176 B L A
de caffoude. L’eau après avoir traverfé lés toiles retourne
dans la chaudière, d’où on la reprend pour la
jetier de nouveau fur les toiles ; ainfi alternativement
pendant plufieurs heures.
La première leffive eft compofée de moitié de cendres
de calleau, & de cendres du pays. Les toiles
fortant de cette leffive doivent être étendues fur le
pré & arrofées.
Pour étendre les toiles fur le pré, on fe fert de
plufieurs chevilles de bois qu’on fait paffer dans des
anneaux de ficelle qui font coufus tout au-tour de la
toue, & qu’on enfonce dans la terre, enforte que
la toile foit bien tendue.
La difpofition des prés favorife l’opération d’arro-
fer ; ils font coupés comme on voit P l. I. en a , b,c,
d 3 e ff , g ^ h , i , k , l ym, n , o , p y q , de dix toifes
en dix toifes par des canaux dans lefquels on a détourné
le lit de la riviere. On prend l’eau dans ces
canaux avec des écopes de forme finguliere, repré-
fentées/o-. /. PI. /ƒ. de Blanchijferie. ( K. Ecope) , &
onia jette fur les toiles étendues, enforte qu’elles
le trouvent par-tout également mouillées : on réitéré
cette opération jufqu’à ce que les toiles foient entièrement
dégorgées de cette première leffive.
Lorfque les toiles font feches, on peut les retirer
du pré, & les mettre à une fécondé leffive.
La fécondé leffive fera augmentée d’un tiers de
caffoude. Les toiles feront ainn coulées la troifieme,
quatrième & cinquième leffive, avec cette augmentation
de caffoude, obfervant à chaque leffive ce
qui a été preferit ci-deffus.
Il faut obferver que fi après la première leffive on
ne pouvoit pas retirer les toiles feches de deffus le pré
à caufe des pluies, en ce cas, après avoir repamé les
toiles, on pourroit les mettre à la leffive à la l'ortie
du repamoir.
La fixieme & feptieme leffive fera coulée avec la
même quantité de caffoude que les précédentes, &c
avec les mêmes attentions ; c’eft-à-dire, que les toiles
doivent être feches.
La huitième & neuvième leffive fera faite avec
les toiles qu’on aura repamées fortant du pré ; elles
leront mifes dans les cuviers étant mouillées.
On doit obferver pour les leffives fuivantes, dont
le nombre eft indéterminé, qu’il faut les encuveter
feches une leffive, & les repâmer, &c les encuveter
mouillées à la leffive fuivante y ainfi alternativement.
On doit auffi obferver pour les leffives où les toiles
ont été encuvetées feches, qu’il faut que la leffive
foit feulement à demi-chaude ; au lieu que quand
les toiles font écrues ou mouillées, elle peut être
bouillante.
A l’égard de la quantité de cendres caffoudes, pour
cent vingt pièces de toile de Flandre de trente-fix
aunes de longueur & de trois quarts de large, on met
cent livres de cendres ; quant aux deux ou trois premières
leffives, feulement quatre-vingts livres.
Lorfque Jps toiles font à demi blanches, on met un
tiers de cendres vecdaffes ; & lorfqu’elles font tout-
à-fait blanches, & prêtes à entrer au lait, les leffives
font feulement compofées de cendres blanches
ou de bois commun ; cette derniere donne un fond
beaucoup plus clair, & un banc plus parfait.
Lorfque les toiles font blanches, il faut les retirer
du pré , les repamer pour les mettre au la it, après
qu’elles font égouttées.
La laiterie eft une faite plus ou moins gçande,
dans laquelle font plufieurs grandes cuves de bois
enterrées de toute leur hauteur dans le fol de la falle.
La grandeur de ces cuves eftà peu-près égale à celle
des cuviers. On jette les toiles encore moites dans
ces cuves, & par-deflus une quantité fuffifante de
lait écrémé, pour qu’elles foient entièrement pion-
B L A
gees : on les laiffe en cet état pendant vingt-quatre
heures ; on les retire du lait pour les porter au repamoir
, où elles font repamées. Lorfque les toiles font
repamées, elles vont toutes mouillées à la froterie
ou frotoir. Le frotoir eft une autre falle où des
femmes font occupées à favonner les lifieres des toiles
, qui n’ont pu être autant blanchies que le milieu
de l’étoffe par les opérations précédentes.
Cette falle contient plufieurs baquets A , B , C ,
PL. I. au bas, de trois piés de large , & d’environ
quatre pouces d’épaiffeur, & de quinze ou dix-huit
de profondeur : le bord fupérieur de ces baquets,
qu’on appelle plateaux y eft incliné en-dedans, enforte
que l’eau puiffe retomber : ils font portés fur deux
pièces de bois D D , E E , foûtenues par des piés
fcellés dans le plancher, qu’on appelle chantiers.
Chacun de ces plateaux contient un autre vafe de
bois X X X y dont le diamètre eft à-peu-près le tiers
de celui du plateau, qu’on appelle tinette; cette tinette
contient de l’eau chaude qui fert à détremper le
favon noir contenu dans lesécuelles de bois F F ,
pofées fur les piliers GG y qui font placés entre chaque
plateau X.
Les autres uftenciles que cet attelier contient, font
un fourneau garni de fa chaudière, pour faire chauffer
l’eau néceffaire aux tinettes ; quelques tables
pour pofer les toiles & les vifiter, c’eft-à-dire, examiner
fi les lifieres ont été affez favonnées ; & une
machine qu’on appelle chaife, repréfentée fig. pre-
Ces chaifes ne font autre chofe qu’une caiffe à
jour compofée de quatre montans ou piliers, de quelques
bâtons qui les unifient, & d’un fond de planches
; le tout a affez de reffemblance avec un tabouret
commun renverfé. Cet infiniment fert à égoutter
les toiles au fortir des mains des froteufes.
Pour favonner lés lifieres, les toiles étant ployées
en deux fuivant leur longueur, & en plufieurs doubles,
enforte que toutes les lifieres foient raffemblées dans
l’étendue d’un pié & demi ou environ, la froteufe
prend un peu de favon dans l’écuelle F , l’applique
fur l’endroit qui ne paroît pas affez blanc ; elle frote
enfuite deux parties de lifiere l’une contre l’autre jufqu’à
ce que la tache foit effacée, obfervant de mouiller
de tems en tems avec l’eau chaude contenue dans
la tinette du plateau furie bord duquel elle travaille.
Deux ouvrières peuvent travailler en même tems
fur le même plateau fans s’incommoder ; l’une eft
d’un côté des chantiers, & l’autre du côté oppofé.
Apres que les toiles ont été fuffifamment frotées,
elles vont à la leffive douce, de-là fur le pré pour
être arrofées : au fortir du pré, il faut les repamer &
les remettre au lait, d’où elles fortent pour être portées
pour la fécondé fois au frotoir, d’où elles paf-
fent à la leffive legere.
Cette leffive legere eft compofée d’un quart feulement
de caffoude ; fi on a de la vecdaffe, on peut
couler les toiles avec la même quantité de cette derniere
matière fans caffoude.
Lorfque les toiles fortent du frotoir pour la fécondé
fois, elles font portées hnmides à la leffive : il faut
en mettre feulement deux lits dans le cuvier, avoir
la leffive chaude, & en jetter deffus environ la quantité
qu’une chaudière en peut contenir ; cela fait, il
faut en mettre deux autres lits, & les arrofer avec
la même leffive, & continuer delà forte jufqu’à ce
que toutes les toiles qui doivent paffer par cette leffive
foient entrées dans le cuvier ; alors on les arrofera
avec la même leffive bouillante, que l’on aura augmentée
d’eau pour que la chaudière foit pleine.
Après avoir laifle couler la leffive trois fois , on
fortira les toiles ainfi chaudes, on les étendra fur le
pré , où on les fera arrofer deux ou trois fois.
Après le troifieme arrofage, il faut retirer le$
toiles du pré, lès porter mouillées au repamoir, &
étant égouttées, on les remettra au lait ; continuant
ainfi la même fuite d’opérations jufqu’à ce qu’elles
ayent acquis tout le degré de blancheur dont elles
font capables, ou celui que l’on veut leur donner.
Cette fuite d’opérations n’eft pas fi bien démontrée
la meilleure , qu’on ne puiffe s’en écarter dans
bien des occafions : mais c’eft la plus ordinaire. Il y
a des qualités de toiles qui réfiftent à tous les efforts
que l’on fait pour les blanchir parfaitement ; il faut
fe contenter alors d’un demi-blanc, ou davantage fi
on le peut atteindre : il y en a d’autres qui réfiftent à
toutes ces opérations, & dont on Vient facilement à
bout en variant le procédé de quelques-unes,foit pour
la dofe ou pour l’ordre ; c’eft où paroît l’intelligence
du manufacturier : c’eft pourquoi il obferve foigneu-
fement fi la blancheur de fe s toiles fait du progrès en
paflant par les opérations que nous venons de décrire
; fi elle s’arrête en chemin, il varie un peu le procédé
, & par ce moyen il détruit ou diminue l’obfta-
cle qui s’oppofoit au progrès de la blancheur de fa
toile. Il ne faut quelquefois pour cela que deux leffives
bouillantes de fuite, au lieu que nous avons preferit
ci-devant de les donner alternativement bouillantes
furies toiles mouillées, & tiedes fur celles qui
font mifes feches dans les cuviers ; ainfi de tontes les
variétés dont ces opérations font fufceptibles.
Lorfque les toiles font blanches, il faut les porter
au repamoir ; mouillées du repamoir , il faut leur
donner un premier bleu, & les faire fecher fur les
pieux.
Le bleu dont on fe fert dans les manufacturés eft
le bleu d’Inde appelle indigo , ou le bleu de Pruffe
qui a un plus bel oeil. On plonge les pièces de toile
dans un baquet rempli d’eau chargée plus ou moins
de cette couleur ; on l’y retourne pour qu’elle s’en
charge également ; enfuite on retire par un bout la
pièce de toile, & on la roule en l’exprimant fur un
bâton placé au-deffus du baquet à trois ou quatre piés
de hauteur, enforte que la piece de toile a la figure
d’un écheveau de fil ouvert, & fufpendu par le bouton
placé au-deffus du baquet. Après qu’elle eft égouttée
, on la tord pour exprimer la quantité d’eau fu-
perflue. Cette opération eft très délicate ; car fi on
tord trop, toute la teinture bleue fort, & les toiles
reftent à peu près comme elles étoient avant que
d’avoir été plongées dans le baquet: fi au contraire
on ne tord pas affez, on a à craindre que les toiles
ne foient plus chargées de couleur dans un endroit
que dans un autre.
L’opération de donner le bleu aux toiles , eft fui-
vie de celle de les étendre fur les pieux pour les faire
fécher. Les pieux font placés dans la campagne ou
le pré ; ce font des bâtons enfoncés fermement dans
la terre, & qui en fortent d’environ quatre piés : ils
font rangés fur des lignes droites comme les arbres
d’un jardin. Sur les têtes de ces pieux, qui doivent fe
trouver en ligne droite, on étend une toile groffie-
re , ou une toile qui n’a pas encore été blanchie, en
forte que le milieu de la largeur de la toile porte fur
la tête des pieux, & qu’elle pende de chaque côté.
On affermit & on tire cette toile pour qu’elle foit
bien tendue ; & fur celle-ci on étend de même celle
qui a été mife au bleu pour la faire fécher: elle doit
être bien tendue, pour empêcher qu’elle ne s’étrécit
® & fe raccourciffe enféchant.
Lorfqu’elles feront feches on leur donnera l’apprêt
qui fuit : prenez de l’amydon, faites-le bouillir
dans de l’eau, retirez-le de deffus le feu quandilfera
cuit, & le paffez par un linge.
^ ous mettrez dans un autre pot ou vafe un tiers 1
d amydqn crud, que vous détremperez dans de l’eau ■
fans le faire bouillir, & le pafferez à-travers un linge.
Lela tait, vous mettrez dans un troifieme vafe deux
tiers d amyclohbouilli, avec un tiers d’amydon crud;
vous y ajouterez votre bleu ; ayant bien mêlé le tout,
vous plongerez vos toiles, & après les avoir bien
trempees dans cette compofition, vous les retirerez
pour les faire fécher.
Après que les toiles font feches, on les porte à la
ploierie ou magafin, d’où elles ne fortent que pour
retourner chez ceux à qui elles appartiennent, ou à
qui elles font deftinées.
Mais comme les toiles après avoir paffe par toutes
les opérations dont on vient de parler , ont un
grand nombre de faux plis, on leur donne dans la
ploierie. diverfes préparations qui les effacent.
La première de ces préparations confifte à les faire
paffer dans le rouloir, qui eft une efpece de calen-
dre ou de preffe en taille-dou«e. Le rouloir repréfenté
fig -Z. PL. III. eft compofé de deux jumelles, des montans
C A , F B , fendus de D en A , d’une longue
mortoife, de quatre montans K I I , I G , F E , LM;
toutes ces:pieces font affemblées dans une plate-forme
ou chaffis 1 K L ; chacun des quatre montans eft
affcmblé avec les jumellespar des traverfes G D ,
H D , ME; Szles jumelles le font l’une avec l’autre
par le fommier AB: entre les deux jumelles au-deffous
du fommier, on place fept rouleaux de bois de fix à
fept pouces dé diamètre, & d’environ quatre piés de
longueur. Ces rouleaux dont les tourillons entrent
dans les mortoifes des jumelles, portent les uns fur
les autres, enforte que le mouvement d’un de ces
rouleaux le communique à tous les autres, qui tournent
alternativement en fens contraire.
Le rouleau marqué 6 dans le profil, porte urt carré
qui reçoit une manivelle, au moyen de laquelle on lé
fait tourner, & on communique le mouvement à tous
les autres.
Siir les deux montans de devant eft encore tin autre
rouleau, que l’on fait tourner avec une manivelle
M, voyei aujjiy le profil. A la partie oppofée, c’eft-
à-dire derrière, eft un autre rouleau 8 ; mais qui eft
fixé ôc percé de plufieurs trous pour recevoir des chevilles
a, entre lefquelles la piece de toile eft conduite*
Enfin, au-deffous des rouleaux eft une table de bois
qui occupe tout le vuide du chaffis IKL, dont l’ufage
eft d’empêcher la toile de toucher le plancher. La toile
eft pofée fur cette tablé, comme on le voit dans lâ
figure, ôc le trait noir repréfente le profil de la toile,
qui eft ployée en zig-zag. On prend le bout fupérieur
de cette toile, on le paffe fous le rouleau 8, on
le ramene entre les deux chevilles aa fur le rouleau i ;
on fait tourner enfuite la manivelle du rouleau 6 du
fens convenable, pour que le chef de la toile paffe
entre les rouleaux i & z ; continuant de tourner, on
le fait paffer entre les rouleaux z & 3, & fucceffive-
ment entre tous les autres, jufqu’à ce qü’il forte entre
les rouleaux 6 & 7 du côté de G. Lorfqu’il en eft:
forti une longueur convenable y , 9 , on reçoit le chef
fur le rouleau 9, où on l’affujettit par le moyen d’une
envergeure ou petite baguette, qui fe cache & fefixe
enfuite dans une cavité de l’enfuple ; ce qui fait qu’en
tournant la manivelle du rouleau 9, on amene toute
la toile fur lui fans craindre qu’elle fe déroule ; cette
opération redreffe les fils de la trame & de la chaîne,
que les opérations par lefquelles la toile avoit paffé
pour être blanchie, avoient beaucoup dérangés; de
plus elle efface les principaux: plis.
Cette opération achevée, on ôte le rouleau 9 de
deffus fes fupports I G , LM, fit on le porte fur un
nwlreAB,fig. 4. Plane. II. qu’on appelle par cette
raifonporte-rouleau. C ’eft une efpece de banc à quatre
piés, aux. deux extrémités duquel font deux montans
, fur lefquels on pofe les tourillons du rouleau.
Cette machine fe place au bout d’une table, auprès
de laquelle lesployeufes font affifes. Elles ployent la
toile en botte, ainfi qu’il eft d’ufage. Lorfque les toi