jamais. Ils ont le coeur haut & fier, un courage à
l’épreuve, une valeur intrépide, une confiance dans
les tourmens qui femble furpaffer l’héroïfme, 8c une
égalité d’ame que ni l’adverfiténi la .prospérité n’al-
terent jamais.
Toutes ces belles qualités feroient trop dignes
d’admiration, fi elles ne fe trouvoient maiheureu-
fement accompagnées de quantité de défauts ; car
ils font légers & volages, fainéans au-delà de toute
•expreffion, ingrats avecexcès, foupçonneux, traîtres
, vindicatifs , 8c d’autant plus dangereux , qu’ils
lavent mieux couvrir ôc qu’ils couvrent plus long-
tems leurs reffentimens. Ils exercent envers leurs ennemis
des cruautés fi inoiiies, qu’ils iurpaffent dans
l’invention de leurs tourmens tout ce que l’hiftoire
•des anciens tyrans peut nous repréfenter de plus
cruel. Ils font brutaux dans leurs plaifirs, vicieux par
ignorance & par malice ; mais leur rufticité & la di-
fette où ils font de toutes chofes ,leur donne fur nous
tin avantage, qui efi d’ignorer tous les raffinemens
■ du vice qu’ont introduit le luxe & l’abondance. Voici
maintenant à quoi le réduilént leur philofophie 8c
-leur religion.
i°. Tous les Sauvages foâtiennent qu’il y a un
Dieu. Ils prouvent fon exiftence par la compofition
de l’univers qui fait éclater la toute-puifl'ance de fon
auteur; d’oit il s’enfuit, difent-ils, que l’homme n’a
pas été fait par hafard, & qu’il efi l’ouvrage d’un
principe fupérieur en fageffe 8c en connoiffance,
qu’ils appellent le grand efprit. Ce grand efprit contient
tout, il p.aroît en tout, il agit en tout, 8c il
donne le mouvement à toutes chofcs. Enfin tout ce
qu’on voit & tout ce qu’on conçoit, efi ce Dieu, qui
fubfiftant fansbornes, fans limites & fans corps, ne
doit point être repréfenté fous la figure d’un vieillard
ni dequelqu’autre chofcque ce puiffe être, quelque
belle, vafte 8c étendue qu’elle foit ; ce qui fait qu’ils
l ’adorent en tout ce qui paroît au monde. Cela efi fi
vra i, que lorfqu’ils voyent quelque chofe de beau,
de c-urieux 6c de fnrprenant, fur-tout le foleil 8c les
autres afires, ils s’écrient: O grand efprit, nous te
voyons par-tout !
2°. Ils difent que l’ame efi immortelle, parce que
fi elle ne l’étoit pas, tous les hommes feroient également
heureux en cette vie ; puifque Dieu étant infiniment
parfait 8t infiniment lage , n’auroit pû créer
les uns pour les rendre heureux , 8c les autres pour
les rendre malheureux. Ils prétendent donc que Dieu
veut, par une conduite qui ne s’accorde pas avec.nos
lumières, qu’un certain nombre de créatures fouffrent
•en ce monde, pour les en dédommager en l’autre ; ce
qui fait qu’ils ne peuvent fouffrir que les Chrétiens
difent que tel a été bien malheureux d’être tué, brûlé
, &c. prétendant que ce que nous croyons malheur,
n’eft malheur que dans nos idées ; puif que rien ne fe
fait que par la volonté de cet Etre infiniment parfait ;
<lont la conduite n’eft ni bifarre ni capricieulè. Tout
cela n’eft point fi fauvage.
3°. Le grand efprit a donné aux hommes la rai-
fon , pour les mettre en état de difeerner le bien 8c
le mal, 8c de fuivre les réglés de la juftice-8c de la
fageffe.
4°. La tranquillité de l’ame plaît infiniment à ce
grand efprit ; il détefte au contraire le tumulte des
pallions, lequel rend les hommes méchans.
5°. La vie eft un fommeil, & la mort un réveil
qui nous donne l’intelligence des chofes vifibles 6c
invifibles.
6°. La raifon de l ’homme ne pouvant s’élever à
la connoiffance des chofes qui font au-deffus de la
terre, il eft inutile 6c même nuifible de chercher à
pénétrer les chofes invifibles.
7°. Après notre mort nos âmes vont dans un certain
lieu, dans lequel on ne peut dire fi les bons font
bien, & fi les méenans font mal ; parce que nous
ignorons fi ce que nous appelions bien ou mal, eft regardé
comme tel par le grand efprit. (C)
CANADOR , f. m. (Comm.) mefure des liquides
de Portugal, dont les douze font une almonde, qui
eft une autre mefure du même royaume. Le canador
eft équivalent au mingle ou bouteille d’Amfterdam.
Voye^ M iNGLE 6* A l m o n d e . D ictionn. du Commerce,
tome. II. p. 59 . {G)
* CANAL ARTIFICIEL, W & Architecl.) lieu
creufé pour recevoir les eaux de la mer, d’une ou
plufieurs rivières , d’un fleuve, &c. Les rivières ne
contribuent pas feulement à la richeffe naturelle des
campagnes, en les arrofant ; elles font encore la richeffe
artificielle des provinces, en facilitant le tranf-
port des marchandées. Plus leur cours eft étendu
dans un éta t , 6c plus elles communiquent les unes
avec les autres, plus les parties du corps de cet état
font liées 6c difpofées à s’enrichir mutuellement. Si
la nature , comme il arrive toujours, n’a pas fait pour
les hommes tout ce qu’il y avoit de plus avantageux
à faire, c’eft à eux à achever ; 6c les Hollandois, ou,
pour prendre fur la foi des voyageurs un exemple
confidérable, les Chinois, qui ont unpays d’une étendue
fans comparaifon plus grande, ont bien fait voir
jufqu’où peut aller, en fait de canaux & de navigation
, l’induftrie humaine, 6c quelle en eft la récom-
penfe. Mais l’avantage des canaux eft une chofe très-
anciennement connue. Les premiers habitans de la
terre ont travaillé à rompre les ifthmes 6c à couper
les terres , pour établir entre les contrées une communication
par eau. Hérodote rapporte que les Cni-
diens, peuples de Carie dans l’Afie mineure, entreprirent
de couper l’ifthme qui joint la prefqu’île de
Cnide^à la terre ferme ; mais qu’ils en furent détournés
par un oracle. Plufieurs rois d’Egypte ont tâché
de joindre la mer Rouge à la Méditerranée. Cléopâtre
eut le même deffein. Soliman II. empereur des
Turcs, y employa 50000 hommes, qui y travaillèrent
fans effet Les Grecs 6c les Romains projetteront
un canal à-travers l’ifthme de Corinthe qui joint la
Morée & PAchaïe, afin de paffer ainfi de la mer Ionienne
dans l’Archipel. Le roi Démétrius, Jules-Cé-
fiar, Caligula 6c Néron, y firent des efforts inutiles.
Sous le régné de ce dernier, Luciu^Verus, un des
généraux de l’armée romaine dans les Gaules, entreprit
de joindre la Saône 8c la Mofelle par un canal,
6c de faire communiquer la Méditerranée- 6c la nfer
d’Allemagne par le Rhône, la Saône, la Mofelle 8c
le Rhin ; ce qu’il ne put exécuter. Charlemagne forma
le deffein de joindre le Rhin 8c le Danube, afin d’établir
une communication entre l’Océan 8c la mer Noire
, par un canal de la riviere d’Almutz qui fe décharge
dans le Danube, à celle de Reditz qui fe rend dans
le Mein, qui va tomber dans le Rhin près de Mayence
: il y fit travailler une multitude innombrable d’ouvriers
; mais différens obftacles qui fe fuccéderent
les uns aux autres, lui firent abandonner fon projet.
Bernard propofe dans fon traité de la jonction des mers,
une communication entre la mer de Provence 6c l’Océan
vers la côte de Normandie, en joignantl’Ouche
à l’Armanfon. On traverferoit ainfi la France par le
Rhône, la Saône, l’Ouche, l’Armanfon, l’Yonne 8c
la Seine.
La France a plufieurs grands canaux. Celui de
Briare fut commencé fous Henri IV. 6c achevé fous
Louis XIII. par les foins du cardinal de Richelieu. Il
établit la communication de la riviere de Loire à la
riviere de Seine parleLoing. Il a onze grandes lieues
de longueur, à le prendre depuis Briare jufqu’a Mon-
targis. C ’eft au-deffous de Briare qu’il entre dans la
Loire, 8c c’eft à Cepoi qu’il finit dans le Loing. Les
eaux du canal font foûtenues par quarante-deux éclu-
fes, qui fervent à monter 8c à defeendre les trainsde
bois 6c les bateaux, qu’on conftruit pour cet effet
d’une longueur 6c d’une largeur proportionnées.
On paye un droit de péage à chaque éclufe , pour
l’entretien du canal 6c le rembourfement des propriét
é canal d’Orléans fut entrepris en 1675, P0lir
communication de la Seine 8c de la Loire : il a vingt
éclufes. C’eft Philippe d’Orléans, régent de France,
qui l’a fait achever fous la minorité de Louis. X V . Il
porte le nom d’une ville dans laquelle il ne paffe pas.
II commence an bourg de Combleux, qui eft à une
petite lieue d’Orléans.
Le projet du canal de Picardie pour la jonftion des
rivières de Somme 8c d’Oife, a été formé fous les mi-
nifteres des cardinaux de Richelieu 6c de Mazarin,
8c fous celui de M. de Colbert.
Mais un des plus grands 6c des plus merveilleux
ouvrages de cette efpece , 6c en même tems irti des
plus utiles, c’eft la jonttion des deux mers par le canal
de Languedoc, propofé fous François I. fous Henri
IV. fous Louis XIII. entrepris 6c achevé fous Louis
XIV. Il commence par un réfervoir de quatre mille
pas de circonférence 8c de quatre-vingts piés de profondeur,
qui reçoit les eaux de la montagne Noire.
Elles descendent à Nauroufe dans, un baffin de deux
cents toifes de longueur, 6c de cent cinquante de largeur,
revêtu de pierre de taille. C’eft-là le point de
partage d’où les eaux fe diftribuent à droite 6c à gauche
dans un canal de foixante-quatre lieues de long,
où fe jettent plufieurs petites rivières foûtenues d’ef-
pace en efpace de cent quatre éclufes. Les huit éclufes
qui font voifines de Befiers, forment un très-beau
fpeétacle : c’eft une cafcade de cent cinquante-fix toifes
de long fur onze toifes de pente.
Ce canal eft conduit en plufieurs endroits fur des
aquéducs 8c fur des ponts d’une hauteur incroyable,
qui donnent paffage entre leurs arches à d’autres rivières.
Ailleurs il eft coupé dans le roc, tantôt à découvert
, tantôt en voûte, fur la longueur de plus de
mille pas. Il fe joint d’un bout à la Garonne près de
Touloufe ; de l’autre traverfant deux fois l’Aude, il
paffe entre Agde 6c Befiers, 6c va finir au grand lac
de Tau , qui s’étend jufqu’au port de Cette.
Ce monument eft comparable à tout ce que les Romains
ont tenté de plus grand. Il fut projetté en 1666,
6c démontré poffible par une multitude infinie d’opérations
longues 8c pénibles, faites fur les lieux par
Fraçois Riquet, qui le finit avant fa mort, arrivée
en 1680. Quand les grandes chofes font exécutées,
il eft facile à ceux qui les contemplent de les imaginer
plus parfaites 6c plus grandes. C ’eft ce qui eft arrivé
ici. On a propofé un réfervoir plus grand que le premier,
un canal plus large 6c des éclufes plus grandes ;
mais on a été arrêté par les frais.
Nous n’entrerons pas dans tous les détails de la
conftruttion de ce canal $ mais nous ne pouvons guere
nous difpenfer d’expliquer le méchanifme 6c le jeu
des éclufes ou réfervoirs d’eau, qu’on peut regarder
comme de grands coffres qu’on remplit à diferétion,
8c à l’aide defqtiels on fait monter ou defeendre un
bâtiment d’une portion de canal dans une autre.
Il faut obferver d’abord, que dans les canaux l’eau
eft de niveau dans chaque partie, c’eft-à-dire entre
une éclufe 6c une autre éclufe, 8c que les eaux des
différentes parties font dans des niveaux différens.
Une éclufe eft compofée de deux murs parallèles
12 , 34, voy. Pl. du canal de llang. à la fin de nos PI.
d'Hyd.fig. 1. 6* 4. La hauteur NM de ces murs eft de
deux piés ou environ plus haute que depuis le fond
du canal inférieur jufqu’au niveau de la furface de
l’eau du canal fupérieur. Ces deux murs font éloignés
l’un de l’autre d’autant qu’il convient pour que les
batimens puiffent paffer commodément ; 8c ils doivent
être bâtis fohdement fur pilotis ou terre franche,
8c un péu en talud, pour qu’ils puiffent mieux
foûtenir l’effort des terres.
On a placé entre ces deux murs les portes 2 4 ,13 ,
fig. t. laprem iere pour empêcher l’eau du canal fupérieur
d’entrer dans le coffre ou dans l’éclufe ; 6c la
fécondé pour arrêter 8c foûtenir l’eau, quand elle en
eft remplie. Ces portes doivent être très-fortes, &
tourner librement fur leurs pivots. C’eft pour les pouvoir
ouvrir 8c fermer avec facilité, qu’on y ajufte
les longues barres A b , Ca, au moyen defquelles on
les meut comme le gouvernail d’un vaiffeau par fa
barre ou fon timon. Il faut aufli les conftruire de maniéré
qu’ellesfoient bien étanchées, 6c qu’elles Iaif-
fent paffer le moins d’eau qu’il eft poffible. Les deux
battans de chaque porte s’appuient l’un contre l’autre
, 8c forment un angle faillant du côté où l’eau fait
effort contr’eux.
Outre ces parties, une éclufe a encore deux canaux
foûterreins G, H; K , F. Le canal G H qui defeend
obliquement, fer t à lâcher l’eau du canalfupérieur/? >
fig.z. dans le corps de l’éclufe, où elle eft retenue par
la porte C, qui eft fuppofée fermée. On lâche cette
eau en levant la pelle qui en ferme l ’ouverture.
Voyt{ figure 3 . le canal GH ouvert en G , 8t l’autre
canal K F fermé en K. Quand au contraire on veut
vuider le coffre de l’éclufe, on ferme le canal G H
en baiffant la pelle G; 8c l’on ouvre le canal K F en
levant la pelle K : l’eau n’étant plus retenue, s’écoule
par le canal K F dans le canal inférieur B ; enforte
qu’elles fe mettent de niveau dans le canal 8c dans
l’éclufe. y l a fig. 2.
Jeu des éclufes. Si l’on propofe, par exemple, de
faire monter le bateau B du canal inférieur dans le
canal fupérieur G, fig. 2. la porte A 6c la pelle G du
canal fupérieur étant fermées, on Iaiffera écouler par
le canal K F toute l’eau que contient l’éclufe, fi elle
n’eft pas vuide- : on ouvrira enfuite les grandes portes
C’en tournant leurs barres Ca, ou en tirant leurs
battans, fig . 1. & 4. ce qui fera facile, puifque l’eau
qu’elles ont de part 6c d’autre eft en équilibre. Les
portes étant ouvertes, on fera entrer le bateau dans
le corps de l’éclufe : on refermera enfuite les portes
C ôc la pelle K ; enfuite on ouvrira la pelle G pour
remplir l’éclufe de l’eau du canal, jufqu’à ce qu’ello
foit de niveau avec celle du canal D , comme on voit
fig . 2, • Le bateau s’élèvera à mefure que l’éclufe fe
remplira d’eau , 8c il arrivera à la hauteur B. Les
chofes étant en cet état, on ouvrira la porte A , 6c le
bateau paffera dans le canal D ; ce que l’on s’étoit
propofé de faire.
S’il étoit queftion de faire defeendre le bateau du
canal D , figure 3. dans le canal inférieur, il faudroit
commencer par remplir l’éclufe d’eau, ouvrir la porte
A , y faire enfuite paffer le bateau, refermer cette
porte ôc la pelle G ; ouvrir enfuite la pelle K , pour
laiffer écouler l’eau de l’éclufe dans le canal inférieur.
Le bateau baiffera à mefure que l’éclufe fe vuidera ;
8c lorfque l’eau de l’éclufe fera au niveau de celle du
canal inférieur, on ouvrira la porte C pour faire for-
tir le bateau, 8c le faire paffer dans le canal B. Voyez
l'article Ecluse.
Canal , ( Jardin.) c’eft ordinairement une longue
piece d’eau pratiquée dans un jardin, pour l’ornement
6c la clôture.
Canal , che^ les Fontcùniers, fe prend encore pour
un tuyau de fontaine.
Canal en cafçade, (Jardinage j) eft un canal interrompu
par plufieurs chûtes qui fuivent l’inégalité du
terrein : on en voit à Fontainebleau, à Marly, au
théâtre d’eau à Verfailles, 8c dans-les jardins de Cou-
vances.
Canaux foûterreins, font des aquéducs enfoncés
en terre, qui fervent à conduire les eaux. Voyc^
Aquéduc,