raine, 6c capitaine des cent-fuiffes, connu par fon
combat fingulier à la tête de l’armée d’Henri IV. contre
Marivaux.Les fervices de ce pere, le mérité particulier
du fils, 6c le crédit qu’il avoit dans la maifon
•de Ne vers, fembloient être des affurances qu’il par-
viendroit un jour aux premières dignités de l’Églife;
néanmoins, comme il étoit fort ftudieux, il eut le
même fort qu’ont prefque tous les gens de lettres
fans intrigue, 6c uniquement dévoués aux mufes;
c’eft-à-dire, qu’on lui donna de belles efpérances,
& qu’il ne travailla point à en obtenir les effets.
L’abbe de Villeloin continua fi bien au contraire
de travailler pour les lettres feules, qu’il compofa
foixante-neuf ouvrages, dont la plupart étoient des
tradu&ions d’auteurs clafliques : traduftions très-
titiles dans leurs teins, 6c qui ont dû lui coûter beaucoup
; mais on les eftime fort peu de nos jours, &
même fans rendre affez de juftice à un homme qui a
frayé le chemin du mieux. Les mémoires de fa vie
contiennent des chofes intéreffantes.
N’oublions pas de dire qu’il eft un des premiers
françois qui ait eu la curiofité des eftampes. Il en
fit un ample &c excellent recueil, 6c en donna deux
catalogues qui font recherchés. Son beau recueil a
paffé dans le cabinet du ro i, 6c c’eft un avantage
pour le public.
L’abbé de Marolles mourut à Paris en 1681 , âgé
de quatre-vingt-un ans. Il étoit alors le plus ancien
abb é, 6c aVoit été le plus laborieux du royaume.
( Ic Chevalier D E J AU COU R T .)
TOURAN , ( Géog. mod.) ancien nom du pays de
Turqueftan, qui tire' fon origine de Tours, fils de
Féridoun roi dePerfe, de la dynaftie des Pifchda-
diens. Le Touran eft une vafte contrée , qui renferme
tout ce qui s’appelle \a grande T anurie, depuis l’Oxus
jufqu’en Mofcovie, Sibérie 6c Chine. Timur-Bec ré-
duifit fous fa domination tout le pays de Touran, que
Genghiz-kan avoit autrefois partagé entre lés deux
fils. {D . J.)
TOURANGETTES, f. f. pl. ( Lainage.) efpece
de petites ferges qui fe fabriquent en quelques lieux
de la généralité d’Orléans,particulièrement au mon-
toir : elles font ou blanches ou grifes, & fe font toutes
de laines du pays. Savary. (D . J.)
TOURBE , f f. {Hiß. nat.) tmfa; hümus palu-
firis; humus vegetabilis, lutofa; torvena, c’eft une terre
brune,inflammable,formée par la pourriture des plantes
6c des végétaux, & que l’aûion du feu réduit en/
une cendre jaune ou blanche.
On peut compter deux efpeces de tourbe ; l’une eft
compare, noire & pefante. Les plantes dont cette
efpece eft compofée, font prefqu’entierement détruites
& changées en terre, 6c l’on n’y en trouve
que très - peu dé veftiges ; c’eft la tourbe de la meilleure
qualité. La bonne tourbe de Hollande' éft de
cette efpece. Quand elle eft allumée, elle conferve
le feu pendant très-longtems ; elle fe confume peu-à-
peu, après avoir été convertie en charbon, 6c elle
fe couvre entièrement d’une enveloppe de cendres
blanches.
La fécondé efpece de tourbe eft brune , légère,
fpongieufe ; elle ne paroît que comme un amas de
plantes 6c de racines qui n’ont prefque point été
détruites, 6c qui n’ont fouffert que très-peu d’altération
; cette tourbe s’enflamme très-promptement,
mais ellè ne conferve point fa chaleur pendant long-
tems. La tourbe de cette derniere efpece fe trouve-
communément près de la furface de la terre ; au-lieu
que la première fe trouve plus profondément ; 6c
pour l’ordinaire au-deffous dé la tourbe légère décrite
en dernier lieu.
I O n trouve de la tottrbe en une infinité d’endroits
de l’Euiope. Il y en a en France, en Angleterre, en
Suede, en Allemagne-; mais c’eft fur-tout-en Hollande
qu’on en trouve une grande quantité de la
meilleure qualité. En effet, il n’eft point étonnant
qu’un pays échappé aux eaux, 6c qui a éprouvé de
leur part des révolutions continuelles , renferme
dans fon fein une fubftance à la formation de laquelle
les eaux font néceffaires. y o ic i la maniéré
dont les Hollandois travaillent à tirer la tourbe.
On commence d’abord par s’affurer fi un terrein
en contient ; cela fe fait en enfonçant en terre des
pieux ou de longs bâtons ; on juge que ce terrein
contient de la tourbe, par la facilité avec laquelle ils
entrent après avoir percé la première croûte que
forme le gazon des prairies. Au-deffous de cette
croûte la terre eft molle 6c détrempée ; elle ne
préfente aucune réfiftance, jufqu’à ce qu’on foit
parvenu à la couche de fable, qui ne fe trouve fou-
vent qu’à une profondeur considérable. Comme cette
terre eft très-délayée par la grande quantité d’eau
qui eft toujours dans un pays fi bas, 6c dont le fol
eft prefque par-tout au-deffous du niveau des rivières.
Pour peu qu’on faffe de mouvement, on
fent le terrein trembler fous fes pies, lorfqu’on, eft
au-deffus des endroits qui renferment de la tourbe ;
il feroit même dangereux d’y paffer à cheval, parce
que la croûte formée par le gazon n’eft point toujours
affez forte pour foutenir un grand poids ; 6c
alors on courroit rifque de le noyer dans un bourbier
liquide qui eft au-deffous, 6c qui n’eft autre
chofe que la tourbe délayée.
Lorfqu’on s’eft affuré de fa préfence, on écarte
le gazon qui eft au-deffus, 6c l ’on enlève avec des
bêches 6c des pelles la tourbe qui eft en-deffous ;
comme le pays eft fort bas, l’eau ne tarde point à
remplacer la tourbe que l’on a enlevée; alors on
conduit un bateau dans l’endroit oii l’on a creufé;
des hommes fe fervent de longs bâtons, au bout def-
quels font des petits filets foutenus par des cercles de
fer, & avec ces filets ils tirent le bourbier qui eft
dans la foffe ; ils en chargent leur bateau ; ils foulent
avec les piés ce Bourbier liquide; après quoi ils vont
avec leur bateau le tranfporter vers un côté de la
prairie, où l’on a formé une aire ou un efpace uni
deftiné à recevoir cette terre foulée 6c délayée.
Cette aire eft une enceinte entourée de planches
pofées fur le tranchant, de maniéré à pouvoir retenir
la tourbe ou le bourbier liquide qu’on y jette ; on
en met de l’épaiffeur d’environ un pié ou un pie 6c
demi. Quand cet emplacement eft rempli, on laiffe
le bourbier fe fécher pendant la belle faifon ; l’épaif-
feur du bourbier eft alors fort diminuée ; 6c tandis
que cette terre a encore une certaine molleffe, on y
forme des lignes en longueur 6c en largeur avec un
infiniment tranchant, afin de pouvoir à la fin de
l’été divifer plus aifément la tourbe, après qu’elle aura
été entièrement féchée, en parallépipedes, qui ont
communément fept à huit pouces de longueur, fur
quatre o'u cinq pouces d’épaiffeur. C’eft-là la forme
que l’on donné à là tourbe ën Hollande ; elle la rend
plus propre à s’arranger comme des briques pour
faire du fèu; lorfqu’elle a été ainfi préparée, ôn la
charge fur des barques, 6c on la tranfporte .pour
la débiter.
Ën Hollande les endroits d’oii l’on a tiré la tourbe,
fe rempliffent d’eau, 6c deviennent un terrein entie-
ment perdu ; c’eft pourquoi l’état fait payer très-
; cher aux particuliers la permifiion de creufer fon terrein
pour en tirer, cette fubftance ; ils font, obligés
' d’afligner un autre bien folide, qui alors fe trouve
chargé des taxes que payoit le. terrein qu’on veut
faire difparoître. L’on voit en plufieurs endroits de
la Hollande des efpeces de lacs immenfes qui ont été
formés par la main des hommes, dans les endroits
1 d’oii l ’on a tiré la tourbe.
Comme le bois éft trèsreher & très - rare en Hollande,
la tourbe eft prefque l’unique chauffage qu’on
y connoiffe, & les habitans font forcés de diminuer
continuellement le terrein qu’ils occupent pour fe
le procurer. La tourbe en brûlant répand une odeur
incommode pour les étrangers qui n’y font point
accoutumés ; mais cet inconvénient eft compenfé
par la chaleur douce que donne cette fubftance, qui
n’a point l’âpreté du feu de bois ni du charbon de
terre.
La tourbe n’ eft point par-tout d’une fi bonne qualité
; les plantes qui la compofent ne font point fi
parfaitement détruites & changées en terre ; alors,
comme nous l’avons déjà obfervé, la tourbe eft plus
légère, elle eft d’une couleur brune ou jaunâtre, 6c
elle ne conferve point le feu fi long-tems. De cette
efpece eft fur-tout la tourbe qui fe trouve dans un
canton du Brabant hollandois, voifin de la Gueldre
pruflienne 6c autrichienne, que l’on nomme Peeland;
fon nom lui vient d’un terrein d’une étendue très-
confidérable, appellé Peel, qui eft entièrement com-
pofé de tourbe, c’e ft-à -d ire de débris de végétaux,
de feuilles, de plantes, détruites 6c devenuès compactes.
Un phénomène fingulier que préfente ce grand
marais, c’eft qu’on trouve au-deffous de la tourbe
une grande quantité d’arbres, & fur- tout de fapins,
enfevelis quelquefois à une très-grande profondeur,
& cependant très-bien conférvés ; ces arbres font
tous couchés vers le fud-eft, ce qui femble prouver
que c’eft un vent de nord- ou eft qui les a rerive rfés,
& qui a caufé la révolution 6c le déluge de fable
dont tout ce pays a été inondé. En effet, tout ce
canton, qui eft couvert de bruyères , eft entièrement
fablonneux, fans aucun mélange de bonne
terre ou de terreau ; il y a de certains endroits oîi
lorfqu’on creufe à deux ou trois piés, on trouve au-
deffous du fable une couche ou une efpece de plancher
très-dur 6c très-compaéle, qui n’ eft abfolument
qu’un amas de feuilles d’arbres 6c de plantes à moitié
pourries , preffées les unes fur les autres, dont
l’odeur eft infqpportable. Quand cette fubftance ou
cette tourbe à demi formée a été expolee à l’air pendant
quelque tems, elle fe partage en feuillets T 6c
l’on diftingue très - aifément que cette couche qui
formoit une efpece de plancher épais fous le fable
n’eft qu’un amas immeniè de feuilles entaffées & qui
ont pris corps. Ce phénomène prouve d’une façon
très-décifive l’origine de la tourbe, & fait voir qu’elle
doit fa naiffance à des végétaux pourris & changés
en terre.
Le tom. V I . pagi 441. du magajîn d'Hambourg ,
donne une defeription fort curieufe d’une tourbe qui
fe trouve à Langenfaltza en Thuringe. Lorfqu’on
creufe le terrein dans cet endroit, on trouve immédiatement
au-deffous de la terre végétale une efpece
de tuf qui femble compofé d’un amas de tuyaux ;
quelquefois ce tuf eft précédé de quelques lits d’un
labié mêlé de coquilles de riviere. Enfuite on rencontre
un banc d’un tuf plus compacte 6c qui fait une
pierre propre à bâtir. C e banc eft fuivi d’un tuf moins
ferré, quelquefois de fable, & enfuite d’un autre
banc de pierre compa&e ; mais dans de certains endroits
il fe trouve un intervalle vuide entre les deux
bancs de;pierre. Lorfqu’on perce ce fécond banc de
pierre, on trouve ou un tuf poreux, ou un fable jaunâtre
, après quoi on rencontre une couche de tourbe
, qui eft fume de nouveau d’un fable jaunâtre, 6c
enfin d’une argille grife dont on peut fe fervir pour
fouler les étoffes. Les deux bancs de pierre ne font
point par - tout de la même épaiffeur ; pris enfemble
ils font tantôt de 6 , tantôt de 12 piés. La couche de
tourbe eft d’un, deux, ou tout-au-plus de trois piés
d’epaiffeuf ; on voit diftinftement qu’elle eft formée
d’un amas d’écorces d’arbres, de bois, de feuillës
Tournes, & parfçmées de petites coquilles de riviere
6c de jardin. Il y a des endroits oii l’on trouve
des arbres entiers enfouis dans la tourbe ; on prétend
même qu’il s’y eft quelquefois trouvé des troncs
d’arbres coupes, furlefquels on voyoit encoie les
coups de la coignée, 6c l’on s ’apperçoit aifément
que le tuf fiftuleux qui étoit au-deffus de la tourbe ,
n’avoit été originairement qu’un amas de joncs, de
rofeaux, de prêles, 6c de plantes femblables, qui
croiffent dans les endroits marécageux, dont cependant
il ne fe trouvoit plus aucuns veftiges. M. Scho-
ber, à qui ces obfervations font dûes, remarque
comme une chofe finguliere, que dans ce canton,
dans tout l’efpace qu’occupent les couches qui ont
été décrites, on ne rencontre pas le moindre veftige
de corps marins ; mais dans la couche de glaife qui
eft au-deffous des précédentes, on trouve une grande
quantité d’empreintes de coquilles de mer. Quant
aux coquilles que l’on voit dans le tuf 6c dans la
tourbe, il eft aile de s’appercevoir que ce font des
coquillages terreftres 6c de riviere. On a rencontré
dans la pierre compare ou dans le tuf qui couvre
cette tourbe, des épis de blé, des noyaux de prunes ;
6c même depuis quelques années, l’auteur dit qu’on
y a trouvé la tête d’un homme. On y a pareillement
rencontré des dents, des mâchoires, 6c des offemens
d’animaux d’une grandeur prodigieufe. On a cru devoir
rapporter tout ce détail, parce qu’il eft très-
•curieux pour les naturaliftes, qui pourront voir par-
là la formation de la tourbe, aufli-bien que celle du
tuf qui l’accompagne. Voyeç T uf.
Les Mémoires de L'académie royale de Suede, de Vannée
174$, parlent d’une efpece de tourbe qui fe trouve
dans la province de "Weftmanic, près des mines de
Brefioc, dans le territoire de Hiulfoe : on s’en fert
avec grand fuccès dans les forges des environs où l’on
forge du fer en barres, ce qui épargne beaucoup de
bois. Cette tourbe a cela de particulier, qu’en brûlant
elle fe réduit en une cendre blanche 6c légère comme
de la poudre à poudrer les cheveux, tandis que pour
l’ordinaire la tourbe donne une cendre jaunâtre : près
de la furface de la terre cette tourbe eft fpongieufe 6c
légère, comme cela fe trouve par - tout où l’on tire
de la tourbe ; mais plus on enfonce,' plus elle eft pefante
6c compacte, 6c l’on peut en enlever huit, neuf,
6c même onze bêches les unes au - deffus des autres
avant de parvenir au fond : on y rencontre quelquefois
des racines de fapin, 6c même il eft arrivé une
fois de trouver dans cette tourbière la charpente entière
d’une grange, qui paroit y avoir été enfouie
par quelque inondation. Cette efpece de tourbe en
léchant au foleil fe couvre d’un enduit ou d’une moi-
fiffure blanche comme fi on l’avoit faupoudrée de
fel. Toute la tourbe que l’on trouve dans cet endroit
ne donne point une cendre blanche ; il y en a d’autre
qui fe réduit en une cendre jaunâtre, cela vient des
plantes plus groflieres dont elle eft compofée; auflï
y remarque-t-on diftinélement une grande quantité
de racines, de feuilles, de joncs, de rofeaux, &c.
Lorfqu’elles ont été brûlées, ces fubftances donnent
une cendre quelquefois aufli jaune que de l’ochre.
M. Heffelius, auteur du mémoire dont ces détails font
tirés, dit que la même tourbe qui donne une cendre
fi blanche, peut aufli donner une couleur noire, qui
peut s’employer comme le noir - de - fumée, 6c qui
eft propre à fervir dans la peinture, parce qu’elle
s’incorpore très-bien avec l’huile. Lorfque cette
tourbe eft bien allumée , 6c que l’on a lieu de croire
que le feu l’a entièrement pénétrée, on l’éteint fubi-
tement dans de l’eau ; après en avoir féparê la cendre
blanche on peut l’écrafer fur du marbre, & s’en
fervir enfuite pour peindre. Voyeç les Mémoires de
Vacadémie royale de Suede, tom. VII. annee 1745.
On voit par ce qui précédé , que la tourbe peut
être d’une très-grande utilité; 6c dans les pays où le