tait entret dans ces trous. Cette planche .F garnie de
dents de boeuf, s’appelle le râtelier. On voit même
flanche du Bonnetier, fig. y. le râtelier féparé : il fe-
yoit mieux que le râtelier, au lieu d’être fixé à clous
fur le fond de la fou loir e , y fût enchâfl’é , de maniéré
qu’il n’y eût que les dents qui defafleuraffent ; 8c
c’eft Ce que le fieur Pichard a fait obfierver dans les
fiqnncs. Des robinets g g , donnent à diferétion dans
la'.fouloire, de l’eau chaude qui vient d’une chaudie-
rè B x fig. 2. afiife fur un fourneau 6’, au-deflous duquel,
on remarque un petit bûcher D , 8c au-deffus un
rélervoir^ d’eau froide, qui fournit à la chaudière B.
Pour fouler, on ouvre les robinets g, g, fig. $. l’eau
çhaude tombe dans la fouloire ; l’ouvrier a du favon
dans un fac de toile ; il prend ce fa c , 8c le promene
dans l’eau chaude. La précaution du fac eft bonne ;
par ce moyen ilnepaffe dans l’eau que les particules
les plus fines du favon, le gros tacheroit l’ouvrage.
Cette eau imprégnée • de favon, s’appelle eau neuve.
Quand l’eau neuve eft prête, l’ouvrier prend fur la
planche i , 2 , 3 ,4 , au lieu 1 , une certaine quantité
d’ouvrage qu’on appelle une poignée. Si ce font
des bas d’homme, il n’en faut qu’une paire pour fai-
re.une poignée. Cette poignée a déjà fouftért plu-
fieurs préparations dans la fouloire, avant que de
paffer dans l ’eau neuve, ainfi qu’on le verra par la
fuite de l’opération que nous décrivons. L’ouvrier
foule cette poignée : Ion travail confifte alors à tourner,
retourner, 8c preffer à plufieurs reprifes fa poignée
fur les dents du râtelier ; obfervant de la faire
toucher à chaque mouvement à l’eau qui s’élève dans
la fouloire jufqu’à la hauteur de deux rangées de
dents les plus voifines du fond. Il continue fon opération
pendant une bonne heure au moins , ayant
foin de ne pas fouler à fié e ; car fia marchandifie en de-
viendroit caftante. Cela fait, il tord bien fon ouvrage
pour en faire fortir l’eau, le plie 8c le met dans le
panier qui eft fous la fouloire.
. Son ouvrage ferré dans le panier, il ouvre les robinets
gyg; il tombe de l’eau chaude dans la fouloire
; cela s’appelle réchauffer. Cette eau réchauffée une
première fois s’appelle eau d'imprime. L’eau d’imprime
étant préparée, l’ouvrier prend une poignée d’ouvrage
au lieu 1 ; il met cette poignée dans l’eau d’imprime
, l’y agite, 8c commence à la fouler un peu.
Cette manoeuvre dure un quart-d’heure ; au bout de
ce tems, avi lieu de jetter cette poignée dans le panier
, comme la première, il la met fur la planche au
lieu 1 , après l’avoir tordue.
Cela fait, il réchauffe l’eau : cette eau réchauffée
s’appelle eau de dégrais à fait : il prend une autre poignée
au lieu 3 ; il a du favon noir dans un baril; il
en frote fa poignée à la quantité d’une demi-livre,en-
fuite il l’agite dans l’eau, & la preffe fortement furie
râtelier pour en faire fortir la graiffe. Cette manoeuvre
dure un quart-d’heure : au bout de ce tems, il
tord fa poignee 8c la met fur la planche au lieu 2.
Il réchauffe l’eau ; cette eau réchauffée s’appelle
tau graffe. Il prend une autre poignée au lieu 4 ; il la
met dans l ’eau graffe fans la froter de favon, il fe
contente de l’agiter 8c de la preffer fortement contre
le râtelier. Cette manoeuvre dure encore un quart-
d’heure ; au bout de ce tems il tord fa poignée 8c la
met fur la planche au lieu 3.
Pour cette fois il ne réchauffe point, il prend feulement
une nouvelle poignée au lieu 5 ; cette poignée
eft d’ouvrage tel qu’il fort des mains du fabriquant,
& fans aucune préparation. Il jette fa poignée dans
l’eau, l’y agite, 8c preffe contre les dents. Cette manoeuvre
dure un quart-d’heure ; au bout de ce tems
il la tord 8c la met fur la planche au lieu 4.
Cela fait, il vuide toute la fouloire par un bouchon
qui eft au fond, & la nettoye exa&ement. Quand la
fouloire eft bien nettoyée , il refait de l’eau neuve
pôur recommencer la fuite d’opérations que nous ve-?
nons:de décrire , 8c dans lefquelles confifte la foule.
D ’oit l’on voit que nous avons fuppofé la fouloire
en train : mais fi elle ify eût point été, on eût fait
une eau neuve avec du favon noir, & on eût continué
le travail dans l’ordre que nous avôris' preferit :
mais le commencement eût été coûtéiix’& n’eût pas-
donné un ouvrage fi parfait. Le but de là foulé eft:
de dégraifler, 8c de rendre l’ouvragé plus fort 8c plus
l'erré.
L’ouvrier eft payé trois fous la poignée : ihais tous
les ouvrages ne font pas également durs. Les bas
d’homme , de S ego v ie , font les plus durs ; les bàs de
femme font de d'eux paires à la poignée. L’ouvrage
de foule le moins pénible, ce font les calottes de cafi
tor, quoiqu’il y en ait huit à la poignée.
Si l’on veut avoir de bel 8c bon ouvrage, il ne
faut le fouler ni aux piés ni au moulin ; ces deux maniérés
rendent les bas durs & inégalement foulés.;*'^
La fécondé opération ejl celle de la formé. A\\ fortir
des mains du foulon, dans le même jour,il faut eri-
former les marchandifies: li on les laiffoit fécher, on né
pourroit plus les enformer fans les mouiller, ce qui
les gâteroit. La forme n’eft autre chofe qu’un morceau
plat de bois de hêtre, dont le contour e ft , à
proprement parler, la ligne de profil de la piece à
enformer. Onia fait entrer dans les ouvrages foulés,
qu’on tend fortement fur elle, avec des petits clous
qu’on plante, foit dans l’ouvrage, foit dans une li-
liere ou alonge qu’on y attache : ordinairement on
met des lifieres aux jupons. On laiffe les marchand!-1
fes .en forme jufqu’à ce qu’elles foient feches, ce qur
demande au moins douze heures, fans feu ni foleil.
Quand on eft preffé, on porte les marchandifes en-
formées dans une étuve ou cabinet échauffé par une
poefle de feu ; il ne faut aux marchandifes qu’une
heure d’étûve pour les fécher : mais il vaut mieux les
laiffèr fécher à l’air.
La troijîéme opération confifte à les racoutrer. Ra-
coutrer-, n’eft autre chofe que réparer les défauts que
les marchandifes rapportent, foit du métier à bas ,
foit de la foule. Cette réparation fe fait à l’aiguille 8e
avec la même matière : il faut qu’elle foit la plus fo-
lide 8c la plus propre qu’il eft poflîble,
La quatrième opération eft le draper. Pour draper
on a une broche double : cette broche double eft une
efpece de fourche de fer, telle qu’on la voit fig. 5. On
a monté fur chaque fourchon, un chardon de ceux
qu’on appelle chardon à bonnetier ou drapier ou foulon •
ces chardons peuvent fe mouvoir ou tourner fur les
deux fourchons, 8c y font arrêtés par une planchette
qui en eft traverfée, & une clavette qui les traverfe.
L’ouvrier prend la queue de cette broche ou fourche
entre l’index & le doigt du milieu de fa droite ; place
fon ouvrage fur fon genou gauche, qu’un petit mar*
che-pié tient élevé, & paffe deffus les deux chardons
, jufqu’à ce qu’il s’apperçoive qu’il s’eft formé
affez de duvet. Les chardons en roulant fur la mar-
chandife, fe chargent de bourre. Quand ils en ont
trop, on a une carde telle qu’on la voit fig. 6. fur laquelle
on les roule, ce qui s’appelle débourrer.
La cinquième opération eft la tonte. Cette opération
eft très-délicate, 8c il faut un certaine habitude
pour aller vite 8c ne pas tondre en échelle ou inégalement
: pour cet effet le tondeur fe ceint d’une ceinture
telle qu’on la voit fig* 8 ; elle a une boucle ordinaire
à fon extrémité, 8c elle traverfe un morceau
de bois fait en coeur, dont on auroit coupé la pointe,
8c au milieu duquel on auroit pratiqué unè ouverture
quarrée. Il arrête ce morceau de bois, qu’on appelle
couffinet y fur fon flanc droit. Il prend dans fa main
gauche un rouleau ou morceau de bois rond, couvert
de ferge, qu’on voit fig. 10. C e rouleau ou morceau
de bois a un pié de long fur quatre pouces de
cliametre. II place fon ouvrage fur ce rouleau, eû-tra-
vers , fi c’eft un bas ; il appuie la longue branche de
fies cifeaux dans l’ouverture du couffinet ; il les faifit
toutes deux, 8e faifant ouvrir 8c fermer rapidement
fon cifeau, il enleve de deffus l’ouvrage les gros
poils, obfervant de tourner peu à peu le rouleau,
afin que la furface de l’ouvrage à tondre fucccde à
la furface tondue , 8c fe préfente continuement au
cifeau»
On appelle "bourre, tant la laine enlevée au chardon
, que celle qui vient du cifeau ; ce produit du draper
8c de la tonte fert à remplir les dents des cardes
neuves, quand on craint qu’étant trop longues elles
ne déchirent la laine. On la vend aufli à des ouvriers
qui ont trouvé le fecret d’en faire une forte de ta-
pifferie qu’on appelle tontiffe. La bourre vaut quatre
fous la livre.
Il eft étonnant qu’ort ait trouvé un emploi à la
bourre de la laine , 8c qu’on n’en ait pas encore trouvé
à la recoupe de la gafe ; l’un pourtant me femble
bien plus facile que l’autre. On entend par la recoupe
de la gafe -, cette portion de fil & de foie blanche qui
s’enleve au cifeau de deffus les pièces , quand elles
font fabriquées, pour en faire paroître les fleurs ,
voyçi G a s e : on brûle cette matière ou cet amas de
petits fils plus blancs que la neige. Cependant il n’eft
perfonne à qui il ne vienne en penfée qu’on en pourroit
très-bien faire ufage dans les papeteries : peut-
être que du papier fabriqué en entier de cette matière
feroit caffant ; mais fi on la mêlangeoit avec le
chiffon, je ne doute point qu’elle ne contribuât à la
blancheur & à la fineffe : j’invite les fabriquans de
papier à en faire l’effai. Si cet effai réufliffoit, il y
auroit Un gain confidérable à faire pour les premiers
entrepreneurs ; car ces bouts de fil & de foie forment
au bout de l’an, dans l’attelier d’un gafier un peu occupé
, une maffe très^confidérable, 8c ils fe donnent
pour rien ou pour très-peu de chofe.
La fixieme opération eft la teinture. Après la tonte
on teint ou l’on envoyé à la teinture les ouvrages
faits de laine blanche ; car pour ceiuç qui font fabriqués
de laines déjà teintes, ils reftent de la couleur
qu’on a cardé la laine. Voye%_{ur le.mélange des laines
teintes propres à produire la couleur qu’on* de-
fire, Varticle D r a p e r i e . Vçye^auJJi T e i n t u r e .
Septième opération. Il faut rapprêter les marchandifes
paffées à la teinture. On entend par rapprêter,
repaffer au chardon legerement, ce qu’on appelle
éclaircir, 8c tondre enfuite.
Huitième opération. Quand les marchandifes ont ;
paffé par toutes les opérations précédentes, on les
preffe ou on\tscatit. La preffe des Bonnetiers n’a rien
de particulier ; elle reffemb.le à celle des relieurs &
de quelques autres ouvriers. L’a&ion de la preffe eft
de rendre les marchandifes moins épaiffes, 8c de leur
donner un oeil plus fin. Catir, c ’eft chauffer modérément
fur une poêle pleine de feu , qu’on appelle ca-
tiffoire. La catiffoire renfle la laine, 8c donne à la mar-
chaiidife un air plus moelleux 8c plus chaud, mais
plus épais , ce qui ne plaît pas à tout le monde.
Il ne refte plus au Bonnetier après cela., qu’à renfermer
fa marchandife dans des armoires, 8c à veiller
à ce que les vers ne s’y mettent point.
La Bonneterie de Paris eft.fans .contredit une des
'meilleures de l’Europe, & la meilleure du royaume. I
La crainte qu’elle ne perdît de fon crédit par de mauvais
ouvrages diftribués fur fon compte, détermina
fa Majeftéà ordonner à trois reprifes différentes, en
1 7 1 3 ,1 6 8c 21 , que les marchandifes de bonneterie,
quife préfenteroient à l’entrée de Paris, feroient vi-
.fitees à la douane ; 8c pour cet effet il fut enjoint iQ. .
au commis des portes & barrières de Paris, fous pein e
à interdidion pendant un mois , 8c de révocation en
^ças de récidive, d’envoyer au bureau de la douane .
tous les rtiarchands forains ; voituriers, condu&eurs
de. coches, & meffagers qu’ils trouveront chargés dé
bonneterie, tant au métier qu’à l’aiguille, de leur dé-
livrer^ des envois, d’en prendre des gages proportionnés
a la quantité des, marchandifies , 8c même dé
les conduire : i°. en cas qu’il fie trouvât des gens en
contravention , de faifir 8c de dreffer procès-verbal
& rapport de' faille -, dans les vingt-quatre heures :
3 • au lieutenant de police d’ordonner en ces conjonctures
ce qu’il appartiendra : 40. que le tiers des mar-
ehandifes prifes en fraude ■> foit adjugé aux commis.
La Bonneterie forme le cinquième desfix corps des
marchands de Paris. Il a droit de vendre bonnets dé
drap, de laine , bas, gants , chauffons, camifoles \
caleçons, & autres femblables ouvrages faits au métier
, au tricot, à l’aiguille, en laine , fil, lin-, poilj
caftor, coton, & autres matières ourdiflables.
Les Bonnetiers entendent par des bas caftors , eut
autres ouvrages defignes fous ce nom, ceux qui font
faits avec delà laine filée &c tor fe, enfuiteavecdela
foie. Ces marchandifies fie traitent au fiortir des mains
du fabriquant, précifiément comme fi elles étoient
toute laine.
Dans les ftatuts de la Bonneterie, accordés par Hen4
ri IV. en 1608 , les marchands bonnetiers font appel*
lés Aulmulciers - mitoniers parce qu’anciennement
c’étoient eux quifaifoient des aulmulces ou bonnets
propres pour la tête quand on alloit en voyage , 8c
qu’ils vendoientdes mitaines. V o y e ^ A u m u s s e . Sui*
vant ces ftatuts, on ne peut êtrereçû dans le corps
avant vingt-cinq ans, & fans avoir travaillé cinq ans
en qualité d’apprenti, & cinq autres années en qualité
de compagnon, & fans avoir fait chef-d’oeuvre.
La Bonneterie a fies armoiries ; elles font d’azur, à'
la toifon d’argent, furmontée de cinq navires, aufli
d’argent, trois en chef & deux en pointe ; 8c une
confrairie établie en l’églifie de S. Jacques de la Boucherie,
fous la protection de S. Fiacres
Il y a à la tête du corps fix maîtres ou fix gardesi’
Trois font appellés anciens. Le plus ancien des trois
s’appelle le premier ou le grand garde : les trois autres
font nommés nouveaux gardes. On ne peut être élû
premier garde, qu’on n’ait été nouveau garde.
L’éleCtion de deux gardes fe fait tous les ans après
la S. Michel, au bureau de la Bonneterie ; fiavoir d’un
ancien pour la fécondé fois , 8c d un nouveau’pour
la première fois ; enforte qu’il en fort deux, le grand
gardé, 8c le premier des trois nOuveaux^L’éleCtion
fie fait à la pluralité des v o ix , en préfence du procureur
du Roi du Châtelet, & d’un greffier;
Les fix gardes portent en cérémonie la robe con-
fulaire , c ’eft-à-dire , la robe de drap noir, à collet -
à manches pendantes, à paremens 8c bord de velours
noir.
Dans les comptes que les gardes ont à rendre ils
font entendus par fix anciens hors de charge, nom*
més à la pluralité des voix.
Quand un ancien garde décédé , les quatre derniers
gardes en charge font tenus d’affifter en robé
à fon convoi, 8c de tenir chacun un des coins du
poîle , qui eft fourni par le bureau , avec fix flambeaux
de cire blanche, auxquels font attachées les
armoiries du corps.
Ce cinquième corps s’eft accrû, en 17 16 , de la
communauté des maîtres bonnetiers & ouvriers au
tricot des faubourgs.
Cette réunion occafiortna dans la fuite des con-
teftations ; ces conteftatiOns augmentèrent encore
quand la communauté fe fut accrue des faifeurs de
bas au métier. Ce fut pour terminer tous ces démêlés
, occafionnés par les différens réglemens qu’avoit
chacun de ces corps avant la réunion, 8c qu’il prér
tendoit confçrver après, qu’il fut ordonné par un