les avoir ëlèvées en-haut. C’étoit un ligne de paix,
qui n’étoit accordé qu’à ceux qui étoient dans la
commmunion de l’eglife : les penitens & les excommuniés
en étoient exclus.
Les femmes accouchées d’un enfant mâle, n’entroient
dans Péglife que quarante jours après leur
délivrance ; pour une fille on doubloit le nombre des
jours, après lefquels la mere venoit dans l’affemblée
offrir fon enfant à D ieu & à l ’Eglife.
- Ces chrétiens étoient en général fort peu inftruits.
Quelques-uns feulement favoient l’oraifon dominicale
, & la falutation angélique.
. Ils craignoient extrêmement l’excommunication,
& ils avoient raifon de la craindre ; la difcipline ec-
cléfiaftique étoit fi févere, que les homicides volontaires
, & quelques autres crimes, attiraient une excommunication
dont le coupable n’etoit jamais ab-
fous, pas même à l’article de la mort.
Leurs églifes étoient fales , peu ornées, & bâties
■ à la maniéré des pagodes, ou temples des Gentils.
Nous avons déjà remarqué qu’ils n’avoient point
d’images. Nous ajouterons ici qu’ils n’admettoient
-point de purgatoire, & qu’ils le traitoient de fable.
On voit par ce détail, que ces anciens chrétiens
malabares, làns avoir eu de commerce avec les communions
de Rome, de Conftatinople, d’Antioche &
d’Alexandrie, confervoient plufieurs des dogmes ad-
•-mis par les Proteftans, & rejettés, en tout ou en partie
, par les églifes qu’on vient de nommer. Ils nioient
- la fuprématie du pape, ainfi que la tranfubftantiation,
foutenant que le facrement de l’Euchariftie n’eft que
la figure du corps de J. C. Ils excluoient aufli du
: nombre des facremens, la confirmation, l’extrème-
onôion & le mariage. Ce font là les erreurs que le
fynode de Diamper profcrivit.
Le favant Geddes a mis au jour une traduction an-
gloife des aétes de ce fynode, compofés par les jé-
fiiites ; & M. de la Croze en a donné des extraits dans
fon Hijloire du ckrijîianifme des Indes. C ’eft affez pour
• nous de remarquer qu’Alexis Menezès, nommé archevêque
de Goa , tint ce fynode après avoir entre-
pris, en 1599, de foumettre les chrétiens de S. Thomas
à l’obéiffance du pape. Il réuflit dans ce projet
par la prote&ion du roi de Portugal, Sc par le con-.
: lentement du roi de Cochin, qui aima mieux abandonner
les chrétiens de fes états, que de fe brouiller
avec les Portugais. Menezès jetta dans le feu la plupart
de leurs livres, perte confidérable pour les fa-
vans curieux des antiquités eccléfiaftiques de l’Orient
; mais le prélat de Goa ne s’en mettoit guerè en
•peine, uniquement occupé de vûes ambitieufes. De
retour en Europe, il fut nommé archevêque de Bra-
-gue, vice-roi de Portugal, & préfident du confeil
rd’état à Madrid, où il mourut en 1617.
- Cependant la conquête fpirituelle de Menezès,
ainfi que l’autorité temporelle des Portugais, reçut
quelque tems après un terrible échec, & les chrétiens
■ de S. Thomas recouvrèrent leur ancienne liberté. La
caufe de cette cataftrophe fut le gouvernement arbitraire
des jéfuites, qui par le moyen des prélats tirés
de leur compagnie, exerçoient une domination
.violente fur ces peuples, gens à la vérité fimples &
•peu remuans, mais extrêmement jaloux de leur religion.
Il paroît par le livre de Vincent-Marie de Ste
•Catherine de Sienne, que les jéfuites traitoient ces
-chrétiens avec tant de tyrannie, qu’ils réfolurent de
•fecouer un joue qu’ils ne pouvoient plus porter ; en
forte qu’ils fe firent un évêque de leur archidiacre,
au grand déplaifir de la cour de Rome.
Alexandre VII. réfolut de remédier promptement
au fchifme naiflant ; & comme il favoit que la hauteur
des jéfuites avoir tout gâté, il jetta les yeux fur
les Carmes déchauffés, & nomma quatre religieux
de cet ordre, pour ramener les chrétiens de S. Thomas
à fon obéiffance : mais leurs foins & leurs travaux
n’eurent aucun fuécès par les rufes du prélat jéfuite,
qui aliéna les efprits, & fit rompre les conférences.
Enfin la prifè de. Cochin par les Hollandois, en
1663 , rendit aux chrétiens de S. Thomas la liberté
dont ils avoient anciennement joui. Mais ces mêmes
Hollandois, trop attachés à leur négoce ^'négligèrent
entièrement la protection de ces pauvres gens. Il eft
honteux qu’ils ne fe foient pas plus intéreflés en leur
faveur, que s’ils avoient été des infidèles dignes d’être
abandonnés. (Le Chevalier D E JA U C OU R T . )
THOMA’S - T O V N , (Géogr. mod.) ville murée
d’Irlande, dans la province de Leicefter, au comté de
Kilkenny, où elle tient le fécond rang. Elle a droit
d’envoyer deux députés au parlement d’Irlande,
» B S
THOMASIUS , philosophie de , ( Hiß. de la
Philofoph'e. ) il ne faut point oublier cet nomme parmi
les réformateurs de la philofophie & les fondateurs
de l’écleftifine renouvellé ; il mérite une place
dans l’biftoire des connoiflances humaines , par fes
talens, fes efforts & fes perfécutions. Il naquit à
Leipfic en 1555. Sonpere, homme favant, n’oublia
rien de ce qui pouvoit contribuer à l’inftruCtion
de fon fils ; il s’en occupa lui-même , & il s’aflocia
dans ce travail important les hommes célébrés de fon
tems, Filier, Rapporte, Ittigius, les Alberts, Mene-
kenius, Franckenfteinius, Rechenbergius & d’autres
qui illuftroient l’académie de Leipfic ; mais l’éleve
ne tarda pas à exciter la jaloufie de fes maîtres dont
les fentimens ne furent point une regle fervile des
fiens. Il s’appliqua à la lefture des ouvrages de Grotius.
Cette étude le conduifif à celle des lois & du
droit. Il n’avoit perfonne qui le dirigeât, & peut-
être fut-ce un avantage pour lui. Puffendorf venoit
alors de publier fes ouvrages. La nouveauté des quef-
tions qu’il y agitoit, lui fufeiterent une nuée d’ad-
verfaires. Thomaßus fe rendit attentif à ces difputes,
& bientôt il comprit que la théologie & la jurifprudence
avoient chacune un coup d’oeil fous lequel
elles envifageoientun objet commun , qu’il ne fàlloit
point abandonner une fcience aux prétentions d’une
•autre, & que le defpotifme que quelques-unes s’arrogent
, étoit un caraCtere très-fufpeCt de leur infaillibilité.
Dès ce moment il foula aux piés l’autorité; il
prit une fermé réfolution de ramener toutàl’examen
de la raifon & de n’écouter que fa voix. Au milieu
des cris que fon projet pourroit exciter , il comprit
que le premier pas qu’il avoit à faire, c’étoit de ra-
maffer des faits. Il lut les auteurs, il converfa avec les
favans , & il voyagea ; il parcourut l’Allemagne ; il
alla en Hollande; Il y connut le célébré Grævius.
Celui-ci le mit en correfpondance avec d’autres érudits
, fe propofa de l’arrêter dans la contrée qu’il ha-
bitoit, s’en ouvrit à Thomaßus ; mais notre philofo-
.phe aimoit fa patrie, & il y retourna.
Il conçut alors la néceflité dé porter encore plus
de févérité qu’il n’avoit fait, dans la difeuffion des
principes du droit civil, & d’appliquer fes réflexions
à des cas particuliers. Il fréquenta le barreau , & il
avoua dans la fuite que cet exercice lui avoit été plus
utile que toutes fes leCtures.
Lorfqu’il fe crut affez inftruit de la jurifprudence
nfuelle, il revint à la fpéculation; il ouvrit une école
; il interpréta à fes auditeurs le traité du droit de
la guerre & de la paix de Grotius. La crainte de la
pefte qui ravageoit le pays , fufpendit quelque
tems fes leçons ; mais la célébrité du maître & l’importance
de la matière ne tardèrent pas à raffembler
■ les difciples épars. Il acheva fon cours ; il compara
Grotius, Puffendorf & leurs commentateurs; il remonta
auxfources; il ne négligea point l’hiftorique;
il remarqua l’influence des hypoîhèfes particulière«
fur les conféquences, la liaifon des principes avec
les cqnclufions, l’impoflibilité de fe pafler de- quel*-
que loi pofitive, univerfelle, qui fer vît de bafe à l'édifice
, & ce fut la matière d’un fécond cours qu’il
entreprit à la follicitation de quelques perfonnes qui
avoient fuivi le premier. Son pere vivoit encore , &
l ’autorité - dont il jouiflbit, fufpendoit l’éclat des
haines fourcles que Thomajius fe faifoit de jour en jour
par fa liberté de penfer ; mais bientôt il perdit le repos
avec cet appui.
ïl s’étoit contenté d’enfeigner avec Puffendorf que
la fociabilité de l’homme étoit le fondement de la
moralité de fes aérions; il l’écrivit; cet ouvrage fut
fuivi d’un autre où il exerça une fatyre peu ménagée
fur différens auteurs, & les 'cris commencèrent à s’élever.
On invoqua contre lui l’autorité eccléfiaftique
& féculiefe. Les défenfeurs *d’Àrirtote pour lequel il
affeCtoit le plus grand mépris, fe joignirent aux ju-
rifconfultes,& cette affaire auroit eu les fuites les
plus férieufes, fi Thomajius ne les eût arrêtées en
fiéchiffant devant fes ennemis. Ils l’accufoient de mé-
prifer la religion & fes miniftres, d’infulter à fes maîtres
, de calomnier l’églife, de douter de l’exiftence
de Dieu ; il fe défendit, il ferma la bouche à fes ad-
verfaires, & il conferva fon franc-parler.
Il parut alors un ouvrage fous ce titre, interejje
principum circa religionent evangelicam» Un profef-
feur en théologie, appeilé Hector Godefroi Majîus,
en étoit l’auteur. Thomajius publia fes obfervations
fur ce traité ; il y comparoit le lutheranifme avec les
autres opinions des feCiaires, & cette comparaifon
n’étoit pas toujours à l’avantage de Mafius. La querelle
s’engagea entre ces deux hommes. Le roi de Da-
nemarck fut âppellé dans une difeuffion où il s’agif-
foit entr’autres chofes de favoir fi les rois tenoient
de Dieu immédiatement leur autorité ; & fans rien
prononcer fur le fond, fa majefté danoife fe contenta
d’ordonner l’examen le plus attentif aux ouvrages
que Thomajius publieroit dans la fuite.
Il eut l’imprudence de fe mêler dans l’affaire des
Piétiftes, d’écrire en faveur du mariage entre des
perfonnes de religions différentes, d’entreprendre
l’apologie de Michel Montanus accufé d’athéifme ,
& de mécontenter tant d’hommes à la fois, que pour
échapper au danger qui riienaçoit fa liberté, il fut
obligé de fe fauver à Berlin, laiffant en arriéré fa
bibliothèque & tous fes effets qu’il eut beaucoup de
peine à recouvrer.
Il ouvrit une école à Haies fous la proteérion de
l’élefteur; il continua fon ouvrage périodique, &
l’on fe doute bien qu’animé par le reffentiment &
jouiflant de la liberté d’écrire tout ce qu’il lui plaifoit,
il ne ménagea guere fes ennemis. Il adreffa à Mafius
même les premières feuilles qu’il publia. Elles furent
brûlées par la main du bourreau ; & cette exécution
nous valut un petit ouvrage de Thomajius , où
fous le nom de Attila Frédéric Erpmmolohius, il examine
ce qu’il convient à un homme de bien de faire,
lorfqu’il arrive à un fouverain étranger de flétrir fes
produétiohs.
L’école de Haies, devint nombreufe. L’éleéleur y
kppella d’autres perfonnages célébrés , & Thomajius
fut mis à leur tête. Il ne dépendoit que de lui d’avoir
la tranquillité au milieu des honneurs ; mais on n’agi-
toit aucune queftion importante qu’il ne s’en mêlât;
&fes difputes fe multiplioient de jour en jour. Il fe
trouva embarraffé dans la queftion du concubinage,
dans celle de la magie, des fortileges, des vénéfices,
des apparitions, des fpettres, des paéles, des démons.
Or je demande comment il' eft poffibleà un philofo-
pne de toucher à ces fujet,s fans s’expofer au foupçon
d irréligion ?
Thomajius avoit obfervé que rien n’étoit plus op-
pofe aux progrès de nos connoiflances que l’attachement
opiniâtre à quelque fe&e. Pour encourager fes
compatriotes à fecouer le joug & avancer le projet de
reformer la philofophie , après avoir publié fon ouvrage
de prudentid cogitandi 6* ratiocinandi, il donna
un abrégé hiftorique des écoles de la Grece; paflant
de-là au cartéfianifme qui commençoit à entraîner
les efprits, il expofa à fà maniéré ce qu’il y voyoit
de répréhenfible, & ilinvita à la méthode écleérique.
Ces ouvrages, excellens d’ailleurs, font tachés par
quelques inexaéritudes.
Il traita fort au long dans le livre qu’il intitula ,
de Cintroduction à la philofophie radonelle , de l’érudition
en général & de fon étendue , de l’érudition
logicale, des actes de l’entendement, des termes
techniques de la dialectique, de la vérité, de la vérité
première & indémontrable, des démonftrations
de la vérité, de l’inconnu, du vraiffemblable, des
erreurs , de leurs fources,rde la recherche des .vérités
nouvelles, de la maniéré de les découvrir ; îîs ’attacha
furtout à ces derniers objets dans fa pratique de
la philofophie rationelle. Il étoit ennemi mortel de la
méthode lÿllogiftique.
Ce qu’il venoit d’exécuter fur la logique, il l’entreprit
lùr la morale ; il expofa dans fon introduction
à la philofophie morale ce qu’il penfoit en général
du bien & du mal -f de la connoiflance que l’homme
en a , du bonheur, de Dieu, de la bienveillance de
Pamour du prochain, dq l’amour de fo i, &c. d’où il
pafla dans la partie pratique aux caufes du malheur
en général, aux pallions , aux affeCtions , à leur nature
, à la haine, à l’amour,à la moralité des aCtions
aux tempéramens, aux vertus, à la volupté , à l’ambition
, à l’avarice, aux caractères, à l’oifiveté
&c. . . Il s’efforce dans un chapitre particulier à démontrer
que la volonté eft une faculté aveugle fou-
mife à l’entendement, principe qui ne fut pas goûté
généralement.
Il avoit furtout infifté fur. la nature & le mélangé
des tempéramens ; fes.réflexions fur cet objet le con-
duifirent à de vues nouvelles lùr la maniéré de découvrir
les penféeslés plus fecrettes des hommes par
le commerce journalier.
Après avoir pofé lesfondemens de la réformationt
de la logique & de la morale, il tenta,la même chofe
fur la jurifprudence naturelle. Son travail ne relia
pas fans approbateurs & fans critiques ; on y lut
avec quelque furprifé que les habitudes théorétiques
pures appartiennent à la folie , lors même qu’elles
conduilent à la vérité : que la loi n’eft point diétée
par la raifon, mais qu’elle eft une fuite de la volonté
6c du pouvoir de celui qui commande : que la diftinc-
tion de la juftice en diltributive & commutative eft
vaine : que lafagefle confifteà connoître l’homme,
la nature, l’efprit & Dieu : que toutes les aérions font
indifférentes dans l’etat d’intégrité : que le mariage
peut etre momentané : qu’on ne peut démontrer par
la raifon que le concubinage, labeftialité , &c. foient
illicites &c. . .
Il fe propofa dans ce dernier écrit de marquer les
limites dé la nature & de la grâce , delà raifon & de
la révélation.
Quelque tems après il fit réimprimer les livres de
Poiret de l’érudition vraie , faufle & fuperficielle.
Il devint théofophe, & c’eft fous cette forme qu’on
le voit dans fapneumatologie phyfique.
Il fit connoiflance avec le médecin célébré Frédéric
Hoffman, & il prit quelques leçons de cet habile
médecin, fur la phyfique méchanique, chimique &
expérimentale ; mais il ne goûta pas un genre d’étude
qui, félon lui, ne rendoit pas des vérités,en proportion
du travail & des dépenfes qu’il exigeoit.
Laiffant-là tous les inftrumens de la phyfique , il
tenta de concilier entr’elles les idées mofaïques ,
cabaliftiques & chrétiennes , & il compofa fon
tentamen de naturâ & ejfenùdfpiritûs. Avec quel étoiv*