fort nuifible, fi l’on obferve de ne le poiut couvrir
abfolument jufqu’à ce qu’il ait eu un jour, ou tout au
moins un demi-jour de loleih car apres un jour de beau
teins on le plie le foir dans fa natte , comme nous
avons dit ; & après un demi-jour on fe contente, fans
le plier, de le couvrir pendant la nuit de feuilles de
balifier arrêtées avec des pierres mifes deffus aux
deux bouts. Mais une trop longue pluie fait fendre le
cacao ; ôc parce qii’alors il ne fe conferve pas long-
tems, on l’employe fur les lieux à faire du chocolat:
Si le cacao n’eft pas allez reflué, ou qu’on le plie
trop-tôt dans fa natte, il eft fujet à germer ; ce qui le
rend fort amer ôc tout-à-fait mauvais.
Lorfque le cacao a été une fois plié dans fa natte,
ôc qu’il a commencé à le fécher, il ne faut plus fouf-
frir qu’il fe mouille : il ne s’agit alors que de le remuer
de tems-en-tems , jufqu’à ce qu’il loit fuffitamment
fec ; ce qu’on connoît, fi en prenant une poignee de
cacao dans la main, ôc la ferrant, il craque : alors il
eft tems de le mettre en magafin, ôc de l’expofer en
vente.
Ceux qui veulent acquérir la réputation de livrer
de belle marchandife, fe donnent le foin, avant que
d’enfutailler leur cacao, de trier ôc de mettre à part
les grains trop petits, mal nourris ôc plats , qui font
feulement moins beaux à la vue , & rendent un peu
moins en chocolat.
C ’eft de cette maniéré que les graines ou amandes
de cacao féchces au foleil, nous font apportées en Europe
& vendues chez les Epiciers, quiles diflinguent,
je ne fai poimpioi, en gros ôc petit caraque, & en
gros Ôc petit cacao des îles : car fur les lieux il n’eft
point fait mention de cette diverfité ; ôc il faut apparemment
que les marchands qui en font commerce,
ayent trouvé leur compte à faire ce triage, puifque
naturellement tout cacao provenu du même arbre ôc
de la mêmecoffe, n’eft jamais de la même grofleur.
Il eft bien vrai que comparant une partie entière de
cacao avec une autre , on peut trouver que l’une eft
pour la plupart compofée de plus gros grains que l’autre
; ce qui peut provenir ou de l’âge du plant, ou de
la vigueur des arbres, ou bien de la fécondité particulière
de la terre : mais très-affûrément il n’y a point
d’efpece de cacao qu’on puifle appeller grandeur rapport
à une autre qu’on puifle appeller petite.
Le cacao qui nous vient de la côte de Caraque, eft
plus onâueux & moins amer que celui de nos îles, ôc
on le préféré en Efpagne ôc en France à ce dernier ;
mais en Allemagne & dans le Nord on eft, à ce qu’on
d it , d’un goût tout oppofé. Bien des gens mêlent le
cacao de Caraque avec celui des îles moitié par moitié
, ôc prétendent par ce mélange rendre leur chocolat
meilleur. On croit que dans le fond la différence
des cacaos n’eft pas fort confidérable , puifqu’elle
n’oblige qu’à augmenter ou diminuer la dofe du lucre
, pour tempérer le plus ou le moins d’amertume
de ce fruit : car il faut confidérer, comme nous l’avons
déjà dit, qu’il n’y a qu’une efpece de cacao, qui
croît aufli naturellement dans les bois de la Martinique
que dans ceux de la côte de Caraque ; que le climat
de ces lieux eft prefque le même , Ôc par confé-
quent la température des faifons égale ; ôc qu’ainfi
il ne fauroit y avoir entre ces fruits de différence in-
trinfeque qui foit fort effentielle.
A l’égard des différences extérieures qu’on y remarque
, elles ne fauroient provenir que du plus ou du
moins de fécondité des terroirs, du plus ou du moins
de loin donné à la culture des arbres, du plus ou du
moins d’induftrie & d’application de ceux qui le préparent
& qui le travaillent depuis fa cueillette jufqu’à
fa liyraifon, & peut-être même de tous les trois
enfemble ; ce qu’on peut obferver à la Martinique
même, où il y a des quartiers où le cacao réuflit
mieux que dans d’autres, par la feule différence des
terres plus ou mois graffes, plus ou moins humides.
On a l’expérience de ce que l’attention à la culture
& à la préparation du cacao, peuvent ajouter à fon
prix. Avec des foins & de l’intelligence, on trouve
le moyen de faire la.plus belle marchandife de toute
l’île, & de fe procurer la préférence de tous les marchands
, pour la vente ôc le prix du cacao , fur tous
fes voifins.
Le cacao de Caraque eft un peu plat, & reffemble
affez par fon volume ôc fa figure à une de nos groffes
fèves; celui de Saint-Domingue, delà Jamaïque ôc de
l’île de Cube , eft généralement plus gros que celui
des Antilles. Plus le cacao eft gros ôc bien nourri, Ôc
moins il y a de déchet après l ’a voit rôti & mondé.;
Le bon cacao doit avoir la peau fort brune ôc affez
unie ; & quand on l ’a ôtée l’amande doit fe montrer
pleine , bien nourrie & lifle ; de couleur de noifette
fort obfcure au-dehors , un peu plus rougeâtre en-
dedans ; d’un goût un peu amer & aftringent, fans
fentir le verd ni le moifi ; en un mot fans odeur ôc
fans être piqué des vers.
Le cacao eft le fruit le plus oléagineux que la nature
produife, il a cette prérogative admirable de ne
jamais rancir, quelque vieux qu’il foit, comme font
tous les autres fruits qui lui font analogues en qualité,
tels que les noix, les amendes, les pignons, les pifta-
ches, les olives, &c.
On nous apporte aufli de l’Amérique du cacao réduit
en pains cylindriques d’environ une livre chacun
; & comme cette préparation eft la première ôc
la principale qu’on lui donne pour faire; le chocolat,
il me femble à-propos d’ajoûter ici la maniéré de la
faire.
Les Indiens , dont on l’a tirée ,, n’y faifoient pas
grande façon : ils faifoient rôtir leur cacao dans des
pots de terre ; puis l’ayant mondé de fa peau & bien
écrafé & broyé entre deux pierres, ils en formoient
des maffes avec leurs mains.
Les Efpagnols, plus induftrieux que les Sauvages,
ôc aujourd’hui les autres nations à leur exemple,
font choix du meilleur cacao , & .du plus récent.
(Comme le cacao n’eft jamais fi net que parmi les
bons grains il n’y en ait d’avortés, de la terre, des
pierres, &c. il faut, avant que de l’employer, faire
palier ces ordures à-travers un crible qui leur donne
iffue fans donner paffage aux amandes de cacao'). Ils
en mettent environ deux livres dans une grande poêle
de fer fur un feu clair, ôc ils les remuent ôc les. retournent
continuellement avec une grande fpatule,
jufqu’à ce que les amandes foient affez rôties pour
être facilement dépouillées de leur peau ; ce qu’il faut
faire une à une, ôc les mettre à part ; prenant un foin
extrême de rejetter les grains cariés , les moifis, &
toute la dépouille des bons : car ces pellicules reliées
parmi le cacao ne fe diffolvent jamais dans aucune
liqueur, pas même dans l’eftomac, ôc fe précipitent
au fond des taffes de chocolat dont le cacao n’a pas
été bien mondé. Les ouvriers , pour expédier plus
promptement cette opération ôc gagner du tems,
mettent une groffe nappe fur une table, & y étendent
leur cacao fortant tout chaud de la poêle ; puis
ils font couler le rouleau de fer deffus , pour faire
craquer ôc détacher les pellicules du cacao : enfin ils
vannent le tout dans un van d’ofier, jufqu’à ce que
le cacao foit parfaitement mondé.
Si on a eu foin de pefer le cacao chez l’épicier, ÔC
qu’enfuite on le répété après qu’il eft rôti Ôc mondé,
on y trouvera environ un fixieme de déchet, un peu
plus, un peu moins, félon la nature & les qualités du
cacao; c’eft-à-dire, par exemple , que de trente livres
d’achat, il enreûera à-peu-près vingt-cinq toutes
mondées.
Tout le cacao étant ainfi rôti ôc mondé à diverfes
reprifes, on le met encore une fois rôtir dans la me^
me poele de fer, mais avec un feu moins violent ; on
remue fans ceffe les amandes avec la fpatule, jufqu’à
ce cfu’eîles foient rôties également ôc au point qu’il
faut ; ce qu’on connoît au goût favoureux & à la couleur
brune fans être noire ; l’habileté confifte à éviter
les deux extrémités, de ne les pas rôtir fuffifamment
& de les trop rôtir, c’eft-à-dire de les brûler. Si on ne
les rôtit pas affez, elles confervent une certaine ru-
deffe de goût delagréable ; ôc fi on les rôtit jufqu’à les
brûler , outre l’amertume ôc le dégoût qu’elles contractent
, on les prive entièrement de leur on&uofite
& de la meilleure partie de leurs bonnes qualités.
En France, où on outre ordinairement toutes cho-
fes, on s’eft fort entêté du goût de brûlé & de la couleur
noire, comme de qualités requifes au bon chocolat;
ne confidérant pas que charbon pour charbon
il vaudroit autant y mettre celui du feu que celui du
cacao. Cette obfervation n’eft pas feulement conforme
à la raifon Ôc au bon fens: mais elle eft d’ailleurs
confirmée par le confentement unanime de tous ceux
qui ont écrit fur cette matière, ôc elle eft de même
autorifée par la pratique univerfelle de toute l’Amérique.
I . j /
Lorfque le cacao eft rôti à-propos ÔC bien monde,
on le pile dans un grand mortier pour le réduire en
maffe grofliere, qu’on paffe enfin fur la pierre jufqu’à
ce qu’elle foit d’une extrême fineffe, ce qui demande
une explication plus étendue.
On choifit une pierre qui réfifte naturellement au
feu, ôc dont le grain foit ferme, fans être ni trop doux
pour s’égrainer, ni trop dur pour recevoir le poli.
On la «taille de feize à dix-huit pouces de large fur
vingt-fept à trente de long ôc trois d’épaifleur, en-
forte que ia furface foit courbe & creufe au milieu
d’environ un pouce & demi ; cette pierre eft affermie
fur un chaflis de bois ou de fer, un peu plus relevé
d’un côté que de l’autre : on place deffous un
brafier pour échauffer la pierre, afin que la chaleur
mettant en mouvement les parties huileufes du cacao
, ôc le réduifant en confiftance liquide de miel,
facilite beaucoup l’attion d’un rouleau de fer, dont
on fe fert pour le travailler avec force, le broyer,
& l’affiner jufqu’à ce qu’il n’y ait ni grumeau, ni la
moindre dureté. Ce rouleau eft un cylindre de fer
poli, de deux pouces de diamètre fur dix-huit ou environ
de long, ayant à chaque bout un manche de
bois de même grofleur, & de fix pouces de long pour
placer les mains de l’ouvrier.
Quand la pâte eft autant broyée qu’on le juge né-
ceffaire, on la met toute chaude dans des moules de
fer-blanc, où elle fe fige & fe rend folide en tres-peu
de tems. La forme de ces moules eft arbitraire ôc chacun
les peut faire à fa fantaifie : cependant les cylindriques
qui peuvent contenir deux à trois livres de
matière, me paroiffentles plus convenables, parce
que les pains les plus gros fe confervent plus long-
tems dans leur bonté, Ôc font plus commodes pour
le maniement quand il s’agit de les râper. On doit
conferver ces billes enveloppées de papier dans un
lien fec, ôc obferver qu’elles font fort fufceptibles
des bonnes ôc des mauvaifes odeurs, ôc qu’il eft bon
de les garder cinq ou fix mois avant que d’en ufer.
Au refte le cacao étant fuffifamment broyé & paffé
fur la pierre, comme nous venons de l’expliquer, fi
l’on veut achever la compofition du chocolat en
maffe, il ne s’agit plus que d’ajoûter à cette pâte une
poudre paffée au tamis de foie, ôc compofée de fu-
cre , de cannelle , ôc fi l’on veut de vanille, fuivant
les dofes ôc les proportions que nous enfeignerons
dans la fuite de cet article ; de repaffer le tout fur la
pierre pour le bien mêler & incorporer enfemble ,
ôc de diftribuer enfin cette confection américaine
dans des moules de fer-blanc en forme de tablettes
d’environ quatre onces chacune, ou demi-livre fi
J’on veut.
Propnètèsdu cacao. Le cacao eft fort tempéré » nour*
riffant, ôc de facile digeftion. Il répare promptement
les efprits diflipés & les forces épuifées ; il eft falu-
taire aux vieillards.
Ufages du cacao ; on en fait des confitures, du cho-
colat, ôc l’on en tire l’huile qu’on appelle beurre de
cacao.
Du cacao en confiture. On fait choix des coffes de
cacao à demi mûres ; on en tire proprement les aman-»
des fans les endommager, ôc on les met tremper pendant
quelques jours dans de l’eau de fontaine, que
l’on a foin de changer foir ôc matin : enfuite les ayant
retirées ôc effuyées, on les larde avec des petits lar-
dons d’écorce de citron ôc de cannelle, à-peu-près
comme on fait les noix à Roiien.
On a cependant préparé un firop du plus beau fu-
cre, mais fort clair, c’eft-à-dire où il y ait fort peu
de fucre; & après l ’avoir bien purifié ôc bien clarifié,
on l’ôte tout bouillant de deffus le feu, on y jette les
grains de cacao, Ôc on les y laiffe tremper pendant
vingt-quatre heures, après quoi on les retire de ce
firop ; Ôc pendant qu’on les laiffe égoutter, on enfait
un nouveau femblable au précèdent, mais plus fort
de fucre, où on les fait pareillement tremper durant
vingt-quatre heures. On réitéré cinq ou fix fois cette
opération, augmentant à chaque fois la' quantité de
fucre, fans les mettre jamais fur le feu ni donner d’autre
cuiffon. Enfin ayant fait cuire un dernier firop en
confiftance de fucre, on le verfe fur les cacaos qu’on
a mis bien effuyer dans un pot de fayence pour les
conferver, Ôc quand le firop eft prefque refroidi, on
y mêle quelques gouttes d’effence d’ambre.
Quand on veut tirer cette confiture au fec, on ôte
les amandes hors de leur firop ; & après les avoir bien
égouttées, on les plonge dans une bafîïne pleine d’un
firop bien clarifié ôc fort de fucre, & fur le champ on
les met dans une étuve, où elles prennent le candn
Cette confiture, 'qui reffemble affez aux noix de
Roiien , eft excellente pour fortifier l’eftomac fans
trop 1’échauffer,'ce qui fait qu’on peut même en donner
aux malades'qui ont la fievre.
Du chocolat. Voye^ l'article C hOGQLAT.
Beurre de cacao. On prend du cacao rôti , mondé rÔC
paffé fur la pierre ; on jette cette pâte bien fine dans
une grande bafline pleine d’eau bouillante fur un feu
clair, où on la laiffe bouillir jufqu’à la confomption
prefque entière de l’eau ; alors on verfe deffus une
nouvelle eau dont on remplit la bafline : l’Jiuile monte
à la furface, ôc fe fige en maniéré de beurre, à me*
fure que l’eau fe refroidit. Si cette huile n’eft pas
bien blanche, il n’y a qu’à la faire fondre dans une
bafline pleine d’eau chaude, où elle fe dégagera ôc
fe purifiera des parties rouffes & terreftres qui lui ref-
toient.
A la Martinique cette huile eft en confiftance de
beurre : mais portée en France, elle devient comme
du fromage affez dur, qui fe fond neanmoins ôc fe
rend liquide à une legere chaleur ; elle n’a point d’odeur
fort fenfible, Ôc à la bonne qualité de ne rancir
jamais. L’huile d’olive ayant manqué une année,
on ufa de celle de cacao pendant tout un carême : elle
eft de fort bon goût ; & bien loin d’être malfaifante,
elle contient les parties les plus effentielles & les plus
falutaires du cacao.
Comme cette huile eft très-anodyne, elle eft excellente
à l’intérieur pour guérir l’enrouement, ÔC
pour émouffer l’acreté des fels qui dans le rhûme picotent
la poitrine. Pour s’en fervir on la fait fondre,
on y mêle une fuffifante quantité de fucre candi, ôc
on en forme de petites tablettes, qu’on retient le plus
long-tems qu’on peut dans la bouche, les laiffant fondre
tout doucement fans les avaler.
L’huile de cacao prife à propos, pourroit être encore
merYeillcufe contre les poifons corrofifs. Elle