une vérité affez fenfiblè ; É W S g & g f l i l
celle qui récompenfe les fideles, 8c que la jultice punit
les impéfiïténs. rA
il me fembfe que la clé du-mj'ftere confiftedn ceci :
les Cabaliftes regardant Dieu comme une eflenee infinie
qui ne peut être pénétrée , fie qui ne peut le communiquer
immédiatement a la créature, ont imagine
qu’elle fe faifoit connoîtré & qu’elle agiftoit par les
perfeéfio'ns qui émanoient de lui, comme les perfections
de l’anie & fon effence fé manifeftent fie le font
connoîtré par les aftes de raifon 8c de vertu qu e e
produit, 8c fans lefquels ces perfeéhons feroient cachées;
-v
Ils appellent ces attributs les habits de Vieu, parce
qu’il fe rend plus fenfible par leur moyen. Il lernMe à
la vérité que Dieu fe cache par-là, au lieu de le révéler,
comme un homme qui s’enveloppe d un manteau
ne veut pas' être vu ; mais la différence eitgran-
d e , parce que l’homme eft fini & borné, au lieu que
l’eflénce de l'a divinité eft imperceptible fans le le-
cours de qûeiqit*opêration : ainfi ori ne peut'voir lé
foleil, parce que fon éctat SKS ébloiiit ; mais on le
regarde derrière on image ,‘ ôii nu-travers' de quelque
corps diaphane. .
Ils difent auffi que c’étoient les inftrumens dont le
fouverain architecte fe fervoit ; mais de peur qu on
ne s’y trompe, ils ont ajouté {Abrahami patriarchoe
liber Jenrah, cap.j.fect. 2. p. 17S.) que ces nombres
font fortis de l’effence de Dieu même ; 8c que fi on
les confidere comme des inftrumens, ce feroit pourtant
une erreur grolïiere que de croire que Dieu peut
les quitter 8c les reprendre félon les befoins qu il ert
a , comme l’artifan quitte les outils lorfque l’ouvrage
éft fini ou qu’il veut fe repofer, & les reprend lorl-
qu’il recommence fon travail. Cela ne fe peut, car les
irtftrumens ne font pas attachés à la main du Charpentier
• mais les nombres, les lumières refplendijfantes fartent
de F eflenee de L'infini & lui font toujours unies,
comme la flamme au charbon. En effet, comme le charbon
découvre par la flamme fa force 8c fa vertu qui
étoit cachée auparavant, Dieu révélé fa grandeur &
fa puiffance par les lumières refplendilfantes dont
nous parlons. , . ,v
Enfin les Cabaliftes difent que ce ne^font pas la
feulement des nombres, comme Morus 1 a cru, mais
des émanations qui fortent de l’effence divine, comme
les rayons fortent du foleil, 8c comme la chaleui
naît par le feu fans en être féparée. La divinité n’a
fouffert ni trouble, ni douleur, ni diminution, en
leur donnant l’exiftence , comme un flambeau ne
perd pas fa lumière 8c ne fouffre aucune violence
lorfqu’on s’en fert pour en allumer un autre qui etoit
éteint, ou qui n’a jamais éclairé. Cette comparaifon
n’eft pas tour-à -fait jufte ; car le flambeau qu’on
allume , fubfifte indépendamment de celui qui lui a
communiqué fa lumière : mais l’intention de ceux
qui l’ont imaginée étoit feulement de prouver que
Dieu ne fouffre aucune altération par l’émanation
de fes perfe&ions, fit qu’elles fubfiftent toujours dans
fon effence. ,...
L’enfoph, qu’on met au-deffus de I arbre lepmro-
tique ou des fplendeurs divines, eft l’infini. On 1 appelle
tantôt Y être, 8c tantôt le non-être. C’eft un etre,
puifque toutes chofes tirent de lui leur exiftence :
c’eft le non-être, parce qu’il eft impoffible à l’homme
de pénétrer fon elfence & fa nature. Il s’enveloppe
d’une lumière inacceflible, il eft caché dans une ma-
jefté impénétrable; d’ailleurs il n’y a dans la nature
aucun objet qu’on puiffe lui comparer, 6c qurle repréfente
tel qu’il eft. C’eft en ce fens que Denys l’A-
réopagite a ofé dire que Dieu n’etoit rien, ou que
c’étoit le néant. On fait entendre par-la que Dieu
eft une effence infinie, qu’on ne peut ni la fonder ni
|a connoîtré ; qu’il poffedetôutes chofes d: une maniere
plus noble 8c plus parfaite que les créatures ; Sc
que e’eft de lui qu’elles tirent toutes leur exiftence 8c
leurs qualités par le moyen de fes perfections, qui
font comme autant de canaux par lefquels 1 etre fou-
verain communique fes faveurs.
Les trois premierés fplendeurs font beaucoup plus
excellentes que les autres. Les Cabaliftes les diltin-
guent : ils les approchent beaucoup plus près de l’infini
, auquel elles font étroitement unies ; & la plupart
en font le chariot d’Ezéchiel ou le mercava,
qu’on ne doit expliquer qu’aux initiés. Les Chrétiens
{âinh^mdif. jEgyftt Gyma. BytrOg. ciaff. 4- § • 3.)
profitent de cet avantagé, &: foûtiennent qu on a in*
diqué par-là les trois perfonnes de la Trinité dans une
fèuîe fie même eflenee qui eft infinie. Ils fe plaignent
même de l’ignorance fic de l’aveuglement des Caba-
liftés modernes, qui regardent ces trois fplendeurs
comme autant d’attributs de la Divinité ; mais ces
Cabaliftes font les plus fages. En effet, on a beau
citer les Cabaliftes qui difent que celui qui efl un a fait
émaner les lumières; qu'il a fuit trois ordres <Témanations,
& que ces nombres prouvent la trinité du roi pendant
toute l'éternité; ceS exprefîions vagues d’Ifachor
Beer {Ifach. Beer,fil. Mofls, Pefahc. lib. imve Beriah.)
font expliquées un moment après : tout^ le myflere
conflfle dans C émanation de quatre mondes} F Archetipé,
F Angélique, celui des Etoiles, & F Elémentaire. Cependant
ces quatre mondes ri’ont rien de commun avec
la Trinité : c’eft ainfi que Siméon Jochaïdes trouvoit
dans le nom de Jéhovah, le Pere ; le Fils, la Fille 8c
la Mere ; avec un peu de fubtilite, on trouverait le
Saint-Efprit dans la Fille de la Voix, & la Mere pour-
roit être regardée comme l’effence divine ou l’Eglife
chrétienne. Cependant on voit bien que ce n étoit
point l’intention de ce cabalifte. Le jod , clifoit — i l ,
eft le Pere ; l'k, ou la fécondé lettre du nom ineffable
, eft la Mere ; Vu eft le Fils ; la derniere, h, eft la
Fille : Si qu’entend-il par-là? l'Eprit, le Verbe, la
voix, 8c l'ouvrage. On cite Maimonides, qui dit que
» la couronne eft l’efprit original des dieux vivans ;
>> que la fageffe eft l’efprit de l’Efprit , fie que l’intei-
» ligence eft l’eau qui coule de l’efprit ; que s il y a
» quelque diftinftion entre les effets de la fageffe, de
» l’intelligence 8c de la fcience, cependant il n’y a
» aucune différence entr’elles ; caria fin eft liée avec
» le commencement, & le commencement avec la
» fin». Mais il s’explique lui-même, en comparant
cela au feu ou à la flamme qui jette au-dehors plu*
fleurs couleurs différentes, comme autant d’émanations
qui ont toutes leur principe 8c leur racine dans
le feu. On ne con çoit pas les perfonnes de la Trinité,
comme le bleu, le violet 8c le blanc qu’on voit dans
la flamme ; cependant les Cabaliftes foûtiennent que
les fplendeurs émanent de la Divinité, comme les
couleurs fortent de la flamme , ou plûtôt du feu. Il
ne faut donc pas s’arrêter aux éloges que les dofteurs
font des trois premiers féphirots, comme fi c’étoient
les perfonnes de la Trinité, d’autant plus qu’ils unif-
fent tous les féphirots à Peffence de Dieu ; & dès le
moment qu’on regarde les trois premiers comme au*
tant de perfonnes de l’Effence divine-, il faudra les
multiplier jufqu’à dix, puifqu’ils fubfiftent tous delà
même maniéré, quoiqu’il y ait quelque différence
d’ordre.
La couronne eft la première des grandes fplendeurs,
parce que comme la couronne eft le dernier habit qui
couvre l’homme, 8c qu’on porte fur la tête, cette
fplendeur eft la plus proche de l’infini, 8c le chef du
monde azileutique : elle eft pleine de mille petits canaux
d’où coulent les effets de la bonté 8c de l’amour
de Dieu. Toutes les troupes des anges attendent avec
impatience qu’une portion de cette fplendeur descende
fur eu x, parce que c’eft elle qui leur fournit les
alimens fie la nourriture. On l’appelle le non-être ■>
I>arcâ qu*elle fe retire dans lefein caché de U ïtu, dans
un abyfne inaccefjible de lumière.
On donne quelquefois le titre de couronne au royaume
, qui n’eft que la derniere des fplendeurs : mais c’eft
dans un fens impropre, parce qu’il eft la couronne du
temple, de la fo i, & du peuple d’IfraeL
La fécondé émanation eft la fageffe ,6c la troifieme
eft Y intelligence : mais nous ferions trop longs fi nous
voulions expliquer ces trois grandes fplendeurs, pour
defeendre enfuite aux fept autres. Il Vaut mieux remarquer
la liaifon qui eft entre ces fplendeurs, & celle
qu’elles ont avec les créatures qui compoferit l’univers.
A chaquejépkirot on attache un nom de D ieu ,
tin des principaux anges, une des planètes, un membre
du corps humain , un des commandeméns de la
loi ; & de là dépend l’harmonie de l’univers. D’ailleurs
une de ces chofes fait penfer à l’autre , fie fert
de degré pour parvenir au plus haut degré de la connoiffance
& de la Théologie contemplative. Enfin
on apprend par-là l’influence que les fplendeurs ont
fur les anges, fur les planètes, fur les aftres, fur les
parties du corps humain, &c.
Il y a donc une fubordination entre toutes les chofes
dont cet univers eft compofé, 8c les unes ont une
grande influence fur les autres; car les fplendeurs influent
furies anges, les anges fur les planètes, & les
pla ne tes fur l’homme : c’eft pourquoi on dit que Moy-
îe qui a voit étudié l’Aftronomie en Egypte,eut beaucoup
d’égard aux aftres dans fa loi. Il ordonna qu’on
fan&ifiâtle jour du repos, à caufe de Saturne qui pré-
fide fur ce jour là , & dont les malignes influences fe-
roient dangereufes, fi on n’en détournoit pas les effets
par la dévotion 8c par la priere. Il mit l ’ordre
d’honorer fon pere 8c fa mere fous la fphere de Jupiter
, qui étant plus doux, eft capable d’infpirer des
fentimens de refpeél 8c de foûmiffion. Je ne fai pourquoi
Moyfe qui étoit fi habile, mit la défenfe du
meurtre fous la contellation de Mars ; car il eft plus
propre à les produire qu’à en arrêter le cours. Ce
font là les excès & les vifions de-la Cabale. Paffons
à d’autres.
En fuppofant là liaîfon des fplendeurs. ou perfections
divines, 8c leur fubordination, il a fallu imaginer
des canaux 8c des conduits, par lefquels les influences
de chaque perfeâion fe communiquaffent à
l’autre : autrement l ’harmonie auroit été traverfée ;
8c chaque fplendeur agiffant dans fa fphere particulière
, les mondes des anges, des aftres, 8c des hommes
terreftres , n’en auroient tiré aucun avantage.
C ’eft pourquoi les Cabaliftes ne manquent pas de
dire qu’il y a vingt-deux canaux, conformément au
nombre des lettres de l’alphabet hébreu, fie ces vingt-
deux canaux fervent à la communication de tous *
les féphirots: car ils portent les influences de l’une à
l’autre.
Il fort trois canaux de la couronne , dont l’un va
fe rendre à la fagefle, le fécond à Y intelligence, & le
troifieme à la. beauté. De la fagefle fort un quatrième
canal qui vafe jetter dans Y intelligence ;le cinquième
paffe de la même fource à la beauté, 8c le fixieme à la
magnificence,
Il faut remarquer que ces lignes de communication
ne remontent jamais, mais elles defeendent toûjours.
Tel eft le cours des eaux qui ont-leur fource fur les
montagnes, & qui viennent fe répandre dans les lieux
plus bas. En effet quoique toutes les fplendeurs foient
unies à l’effence divine, cependant la première a de
la fupériorité fur la fécondé ; du-moins c’eft de la première
que fort la vertu 8c la force , qui fait agir la fécondé
; 8c le royaume, qui eft le dernier, tire toute
fa vigueur fplendeurs qui font au-deffus de lui.
Cette fubordination des attributs de Dieu pourrait
paroître erronee : mais les Cabaliftes difent que cela
ne fe fait que félon notre maniéré de concevoir ; &
Tome II.
qufoh fange àinfî cesfplendeurs, afin de les diftinguer
8c de faciliter la connoiffance exaéle 8c pure de leurs
opérations.
C ’eft dans la même vue qu’ils ont imaginé trente-
deux chemins fie cinquante portes qui conduifent les
hommes à la connoiffance de ce qu’il y a de plus fe*
cret& de plus caché. Tous les chemins fortent de la
fagefle ; parce que l’Ecriture dit, tu as créé le monde
avec fagefle. Toutes ces routes fonj: tracées dans un
livre qu’on attribue âu patriarche Abraham ; & un
rabbin célébré du même nôm y a ajouté un commentaire
, afin d’y conduire plus lûrement les hommes.
Les Chrétiens fe divifent fur l’explication des fé-
phirdts aufli-bien que les Juifs;8c il n’y a rien qui puiffe
mieux nous convaincre de l’incertitude de la Cabale ,
que les différentes conjeâures qu’ils ont faites : car
ils y trouvent la Trinité 8c les autres principes de la
religion chrétienne. ( Morus, epifl. in Cab. denud.
tom. IJ. Kircker, (Edip. Ægypt. Gymnaf & c. cap. jx .
tom. I l . ) Mais fi l’on fe donne la peine d’examiner
les chofes, on trouvera que fi les Cabaliftes ont voulu
dire quelque chofe, ils ont eu deffein de parler des
attributs de Dieu. Faut-il , parce qu’ils diftinguent
trois de ces attributs comme plus excellens, conclure
que ce font trois perfonnes ? Qu’on life leurs
dofteurs fans préjugé, on y verra qu’ils comparent
les féphirots à dix verres peints de dix couleurs différentes.
La lumière du foleil qui frappe tous ces verres
eft la même, quoiqu’elle faffe voir des couleurs
différentes •: C’eft ainfi que la lumière ou l’effence divine
eft la même , quoiqu’elle fe diverfifie dans les
fplendeurs, 8c qu’elle y verfe des influences très-différentes.
On voit par cette comparaifon que les Je-,
phirots né font point regardés par les Cabaliftes comme
les perfonnes de laTrinité que les Chrétiens ado*;
rent. Ajoutons un autre exemple qui met la même,
chofe dans un plus grand jour, quoiqu’on s’en ferve
quelquefois pour prouver le contraire»
# Rabbi Schabté compare les fplendeurs à un arbre >
dans lequel on diftingue la racine, le germe , 8c les
branches. « Ces trois chofes forment l’arbre ; 8c la
» feule différence qu’on y remarque-, eft que la ra-
» cine eft cachée pendant que le tronc 8c les bran-
» ches fe produisent au-dehors. Le germe porte fa
» vertu dans les branches qui fruôifient : mais au
» fond, le germe & les branches tiennent à la raci-
» ne, 8c forment enfemble un feul 8c même arbre;
» Difons la même chofe des fplendeurs. La couronne
» eft la racine cachée, impénétrable ; les trois efi*
» prits, ou féphirots, ou fplendeurs, font le germe de
» l’arbre; & les fept autres, font les branches unies
» au germe fans pouvoir en être féparées : car celui
» qui les fépare, fait comme un homme qui arrache-
» roit les branches de l’arbre, qui couperoit le tronc
>» 8c lui ôteroit la nourriture en le féparant de fa ra-
» cine. La couronne eft la racine qui unit toutes les
» fplendeurs. » ( Schabté in Jeÿrah. )
Comment trouver là la Trinité ? Si on l’y découvre
, il faut que ce foit dans ces trois chofes qui com-
pofenü’arbre ; la racine, le germe, 8c les branches;
Le Pere fera la racine, le germe fera le Fils, 8c les
branches le faint-Efprit qui fru&ifie» Mais alors les
trois premières fplendeurs ceffent d’être les perfonnes
de la Trinité, car ce font elles qui forment le
tronc & le germe de l’arbre : & que fera-t-on des
branches 8c de la racine , fi l’on veut que ce tronc
feul, c’eft-à-dire les trois premières fplendeurs foient
la Trinité ? D ’ailleurs ne voit-on pas que comme les
dix fplendeurs ne font qu’un arbre , il faudrait conclure
qu’il y a dix perfonnes dans la Trinité , fi on
vouloit adopter les principes des Cabaliftes ?
Création du monde par voie <Témanation. Les Cabaliftes
ont un autre fyftème, & qui n*eft pas plus intelligible
que le précédent, Ils foûtiennent qu’il y a plu-
p p p ij