient de faire le tour ; on la foule de nouveau; 6c
lorfque le cerf ne s’y trouve pas , il ne refte d’autres
moyens que d’imaginer la refuite qu’il peut avoir
faite, vu le pays oii l’on eft, & d’aller l’y chercher;
dès qu’on fera tombe fur les voies, & que les chiens
auront relevé le défaut (£ ) , ils chafferont avec plus
d’avantage, parce qu’ils fentent bien que le cerf eft
déjà fatigué ; leur ardeur augmente à mefure qu’il
• ( f ) Suivre le contre-pié, c’eft fuivre les traces à rebours.
(r) Brifées, endroit où le cerf eft entré, fir où l’on a rompu
des branches pour le remarquer-
N o ta . Q u e comme le pié du ce r f s’ufe plus ou moins, fui-
vant la nature des terreins qu’il hab ite, il ne faut entendre
ceci que d e la comparai fon entre c e r f du même p ar c, & que
par conféquent il faut avoir d’autres connoiflances, parce que
dans le tems du ru t , on court fouvent des cerfs venus de
loin. .
( f) Lâifler courre un cerf , c’eft le lancer avec le limier ,
c’eft-à dire le faire partir.
;(/) Découpler les chiens, c’eft détacher les chiens l’un
d’avec l'autre, pour les faire chafier.
(«) Change, c'eft lorfque le cerf en va chercher un autre ,
pour le fubftituer à fa place.
(*) Les piqueurs font ceux qui courent à cheval après le*
chiens , & qui les accompagnent pour les faire chafier.
{y) Rompre les chiens , c’eft les faire quitter ce qu’ils
chaffent, & les rappeller... ï ;
(r ) Se fourvoyer, c’eft s’écarter de la voie , ©c enaiier
quelqu’autre ce r f que celui de la meute.
„ (a) Etre en défaut, c’eft lorfque les chiens ont perdu la
voie du cerf. • ; . , e a
((,) Relever le défaut, c’eft retrouver les voies du cert, 8c
le lancer une fécondé fois.
é’affoiblit, & l'eiir fehtimërttfeft d’autant plus diftinc-
tif & plus v if, que le fcerf eft plus échauffé ; auffi re-
doubient-ilâ de jambes & de voix ; & quoiqu’il faffë
alors, plus de rufes qüé jamais ; comme il ne peut plus
courir auffi vite ; ni par Conféquent s’éloigner beaucoup
des chiens * fes rufes & fès détours font inutiles
; ii n’a d’autre reffource que de fuir la terre qui
le trahit ; & de fe jetter à l’eau pouir dérober fonfeh-
timerit aux chiens. Les piqueürS tournent autoür &
remettent erifuite les chiens fur la Voie ( s’il en éft
forti ). Le Cerf ne peut aller loin , dès qu’il a battu
l’eau (fc) ; quand il eft fur fes fins (d) (.abois ) , oti il
tâche encore de défendre fa vië ; 6c bleffe foüvent
lés chiehs de Coups d’andouillers ; & même lës chevaux
des chaffeurs trop ardens, jufqu’à ce qu’un d’ert-
tr’eux lui coupe le jaret pour le faire tomber, & Tache
vè enfuite eh lui donnant un coup dè coùteaù-dè-
chaffe au défaut de l’epaule.Depuis quelque tems ori
porte iule carabine; pour empêcher le détordre qu’il
feroit dans la meute étant aux abois. On célébré eri
Thème teins là mort du Cerf pair des fanfares ; ôn le
laiffe fouler aux chiens, 6c on les fait jouir pleinement
de leur victoire en leur fâifarit faire curée (e).
Toutes les faifons, totis les tems ne font pas également
bons pour courre le cerf ( ƒ ) . Au printems, lorfque
les feuilles nàiffântes commencent à parer les forêts,
que la terre fe couvre d’hérbes nouvelles 6c s’é-
maille de fleurs ; leur pàrfum rend moins fûr le fen-
‘ riment des chiens; & comme le cerf eft alors dans fà
plus grande vigueur ; pour peu qu’il ait d’avaiïce * ils
ont beaucoup de pëine à le joindre. Auffi les chaffeurs
convièrtnent-ils que làfaifon où les biches font
prêtes à mettre bas , eft celle dé toutes où la chaffe
eft la plus difficile ; que dans' ce tems les chiehs quittent
fouvent un cerf mal mené pour tourner à une
biche qui bondit devant eux; & dè même àü com-
hiencerilent de Tatrtomne lorfqüè le cerf eft en; rüt
(g ) , les limiers quêtent fans ardeur; l’odeürfortedii
rut leur refid peut-être la Voie plus indifférente; peut-
être auffi tous les cerfs ont-ils dans cè tems à-pèu-
près la même odeur. En hiver pendant là neige on ne
peüt pas coürte le cerf ; les chiens n’ont point de feh-
timent; on voit les limiers mêmes fùivré la voie plutôt
à Tdeil qu’à To'doràt. Dans cette fâifon comme les
cerfs né trouvent point à viander (Æ) dans lés forts,
ils en fortènt, vont 6c viennent dans les pays découverts
, dans lès petits taillis, 6c même dans les terres
enfemencces ; ils fe mettent en hardes 0 dès le mois
de Décembre, 6c pendant lés grands froids ils cherchent
à fe mettre à l’abri dés côtes oü dans des endroits
bien fourrés où ils fè tiennent ferrés les uns
contre ies a.utrës , 6c fe réchauffent de leur haleine ;
à la fin de l’hiver ils gagnent les bordàgès des forêts,'
&fortent dans les blés. Au printems ils mettent bas
(à) ; la tête fe détache d’ellè-même, Ou par un petit
effort qu’ils font en s’accrochant à quelque branche;
il éft rare que les deuX côtés tombent précifément
en même tems (cependant cela n’eft pas fans exemple
; j’ai trouvé les deux côtés de tête d’uh cerf dix
cors jeünement dans la forêt de Saint-Leger-auX-
Plainveaux; qui n’éto'ieht pâs à trois piés dè diftance
l’un dé l’autre) , 6c fouvent il y â un jour ou deux
d’intervalle entre la chute de chacun des côtés de là
(<) Battre l’eau,bâttfe les èaûx, C’eft tràverfer, après avoir
été long-tems cliaffé, une riviere ou un étang. .
(ï) Abois.,' c’eft lorfque le cérf eft à l’extrémité & tout à-
foit épuifé de forcés.' , ;, . . , .
(è) Fâiré la' curéé, donner fâ ctfréè, c’éft faire manger aux
"chiens le cerf ou là bête qu’ils ont prifè.
(-ƒ ) Courre lé cerf, chafier lë cérf avec des chiens cou-
jans;.. .
(g) Rut y chaleur, ardeur, d'amour.
(«)" Viander, brouter, manger.'
(I) Harde*troupe de cerfs.
• 0 Mettre bas i C’éft lorfque le bois des cerfs tombe*
tête. Lés vieux cerfs font ceux qui mettent: bas les
premiers , vers la fin de Février ou au commencer
ment de Mars; lés cerfs de. dix cors ne mettent bas
que vers le milieu ou la fin de Mars.; ceux de dix cors
jeunement dans le mois d’Avril ;. lps jeunes cerfs aii
commèncèiiient 6c les daguets vers le milieu 6c là
fin de Mai; mais il y a.fur tout cela beaucoup, de va-:
riétës j 6c l’on voit quelquefois de vieux cerfs mettre
bas plus tard qüe d’autres qui font plus, jeunes. Ail
fëftê la mue de la tête des ce.rfs avance lorfqùe l’hiver
eft doiix ; &L retarde lorfqufil éft rude 6c de longue
durée. .
Dès qüë les cerfs ont mis bas, ils fe féparent les
uns des autres ; il n’y à plus que les jeunes qui demeurent
enfenibie ; ils ne fe, tiennent pas dans les
forts; mais^ ils gagnent le beau pays, les buiffons;
les taillis, & fourres; ils y demeurent tout Tété pour
y refaire leur tête , & dans cette, faifon ils marchent
la tête baffe ; crainte de la froiffer contre les branches
, car elle eft fenfible tant qü’elle n’a pas pris fon
entier accroiffement. La tête des plus vieux cerfs
n’eft encore qü’à moitié refaite vers le milieu du mois
dè Mai : on dit en proverbe , à La. ml-Mai mi-têtt ,
a la mi- Juiri y mi-grai(Je 6c n’eft tout:à-fait alongée
6c endurcie que vers la fin de. Juillet ; celle des plus
jeunes cerfs tombant plus tard, repôuffe & fe refait
auffi plus tard ; mais dès qu’elle eft entièrement alongée
, 6c qii’elle a pris de là folidité ; les cerfs la froN
tent contre les arbres pour la.dépouiller de là peau
dont elle eft revêtue, 6c comme ils continuent à la
frotter pendant plufieiirs joiirs de fuite , on. prétend
qu’elle fe teint de la couleur de la feve du bois auquel
ils touchent, qii’elle devient rO'uffe contre les hêtres
6c les bouleaux ; brune, contre lés chênes ,, ôf noirâtre
contre les Charmes & lés trembles. On dit auffi
que les têtes des jeunes cerfs qui font liffes 6c peq
perlées ; nè fè teignent pas à beaucoup près autant
que celles des vieux cerfs, dont les perlures font fort
près lès unes des autres, parce que ce font ces per-
lurés qui rètiènnent la fève qui coloré le bois ; mais
je rte puis me përfuader que ce foit la Vraie càufe de
cet effet, ayant eu des cerfs privés & enfermés dans
des enclos où il n’y avoit aucun arbre , . & où par
conféquent ils n’avôient pu toucher au bois , def-
quels cependant la tête étoit colorée commè celle
des autres;
Peu de têms après que les cerfs ont bruni leur tête
, ils commencent à reffèntir les impreffions du rut;
leS vieux font lès plus avancés : dès la fin d’Aôût 6t
le commencement de Septembre ,: ils quittent les
buiffôns, reviennent, dans lès forts, & commencent
à chercher les bêtes *.
, Quand les cerfs touchent aux bois pour nettoyer
leur tête de là peau qui eft deffus , le premier petit
baliveau ou petit àrbrê qu’ort apporte au rendez-vous
àuqùêl le Cerf à frotté fa tête , 6c qyi eft dépouillé
de fon éeorcè ; fe nomme frayoir, il eft prefenté au
commandant, à qui l’on fait rapport , du Cerf qui Ta
fàit ;‘ le Commandant lë préfente au grand veneur, le
grand venèur au roi'; il y a Un droit établi dans la vénerie
poiir le premier fràyôir. Salnove, daps fon chapitre
vij. dit que quand un gentilhomme de la vénerie
apportoit le frayoir ; il avoit Un cheval ; & à uiï va-»
lét dè limier Un habit ; à préferit lè roi donne pour
lê premier frayôir huit cens livrés,, qui font partagés
aux huits valets de limiers, 6c le grand venèur
leur donné auffi cent livres j qui leur fait à chacun!
cènt douze livres dix fols^ 6c/ouvent cp neftfnt pas
eux qui apportent lè premier frayojr : c’eft le réglé-'’
ment qui eft en ufage aujourd’hui dans la véntrie , &t
C’eft toujours le premier valet de limier qui le tient
quand le commandant le préfente au grand vëheur j
* Les bêtes, eh terme de Chaffe , fignifienC lës biehisi