Voilâtes principaux camckns quife rapportent ofl
aux Sciences,,ou aux Arts, pu au. Cpmijierce; &c
c’eft ce que nous avions à dire de plus important fur
le mot càraScrc pris dans fon fens propre & pnmitjif ,
c'ctf à-dire pour une marque qui lert à déiigner quelque
chofe. Niais ee mot camBrc fe prend en beaucoup
d’autres fens ; la lignification qu’on lui donne
eft alors figurée, t e motdont il s’agit n’eft pas lç feul
qu’on ait tranfporlié du propre au. figure : on peut
dire avec affez de vérité, que prefque tous les mots
de la langue font dans ce cas. Il en eft memç qyel-
ques-uns qui ont perdu leur fens propre, 8c qui n ont
plus que le métaphorique, comme aveuglement ScbaJ-
feffe; d’autres qui s’employant plus fouvent au iens
métaphorique qu’au fens propre; & dautres en n
qui s’èmployent également & auffi fouvent dans 1 un
que dans l’autre : caractère eft de ce nombre. Voici les,
principales acceptions au figuré : elles ont toutes, ainfi
que les acceptions de cette efpece, un rapport plus
ou moins éloigné au fens propre, c’eft-à-dire qu elles
défignent une forte de marque ou d’empreinte
fubfiftante avec plus ou moins de ténacité : on peut
même ajouter que le mot caractère eft un de ceux ou
le fens propre différé le moins du figure. ^ .
C aractère , en Morale, eft la difpofition habituelle
de l’ame, par laquelle on eft plus porté e faire
& l’on fait en effet plus fouvent des actions d un certain
gen reque des avions du genre oppofe. Ainfi
un homme qui pardonne rarement , ou qui ne pardonne
jamais , eft d’un caractère vindicatif ; je dis rarement
ou jarpais; en effet le caractère eft forme, non
par la difpofition rigoureufement confiante , mais
par la difpofition habituelle, c’eft-à-dire la plus frequente
dans laquelle l’ame fe trouve.
M. Duclos, dans fes confédérations fur les moeurs ,
remarque avec grande raifon que la plupart des fautes
8c des fotifes des hommes dans leur conduite viennent
de ce qu’ils n’ont pasl’efprit en équilibre, pour
ainfi dire, avec leur caractère : Cicéron, par exemple,
étoit un grand efprit, 8c une ame foible ; c eft pour
cela qu’il fut grand orateur, 8ç homme d’état médiocre
; & ainfi des autres. , , ,
Rien n’eft plus dangereux dans la fociete qu un
homme fans caractère, c’eft-à-dire dont 1 ame n a aucune
difpofition plus habituelle qu’une autre. On le
Æe à l’homme W Ü E I on fe défie dufrïpon. L hom-
me fans caractère eft alternativement 1 un & 1 autre ,
fans qu’on puiffe le deviner , & ne peut être regarde
ni comme ami, ni comme ennemi ; c’eft une efpece
d’anti-amphibie, s’il eft permis de s’exprimer de la forte
qui n’eft bon à vivre dans aucun élément. Cela
me rappelle cette belle loi de Solon, qui déelaroit infâmes
tous ceux qui ne prenoient point de parti dans
les féditions il fentoit que rien n’étoit plus à craindre
que les caractères 6c les hommes.non. décides.^
CA R A C T E R E DES N a t i o n s . Le caractère d’une
nation confifte dans une certaine difpofition habituelle
de l ’am x qui eft plus commune chez une nation
que chez une autre, quoique cette difpofition ne
fe rencontre pas dans tous les membres qui, compo-
fent la nation : ainfi le caractère des François eft la le-
gereté, la gaieté, la foeiabiliîé.,. l’amour de leurs rois.
& de la monarchie m êm e &c.
Dans les nations qui fubfiftent depuis long-tems ,
on remarque un fond de caractère qui n’a point changé
: ainfi les Athéniens, du tems de Démofthene,
étoient grands amateurs de nouvelles ; ils i ’éjpient
du tems de S. Paul, 8c ils le font encore aujourd’hui.
On voit auffi dans le livre admirable de Tacite, fur
les moeurs des Germains , des chofes .qui font encore
vraies aujourd’hui de leurs defcéndans.^
11 y a grande apparence que le climat influq beaucoup
fur le,caractère général ; car on ne fauroit 1 attribuer
à la forme du gouvernement qui change toqjours
au bout d’un certain temsj cependant il ne faut
pas eroite que-la forme du gouvernement lorfqu’elle
fubfifte long-tems, n’influe auffi à la longue fur le
caractère d’une nation. Dans un état defpotiqne, par
exemple, le peuple doit devenir bien-tot pareffeux,
vain , 8c amateur de la frivolité; le goût du vrai &
du beau doivent s’y perdre ; on ne doit ni faire ni
penfer de grandes chofes.
C aractère des fociétés ou corps particuliers. Les
fociétés ou corps particuliers au milieu d’un peuple,
font en quelques maniérés de petites nations entourées
d’une plus grande : c’eft une efpece de greffe
bonne ou mauvaife, entée fur un grand tronc ; auffi
les fociétés ont-elles pour l’ordinaire un caractère particulier,
qu’on appelle efprit du corps. Dans certaines
compagnies, par exemple, le caractère, général
eft l’efprit de fubordination ; dans d’autres i’efprit
d’égalité, & ce ne font pas-là les plus mal partagées :
celles-ci font fort attachées à leurs ufages ; celles-là
fe croyent faites pour en changer. Ce qui eft un dé^
faut dans un particulier, eft quelquefois une vertu
dans une. compagnie. Il feroit néceffaire, par exemple,
fuivant la remarque d’un homme d’elprit , que
les compagnies littéraires fuffent pédantes.
Souvent le caractère d’une fociété eft très-différent
de celui de la nation, où elle fe trouve pour ainfi
dire tranfplantée. Des corps, par exemple, qui dans
une monarchie feroient voeu de fidélité à un autre
prince qu’à leur fouverain légitime, devroient naturellement
avoir moins d’attachement pour ce fouverain
que le refte de la nation ; c’eft la raifon pour
laquelle les moines pnt fait tant de mal à la France
du tems de la ligue : il ne faut pas croire cependant
que cet efprit ne change pas : d’autres tems, d’autres
moeurs. « Les religieux, dont les chefs réfident à Ro-
» me, dit le célébré M. de Voltaire, dans fon admi-
» rable EJfai furiefiecle de Louis X IV . font autant
» de fujets immédiats du pape répandus dans tous les
» états. La coutume qui-fait tout, 8c qui eft caufe-que
» le monde eft gouverné par des abus comme par des
» lois, n’a pas toujours permis aux princes de remé-
» dier entièrement.à un dangér, qui tient d’ailleurs à
» des chofes utiles & facrées. Prêter ferment à un au-
» tre qu’à fon prince, eft un crime de léfe - majefté
» dans un laïque : c’eft dans le cloître un aéte dereli-
» gion. La difficulté de favoir à quel point on doit
» obéir à ce fouverain étranger, la facilité de fe laif-
» fer féduire, le plaifir de fécoüer un joug naturel
» pour en prendre un qu’on fe donne à foi-même ,
» l’efprit de trouble, le malheur des tems, n’ont que
» trop fouvent porté des ordres entiers de religieux
» à fervir Rome contre leur patrie.
» L’efprit éclairé qui régné en France depuis un
» fiecle, 8c qui s’eft étendu, dans prefque toutes les
» conditions, a été le meilleur remede à cet abus. Les
» bons, livres écrits fur cette matière., font de vrais
» fervices rendus aux rois & aux peuples ; 8c un des
» grands changemens qui feibiént faits par ce moyen
» dans nos moeurs fous Louis X IV , c’eft la perfuafion
» dans laquelle les religieux commencent tous à être,
» qu’ils font fujets du Roi avani que d’être fer.viteurs
» du Pape ». Ainfi pour le falut des Etats, la Philofo-
phie brife enfin les portes fermées. (O)
C a rac tère fe dit auffi de certaines qualités vi-
fibles qui attirent durefpeft 8c de la vénération à ceux
qui en font revêtus. La majefté des rois leur donne
: un caractère qui leur attire le refpecl des peuples. Un
; évêque foCitiendroit fon caractère par fon favoir & fa
' vertu., beaucoup plus que par l’éclat de la vanité
mondaine, &c. Le droit des gens met le caractère d’un
ambaffadeur à couvert de toute infulte.
CARACTERE, en Théologie, c’eft une marque fpi-
rituelie 8c ineffaçable , imprimée à l’ame par quelqties
fàcremens > ce qui fait qu on ne peut pais réitérer
ces facremens.
Il n’y a que trois facremens qui impriment caracle-
re favoir le Baptême, la Confirmation & l’Ordre :
auffi ne les réitéré-t'-on jamais, même aux Hérétiques;,
pourvu qu’en le..leur conférant il n’ait rien
manqué d’effentiel dans la forme: ni dans la.matière.
Les Catholiques fondent l’exiftence 8c la réalité
du caractère {ur quelques paffages de S. Paul, qui ne
paroiffent pas également concluans, non-feulement
aux Proteftans, mais même à plufieurs théologiens
catholiques. !i On en trouve des preuves plus folides
dans la .tradition. S. Auguftin entr’autres écrivant
contr.eles Donatiftes,"8c parlant dés facremens de
Baptême ,8c d’Ordre, dit : Utrumquefacramentum efl ,
& qu'adam cortfecratione utrumque hornini datur * illud
citmrhaptifaïur-, ifudcum ordinatur • ideoque in cathpli-
câ utrumque non■ licet iterari. Èpifi. contr. Parmen. n°.
2.#;Lamême chofe eft prouvée parla do&rine de toute
Réglifê■ d’Afrique contre les Donatiftes.., çjui rebap-
tifôient & .réordonnoient les Catholiques. Le caractère
qu’impriment certains facremens, ne fe, perd ni
parle crimé, ni par. l’héréfie, ni par le fchifmet
- Voilà ce qu’enfeigne'REglife. Quant' à la nature
ou l’effence du caractère > les Théologiènsifont partagés
entr’eux. Durand,, in q.Jift. +i quoeft. /. dit que le
caractère n’ eû point une;qualité abfolue diftinrie de
l’ame, mais,une fimple relation de raifon.* ou une
dénomination extérieure, par.laquelle l’homme bap-,
îifé , confirmé ou ordonné , eft difpofé par la feule
volonté de Dieu, ou.rendu. propre à .exercer, foit
paffivement, foit aâi vement, quelqués fondions fim-
ples. Scot convient que le caractère n’eft pas une qualité
abfôlue": :màis il; prétend que c’eft une relation
réelle que'l’àme reçoit de,dehors. D ’autres enfin foû-
tiennent que c’eft quelque chofe de réel & d’abfolu *
une efpece de puiffance pour exercer ou recevoir des
chofes-faintes, & qui réfide dans l ’entendement comme
dans fon fujet immédiat. Tournel. de Sacr. in
giner. qucefl. I r . art. 11 . •
. Les Proteftans nient- l’exiftence du caractère facra-
meritel? èc difent qu’il a été imaginé parle pape Innocent
III. cependant ils ne réitèrent, ni ne veulent
qu’on réitéré le Baptême. V oyti Bapteme.
CA R A C T ER E dans les peifonnagesf-. qu’un poëte
dramatique introduit fur la feene, eft l’inclination ou
la paffion dominante qui éclate dans toutes les démarches
& les difeours de ces perfonnages, qui eft
le principe 6c le premier mobile de toutes leurs actions
; par.exemple, l’ambition dans Céfar, la jalou-
fie dans Hermione, la probité dans Burrhus, l’avarice
dans Harpagon, l’hypocrifxe dans Tartufe, &c.
Les caractères en général font les inclinations des
hommes confidérés par rapport à leurs paffions. Mais
comme parmi ces paffions il en eft qui font en quelque
forte attachées à l’humanité, 6c d’autres qui varient
félon les tems 6c les lieux, ou les ufages propres
à chaque nation ; il faut auffi diftinguer des caractères
généraux, 6c des caractères particuliers, .
Dans tous les fiecles 8c dans toutes les nations, on
trouvera des princes ambitieux qui préfèrent la gloire
à l’amour ; des monarques à qui l’amour a fait négliger
le foin de leur gloire; des héroïnes diftinguées
par la grandeur d’ame, telles que CornéLie, Androma-
que ; 8c des femmes dominées par la cruauté 6c la ven-'
geance, comme Athalie 6C Cléopâtre dans Rodogune y
des miniftres fideles 8c vertueux, 6c de lâches dateurs
: de même dans la vie commune qui eft l’objet
de la tragédie, on rencontre par tout 6c en tout tems
de jeunes gens étourdis 6c libertins ; des valets fourbes
6c menteurs ; des vieillards avares 6c fâcheux ;
des riches infolens 6c fuperbes.. Voilà ce qu’on appelle
caractères généraux.
Mais parce qu’en conféquence des ufages établis
Tome /ƒ,
dans la fociété ces caractères né fe prôduifeht pas fous
les mêmes formes dans tous les pays, 6c qu’une paf-
fioo qui eft la même en foi, varie d’un fiecle à l’autre
, n’agit pas aujourd’hui comme elle faifoit il y a
deux ou trois mille ans chez les Grecs 8c chez les Romains
:où les erremens étoient compafles fur leurs
ufages , 6c que dans le même fiecle elle n’agit pas à
Londres comme à Rome, ni à Paris comme à Madrid
; il en réfulte des caractères particuliers, communs
toutefois à chaque nation, s
Enfin parce que dans une même nation les ufages
varient encore non-feulement de la ville à la cour ,
d’une ville à une autre ville* mais même d’une fo-*
çiété à une autre, d’un homme à un autre homme ; il
en'naît une troifiemè efpece de caractère auquel on
donne proprement ce nom * 6c qui dominant dans
une.piece de théâtre, en fait ce que nous appelions
une pièce de caractère, genre dont M. Riccoboni attribue
l’invention aux François : tels font le Mifantrope „
le Joïceur, le Glorieux., &c.
Il faut de plus obferver qu’il y à certains ridicule»
attachés à un climat* à un tems, qui dans d’autres
climats & d?ns d’autres tems ne formeroient plus un
caractère. Tels font les Précieufes Ridicules , 8c les Femmes
Savantes de Moliere * qui n’ont plus en France le
même fel que dans leur nouveauté, 6c qui n’auroient
aucun fuccès en Angleterre, où les fingularités que
frondent ees pièces n’ont jamais dominé.
Le caractère dans ce dernier fens n’eft donc autre
chofe qu’une paffion dominante qui occupe tout-à-la
fois le coeur 8c l’efprit ; comme l’ambition, l’amour,
la vengeance, dans le tragique ; ^avarice, la vanité ,
la jalôûfie l'IcL paffion du jeu, dans le comique. L’on
peut encore diftinguer. les caractères Jimples & domi-
nans* tels que ceux que nous venons de nommer,
d’avec les caractères acceffoires y qui leur font comme
fubordonnés. Ainfi l’ambition eft foupçonneufe, inquiète,
inconftante dans fes attachemens qu’elle noue.
ou rompt félon fes vues; l’amour eft v if, impétueux*
jaloux, quelquefois cruel; la vengeance a pour compagnes
la perfidie, la duplicité, la colere 8c la cruauté
: de même la défiance & la léfine accompagnent
ordinairement l’avarice : là paffion du jeu entraîne
après elle là prodigalité dans la bonne fortune ; l’hu-
ntêur 6c la brufquerie dans les revers : la jaloüfie né
marche guere fans la colere , l’impatience, les outragés
;■ 6c la vanité eft fondée fur le menfonge, le
dédain, & la fatuité. Si le caractère fimple 8c principal
eft fuffifant pour conduire l’intrigue 6c remplir
l’àérion, il n’eft pas befoin de recourir aux caractères
acceffoires : mais fi ces derniers font naturellement
liés au caractère principal, on ne fauroit les en détacher
fans l’eftropier.
M. Riccoboni, dans fes Obfervations fur la comédie^
prétend que la maniéré de bien traiter le caractère , eft
de ne lui en oppofer aucun autre qui foit capable de
partager l’intérêt 8c l’attention du fpeélateur. Mais
rien n’empêche qu’on ne faffe contrafter les caractères
; 6c c’eft ce qu’obférvent les bons auteurs : par
exemple, dans Britannicus, la probité de Burrhus eft
en oppofition avec la fcélérateffe de Narciffe ; 8c la
crédule confiance de Britannicus avec la diffimulation
de Néron.
Le même auteur obferve qu’on peut diftinguer les
pièces de caractère des comédies de caractère mixte ; 6c par
celles-ci il entend celles où le poëte peut fe fervir
d’un caractère principal, 8c lui affocier d’autres caractères
fubalternes ; c’eft ainfi qu’au caractère du Mifantrope
, qui fait le caractère dominant de fa fable,
Moliere a ajouté ceux d’Âraminte&c de Célimene , l’une
Coquette, 8c l’autre médifante, 8c ceux des petits
maîtres, qui ne fervent tous qu’à mettre plus en évidence
le caractère du Mifantrope. Le poëte peut encore
joindre enfemble plufieurs caractères, foitprin- 1 n t>__ ::