Plotin foutient, Ennecad. V . lib. I . chap. ‘viij. Rue
cette dottrine eft très-ancienne, & qu’elle avoit
dé’ja été enfeignée , quoiqu’obfcurément par Par-
menide. Il y en a qui rapportent l’origine de cette
opinion aux Pythagoriciens , & d’autres l’attribuent à
Orphée, quia nommé ces trois principes Phanés 9i
Uranus & Cïironus, Quelques favans ne trouvent pas;
vraiflèmblable que cette trinitè d’hypoftafes foit une
invention de l’efprit humain, & M. Cudworth, en-
tr’autres , juge qu’on peut en croire Proclus, qui af-:
fure que c’en wne^théologie de tradition divine 9 ôeow*.
PaJ'crcf BtoXoytet, & qu’ayant été donnée aux Hébreux,
elle eft paffée d’eux à d’autres nations , parmi lesquelles
elle s’eft néanmoins corrompue ; & en effet,
ilfeft fort probable que les Hébreux l’aient communiquée
aux Egyptiens, ceux-ci aux Phéniciens & aux
Grecs , & que par laps de tems, elle fe foit altérée
par les recherches mêmes des Philofophes, dont les
derniers, comme c’eft la coutume, auront voulu fub-
flituer & ajouter de nouvelles découvertes aux opinions
des anciens. Il eft vrai, d’un autre côté, que le
commerce des philofophes grecs avec les Egyptiens,
ne remonte qu’au voyage quePythagore fit en Egypte,
dîï il cônverfa avec les prêtres de ce pays, ce qui ne
remonte pas plus haut que l’an du monde 3440, & il ]
y avoit alors plus de mille ans <jue les Hébreux
étoient fortis d’Egypte. Il eût été par conféquent
fort étonnant que les Egyptiens euffent confervédes
idées bien nettes & bien pures de la trinitè ; & ils
n’en purent gueres donner que de confiifes à Pytha-
gore, fur un dogme qui leur étoit, pour ainfi dire
etranger , puifqu’ils avoient eux-mêmes confidéra-
blement obfcurci ou défiguré les principaux points
de leur propre religion.
Quoi qu’il en foit, les Philofophes qui admettoient
cette trinitè d’hypoftafes, la nommoient une trinitè
de dieux , un premier, un fécond, un troifie.me dieu.- .
D ’autres ont dit une trinitè de. caufe , de principes ou
de créateurs. Numenius difoit qu’il y a trois dieux ,
qu’il nomme le pere , le fils & le petit-fils| Philon ,
tout juif qu’il éto it, a parlé d’un fécond dieu. Çette
tradition fut exprimée en termes impropres & corrompus
en diverfes maniérés parmi les payens. Il
ÿ eut quelques Pythagoriciens & quelques Platoniciens
qui dirent que le monde etoit la troifieme hypoftafe
dont il s’agiffoit, de forte qu’ils confondoient
la créature & le créateur. On ne peut pas les excufer,
en difant qu’ils entendoient principalement par - là
l’efprit ou l’ame du monde, puifque s’il y avoit une
àme du monde , qui conjointement avec le monde
fenfible compofât un animal, il faudroit que cette
àme fût une créature. 20. Il y eut encore quelques
philofophes. des mêmes feftes , qui croyant que les
différentes idées qui font dans l’entendement divin,
font autant de dieux, faifoient de la fécondé hypoftafe
un nombre infini de divinités. 30. Proclus &
quelques nouveaux Platoniciens établirent un nombre
infini de henades ou d’unités qu’ils plaçoient au-
deffus de leur premier efprit qui faifoit leur fécondé
hypoftafe, & plaçoient de même une infinité de
ho'ès ou ü efprit s au-deflus de la troifieme hypoftafe,
qu’ils nommôient la première ame. De-là vinrent une
infinité de dieux fubalternes ôu créés dans leur théologie,
céqui les jettà dans l’idolâtrie & dans la fu-
perftition , & les rendit les plus grands ennemis du
chriftianifme.
Mais de tous les anciens philofophes , aucun ne
s’eft exprimé fur cette trinitè d’hypoftafes plus formellement
que Platon. Ce philofophe établit trois
Dieux éternels, & qui ne font pas des chofes abftrai-
tes , mais des êtres fubfiftans.On peut voir là-def-
fus fa fécondé épître à Denys. La deuxieme hypoftafe
de Platon, où l’entendement eft aufli fans commencement.
Il affuroit la même chofe de la troifieme
hypoftafe, nommée Vante. Il y a là-defïùs dès paffa-
ges remarquables de Plotin & de Porphyre , qui dirent
que la fécondé e x fie par elle-même R e f i l e pere
d’elle-même, avroymn-rcç na5 eturopcLTffuç. Plotin en par^
ticulier a expliqué ce myftere, en difant- qu’encore
que la ieconde hypoftafe procédé de la première,
elle n’a pas été produite à la maniéré des créatures,
ni par un effet arbitraire-de la volonté divine ; mais
qu’elle en eft fortie comme une émanation naturelle
& néceffaire. Les trois hypoftafes de Platon font
non-feulement éternelles, mais aucune d’entre elles
ne peut être détruite. Enfin elles renferment également
tout l’univers , c’eft-à-dire, qu’elles font infinies
& toute-puiffantesv Cependant ce philofophe
admettoit entre elles une efpece de fubordination;
l’ôn agitoit dans les écoles platoniciennes à-peu-près
les memes difficultés qui ont donné tant d’exercice à
nos théologiens. Le P. Petau. Dogm. théolog. tom II.
1. 1. c . j . après avoir expliqué le fentiment d’Arius ,
a foutenu que cet heréfiarque étoit un véritable platonicien.
Tandis que M. Cudworth prétend au contraire
que c’eft S. Athanafe qui a été, dans les fenti-
mens dé Platon. Il faut avouer que l’obfcurité de ce
philofophe & defes difciples , donne lieu'de foute-
nir l’un & l’autre fentiment. Voye{ le Clerc, Bibliot-,
choif. tom. I I I . art. y.
Voilà fans doute ce qui a donné lieu à quelques
modernes d’avancer que les peres de la primitive
églife avoient puifé leur doftrine fur la trinitè dans
l’ecole de Platon; mais le P. Mourgues & le P. Bal-
thus, jéfuites , qui ont approfondi cette matière ,
montrent qu’il n’y a rien défi abfurde que de fup-
pofer que c’eft la trinitè de Platon qui a été adoptée,
dans l’Eglife, & que d’avoir recours au prétendu pla-
tonifme des peres, pour déçréditer leur autorité par
rapport à ce dogme. En effet, outre que toutes les
vérités fondamentales qui concernent çe myftere font
contenues dans l’Ecriture & ont été définies par l’Egli-
fe,quelle qu’ait été l’opinion desperes confidérés comme
philofophes , elle n’influe pqint fur le dogme de
là Trinité chrétienne , qui ne dépend nullement des
opinions de la philofophie ; & l’on peut faire, puif-
: que l’occafion s’en préfente , les trois remarques
fuivantes fur cet article de notre foi. i°. La Trinitè
que nous croyons, n’eft point une trinitè de noms &
de mots , ou de notions de métaphyfique, ou de
conceptions incomplettes de lajflivinité ; cette doctrine
a été condamnée dans Sabellius & dans d’autres
: c’eft une trinitè d’hypoftafes , de fubfîftances
& de perfonnes.2?. C’eft qu’encore que la deuxieme
hypoftafe ait été engendr ee par la première, & que
la troifieme procédé de l’une de de l’autre ; ces deux
dernieres ne font pas néanmoins des créatures, mais
font coëternelles à la première. 3 °. C’eft que ces
trois hypoftafes ne font réellement qu’un feul Dieu,
non-feulement à caufe du çonfentement de leurs volontés
, ( ce qui ne feroit qu’une unité mprale), mais
encore a caule de leur mutuelle union fie fubfiftance,
que les anciens ont nommées circum in ceffion, trtpi"
Xupwtç ou inexiflences wrrapïjtç 9 ce qui emporte une
unité réelle & phyfique.
Quoiqu’on ne puiffe trouver d’autres exemples
d’une femblable union dans les créatures ; puilque
deux fubftances diverfes font un feul homme , trois
hypoftafes divines peuvent bien faire unfeulDieu.
Ainfi quoiqu’il y ait dans çe dogme une profondeur
impénétrable, il ne renferme pourtant point de con-
tradiclion & d’impoffibilité. Au refte, il femble que
la providence divine ait confervé la trinitè lèlon le
fyftème des Philofophes dans le monde payen, juf-
qu’à ce que le chriftianifme parut, pour lui préparer
une voie par laquelle il pût être reçu des habiles
gens. Cét article efl en partie tiré des mémoires de M-
Formey, hifloriographe de l'académie royale d* Pfttjfi^
T rinité ,
TàlNïTÉ, ( f it e de la trïs-fainte. ) fête foleftinelle
que l’on célébré dans l’Eglife romaine, en l’honneur
du myftere de la Trinité, le premier dimanche après
la fête de la Pentecôte.
Quoique de tout tems on ait honoré ce myftere,
& que tout le culte des-Chrétiens confifte à adorer un
Dieu en trois perfonnes , cependant la fête particu*
liere de la Trinité eft d’une inftitution aflez recente.
Vers l’an 920 , Etienne , evêque de Liège , fit dref-
fer un office de la Trinité, qui s’établit peu à peu
dans diverfes églifes. On cèlébroit ordinairement la
, meffe de la Trinité dans les jours qui manquoient d’office
; mais le pape Alexandre IL ne voulut approuver
aucun jour particulier pour la fête de la fainte
trinitè, quoiqu’elle fût établie dans plufieurs églifes
particulières. Alexandre III. déclara fur la fin du
xije.fiecle, que l’Eglife romaine ne connoiffoit point
cette fête. Pothon, moine de Prom, qui vivoitdans
le même fiecle, en combattit l’ufage, oc il fut encore
vivement attaqué dans le xiije. fiecle , cependant le
concile d’Arles, tenu en 1260, l’établit pour fa province.
On croit que ce fut au xjv*. fiécle , que l’é-
.glife dé Rome reçut la fête de la Trinité, fous le pontificat
de Jean XXII. & que ce pape la fixa au dimanche
qui fuit immédiatement la Pentecôte , mais ce
fait eft fort douteux : car le cardinal Pierre d’Ailly,
follicita en 1405 , Benoît XIII. pour l’étàbliflement
de cette fête , & Gerfon dit que de fon tems l’infti-
tution en étoit encore toute nouvelle. Les Grecs
n’ont point encore la fête folemnelle de la Trinité,
ils en font feulement l’office le lundi, le lendemain
de la Pentecôte. Baillet , vies des faints ,
hifi. des fêtes mobiles.
T rin ité , ( critiq.facrée. ) ce mot eft reçu pour
défigner le myftere de Dieu en trois perfonnes , le
pere , le fils & le faint-efprit. Il me lèmble qu’il y
auroit de la témérité d’entreprendre d’expliquer ce
dogme, parce que vû le filence des écrivains facrés,
les explications ne peuvent être qu’arbitraires, &
chacun a droit de forger la fienne. De-là vient que S.
Hilaire par fon expreffion trina deitas , trouva tout
autant ae cenfeurs que d’approbateurs , qui difpute-
rent vainement fur un fujer dont ils ne pouvoient fe
former d’idée. Auffi^Chilpéric I. monarque fingulier,
fi le portrait que nous en a fait Grégoire de Tours
eft fidèle, voulut donner un édit pour défendre de
fe fervir même à l’avenir du terme de trinitè, & de
celui de perfonne en parlant de Dieu. Il condamnoit
le premier terme parce qu’il n’étoit pas dans l’Ecriture,
& proferivoit le fécond, parce qu’étant d’u-
fage pour diftinguer parmi les hommes chaque individu
, il prétendoit qu’il ne pouvoit en aucune maniéré
convenir à la divinité. (D . / .)
TRINITÉ , fraternité ou confrairie de la fainte , eft
une fociété inftituée .à Rome par faint Philippe de
Néry , en 1548 , pour avoir foin des pèlerins qui
viennent de toutes les parties du monde, fe rendre
dans cette ville capitale , pour vifiter les tombeaux
des apôtres faint Pierre & faint Paul. Voye^ Fraternité..
Ceux qui compofent cette fociété, ont une mai-'
fon où ils entretiennent pendant l’efpace de trois
jours non-feulement les pèlerins , mais aufli les
pauvres convalefcens, & ceux qui étant fortis trop-
tôt de l’hôpital , pourroient être fujets à des rechutes.
Cet établiflement fut d’abord fait dans l’églife de
S. Sauveur , in campo, & ne confiftoit qu’en quinze
perfonnes qui tous les premiers dimanches du mois
fe trouvoient dans cette églife , pour pratiquer les
exercices de piété preferits par faint Philippe de Néry
, & pour entendre fes exhortations ; en 1558 ,
Paul IV. donna .à • la fraternité l’églife de faint Be-
noît, que les freres intitulèrent du nom de la fainte
* Tome X V I .
Trinité. Depuis ce tems là , ils ont bâti t e joint à l’é4
glife un hôpital très-vafte, pour les pèlerins & mala*
des convalefcens»
Aujourd’hui cette fraternité eft très-conf dérable,
& la plûpart de la nobleffe de Rome de l’un ou
de l’autre fexe , lui fait l’honneur d’en être mern*
brèSi
La congrégation de la fainte Trinitè confifte eri
douze prêtres , établis dans l’hôpital de la fra^*
ternité pour prendre foins des pèlerins & de ceux
que l’on a coutume d’y entretenir.
Comme les fréquens ehangemens de prêtres don-»
noient occafion à une partie des différens qui s’éle-
voient dans cet hôpital, fur la conduite fpirituellè
&: fur l’inftrüttion des pèlerins ; les gardiens & ad-
miniftrateurs pour y établir une plus grande unifor-'
mité , y formèrent une congrégation de douze prêtres
qui logent aujourd’hui dans un quartier dè
l’hôpital, & y vivent en communauté comme dans
vin monaftere.
TRINITÉ f ( ordre de la fainte. ) Voye^ T rini-
taire s.
T rin ité c É.ÉÉE fille s d elà f i Hifi. des ord. relig.)
e’eft le nom bien étrange des religieufes de la fociété
de S. Jofeph» Ces filles avoient une maifon à
la Rochelle qui y fut établie en 1659 ; cinq ans après
les feeurs de cette maifon ayant eu envie d’embrafo
fér l’état régulier, firent des voeux , & jetterent
les fondemens d’un ordçe pour lequel on dreffa deà
réglés & des conftitutionsqui furent imprimées à
Paris en 1664, fous le titre de réglé des filles de la
Trinité créée , dites religieufes de la congrégation de
faint Jofeph , inftituée pour l'éducation des filles orphelines
dans la ville de la Rochelle. Cette feulé
maifon de la Rochelle fait jufqu’ici tout cet ordre. En 1
T rin ité maifon de la f i Hifi. mod. d'Angl. ) the
trinity-houfe ; c’eft ainfi qu’on appelle en Angleterre ^
une célébré confrairie, corporation ; ou compagnie
de gens de mer, à qui l’ufage & la légiflature ont
confié plufieurs articles de police, concernant la naj
vigation des côtes & des rivières , & particulière*
ment ce qui regarde le lamanage & le leftage
des navires.
. Elle doit fon origine à Henri VIII, q u i, par des lettres
patentes du mois de Mars de la quatrième année
de fon régné, incorpora les mariniers anglois, fous
le nom de maîtres gardiens , & aflîfians de la fociété
de la très-glorieufe Trinité , Mafler JVardens ; and
afizjlans o f the guild fraternity , or; Brothers hood o f
the mofh glorious , and individual triniti ; c’eft le
titre fingulier qu’on lui donna.
Cette confrairie fut érigée dans la paroifle de
Deptford-Strand , au comté de K e n t, où elle eut
fa première maifon ; depuis elle en a élevé quelques
autres en divers endroits , qui font celles de
Newcaftle fur la Tine , dans le Northumberland.-
Celle de Kingftone-fur Hull, dansl’YorK-Shire , ôc
celle des cinq ports. La maifon de Deptford-Strand ,
eft comme le chef lieu de la confrairie.
L’afte du parlement paffé fous Elifabeth , attribue
à la maifon de la Trinité, le droit de placer fur
les côtes d’Angleterre , les tonnes, les bouées, les
balifes & les fanaux qu’elle juge à propos, pour la
fûreté de la navigation , & l'autorife à donner aux
gens de mer, la permiflion d’exercer fur la Tamife,
le métier de batelier ; fans que qui que ce foit’
[ puiffe leur apporter aucun empêchement.
La corporation de la trinitè eft compofée d anciens
& de jeunes confrères. Il y a trente-un anciens,
le nombre des jeunes n’eft pas limité. Tout marinier,
peut prétendre d’y être admis. On tire les anciens
du nombre des jeunes. Quand une fois ils ont été-
• élus , ils conferveot cette qualité toute leur vie , à
► NNn n