tail que ne nous permettent pas les bornes que nous
nous iommes prescrites dans cet ouvrage. Nous nous
contenterons donc d’indiquer les plus confidérables,
Soit par la quantité , Soit par le choix des livres qui
les compofent.
De ce nombre font à Copenhague la bibliothèque
de l’univerfité, 8c celle qu’y a fondée Henri Rant-
zau, gentilhomme danois.
Celle que Chriftine, reine de Suede, fonda à Stockholm,
dans laquelle on voit, entr’autres curiofités,
une des premières copies de l’Alcoran : quelques-uns
veulent même que ce foit l’original qu’un des fultans
Turcs ait envoyé à l’empereur des Romains ; mais
cela ne 'paroît guere probable.
La Pologne ne manque pas de bibliothèques : il y
en a deux très-confidérables ; l ’une à Vilna , fondée
par plufieurs rois de Pologne, félon Cromer 8c Bo-
zuis ; & l'autre à Cracovie.
Quant à la Rufïie, il eft certain qu’à l ’exception
de quelques traités fur la religion en langue fclavon-
ne, il n’y avoit aucun livre de Sciences , 8c même
prelque pas l ’ombre de Littérature avant le Czar
Pierre I. qui au milieu des armes faifoit fleurir les
Arts 8c les Sciences, 8c fonda plufieurs académies en
différentes parties de fon empire. Ce grand prince fit
un fonds très-confidérable pour la bibliothèque de fon
académie de Petersbourg, qui eft très-fournie de livres
dans toutes fortes de Sciences.
La bibliothèque royale de Petershof eft une des plus
belles de l’Europe, 6c le cabinet de bijoux ôc de curiofités
eft ineftimable.
La bibliothèque publique d’Amfterdam feroit beaucoup
plus utile, fi les livres y étoient arrangés avec
plus d’ordre 8c de méthode ; mais le malheur eft qu’on
ne fauroit les trouver fans une peine extrême : la col-
leélion eft au refte très-eftimable.
Il y en a dans les Pays-Bas plufieurs autres fort
curieufes, telles què celles dès Jéfuites 8c des Dominicains
à Anvers ; celle des moines de faint Pierre
à Gand ; celle de Dunkerque, celle de Gemblours ,
abondante en .anciens manuferits, auxquels Erafme
6c plufieurs autres favans on fouvent eu recours ;
celles d’Hârdérwick, d’Ypres, de Liege, de Louvain,
de Leydè, &c.
Il y a deux bibliothèques publiques à Leyde ; l’une
fondeé par Antoine Thifius ; l’autre , qui eft celle
de l’univèruté, lui a été donnée par Guillaume I.
prince d’Orange : elle eft fort eftimée par les manuferits
grecs, hébraïques, chaldéens, fyriaques, per-
fans, arméniens & ruflîens, que Jofeph Scaliger laiffa
à cette école, où il avoit profefle pendant plufieurs
années. La bible complutenfienne n’eft pas un defes
mpindres ornemens ; elle fut donnée par Philippe II.
roi d’Efpagne, au prince d’Orange, qui en fit préfent
à l’univerfité de cette ville. Cette bibliothèque a été
augmentée par celle de Holmannus, 8c fur-tout du
célébré IfaâcVoflïus. Cette derrtïere contenoit un
grand nombre de manuferits précieux, qui venoient,
a ce qu’on croit, du cabinet de la reine Chriftine de
Suede.
L’Allemagne honore 6c cultive trop les Lettres,
pour n’être pas fort riche en bibliothèques. On compte
parmi les plus confidérables celles de Francfort-fur-
l’Odèr, de Leypfic, de Drefdè, d’Ausbourg, de Bâle
en Suilfe, où l’on voit un manuferit du nouveau Tef-
tement en lettres d’or, dont Erafme fit grand ufage
pour corriger la verfion de ce faint livre. 11 y a encore
à Bâle les bibliothèques d’Erafine, d’Amesbach.,
8c de Feche.
La bibliothèque du duc de "Wolfembuttel eft com-
pofée de celles de Marqu.ardus Freherus, de Joachim
Cluten, & d’autres colleâions curieufes. Elle eft très-
confidérable par le nombre 6c la bonté des livres, 8c
par le bel ordre qu’on y a mis : on allure qu’elle eoiitient
1 16 mille volumes, 8c 2 mille manuferits latins^
grecs 8c hébraïques.
Celle du roi de Prulfe à Berlin eft encore plus nom*
breufe que celle du duc deWolfembuttel, 8c les livres
en font aufli mieux reliés : elle fut fondée par Fréderic-
Guillaume, éle&eur de Brandebourg ; 8c elle a été
confidérablement augmentée par l’acceflion de celle
du célébré M. Spanheim. On y trouve entr’autres
raretés, plufieurs manuferits ornés d’or 8c dê pierreries
, du tems de Charlemagne.
Il y a encore en Allemagne un fort grand nombre
d’autres bibliothèques très-curieufes, mais dont le détail
nous meneroit trop loin. Nous finirons par celle
de l’empereur à Vienne, qui contient 100 mille volumes.
Il y a un nombre prodigieux de manuferits
grecs, hébraïques, arabes , turcs 8c latins. Lamba-
tius a publié un catalogue du tout, 8c a gravé les figures
des manuferits, mais elles ne font pas fort inté-
reflantes. Cette bibliothèque fut fondée par l’empereur
Maximilien en 1480. La bibliothèque remplit huit
grands appartemens, auprès defquels en eft un neuvième
pour les médailles 8c les curiofités. où, ce qu’il
y a de plus remarquable, eft un grand bafîin d’émeraude.
Cette bibliothèque fut bien enrichie par celle
du feu prince Eugene, qui étoit fort nombreufe.
Venife a une célébré bibliothèque, qu’on nomme
communément la bibliothèque de S. Marc, où l’on con-
ferve l’évangile de ce faint, écrit, à ce qu’on prétend,
de fa propre main ; 8c qui après avoir été long-tems à
Aquilée où il prêcha la foi, fut porté à Venife : mais
dans le vrai il n’y en à que quelques cahiers, 8c encore
d’une écriture fi effacée , qu’on ne peut diftin-
guer fi c’eft du grec ou du latin. Cette bibliothèque eft
d’ailleurs fort riche en manuferits : celles que le cardinal
Beffarion 8c Pétrarque léguèrent à la république
, font aufli dans la même ville, 8c unies à celle que
le fénat a fondée à l’hôtel de la monnoie.
Padoue eft plein de bibliothèques : en effet ,* cette
ville a toujours été célébré par fon univerfité, 8c par
le grand nombre de favans qui lui doivent la naiflan-
ce. On y voit la bibliothèque de S. Juftin , celle de S.
Antoine, 8c celle de S. Jean deLatran. Sixte de Sienne
dit qu’il a vû dans cette derniere une copie de Fé-
pître de S. Paul aux peuples de Laodicée, 8c qu’il en
fit même un extrait.
La bibliothèque de Padoue fut fondée par Pignorius ;
Thomazerius nous en a donné un catalogue dans fa
Bibliotheca.
Il y en a une magnifique à Ferrare , où l’on voit
1 grand nombre de manuferits anciens 8c d’autres mo-
numens curieux de l’antiquité, comme des ftatues,
des tableaux , 8c des médailles de la colleâion de
Pierre Ligorius, célébré architefte, 6c l’un des plus
favans de fon fiecle.
On prétend que dans celle des Dominicains à Bologne
, on voit le Pentateuqùe écrit de la main d’Ef-
dras. Tiflard, dans fa grammaire hébraïque, dit l’avoir
vu fouvent, 8c qu’il eft très-bien écrit fur une feule
grande peau ; mais Hottinger prouve clairement que
ce manuferit n’a jamais été d’Efdras.
A Naples les Dominicains ont une belle bibliothèque
, où font les ouvrages de Pontanus, que fa fille
Eugénie donna pour immortalifer la mémoire de foa
illuftre pere.
La bibliothèque de S. Ambroife à Milan, fut fondée
par le cardinal Frédéric Borromée : elle a plus de dix
mille manuferits, recueillis par Antoine Oggiati.
Quelques-uns prétendent qu’elle fut enrichie aux dépens
de celle de Pinelli : on peut dire qu’elle n’eft
inférieure à aucune de'fcéllës dont nous avons parlé,
püifqtt’elle contenoit il y a quelques années 46 mille
volumes 8c 12 mille manuferits, fans compter ce
qu’on y a ajouté depuis. Elle eft publique.
La bibliothèque du duc de Mantoue peut être mife
au nombre des bibliothèques les plus curieufes du
monde. Elle fouffrit à la , vérité beaucoup pendant
les guerres d’Italie qui éclatèrent en 1701 ; 8c fans
doute elle a été tranfportée à Vienne. C ’eft-là qu’é-
toit la fameufe plaque de bronze, couverte de chiffres
égyptiens & d’hiéroglyphes, dont le favant Pignorius
a donné l’explication.
La bibliothèque de Florence contient tout ce qu’il
y a de plus brillant, de plus curieux, 8c de plus inf-
truftif: elle renferme un nombre prodigieux de livres
8c de manuferits les plus rares en toutes fortes
de langues ; quelques-uns font d’un prix ineftimable
: les ftatues, les médailles, les buttes 8c d’autres
monumens de l’antiquité, y font fans nombre. Le
mufæum Florentinum peut fëul donner une jufte idée
de ce magnifique cabinet; 8c la defeription de la bibliothèque
mériteroit feule un volume à part. Il ne
.faut pas oublier le manuferit qui fe conferve dans la
chapelle de la cour ; c’eft l ’évangile de S. Jean, qui,
à ce qu’on prétend, eft écrit de fa propre main.
II y a deux autres bibliothèques à Florence, dont
l’une fut fondée en l’églife de S. Laurent par le pape
Clément VII. de la famille de Medicis, & eft ornée
d’un grand nombre de manuferits hébraïques, grecs,
& latins. •
L’autre fut fondée par Cofme de Medicis , dans
ï’églife de S. Marc qui appartient aux Jacobins.
Il y a une très-belle bibliothèque à Pife, qu’on dit
avoir été enrichie de 8000 volumes, qu’Alde Manu-
ce légua à l’académie de cette ville.
La bibliothèque du roi de Sardaigne à Turin eft très-
curieufe par rapport aux manuferits du célebrePierre
Ligorius, qui deflina toutes les antiquités de l’Italie.
Le pape Nicolas V . fonda une bibliothèque à Rome
compofée de fix mille volumes des plus rares : quelques
uns difent qu’elle fut formée par Sixte-Quint,
parce que ce pape ajouta, beaucoup à la colleéfion
commencée par le pape Nicolas V. Il eft vrai que
les livres de cette bibliothèque furent difperfés fous le
pontificat de Calixte III. qui fuccéda au pape Nicolas
; mais elle fut rétablie par Sixte IV. Clément VIL
Léon X. Elle fut prefque entièrement détruite par
l ’armée de Charles V. fou$ les ordres du connétable
de Bourbon 8c de Philbert prince d’Orange ,
qui faccagerent Rome avant le pontificat de Sixte-
Quint.
Ce pape qui aimoit les favans 8c les lettres, non-
feulement rétablit la bibliothèque dans fon ancienne
fplendeur, mais il l’enrichit encore d’un grand nombre
de livres 8c d’excellens manuferits. Elle ne fut
pas fondée au Vatican par Nicolas V. mais elle y fut
tranfportée par Sixte IV. & enfuite à Avignon, en
même tems que le faint-fiége, par Clément V. 8c
de-là elle fut rapportée au Vatican fous le pontificat
de Martin V . où elle eft encore aujourd’hui.
On convient généralement que le Vatican doit
une grande partie de fa belle bibliothèque à celle de
l’éleéteur Palatin, que le comte de T illy prit avec
Heidelberg en 1622. D ’autres cependant prétendent,
8c ce femble avec raifon, que Paul V. qui étoit
pour lors pape, n’eut qu’une très-petite 8c même la
plus mauvaife partie de la bibliothèque palatine ; tous
les ouvrages les plus eftimables ayant été emportés
par d’autres, 8c principalement par le duc de Bavière.
La bibliothèque du Vatican, que Baronius compare
à un filet qui reçoit toutes fortes de poiffons tant
bons que mauvais, eft divifée en trois parties : la
première eft publique, 8c tout le monde peut y avoir
recours pendant deux heures de certains jours de la
iemaine : la fécondé partie eft plus fecrete ; 8c latroi-
îeme ne s ouvre jamais que pour certaines perfon-
nes, de iorte qu on pourroit la nommer le fancluaire 4u Vaucun. SuXe - Quint l’enrichit d’un très-grand
nombre d’ouvrages, foit manuferits, foit imprimés,
8t la fit orner de peintures à frefque parles plus grands
maîtres de fon tems. Entr’autres figures emblématiques
dont le détail feroit ici trop long, on voit toutes
les bibliothèques célébrés du monde repréfentées par
des livres peints, & au-deffous de chacune une inf-
cription qui marque l’ordre du tems de leur fondation.
Cette bibliothèque contient un grand nombre d’ouvrages
rares 8c anciens, entr’autres deux copies de
Virgile qui ont plus de mille ans ; elles font écrites
fur du parchemin, de même qu’une copie de Téren-
c e , faite du rems d’Alexandre Sévère 8c par fon ordre
: on y voit les a fies des apôtres en lettres d’or.
Ce manuferit étoit orné d’une couverture d’or enrichie
de pierreries, 8c fut donné par une reine de Chypre
au pape Alexandre VI. mais les foldats de Charles
V. le dépouillèrent de ces riches ornemens lorf-
qu’ils faccagerent Rome. Il y a aufli une bible gre-
que très - ancienne ; les épigrammes de Pétrarque
écrites de fa propre main ; les ouvrages de S. Thomas
d’Aquin traduits en grec par Démétrius Cydo-
nius de Theflalonique ; une copie du volume que les
Perfes ont fait des Fables de Locman, que M. Huet a
prouvé être le même qu’Efope : on y voit aufli les
premières copies des ouvrages de Tacite, qui ne furent
découvertes que fous le pontificat de Léon X .
Outre le grand nombre d’excellens livres qui font
l’ornement de la bibliothèque du Vatican, il y a encore
plus de dix mille manuferits dont Angélus de
Rhocca a publié le catalogue.
Quelques-uns rapportent que Clément VIII. augmenta
confidérablement cette bibliothèque, tant en
livres imprimés qu’en manuferits ; en quoi il fut aidé
par Fulvius Urfinus ; que Paul V. l’enrichit des manuferits
du cardinal Alteni, 8c:d’une partie de la bibliothèque
palatine; 8c qu’Urb'ain VIII..fit apporter
du collège des Grecs de Rome un grand nombre de
livres grecs au Vatican, dont il fit Léon Allatius bibliothécaire.
Il y avoit plufieurs autres belles bibliothèques à Rome
, particulièrement celle du cardinal François
Barberini, qui contenoit, à ce qu’on prétend, vingt-
cinq mille volumes imprimés, 8c cinq mille manuferits.
Il y a aufli les bibliotheqy.es du palais Farnefe
de fainte-Marie in ara coeli, de fainte-Marie fur la
Minerve, des Auguftins, des PP. de l’Oratoire, des
Jéfuites, du feu cardinal Montalte, du cardinal Sfor-
za ; celles des églifes de la Sapienza, de la Chieza-
nova, de fan-Ifidore, du collège romain, du prince
Borghefe, du prince Pamphili, du connétable Co-
lonna, 8c de plufieurs autres princes, cardinaux, fei-
gneurs, 8c communautés religieufes, dont quelques-
unes font publiques.
La première 8c la plus confidérable des bibliothe-
ques d’Efpagne, eft celle de l’Efcurial au couvent de
S. Laurent, fondée par Charles V. mais confidérablement
augmentée par Philippe N. Les ornemens
de cette bibliothèque font fort beaux ; la porte eft d’un
travail exquis, & le pavé de marbre ; les tablettes
fur lefquelles les livres font rangés, font peintes d’une
infinité de couleurs, 8c toutes de bois des Indes : les
livres font fuperbement dorés ; il y a cinq ran^s d’armoires
les unes au-deflùs des autres, où les livres
font gardés ; chaque rang a centpiés de long. On y
voit les portraits de Charles V. de Philippe II. Philippe
III. 8c Philippe IV. 8c plufieurs globes, dont l’un
repréfente avec beaucoup de précifion le cours des
aftres, eu égard aux différentes polirions de la terre.
Il y a un nombre infini de manuferits dans cètte bibliothèque,
8c entr’autres l’original du livre de S. Au-
guftin fur le baptême. Quelques-uns penfent que les
originaux de tous les ouvrages de ce pere font à la
bibliothèque de l’Efcurial, Philippe IL les ayant ache