qui employait les plus habiles gens pour en amaf-
ic r , n’en avoit cependant pu raffembler qu’un fi petit
nombre, en comparaifon de ce qui s’en eft répandu
en France dans la fuite.
La paflîon de François premier pour les manuf-
crfts,grecs, lui fit négliger les latins & les ouvrages
eft langues vulgaires étrangères. A l’égard des livres
françois qu’il fit mettre dans fa bibliothèque, on en
peut faire cinq claffes différentes : ceux qui ont été
écrits avant fon régné ; ceux qui lui ont été dédiés ;
les livres qui ont été faits pour fon ufage, ou qui lui
on^ été donnés par les auteurs ; les livres de Louife
de Savoie fa mere ; & enfin ceux de Marguerite de
Valois fa foeur : ce qui ne fait qu’à-peu-près 70 volumes.
Jufqu’alors il n’y avoit eu pour prendre foin de la
bibliothèque royale, qu’unfimple garde en titre. François
premier créa la charge de bibliothécaire en chef,
qu’on appella long-tems, & qui dans fes provifions
s’appelle encore, maître de la librairie du Roi.
. Guillaume Budé fut pourvu le premier de cet emploi
, & ce choix fit également honneur au prince &
à l’homme de lettres. Pierre du ChaftelouChatellain
lui fuccéda ; c’étoit un homme fort verfé dans les langues
greque & latine. Il mourut en 15 5 2 ; & fa place
fut remplie, fous Henri II. par Pierre de Montdo-
ré , confeiller au grand-confeil, homme très-favant,
fur-tout dans les Mathématiques. La bibliothèque de
Fontainebleau paroît n’avoir reçu que de médiocres
accroiffemens fous les régnés clés trois fils de Henri II.
à caufe, fans doute, des troubles & des divifions que
le prétexte de la religion excita alors dans le royaur
me. Montdoré , ce favant homme, foupçonné & ac-
eufé de donner dans les. opinions nouvelles en matière
de religion, s’enfuit de Paris en 1 <67, & fe retira
à Sancerre en Berri, oùil mourut de chagrin trois
ans après. Jacques Amyot, qui avoit été précepteur
de Charles IX. & des princes fes freres, fut pourvu,
après l’évafion de Montdoré, de la charge de maître
de la librairie. Le tems de fon exercice ne fut rien
moins que favorable aux Arts & aux Sciences : on né
croit pas, qu’excepté quelques livres donnés à Henri
III. la bibliothèque royale ait été augmentée d’autres
livres que de ceux de privilége.Tout ce que put faire
Amyot, ce fut d’y donner entrée aux Sa vans, 8c de
leur communiquer avec facilité I’ufage des manuf-
crits dont ils a voient befoin. Il mourut en 1593, & fa
charge paffa au préfident Jacques-Augufte de Thou,
fi célébré par l’hiftoire de fon tems qu’il a écrite.
Henri IV. ne pouvoit faire un choix plus honorable
aux lettres : mais les commencemens de fon régné
ne furent pas affez paifibles, pour lui permettre de
leur rendre le luftre qu’elles avoient perdu pendant
les guerres civiles. Sa bibliothèque fouffrit quelque
perte de la part des faûieux. Pour prévenir de plus
grandes diflîpations, Henri IV. en 1595 , fit tranf-
porter au collège de Clermont à Paris la bibliothèque
de Fontainebleau, dont aulïî-bien le commun des Sa-
vans n’étoit pas affez à portée de profiter. Les livres
furent à peine arrivés à Paris, qu’on y joignit le beau
manuferit de la grande Bible de Charles-le-Chauve.
Cet exemplaire, l’un des plus précieux monumens
littéraires du zele de nos rois de la fécondé race pour
la religion, avoit ete confervé depuis le régné de cet
empereur, dans l’abbaye de S. Denis. Quelquesan-
nées auparavant, le préfident de Thou avoit engagé
Henri IV. à acquérir la bibliothèque de Catherine de
Medicis, compofee de plus dé 800 manuferits grecs
& latins ; mais différentes circonftances firent que
cette acquifition ne put être terminée qu’en 1599.
Quatre ans après l’acquifition des manuferits de la
reine Catherine de Medicis, la bibliothèquepaffa du
collège de Clermont chez les Cordeliers, où elle demeura
quelques années en dépôt, Le préfident de
Thou mourut en 1617, 8c François de -Thou fon fils
aîné, qui n’ayoit que neuf ans, hérita de la charge
de maître de la librairie.
Pendant la minorité du jeune bibliothécaire,, la di-
reûion de la bibliothèque du Roi fut confiée à Nicolas
Rigault, connu par divers ouvrages eftimés. La bibliothèque
royale s’enrichit peu fous le régné de Louis
XIII. elle ne fit d’acquifitions un peu confidérables ,
que les manuferits de Philippe Hurault évêque de
Chartres , au nombre d’environ 418 volumes, 8c
n o beaux manuferits fyriaques, arabes, turcs, 8c
perfans, achetés, auffi-bien que des cara&eres fyriaques
, arabes, & perfans, avec les matrices toutes
frappées, des héritiers de M. de Brèves, qui avoit
été ambaffadeur à Conftantînople. Ce ne fut que fous
le régné de Louis XIII. que la bibliothèque royale fut
retirée dos Cordeliers, pour être mife dans une grande
maifon de la rue de, la Harpe, appartenante à ces
religieux.
François de Thou ayant été décapité en 1641, l’il-
luftre Jérôme Bignon, dont le.nom feul fait l’éloge ,
lui fucceda dans la charge de maître de la librairie.
Il obtint en 1651, polir fon fils aîné, nommé Jérôme
comme lui, la lurvivance de cette charge. Quelques
années après , M. Colbert, qui méditoit déjà fes
grands projets, fit donner à fon frere, Nicolas Colbert
, la place de garde de la librairie, vacante par
la mort de Jacques Dupuy. Celui - ci légua fa bibliothèque
au Roi. Louis X IV : l’accepta par lettres patentes
, regiftrées au parlement le 16 Avril 1657.
Hippolite, comte de Bethune, fit préfent au Roi ,
à-peu-près dans le même tems, d’une colleâion fort
curieufe de manuferits modernes, au nombre de
1923 volumes, dont plus de 950 font remplis de lettres
8c de pièces originales fur l’hiftoire de France.
A un zele également v if pour le progrès des Sciences
8c pour la gloire de fon maître, M. Colbert joi-
gnoit une paffion extraordinaire pour les livres ; il
commençoit alors à fonder cette célébré bibliothèque
jufqu’à ces derniers tems la rivale de la bibliothèque
du Roi : mais l’attention qu’il eut aux intérêts de l’une,
ne 1 empecha pas de veiller aux intérêts de l’autre.
La bibliothèque du Roi eft redevable à ce miniftre
des acquifitions les plus importantes. Nous n’entrerons
point ici dans le détail de ces diverfes acquifitions
: ceux qui voudront les connoître dans toute
leur etendue, pourront lire le mémoire hiftorique
fur la bibliothèque du Roi, à la tête du catalogue ,pagm
zS. &fuiv. Une des plus précieufes eft celle des manuferits
de Brienne ; c’eft un recueil de pièces concernant
les affaires de l’état, qu’Antoine de Lomenie
fecrétaire d’état, avoit raffemblées avec beaucoup
de foin en 340 volumes.
M. Colbert trouvant que la bibliothèque du Roi
étoient devenue trop nombreufe pour refter commodément
dans la maifon de la rue de la Harpe, la fit
tranfporter en 1666 dans deux maifons de la rue Vi-
vienne qui lui appartenoient. L’année fuivante le cabinet
des médailles, dans lequel étoit le grand recueil
des eftampes de l’abbé de Marolles, 8c autres raretés,'
fut retire du Louvre & réuni à la bibliothèque du Roi >
dont ils font encore aujourd’hui une des plus brillantes
parties. Après la difgrace de M. Fouquet, fa bibliothèque
, ainfi que fes autres effets, fut faifie & vendue.
Le Roi en fit acheter un peu plus de 1300 volumes
, outre le recueil de l’hiftoire d’Italie.
Il n’étoit pas poflïble que tant de livres imprimés
joints aux anciens, avec les deux exemplaires des
livres de privilège que fourniffoient les Libraires, ne
donnaffent beaucoup de doubles : ce fonds feroit devenu
auffi embarraffant qu’inutile, fi on n’avoit fon-
gé à s’en défaire par des échanges. Ce fut par ce
moyen qu’on fit en 1668 l’acquifition de tous les
manuferits 8c d’un grand nombre de liyres imprimés
qui étoient dans la bibliothèque du cardinal Mazarin.
Dans le nombre de ces manuferits, qui étoit de 2156,
il y en avoit 102 en langue hébraïque, 343 en arabe,
famaritain, perfan, turc, & autres langues orientales
; le refte étoit en langue greque, latine, italienne
, françoife, efpagnole, &c. Les livres imprimés
étoient au nombre de 3678. La bibliothèque du Roi
s’enrichit encore peu après par l’acquifition que l’on
fit à Leyde d’une partie des livres du favant Jacques
Golius, 8c par celle de plus de 1200 volumes manuferits
ou imprimés de la bibliothèque de M. Gilbert
Gaumin, doyen des maîtres des requêtes, qui s’étoit
particulièrement appliqué à l’étude & à la recherche
des livres orientaux.
Ce n’étoit pas feulement à Paris & chez nos voifins
que M. Colbert faifoit faire des achats de livres pour
le Roi ; il fit rechercher dans le Levant les meilleurs
manuferits anciens en grec, en arabe, en perfan, 8c
autres langues orientales. Il établit dans les différentes
cours de l’Europe des correfpondances, au moyen
defquelles ce miniftre vigilant procura à la bibliothèque
du Roi des thréfors de toute efpece.
L’année 1670 vit établir dans la bibliothèque royale
lin fonds nouveau bien capable de la décorer, 8c d’é-
ternifer la magnificence de Louis X IV . ce font les
belles eftampes que Sa Majefté fit graver, 8c qui fervent
encore aujourd’hui aux préfens d’eftampes que
le Roi fait aux princes, aux miniftres étrangers, 8c
aux perfonnes de diftinélion qu’il lui plaît d’en gratifier.
La bibliothèque du Roi perdit M. Colbert en 1683.
M. de Louvois, comme furintendant des bâtimens,
y exerça la même autorité que fon prédéeeffeur, 8c
acheta de M. Bignon, confeiller d’état, la charge de
maître de la Librairie, à laquelle fut réunie celle de
garde de la Librairie , dont s’étoient démis volontairement
MM. Colbert. Les provifions de ces deux
charges réunies, furent expédiées en 1684 en faveur
de Camille le Tellier, qu’on a appellé Y abbé de
Louvois.
M. de Louvois fit pour procurer à la bibliothèque du
Roi de nouvelles richeffes, ce qu’avoit fait M. Colbert
; il y employa nos miniftres dans les cours étrangères,
8c en effet on en reçut dans les années 1685,
1686, 1687, pour des fournies confidérables. Le P.
Mabillon qui voyageoit en Italie, fut chargé par le
Roi d’y raffembler tout ce qu’il pounoit de livres ; il
s’acquitta de fa commiflion avec tant de zele 8t d’e-
xaftitude, qu’en moins de deux ans il procura à la bibliothèque
royale près de 4000 volumes imprimés.
La mort de M. de Louvois arrivée en 1691, apporta
quelque changement à l’adminiftration de la
bibliothèque du Roi. La charge de maître de la Librairie
avoit été exercée jufqu’alors fous l ’autorité 8c la
direftion du furintendant des bâtimens ; mais le Roi
fit un reglement en Juillet 1691, par lequel il ordonna
que M. l’abbé de Louvois joüiroit 8c feroit les fonctions
de maître de la Librairie, intendant & sarde du
cabinet des livres , manuferits, médailles, 8cc, & garde
de la bibliothèque royale, fous l'autorité de Sa Majeflê
feulement.
En 1697, le P. Bouvet, jéfuite-miffionnaire, apporta
49 volumes chinois que l’empereur de la Chine
envoyoit en préfent au Roi. C’eft ce petit nombre
de volumes qui a donné lieu au peu de littérature
çhinoife que l’on a cultivée en France ; mais il s’eft
depuis confidérablement multiplié. Nous ne finirions
pas fi nous voulions entrer dans le détail de toutes les
acquifitions de la bibliothèque royale, 8c des préfens
fans nombre qui lui ont été faits. A l’avenement de
Louis X IV. à la couronne, fa bibliothèque étoit tout
au plus de 5000 volumes, 8c à fa mort il s’y en trouva
plus de 70000, fans compter le fonds des planches
gravées 8c des eftampes ; accroiffement immense
, 8c qui étonneroit, fi l’on n’avoit vu depuis la même
bibliothèque recevoir à proportion des augmentations
plus confidérables.
L heureufe inclination du Roi à protéger les Lettres
8c les Sciences, à l’exemple de fon bifayeul ;
1 empreffement des miniftres à fe conformer aux vues
de Sa Majefte ; l’attention du bibliothécaire 8c de
ceux qui font fous fes ordres, à profiter des circonftances
, en ne laiffant, autant qu’il eft en eux, échapper
aucune occafion d’acquérir ; enfin la lon°ue durée
de la paix, tout femble avoir confpiré clans le
cours du préfent régné, à accumuler richeffes fur richeffes
dans un thrélor qui déjà du tems du feu Roi
n’avoit rien qui lui fût comparable.
, Parmi les livres dp cabinet de Gafton d’Orléans,
légués au Roi en 1660, il s’étoit trouvé quelques volumes
de plantes 8c d’animaux que ce prince avoit
fait peindre en mignature fur des feuilles détachées
de velin, par Nicolas Robert, dont perfonne n’a égalé
le pinceau pour ces fortes de fujets. Ce travail a été
continué fous M. Colbert 8c jufqu’en 1728, tems auquel
on a ceffé d’augmenter ce magnifique recueil.
Depuis quelques années il a été repris avec beaucoup
de fuçcès , 8c forme aujourd’hui une fuite de
plus de deux rpille cinq cents feuilles , repréfentant
des fleurs , des oifeaux, des animaux , 8c des papillons.
La bibliothèque du Roi perdit en 1728 M. l’abbé
de Louvois, & M. l’abbé Bignon lui fuccéda. Les
Sciences 8c les Lettres ne virent pas fans efpérance
un homme qu’elles regardoient comme leur protecteur,
élevé à un pofte fi brillant. M. l’abbé Bignon,
prefqu’aulîi-tôt après fa nomination , fe défit de fa
bibliothèque particulière, pour ne s’occuper plus que
de celle du R o i, à laquelle il donna une eolle&ion
affez ample 8c fort curieufe de livres chinois, tartans
8c indiens qu’il avoit. Il fignala fon zele pour
la bibliothèque du R.oi dès les premiers jours de fon
exercice, par l’acquifition des manuferits de M. de la
Marre, & ceux de M. Balufe, au nombre de plus de
mille. Le grand nombre de livres dont fe trouvoit
eompofée la bibliothèque du Roi, rendoit comme im-
poflïble l’ordre qu’on auroit voulu leur donner dans
les deux maifons de la rue Vivienne ; M. l’abbé de
Louvois l’avoit repréfenté plufieurs fois , êc dès le
commencement de la régence il avoit été arrêté de
mettre la bibliothèque dans la grande galerie du Louvre
; mais l’arrivee de i’infanre dérangea ce projet,
parce qu’elle devoir occuper le Louvre.
M. l’abbé Bignon en 1721 profita de la décadence
de ce qu’on appelloit alors le fyfiéme, pour engager
M. le régent à ordonner que la bibliothèque du Roi fût
placée à l’hôtel deNevers rue de Richelieu, où avoit
ete la banque. Sur les ordres du prince, on y tranf-
porta fans délai tout ce que l’on put de livres ; mais les
différentes difficültésqujfe préfenterent, furent caufe
qu’on ne put obtenir qu’en 1724 des lettres patentes ,
par lefquelles Sa Majefté affe&a à perpétuité cet hôtel
au logement de fa bibliothèque. Perfonne n’ignore
la magnificence avec laquelle ont été décorés les va fi.
tes appartemens qu’occupent aujourd’hui les livres
du Roi : c’eft le fpe&acle le plus noble & le plus brillant
que l’Europe offre en ce genre. M. l’abbé Sallier,
profeffeur royal en langue hébraïque, de l ’académie
royale des Infcriptions & Belles-Lettres , l’un des
quarante de l’académie Françoife, 8c nommé en
1726 commis à la garde des livres 8c manuferits ,
ainfi que M. Melot, auffi membre de l’académie des
Belles-Lettres, font de tous les hommes de Lettrés attachés
à la bibliothèque du Roi, ceux qui lui ont rendu
les plus grands fervices. La magnificence des bati-
mens eft due', pour la plus grande partie, à leurs
follicitations : le bel ordre que l’on admire dans l’arrangement
des livres, ainfi que dans l’excellent ca-
taloge qui en a été fait, éft dû à leurs connoiffanees ;