plus confiant. Si vous me dites que le fentiment du
préfent agit uniquement dans vous & non pas la
penfée de l ’avenir, je vous dirai qu’en cela même
vous n’êtes pas homme : vous ne l’êtes que par la
raifon & par l’ufage que vous en faites ; or cet ufa-
gc confifte dans le fouvenir du pafle 6c dans la prévoyance
de l’avenir, aufli-bien que dans l’attention
au prélent.
Ces trois rapports du tems fontteffentiels à notre
conduite : elle doit nous infpirer cle choifir dans le
tems préfent pour le tems à venir, les moyens que
dans le tems pafle nous avons reconnus les plus propres
à parvenir au bonheur; ainfi pour y arriver, il
ne s’agit pas de regarder précifément en chaque action
que l’on fait, ou en chaque parti que l’on em-
brafl'e, ce qui s’y trouve de plaifir ou de peine. Dans
les partis oppoles de la vertu ou du vice, il fe trouve
de côté 6c d’autre de l’agrément 6c du defagré-
ment : il faut en voir le réfultat dans la fuite générale
de la vie, pour en faire une jufte compenlation. Il
faut examiner, par exemple, ce qui arriveroit à deux
hommes de même tempérament & de même condition
, qui fe trouveroient d’abord dans les mêmes oc-
caflons d’embrafl'er le parti de la vertu ou de la volupté
: au bout de foixante ans, de quel côté y aura-
t-il eu moins de peine ou moins de repentir, plus de
vraie làtisfaftion & de tranquillité ? S’il fe trouve que
c’eft du côté de la fageffe ou de la vertu, ce fera conduire
les hommes à leur véritable bonheur, que d’attirer
leur attention fur un traité de morale qui contribue
à cette fin. Si la plupart des hommes, malgré le
defir empreint dans leur ame de devenir heureux,
manquent néanmoins à le devenir, c’efl que volontairement
féduits par l’appas trompeur du plaifir préfent
, ils renoncent, faute de prévoir l’avenir & de
profiter du pafle, à ce qui contribueroit davantage
à leur bonheur dans toute la fuite de leur vie. Il s’enfuit
de tout ce que nous venons de dire, que la vertu
eft plus féconde enfentimens délicieux que le vice,
& par conféquent qu’elle eft un bien plus grand que
lui, puifque le bien fe mefure au plaifir, qui feul nous
rend heureux. ,
Mais ce qui donne à la vertu une fi grande fupe-
riorité fur tous les autres biens , c’eft qu’elle eft de
nature à ne deyenir jamais mal par un mauvais ufa-
ge. Le regret du pafle, le chagrin du préfent, l’inquiétude
fur l’avenir, n’ont point d’accès dans un
coeur que la vertu domine ; parce qu’elle renferme
fes defirs dans l’étendue de ce qui eft à fa portée ,
qu’elle les conforme à la raifon, & qu’elle les foû-
met pleinement à l’ordre immuable qu a établi une
fouveraine intelligence. Elle écarté de nous ces douleurs,
qui ne font que les fruits de l’intempérance;
les plaifirs del’efprit marchent à fa fuite, 6c l’accompagnent
jufque dans la folitude 6c dans l’adverfité;
elle nous affranchit, autant qu’il eft poflible , du caprice
d’autrui 6c de l ’empire de la fortune ; parce
qu’elle place notre perfeftion, non dans une polfef-
fion d’objets toûjours prêts à nous échapper , mais
dans la poffeflion de Dieu même, qui veut bien Lê.tre
notre recompenfe. La mort, ce moment fatal qui de-
fefpere les autres hommes, parce qu’il eft le terme de
leurs plaifirs 6c le commencement de leurs douleurs,
h’éft pour l’homme vertueux qu’un paflage à une
vie plus heureufe. L’homme voluptueux 6c paflion-
né ne voit la mort que comme un fantôme affreux,
qui à chaque inftant fait un nouveau pas vers -lui,
empoifonne fes plaifirs, aigrit fes maux, & fe prépare
à- le livrer à un Dieu vengeur de l’innocence.
Ce qu’il envifage en elle de plus heureux, feroit
qu’elle le plongeât pour toûjours dansTabyfme du
néant. Mais cette honteufe efpérance eft bien combattue
dans le fond de fon ame par l’autorité de la
révélation, par le fentiment intérieur de fon indivifibilité
perfonnelle, par l’idée d’un Dieu jufte 6c tout-
puiffant. Le fort de l’homme parfaitement vertueux,
eft bien différent : la mort lui ouvre le fein d’une intelligence
bienfaifante , dont il a toûjours refpetté
les lois 6c reflenti les bontés. Foye^ Sagesse &
Vertu. (AT)
BIENS, en termes de Jurifprudence, 6c fur-tout dans
le Droit civil, font toutes fortes d’effets , richeffes ,
terres, poffefîions, &c. Foyeç Effet.
i °. Il y a deux fortes de biens ; les meubles , 6c les
immeubles. Foye[ Meuble & IMMEUBLE.
Les droits incorporels qui en effet ne font ni meubles
ni immeubles, fe rapportent eux-mêmes à l’une
ou l’autre de ces deux claffes, fuivant les divers rapports
qu’ils ont avec les meubles ou les immeubles
corporels : ainfi la faculté de réméré eft une aftion
immobiliaire, parce qu’elle tend à l’acquifition d’un
immeuble ; au lieu qu’un billet ou une obligation eft
réputée meuble, parce qu’elle a pour objet une fom-
me de deniers qui eft mobiliaire.
2°. Les biens fe divifent encore en propres, paternels
y héréditaires, ou de patrimoine ; en acquêts , ou
biens acquis , 6c en conquêts. Foye{ PROPRE , ACQUÊT
& CoNQUÊT.
Les biens fe divifent encore en corporels 6c incorporels
y voye{ Corporel & Incorporel, 6c enfin en
biens nobles, 6c en roturiers. Foye[ Noble, Roturier
, &c. Biens adventices y font tous ceux qui procèdent
d’ailleurs que de fucceflion de pere ou de mere ,
d’ayeul, ou d’ayeule. Foye^ Adventice.
Biens dotaux y dotalia y font ceux qui procèdent
de la dot, & dont l’aliénation n’eft pas permife au
mari. Foyeç Dot.
Biens de fugitifs, font les biens propres d’un homme
qui fe fauve pour crime, & qui après fa fuite dûe-
ment prouvée 6c conftatée, appartiennent au roi,
ou au feigneur du manoir. Voyeç Fugitif.
Biens paraphernaux, font ceuxdefquels la femme
donne la joüiflance à fon mari, à condition de les
retirer quand il lui plaît. Foye^P araphernaux.
Biensprofectices, font ceux qui viennent de la fucceflion
direfte.. Foye[ Profeçtice.
Biens vacans, font ceux qui fe trouvent abandonnés
, foit parce que les héritiers y renoncent, ou que
le défunt n’a point d’héritier. Foyei Vacant. (Pt)
* On diftribue encore les biens en biens de ville &
biens de campagne : les b'uns de ville font les maifons
de ville, les marchandifes , les billets, l’argent, &c.
Les biens de campagne font les rentes feigneuriales ,
les champarts , lesdixmes inféodées-, les rentes foncières
, &c. les terres labourables, les vignes, les
prés, les. bois, 6c les plants. Foye^ Maison , Marchandise,
& c . Foye{ Rente, Champart, & c. Foye^Terres labourables, Vignes ,&c, ( H )
* Bie n , ( homme de) Homme d’honneur , honnête
homme. ( Gramm.,) Il me fe,mble que l'homme de bien
eft celui qui fatisfait exaélement aux préceptes de fa
religion; ¥ homme d’honneur , celui qui fuit rigoureu-
fementles lois & les ufages de la fociété ; & Vhonnête
homme, y celui qui ne perd de vûe dans aucune de fes
allions les principes de l’équité naturelle : l'homme
de bien fait des a u m ô n e s homme d'honneur ne manque
point à-fa promeffe ; l’honnête homme rend la juf-
tice, même à ion ennemi. L’honnête homme eft de
tout pays; l'homme de bien & J.’homme d'honneur ne
doivent point faire des chofes que l’honnête homme
ne fe permet pas.
* Bien, T rès , Fort , ( Gramm. ) termes qu’on
employé indiftinârement én françois, pour marquer
le degré le plus haut des qualités des ê.tres, ou ce
que les Grammairiens appellent le fuperlatif: mais ils
ne défignent ce degré ni de la même maniéré,, ni
avec la même énergie.Très me paroîr affefté particulierement
au fuperlatif, 6c le repréfenter comme
idée principale; comme on voit dans le Très-haut,
pris pour l'Etre fuprhme. Fort, marque moins le fuperlatif,
mais affirme davantage : ainfi quand on dit
il eft. fort équitable, il femble qu’on faffe autant au-
moins d’attention à la certitude qu’on a de l’équité
d’une perfonne, qu’au degré ou point auquel elle
pouffe cette vertu. Bien, marque encore moins le
fuperlatif que tris ou fort : mais il eft fouvent accompagné
d’un fentiment d’admiration, il ejl bien hardi !
Dans cette phrafe, on défigne moins peut-être le
degré de la hardieffe, qu’on n’exprime l’étonnement
qu’elle produit. Ces diftinûions font de M. l’abbe
Girard. Il remarque de plus que tris eft toûjours po-
fitif ; mais que fort 6c bien peuvent êtreironiques ;
comme dans, c'efl être fortJage que de quitter ce qu'on
a pour courir après ce qu'on ne fauroit avoir y c ejl etre
bien patient que de fouffrir des coups de bâton fans en
rendre: mais je croi que tris n’eft point-du-tout incompatible
avec l’ironie , &c qu’il eft même préférable
à bien & à fort en ce qu’il la marque moins.
Lorlque fort & bien font ironiques , il n’y a qu’une
façon de les prononcer ; 6c cette façon étant ironique
elle-même, elle ne laiffe rien à deviner à celui
à qui l’on parle. Très, au contraire, pouvant fe prononcer
quand il eft ironique, comme s’il ne l’étoit
pas, enveloppe davantage la raillerie, 6c laiffe dans
l’embarras celui qu’on raille.
BIENFAITEUR 6* BIENFAITRICE, en Droit,
fe dit de ceux qui ont fondé ou doté une églife, foit
paroifliale ou conventuelle. Foye£ Fondateur 6*
Patron. (H )
BIENHEUREUX, ce terme a diverfes acceptions.
En Théologie, il fignifie ceux à qui une vie pure &
exempte de toutes louillures, ouvre le royaume des
cieux. Qui pourroit peindre l’étonnement de l’ame,
lorfque la mort venant à déchirer tout-à-coup le voile
qui l’environne dans un corps mortel, & à rompre
tous les biens qui l’y attachent, elle eft admife à la
vifion claire 6c intuitive de la divinité ! là fe dévoilent
à fes yeux les profondeurs incompréhenfibles
de l’Être divin, la grandeur ineffable de fon unité,
& les richeffes infinies de fon effence : là difparoif-
fent les eootradiâions apparentes des myfteres dont
la hauteur étonne notre raifon, 6c qui font enveloppés
6c comme fcellés pour nous dans les Ecritures :
là s’allume dans l’ame cet amour immenfe, qui ne
s’éteindra jamais, parce que l’amour divin fera fon
aliment éternel. F. Pa r ad is , V ision in tu itiv e.
Le terme de bienheureux eft aufli pris pour ceux à
qui l’Eglife décerne dans les temples un .culte, fubor-
donné néanmoins à celui qu’elle rend à ceux qu’elle
a canonifés. La béatification eft un degré pour arriver
à la canonifation. Foye%_ ces articles.
Bienheureux fe d it, en Morale , de ceux qui coulent
dans une heureufe tranquillité, des jours purs 6c
exempts de nuages 6c de tempêtes, voy. Bonheur :
ou plûtôt bienheureux s’applique à des évenemens
particuliers ; heureux à tout le fyftème de la vie. On
eft bienheureux d’avoir échappé à tel danger ; on eft
heureux de fe bien porter. (X)
* BIENSÉANCE, f. f. en Morale. La bienféance en
général confifte dans la conformité d’une aéiion avec
le tems, les lieux, & les perfonnes. C ’eft l’ufage qui
rend fenfible à cette conformité. Manquer à la b 'un-,
féançe, expofe toûjours.au ridicule, & marque quelquefois
un vice, ^a crainte de la gêne fait:fouvent
oublier les bienféances. Bienféance nefe prend pas feulement
dans unfens moral; on dit encore dans un
fens phyfique., cette piece de terre ejl à ma bienféance ,
quand ton acquifition arrondit un domaine , embellit
un jardin, &c. Malheur à un petit fouverain dont
les états font à la bienjïance d’un prince plus puiffant.
Bienséance , f, m, terme d.'Architecture. On fe fert
de ce nom d’après Vitruve, pour exprimer l’afpcéfc
d’un édifice dont la décoration eft approuvée, 6c
l’ordonnance fondée fur quelque autorité : c’eft ce
que nous appelions convenance. Foye1 C o n v e n a n c
e ; voye{ aujfi A SPE CT. (P )
BIENTENANT, terme de Palais, fynonyme àpof-
fejfeur ou détenteur. Foye^L'un & l'autre. (H)
BIENVEILLANCE, f. f. (Morale.) La bienveillance
eft un fentiment que Dieu imprime dans tous
les coeurs, par lequel nous fommes portés à nous
vouloir du bien les uns aux autres. La fociété lui doit
fes liens les plus doux 6c les plus forts. Le principal
moyen dont s’eft fer vi l’auteur de la nature pour établir
6c conferver la.,fociété du-genre humain, a été
de rendre communs entre les hommes leurs biens &
leurs maux, toutes les fois que leur intérêt particulier
n’y met point obftacle. Il eft des hommes en qui
l’intérêt, l’ambition, l’orgueil, empêchent qu’il ne
s’élève de ces mouvemens de bienveillance. Mais il
n’en eft point qui n’en portent dans le coeur les fe-
mences prêtes à éclorre en faveur de l’hunianité 6c
de la vertu, dès qu’un fentiment fupérieur n’y fait
point d’obftacle. Et s ’il étoit queiqu’homme qui n’eût
point reçu de la nature ces précieux germes de la
vertu, ce feroit un défaut de conformation, fetn—
blable à celui qui rend certaines oreilles infenfibles
au plaifir de la mufique. Pourquoi ces pleurs que
nous verfons fur des héros malheureux ? avec quelle
joie les arracherions-nous à l’infortune qui les pour-
fuit ! leur fommes - nous donc attachés par les liens
du fang ou de l’amitié? Non certainement : mais ce
font des hommes 6c des hommes vertueux. Il n’en
faut pas davantage pour que ce germe de bienveillance
que nous portons en nous-mêmes, fe développe
en leur faveur. (X )
B i e n v e i l l a n c e , (Hifi. mod.) terme ufité dans
les ftatuts & dans les chroniques d’Angleterre, pour
lignifier un préfent volontaire que les fujets font à
leur fouverain, chacun y contribue à proportion de
fa fortune. Foye^ S u b s i d e & T a x e .
La bienveillance prife dans ce fens, équivaut à ce
que les autres nations appellent fubfidium charîtati-
vum , que les tenanciers payent quelquefois à leur
feigneur, le clergé aux évêques.
En France on appelle ce-fe.cours don gratuit. Dans
les befoins de l’état, le clergé affemblé foit ordinairement
, foit extraordinairement, accorde au roi un
don gratuit indépendamment des décimes 6c autres
impofitions dont il eft chargé, & le recouvrement
de ces fommes eft reparti fur les provinces eccléfiaf*
tiques. Dans les provinces d’états » outre les fubfides
ordinaires , à la tenue des états on accorde aufli ail
roi un don gratuit plus ou moins fort, félon les cir-
conftances. Foye^ A i d e s . (G)
* BIERNEBURG, (Géog.) ville de la Livonie.
* BIERRE, f. f. ëfpece de boiflon forte ou vineu*
fe, faite, non avec_des fruits, mais avec des grains
farineux. On en attribue l’invention aux Egyptiens.
On prétend que ces peuples , privés de la vigne ,
cherchèrent dans la préparation des grains dont ils
abondoient, le fecret d’imiter le vin, 6c qu’ils en tirèrent
la bierre. D ’autres en font remonter l’origine
jufqu’aux tems des fables, 6c racontent que Gérés ou
Ofiris en parcourant la terre, Ofiris pour rendre les
hommes heureux en les inftruifant, Cerès pour retrouver
fa fille égarée , enfeignerent l’art de faire la
bierre aux peuples à qui, faute de vignes, elles ne purent
enleigner celui de faire le vin : mais quand on
laiffe-là les fables pour s’en tenir à l’hiftoire, on convient
que c’eft de l’Egypte que l’ufage de la bierre a
pafle dans les autres contrées du monde. Elle fut d’abord
connue fous le nom àe.boijj'on pélufienne , du
nom de Pelufe, ville fituée proche l’embouchure du
Nil, o iil’onfaifoit la meilleure bierre. Il y en a eu.de