Si je pou vois ni ’a ffur êr qy’u n tériioi’n a'bieri vu, &
«éru’U a voulu me. dit,e yrai , foftjténio^on‘,ë e Pour mo^
, ideyiendroit infaillible : ce n’eft qu’à proportion des
■ degrés de ç^tte -double, affûta,nce que croît ma .pef-
fnafion ;?elie,0e s’éleyerajamais jufqu’à une.'pleine
Vden^nflraüon.)Cta0t quelle ;témoignage fera-unique,
& que je confidprerai le^ témoin ,çn particulier. ; par-
_-cq;que quelque conno-j$ïuiCe,que j ’aye du coeurthu-
..main,.jene le. qonfioîtrai jamais affez parfaitement
.pour epdpyiner Jes diyers.caprices, &C tous les ref-
. forts myftérieux qui lefontraouvoir. Maisrce que je
.chercheroi-s envain dans un témoignage ,■ je le trouve
; dans\l,e cojnqpîjrs de plufieurs ; témoignages, parce
-que-Inhumanité %’y peint ;. je . puis-, en conséquence
.des lois que fuivent les efprits, affûrer que la feule
vérité a pû réunir tant deperfonnes., dont- les inté-
rets font li divers, &c les paffions -fi oppofées. L’er-
reur a, différentes formes y félon ie tour d’efprit des
■ hommes , félon les préjugés de religion & d’éducation
.dans.lesquels ils font nourris-: fi donc je les vois,
-malgré cette prpdigieulè, variété de préjugés qui différencient
li forf.les nations 9 fe réunir dans la dépo^
fition d’un même fait, je ne dois nullement douter de
fa réalité. Plus; vous me -prpuyerez que les paffions
qui gpuvernent les hommes font bifarres, capricieuses
, & déraifonnables ,j plus vous ferez éloquent à
m’exagérer la multiplicité d’erreurs qui font naître
tant de préjugés différens; & plus vous me confirmerez,
a votre grand étonnement, dans la perfua-
üon où .je fuis, qu’il n’y a que la vérité :qui puiffe
faire parler de la même maniéré tant d’hommes d’un
caraâere oppofé. Nous ne faurions donner l’être à la
vérité. ; ;elle exifte indépendamment de, l’homme :
e llen ’eft donc fujette ni de nos paffions ni de , nos.
préjugés : l’erreur au contraire qui n’a d’aiitre réalité
que celle que nous lui donnons, fe trouve par fa
dépendance obligée de prendre la forme que nous
•voulons lui donner : elle doit donc être toujours par
fa nature marquée au coin de celui qui l’a inventée;
auffi eft-il facile de connoître la trempe de l’efprit
d’un homme aux erreurs qu’il débite. Si les livres, de
morale,au lieu de contenir les idées de leur auteur,
n’étoient, comme ils doivent être, qu’un recueil
d’expériences fur l’efprit de l’homme, je vous y ren-
.voyerois pour vous convaincre du principe que j’avance.
Choififfez un fait éclatant 8c qui intéreffe , ÔC
.vous verrez s’il eft poffible que le concours des témoins
qui l’attellent puiffie vous tromper. Rappellez-
.vous la glorieufe journée de Fontenoi ; putes-vous
douter de la vidoire fignalée remportée par les François
, après la dépofition d’un certain nombre de témoins
? vous ne vous occupâtes dans cet inftant ni
de la probité ni de la fincérité des témoins ; le concours
vous entraîna, & votre foi ne put s’y réfufer.
Un fait éclatant & intéreffant entraîne des fuites après
lui : ces fuites fervent merveilleufement à confirmer-
la dépofition des témoins; elles font aux contemporains
ce que les monumens font à la poftérité ; côm-
me des tableaux répandus dans tout le pays que. vous.
habitez, elles repréfentent fans ceffe à vos yeux le
fait qui vous intérefle : faites-les entrer dans la com-
hinaifon que vous ferez des témoins enfemble, & du ,
fait avec les témoins ; il en.réfultera une-preuve
d’autant plus forte, que toute entrée fera fermée à
l ’erreur ; car ces faits ne fauroient fe prêter aux paf-
lions &c aux intérêts des témoins.
. Vous demandez, me dira-t-on, pour êtreaffuré ,
id’un fait invariablement, que les témoins qui vous1
le rapportent ayent des paffions oppofées & des in-. :
ïérêts divers : mais fi ces cara&eres de vérité, que je
ne defavoùe point, étpiènt uniques, on p.ourroir douter
de certains faits qui tiennent non-feulement à ia
religion , mais qui même.en font la bafe. Les apôtres »
©’ayçient ni des paffions oppofées m des intérêts divers:
votre combinaifon; continuera-t-on, devenant
par-Ià impoffible; nousne pourrons point noüs affû-
ref ides, faits qu’ils attellent. ■
Cétte difficulté feroit fans doute mieux placée ailleurs,
bti^e difcuterai les faits deTévangile : mais il
faut arrêter des ffoupçons-injuftes- ou igrtOraris.'Dé
tous les: faits que nous crbyôns-, je n’én cqnnois-au-
cun qui foit plus fufceptibîe de là combinaifon dont
Reparle, que les faits de l’évangile. Cetteeombinai-
fon eft même ici plus frappante, & je crois qu’elle
acquiert un degré de force, parce qu’on peur combiner
les témoins entr’eux & encore avec les faits.
Que veut-on dire lorfqu’on- avance que les apôtres
n’avoient ni des paffions oppofées: ni des' intérêts di-
vers;;& que toute combinaifon par rapport à eux eft.
impoffible ? A Dieu ne plaife que je veuille prêter ici
des paffions à ces premiers fondateurs d’une religion
certainement divine; je fai qu’ils n’avoient d’autre
intérêt que celui de la vérité : mais-je ne le fai que
parce que je fuis convaincu de la vérité de la religion
chrétienne ; & un homme qui fait les premiers pas'
vers cette religion peut, fans que le chrétien qui travaille
àTa converfion doive le trouver mauvais, ra tionner
fur ies apôtres comme fur ie refte des hom-’
mes. Pourquoi les apôtres n’étoient-ils conduits ni
par la paffion ni par l’intérêt ? c’eft parce qu’ils dé-1
fendoient une vérité, qui écartoit loin d’elle & la paffion
& l’intérêt. Un Chrétien inftruit dira donc à ce-'
^ijjji qu’il veut convaincre de la religion qu’il profefle : -
files faits que les apôtres rapportent n’étoient point
vrais, quelqu’intérêt particulier ou quelquepaffion
favorite les auroient portés à défendre fi opiniâtrement
l’impofture, parce que le menforrge ne peut de->
voir fon origine qu’à la paffion & à l’intérêt : mais , •
continuera ce chrétien, perfonne n’ignore que fur
un certain nombre d’hommes il doit s’y trouver des
paffions oppofées & des intérêts divers; ils ne s’ac-
corderoient donc point s’ils avoient été guidés par la
paffion & par l’intérêt : on eft donc forcé d’avoiier •
que la feule vérité forme cet accord. Son raifonne-j
ment recevra une nouvelle force, lorfqu’après avoir ■
comparé les perfonnes entr’elles, il les rapprochera
des faits. Il s’appercevra d’abord qu’ils font d’une
nature à ne favorifer aucune paffion, & qu’il ne
fauroit y avoir d’autre intérêt que celui de la v é- ■
rité qui eut pu les engager à les attefter. Je ne dois
pas étendre davantage ce raifonnement ; il fuffit
qu’on voie que les faits de la religion chrétienne '
font fufceptibles des caraâeres de vérité que nous
affignons.
Quelqu’un me dira peut-être encore : pourquoi
vous obftinez-vous à féparer la probabilité de la cer-
titude ? pourquoi ne convenez-vous point avec tous :
ceux qui ont écrit fur l’é vidence morale, qu’elle n’eft
qu’un amas de probabilités ?
Ceux qui me font cette difficulté, n’ont jamais-
examiné de bien près cette matière. La certitude eft
par elle-même indivifible : on ne fauroit la divifer
lans la détruire. On l’apperçoit dans un certain point
fixe de combinaifon, & c’eft celui oit vous avez allez
de témoins pour pouvoir affûrer qu’il y a des paffions
oppofées ou des intérêts divers, ou fi l’on veut >
encore., lorfque les faits ne peuvent s’accorder ni
avec les paffions ni avec les intérêts de ceux qui les
rapportent; en un mot, lorfque du côté des témoins .
ou du côté du fait ori voit évidemment qu’il ne fauroit
y avoir d’unité de motif. Si vous ôtez quelque
circonftance néceffaire à cettexombinaifon, lacer-
titude du fait difparoîtra pour vous. Vous ferez obligés
de vous rejetter fur l’examerç des: témoins qui
relient , parce que n’en ayant pas aflez pour qu’ils
puiffent représenter le caraétere de l’humanité, vous •
êtesoblieésd’examiner chacun en particulier. Or. voit
là la différence , fiftenxielle entre la probabilité & la
Certitude;
certitude ; cèllè-ci prend fa fource dans les loifc générales
que tous les hommes fuivent, & l’autre dans
l’étude du coeur de celui qui vous parle ; l’Une eft
fufceptibîe d’accroiffement, & l’autre ne l’eft point.
Vous ne feriez pas plus cértain del’exiftence de Rome
, quandmême vous l’auriez fous vos yeux ; votre
certitude changeroitde nature, puifqu’elle feroit phy-
fique : mais votre croyance n’eri deviendroitpaS plus
inébranlable. Vous me préfentez plufieürs témoins,
& vous me faites part de l’examen réfléchi que vous
avez fait de chacun en particulier ; la probabilité fera
plus ou moins grande félon le degré d’habileté que je
vous connois à pénétrer les hommes. Il eft évident
quaegs examens particuliers tiennent toûjours de la
cofipôure ; c’eft une tache dont on ne peut les laver;
Multipliez tant que vous voudrez ces examens ; fi voi
tre tête rétrécie ne faifit pas la loi que fuivent les efprits
, vous augmenterez, il eft vrai, le nombre de vos.
probabilités : mais vous n’acquerrez jamais la certitude.
Je fens bien ce qui fait dire que la certitude n’eft
qu’un amas de probabilités ; c’eft parce qu’on peut
paffer des probabilités à la certitude ; non qu’elle en
fo it , pour ainfi dire, compofée , mais parce qu’un
grand nombre de probabilités demandant plufieurs
témoins , vous met à portée, en laiffant les idées
particulières , de porter vos vues fur l’homme tout
entier. Bien loin que la certitude réfulte dé ces probabilités
, vous êtes obligé , comme vous voyez, de
changer d’objet pour y atteindre. En un mot, les
probabilités ne fervent à la certitude , que parce que
par les idées particulières vous paffezaux idées générales.
Après ces réflexions il ne fera pas difficile de
fentir la vanité des calculs d’un Géomètre Anglois
qui a prétendu fupputer les différens degrés de certitude
que peuvent procurer plufieurs témoins : il fuf-
fira de mettre cette difficulté fous les yeux pour la
faire évanouir.
Selon cet auteur , les divers degrés de probabilité
néceffaires pour rendre un fait certain, font comme
un chemin dont la certitude feroit le terme. Le premier
témoin, dont l’autorité eft allez grande pour
m’aflurer le fait à demi, enforte qu’il y ait égal pari à
faire pour & contre la vérité de ce qu’il m’annonce ,
me fait parcourir la moitié du chemin. Un témoin
auffi croyable que le premier, qui m’a fait parcourir
la moitié de tout le chemin , par cela même que fon
témoignage eft du même poids, ne me fera parcourir
que la moitié de cette moitié , enforte que ces deux
témoins me feront parcourir les trois quarts du chemin.
Un troifième qui furviendra ne me fera avancer
que de la moitié fur l’efpace reliant, que les deux autres
m’ont laiffé à parcourir ; fon témoignage n’ex-
cedant point celui des deux premiers , pris féparé-
ment, il ne doit comme eux me faire parcourir que
la moitié du chemin quelle qu’en foit l’étendue. En
voici la raifon fans doute, c’eft que chaque témoin
peut feulement détruire dans mon efprit la moitié des
raifons qui s’oppofent à l ’entiere certitude du fait.
Le Géomètre Anglois, comme on v o it , examine
chaque témoin en particulier , puifqù’il évalue le té-
moignage de chacun pris féparément ; il ne fuit donc
pas le chemin que j’ai trace pour arriver à la cenitu-
de. L^premier témoin me fera parcourir tout le chemin
, fi je puis m’aflurer qu’il ne s’eft point trompé ,
& qu’il n’a pas voulu m’en impôfer fur le fait qu’il
me rapporte. Je ne faurois, je l’avoiie , avoir cette
affurance : mais examinez^en la raifon, & vous vous
convaincrez que ce n’eft que parce que vous ne pouvez
pas connoître les paffions qui l’agitent, oul’inté-
rct qui le fait agir. Toutes vos vues doivent donc fe
tourner du coté de cet inconvénient. Vous paflez à
1 examen du fécond témoin, ne deviez-vous pas vous
apperce voir que devant de raifonner fur ce fécond té-
- H - m e v o u s avez fait fur le premier, la même
difficulté refté toujours? Aurez-vous recours à l’examen
d’un troifieme, céné feront jamais que des idées
particulières : ce qui s’oppofe à votre certitude, c’eft
le coeur des témoins qiie vous ne connoiffez pas :
cherchez donc un moyen de lé faire paroîtfe , pour
ainfi dire à vos yeux ; or c’eft ce que prociire un
grand nombre de témoins. Vous n’en connoiffez aucun
en particulier; vous pouvez pourtant affûrer
qu’aucun complot ne les a réunis pour vous trom-^
per. L’inégalité des conditions, la diftance des lieux ;
la nature du fait, le nombre des témoins, vous font
connoître, fans que vous puiffiez efi douter; qu’il y,
a parmi eux des paffions oppofées & des intérêts di-i
vers. Ce n’eft que lorfque vôus êtes pdrvenu à cé
point, que la certitude fé préfentfe à vous ; ce qui eft;
comme on vo it , totalement fouillait au calcul.
Prétendez-vous, m’a-t-ron dit, vous fervîr dé
ces marques de vérité pour les miracles comme pouf
les faits naturels ? Gette qtieftion m’a toûjours fur-
pris. Je répons à mon tour: ell-ce qu’un miracle
n’eft pas îidfait ? Si c’eft un fait, pourquoi ne puis-je
pas rrie fervir dés mêmes marques de vérité pôitr les
ims comme pouf les autres ? Seroit-ce parce que le
miracle n’ell pas compris dans l’enchaînement dit
cours ordinaire des chofes ? Il faudroit que ce en quor
les miracles different des faits naturels , ne lëiir per-
mîtpas d’être fufceptibles des mêmes marques de vérité
, ou que du moins elles ne pûfferit pas faire Iâ;
même impreffion. En quoi different-ils donc ? Les uns.
font produits par des agens naturels, tarit librfes que
néceffaires ; les autres par une force qui n’eft point
renfermée dans l’ordre de la nature. Je vois donc
Dieu qui produit l’un, & la créature qui prôduit l’aii-
tté ( je ne traite point ici la queftion des miracles) -
qui ne voit que cette différence dans les caufes ne
fuffit pas pour que les înêmés cara&eres de vérité ne
puiffent leur convenir également ? La règle invariable
que j’âi affignée pour s’affûrér d’urt fait, ne regarde
ni leur nature ; c’eft-à-dire s’ils font naturels
ou furnaturels , ni les caufes quilesproduifënt. Quelque
différence que vous trouviez donc dé ce côté-là
elle ne fauroit s’étendre jufqu’à la réglé qui n y tou-^
che point. Une fimple fuppofition fera fentir combien
ce que je dis eft vrai : qü’on fe repréfente un
monde oîi tous les évenemens miraculeux qü’on voit
dans celui-ci, ne foient que des fuites de l’ordre établi
dans celui-là. Fixons nos regards fur le cours dû
foleil pour nous fervir d’exemple : fùppofons que
dans ce monde imaginaire le foleil fufpendant fa
courfe au commencement des quatre differentes fàJ
fons de l’année , le premier jour en foit quatre fois
plus long qu’à l’ordinaire. Continuez à faire joiièr
votre imagination, & tranfportéz-y les hommes tels
qu’ils font, ils feront témoins de ce fpeélacie bien
nouveau pour eux. Peut-on nier que fans changer
leurs organes ils fuffent en état de s’affûrer dè la Ion^
gueur de ce jour ? Il ne s’agit encore ; comme on voit ;
que des témoins oculaires, c’eft-à-dire fi un homme
peut voir auffi facilement un miracle qu’un fait na-’
turel ; il tombe également fous les fens : la difficulté
ell donc levée quant aux témoins oculaires. Or ces
témoins qui nous rapportent un fait miraculeux, ont-
ils plus de facilité pour nous enimpofel que fur tout
autre fait? & les marques de vérité que nous avons
affignees ne reviennent-elles point avec toute leur
force ? Je pourrai combiner également les témoins
enfemble ; je pourrai connoître fi quelque paffion où
quelque intérêt commun les fait agir ; il ne faudra
en un mot, qu’examiner l ’homme, &confulter lés lois
générales qu’il fuit ; tout eft égal de part & d’autre
^ Vous allez trop loin, me dira-t-on, tout n’eft po; or
ega! ; je fai que les carafteres de vérité que vous avez
aflignes ne font point inutiles pour les faits ntiracu
leux ; mais ils ne fauroient faire la même impreffio«
P P p p p