pitale étoit fur le point de devenir beaucoup moins
habitée par la chéreté du bois, lorfqu’un nommé Jean
Rouvet, bourgeois de Paris, imagina en 1549 deraf-
fembler les eaux de plufieurs ruilfeaux & rivières
non navigables; d’y jetter les bois coupés dans les
forêts les plus éloignées ; de les faire descendre ainfi
juf qu’aux grandes rivières ; là , d’en former des trains
& de les amener à flot, 8c fans bateaux, jufqu’à Paris.
J’ofe affurer que cette invention fut plus utile au
royaume,que plufieurs batailles gagnées, 8c méntoit
des honneurs autant au moins qu’aucune belle aélion.
Jean Rouvet fit fes premiers effais dans le Morvant ;
il raflembla tous les ruiffeaux de cette contrée ; fit
couper fes bois, 8c les abandonna hardiment au courant
des eaux : il réuflit. Mais fon projet traité de folie
avant l’exécution , 8c traverfé après le fucces,
comme c’eft la coûtume, ne fut porté à la perfection
8c ne reçut toute l’étendue dont il étoit fufcep-
tible, qu’en 1566, par René Arnoul. Voye^âl'article
T r AiN*la maniéré de les conftruire.Ceux qui voyent
arriver à Paris ces longues malles de bois font effrayés
pour ceux qui les conduifent, à leur approche des
ponts : mais il n’y en a guere qui remontent jufqu’à
l’étendue des vues 8c à l’intrépidité du premier inventeur,
qui ofa raffembler des eaux à grands frais,
& y jetter enfuite le relie de fa fortune.
Entre les marchands de b o is f l o t t é , les uns font
bourgeois, les autres forains ; il y a beaucoup plus
de bourgeois que de forains, qui faffent le commerce
du b o i s , qui vient du pays d’amont ; au contraire
il y a beaucoup plus de forains que de bourgeois,
qui faffent commerce du pays d’aval.
Tout ce qui concerne le b o is d e cha u ffa ge fe réduit
à fa façon-, au tems de le tirer des ventes, à fa voiture
8c "à l'on déchargeage, à la diligence de voiture,
à fon arrivée, à fa vente dans les chantiers, 8c aux
officiers qui y veillent.
F a ç o n . Il eft enjoint de donner à tous les b o i s à
brCiler, trois piés 8c demi de longueur ; au b o is de
m o u l e , dix-huit pouces détour ; au b o is de corde de
q u a r t ie r ou de traverfe, autant. Si le b o is de. q u a r t ie r ,
de traverfe , ou f e n d u , a dix-huit pouces de tour , il
4e mefure au moule ; s’il n’en a que dix-fept, il va
-avec le b o is de co rd e dans la membrure. Le 'b o is - ta illis
doit avoir fix pouces de tour. Le b o is d 'A n d t l l e a la
même groffeur : mais il eft plus court ; il n’a que deux
piés 8c demi ou environ.
S o r t ie d e s v e n t e s . Les marchands font ténus de faire
-couper 8c fortir \ es b o is des ventes, dans les tems
qui leur auront été fixés , eu égard aux lieux 8c à
la qualité des arperis.
V o i tu r e s . Il eft permis de voiturer depuis les forêts
jufqti’aux rivières, à-travers toutes terres, en
avertiffaht dix joursauparavahtpardés publications
aux prônes; de jetter les b o i sdans les rivières; de
les'poufter par les ruiffeaux, étangs, foffés de château
x, & c . fans qu’ils en puiffent être empêchés par
qui que ce foit. . f r ,
D i l ig e n c e . Il eft défendu de féjotirher en-chemin
fans néceffité, ôc de décharger ailleurs qu’à Paris.
V e n t e . Il éft enjoint de les mettre en chantier, 8c
ils ne peuvent être vendus ailleurs.
O f fic ie r s . La Ville commet des perfonnes à elle
-pour veiller à cette diftributiôn. Toute la différence
qu’i l y a entre \e b o is d e cha u ffa ge foit n e u f , foitf l o t t é ,
•fe tire de la t a i l l e , de la v o itu r e , 8c dé la me fur e .
R e la t iv em e n t à la t a i l l e , i l fe d iftr ib u e en g ro s b o is
& en m enu b o is ; à la v o itu r e , en b ois n e u f 8c e n b o is
f l o t t é ; à la m e fu r e , e n b o is de m ou le & d e com p t e , &
en b o is de corde.
Tous le gro s b o i s eft compris fous lè nom générique
de bû ches ; chaque bûché, de quelque b o is que
ce foit, doit àvoir ; âîrtfi que nuus l’avons déjà dit,
“trois piés 6c demi de long.
Les plus groffes bûches font nommées bois ât moule
, ou de moulure , ou de compte ; parce qu’elles fe
mefurent dans le moule ou l’anneau. Voye^ A n n e a u .
Elles doivent avoir dix-huit pouces de tour.
Le bois de traverfe fuit immédiatement en groffeur
le bois de compte ou de moule ; il doit avoir dix-fept
pouces de tour. Il y en a qui comprennent fous la
même dénomination tout le bois blanc.
On appelle bois taillis, tout celui qui n’a que cinq
à fix pouces de tour.
Le bois de corde, doit avoir au moins dix-fept pouces
; il eft appellé £0« de corde, parce que les Bûcherons
plantent à la corde quatre pieux en quarré, dont
le côté a huit piés , & chaque pieu a quatre piés de
haut. C ’eft-là leur mefure ou corde qui contient, comme
on voit, quatre fois 64 ou 256 piés cubes de bois.
Cette méthode de mefurer le bois a duré jufqn’en
1641 , qu’il fut ordonné de fe fervir d’une membrure
de charpente, qui retint le nom de corde. Voyeç
C o r d e . V o y e { M e m b r u r e .
Le menu bois eft ou coteret, ou fagot, ou bourrée.
Il y a des coterets de bois taillis fendu, ou des cotc~,
rets de bois rond.
Ceux-ci viennent par l’Yonne : mais ils doivent
avoir les uns 8c les autres neuf piés de long, fur dix-
fept à dix-huit pouces de tour.
Les fagots font faits de branches d’arbres menuesj
Ils doivent avoir trois piés & demi de long, fur dix-
fept à dix-huit pouces de tour.
La bourrée, qui eft une efpece de fagot, eft faite
de broffailles d’épines & de ronces, &c.
Voici encore quelques dénominations qu’on donne
au bois de chauffage.
Bois en chantier , eft celui qui eft en pile ou
en magafin ; on nomme ordinairement ces fortes de
piles théâtre.
Bois f l o t t é , eft celui qu’on lie avec des roiieï-
les 8c des-perches, 8c que l’onameneen train fur des
rivières. Voye\ T r a in .
B o i s p e r d u , eft celui qu’on jette dans les petites
rivières qui n’ont pas affez d’eau pour porter ni train
-ni bateau , & qu’on va recueillir 8c mettre en train
aux lieux où ces rivières commencent à porter.
Bois c a n a r d s , font ceux qui demeurent au
-fond de l’eau , ou qui s’arrêtent aux bords des ruiffeaux
, où l’on a jette une certaine quantité de bois^
bûche à bûche, pour le laiffer aller au courant de
l’eau. Après que ces bûches font arrivées au lieu ou
le ruiffeau eft devenu une riviere navigable, les marchands
peuvent faire pêcher leurs bois canards pen-;
-dant 40 jours fans rien payer. Voye[ l'Ordonnance
de iSy o..
B o i s v o l a n s , font ceux que le flot amene droit
au port.
B o i s é c h a p p é s , font ceux que les inondations'
portent dans les prés-ou dans les terres.
B o i s n e u f , eft celui qu’on apporte dans des bateaux
fans qu’il ait trempé dans l’eati.
Bois PELARD,eftunÂois menir8crond,donton
-ôte l’écorce pour faire du tan. Les Rotiffeurs 8c Bout
langers s’en fervent.
B o i s d e g r a v i e r , eft un bois qui croît dans des
endroits pierreux, 8c qui vient demi flotté du Niver-
nois 8c-de Bourgogne ; le meilleur eft de Montargis.’
B o i s d ’A n d e l l e , ainfi nommé du nom de la rivière
qui le voiture, eft un bois de hêtre qui a ordinairement
deux piés Se demi de longueur ; il faut qua-,
tre mefures d’anneau pour la v oye, 8c quatre bûches
de témoins par annéau. Bois tortillard ; ce bois n’éft point ordinairement
reçû dans lès membrures à cauies des vuides
qu’il laiffe, 8c le tort qui en réfulte pour le public«
B o i s boucan, b û ch e s q iii p a r v e tu fté n e fonÇ
p lu s d e m e fu re p o u r ê tr e m ile s en m em b ru re s.
Je ne finirai point cet article du bois de chauffage ~,
qui forme un objet prefqu’auffi important, que celui
de conftruétion & de charpente ; fans obferver que
nous fommes menacés d’une difette prochaine de
l’un 8c l’autre; & que la cherté feule du premier
peut avoir une influence confidérable fur l’état entier
du royaume. Le bois de chauffage ne peut deve ■
nir extrêmement rare 8c d’un grand prix, fans chaf-
fer de la capitale un grand nombre de fes habitans ;
or il eft confiant que la capitale d’un royaume ne
peut être attaquée de cette maniéré, fans que le refte
du royaume s’en reffente. Je ne prévois qu’un reme-
de à cet inconvénient, 8c ce remede eft même de nature
à prévenir le mal, fi on l’employoit dès à préfent.
Quand les forêts des environs de la ville furent épui-
fées,il fe trouva un homme qui entreprit d’y amener à
peu de frais les bois des forêts éloignées, 8c il réuf-
fit. Lorfque la négligence dans laquelle on perfifte
aura achevé de détruire les forêts éloignées* il eft
certain qu’on aura recours au charbon de terre ; 8c il
eft heureufement démontré qu’on en trouve prefque
par-tout. Mais pourquoi n’en pas chercher & ouvrir
des carrières dès aujourd’hui ? pourquoi ne pas interdire
l’ufage du bois à tous les états & à toutes
les profeffions dans lefquels on peut aifément s’en
paffer ? car il en faudra venir là tôt ou tard ; 8c fi
l’on s’y prenoit plûtôt, on donneroit le tems à nos
forêts de fe reftituer ; 8c en prenant pour l’avenir
d’autres précautions que celles qu’on a prifes pour le
paffé, nos forêts mifes une fois fur un bon pié, pour-
roient fournir à tous nos befoins, fans que nous enflions
davantage à craindre qu’elles nous manquaffent.
Il me femble que les vûes que je propofe font utiles :
mais j’avoue qu’elles ont un grand défaut, celui de
regarder plûtôt l’intérêt de nos neveux que le nôtre ;
8c nous vivons dans un fiecle philofophique où l’on
fait tout pour foi, & rien pour la poftérité.
Bois (M o u l e u r d e ) , Police, officier de v ille ,
commis fur les ports pour que le bois y foit fidèlement
mefuré dans les moules ou les membrures. V.
M o u l e 6* M e m b r u r e .
B o i s (M a r c h a n d d e ) , voye^ d-deffus l'article
Bois d e c h a u f f a g e .
Bois de fciage. On entend par bois de fciage, celui
qui eft débité en foliveaux 8c coupé en planches
à l’ufage de la menuiferie. On comprend fous ce nom
tout celui qui a moins de fix pouces d’équarriffage,
beaucoup de bois tendres, fur-tout pour la boiferie,
le parquetage, les lambris, 8c plafonds. On fait façonner
le bois de fciage, ou par des fcieurs de long,
ou dans les moulins à fcie. Voyeç S c i a g e .
Le bois de fciage s’appelle :
Bois m i - p l a t , s’il eft beaucoup plus large qu’épais
; ce bois eft pour l’ufage de la menuiferie.
Bois 0 uvré, ou non ouvré, quand il paffe ou non
par les mains de l’ouvrier.
Il y a encore le bois d'ouvrage 8c celui de merrein.
Le bois d'ouvrage, eft celui qu’on travaille dans
les forêts, 8c dont on fait des fabots, des pelles, des
féaux, des lattes, des cercles, des édifies.
Le bois de chêne s’appelle bois de merrein, quand il
eft débité en petits ais ou douves pour faire des tonneaux,
des cuves, des féaux, &c. Voye{ M e r r e in .
Il ne nous refte plus qu’à a joûter à cet article quelques
fortes de bois, parmi lefquelles il y en a qui ont
peu de rapport avec les précédentes.
Bois f o s s i l e , (Hi(l. nat.) bois qui fe trouve en
terre à différentes profondeurs, où il eft confervé
depuis long-tems. fans fe pourrir. On fait affez qu’il
arrive fouvent des éboulemensde terre & d’autres
deplacemens, qui font occafionnés par différentes
caufes, & fur-tout parles tremblemens de terre, les
torrens, les inondations, &c. c’eft par ces accidens
que les arbres font enfoncés dans la terre. S’il feren-
Tome II,
contre des matières bitumineufes qui les pénètrent,
alors ils ne font plus fufceptibles de pourriture, 8c
ils fe confervent dans leur entier. Les différentes com-
bmaifons des matières bitumineufes doivent caufer
des différences dans la confiftance du bois foffile,dans
fa couleur, fon poids * &c. Voye[ H o u i l l e , C h a r b
o n d e t e r r Te , Ja y e t . ( / )
Bois p é t r i f i é . Voye^ P é t r i f i c a t i o n .
* Bois d ’a l o é s . Il y a tout lieu de croire que le
bois que nous appelions aujourd’hui bois d’aloès, eft
le même que Diofcoride a décrit fous le nom d’agal-
lochum, & que l’on a nommé dans la fuite xyloaloês.
Il ne faut pas confondre le bois d'aloes avec le fuc
épaiffi qui porte Amplement le nom â'aloès, ni croire
que ce fuc forte du bois d'alols. Nous verrons dans la
fuite qu’on le tire de plufieurs efpeces de plantes aufli
appellées aloïs. On voit au contraire que le bois d'aloes
ne peut venir que d’un arbre.
On peut diftinguer trois fortes d'agallockum : la
première eft celle que les Indiens appellent calamt
bac, c’eft la plus rare 8c la plus précieufe, elle vient
de la Cochinchine. Le calambac eft tendre : il y en
a de plufieurs couleurs, par lefquelles on a voulu le
diftinguer, 8c plufieurs efpeces. Si on le met fur les
charbons ardens, il femble fe fondre plûtôt que brûler,
tant il eft réfineux; la fumée qu’il rend eft fort
épaiffe 8c de bonne odeur.
La fécondé paffe communément fous le nom de
bois d'alols ou bois d'aigle ; on la trouve comme la
première dans la Cochinchine, mais il y en a auffi à
Cambaye 8c à Sumatra : le bois d'aloès eft plus commun
dans ce pays-ci que le calambac, parce qu’il n’eft
pas fi cher. Le bois d'aigle eft compaél 8c pefant ; fa
fubftance eft percée de plufieurs cavités, elle femble
être cariée ; fa couleur eft rouffe, fon goût eft un peu
acre 8c aromatique , il bouillonne fur les charbons
ardens, fa fumée eft d’une odeur fort agréable.
La troifieme efpece agallockum eft appeliée ca-
lambour ou calambouc; il eft d’une couleur verdâtre
8c quelquefois rouffe ; fon odeur eft agréable 8c pénétrante.
On l’apporte des îles de Solor 8c de Temor
en groffes bûches ; 8c on en fait des étuis , des boîtes -
des chapelets, 8c plufieurs autres ouvrages.
On ne fait pas fi ces trois efpeces d'agallockum
viennent chacune d’un arbre particulier, ou s’il n’y
a qu’une feule efoece d’arbre pour les trois. Ce dernier
fentimentaeté foûtenupar plufieurs botaniftes :
ils ont afljûré que l’arbre reffembloit à un olivier, 8c
qu’il portoit des petits fruits rouges.
On dit que les Indiens laiffent les troncs de ces arbres
dans la boue, pour faire pourrir l'écorce 8c Tau-
hier; il ne refte que le coeur, qui prend feulement
une couleur brune, 8c qu’il conferve par la réfine
qu’il contient. On a prétendu que ce bois étant fur pié
ou coupé récemment, rendoit un fuc laiteux d’une
mauvaife qualité : s’il entroit dans les y eux, on en
perdoit la vûe ; s’il en tomboit fur la peau, il s’éle-
voit des boutons. On a vû que ce fuc étant épaiflî
8c defféché formoit la réfine qui préferve de la pour-
ritureles parties du bois auxquelles il s’attache. Celles
qui en contiennent une grande quantité font le vrai
calambac : on dit qu’elles fe trouvent ordinairement
au pié du tronc. D ’autres affûrent qu’il faut que les
arbres fe deffechent 8c fe pourriffent d’eux-mêmes
fur les montagnes, pour former du calambac. Quoi
qu’il eh foit, il eft certain que ce bois eft fort rare,
même chez les Indiens, puilqu’ils l’achetent fouvent
au poids de l’argent, 8c même de l’or. Ils l’eftiment
beaucoup à caulê de la bonne odeur qu’il rend lorf-
qu’on le brûle ; c’eft un parfum délicieux qu’ils réfervent
pour les temples des dieux 8c pour les palais des
rois. Si le bois d'aloes n’a pas une auffi bonne odeur
que le calambac, on ne laiffe pas que d’en faire grand
cas dans ce pays-ci.
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