cupés du militaire & des affaires du dehors ^ imagina
cette nouvelle dignitépour veillfer à celles du dedans,
& tira de l'on corps ceux qui en furent revêtus ; mais
depuis que les plébéiens eurent été admis au confulat,
ils afpirerent auffi à la cen fu re , & parvinrent au
moins à faire remplir une des deux places de cenfeur
par un fujet tiré du corps.du peuple. Il y eu t fur cela
une loi de portée en 4 14 , & elle fut en vigueur jiif-
qu’en 622 , qu’on nomma deux cenfeurs plébéiens ;
ils partagèrent toûjours cette charge av e c les patriciens
jufqu’àir tems des empereurs, qui la réunirent
en leur perfonne.'
L ’autorité des cenfeurs était fort étendue, puifqu’ils
avoient droit de reprendre les citoyens les plus éle vés
en dignité : auffi cette charge ne s’obtenoit-elle
qu’après qu’on avo it pafle par toutes les autres. On
trou va étrange que Craffus en eût été pourvu avant
que d’avoir été ni conful ni préteur. L ’exercice de la
cenfure diiroit d’abord cinq ans ; mais cet .ufage rie.-
dura que neuf-ans, le diftateur Mamercus ayant port
é , l’an de Rome 420, une loi qui réduifit le tems de
la cenfure à dix - huit mois ; ce qui fut dans la fuite
obfervé à la rigueur.
Outre les fondions des cenfeurs, dont on a déjà
p a rlé , ils étoient fpécialement chargés de la fur-intendance
des tributs, de la déferife des temples, du
foin des édifices publics ; de réprimer le libertinage,
& de veiller à la bonne .éducation de la jeunefle. Si
quelque fénateur deshonoroit par fes débauches l’éc
la t de cet illuftre corp s , ils avoient droit de l’en
chaffer ; & l’hîftoire fournit des exemples de cette
févérité. Ils ôtoient aux chevaliers leur ch e v a l, &
la penfion que leur faifoit l’é ta t, s’ils fe comportaient
d ’une maniéré indigne de leur rang ; & qüant au menu
peuple , i ls . en faifoient defcendre les membres
d’une tribu diftinguée dans une plus baffe , les pri-
voient du droit de fuflrage, ou les condamnoient à
des taxes & des amendes.
Cette autorité n’étoit pourtant pas fans bo rnes ,
puifque les cenfeurs eux- mêmes étoient obligés de
rendre compte de leur conduite aux tribuns du peuple
& aux grands édiles. Un tribun fit m ettre en pri-
fon les deux cenfeurs M. Furius Philus & M. Attilius
Rcgulus. Enfin ils ne pouvoient pas dégrader un cito
yen fans avoir préalablement expofé leurs motifs,
& c’étoit au fénat & au peuple à décider de leur v a lidité.
(G ) ,
A Lacédémone, dit l’illuftre auteur de Vcfprit des
lois3 tous les vieillards étoient cenfeurs. Le même auteur
obferve que ces magiftrats font plus néceffaires
dans les républiques que dans les monarchies & dans
les états defpotiques : la râifon en eft facile à apper-
cèvoir.
La corruption des moeurs détruifit la cenfure chez
les Romains ; cependant Céfar & Augufte voyant
que les citoyens ne fe marioient pa s, rétablirent les
cenfeurs, qui avoient l’oeil fur les mariages. (O)
CENSEURS de livres3 ([Littér.) nom que l’on donne
aux gens de Lettres chargés du foin, d’examiner les
livres qui s’imprimént. C e nom eft emprunté des cenfeurs
de l’ ancienne Rome , dont une des fonctions
é tait de réformer la police & les moeurs.
Ces cenfeurs, ont été établis dans les différens états
pour examiner les ouvrages littéraires, & porter leur
jugement l'ur les livres qu’on fe propofe d’imprimer,
afin que rien ne foit rendu pu b lic, qui puiffe féduire
les efprits par une fauffe doctrine, ou corrompre les
moeurs par des maximes dangereufes. Le droit de jus
ger des. livres concernant la religion & la police ec-
cléfiaftique, a toujours été attaché en France à l’autorité
épifcopale ; mais depuis l’établiffement de la
faculté, de Théologie , il femble que les évêques
ayent bien voulu fe décharger de ce foin fur les docteurs,
fans néanmoins rien diminuer de leur autorité
fur ce point. Ce droit de juger les livres concernant
la foi & l’Ecriture-fainte, a été plufieurs fois çonfir-
; me à la faculté de Théologie par arrêt du parlement
; de Paris, & fingulieretnent à l’bccafion des héréfies
de Luther & de Calvin,,, qui produifirent une quan-
• tite prpdigieufe de livres contraires à la religion ca-
, tholique. Ce jugement devoit être porté * non par
quelques do&eurs en particulier, mais par la faculté
affemblée. L’ufage étoit de préfenter à la faculté ce
qu’on vouloit rendre public ; elle nommoit deux docteurs
pour l’examiner ; & fur le rapport qu’ils en faifoient
dans une affemblée, la faculté, après un mûr
examen des raifons pour & contre, donnoit fon ap-
, probation à l’ouvrage, ou le rejettoit. Les prélats
mêmè n’étoient point difpenfés de foûmettre leurs
ouvrages à l’examen de la faculté de Théologie, qui
en 1 j34 refufa fon approbation au commentaire du
cardinal Sadolet, évêque de Carpentras, fur l’épître
de S. Paul aux Romains ; & qui en 1542 cenfura le
bréviaire du cardinal Sanguin, évêque d’Orléans.
Le parlement de Paris, toûjours attentif à la confer-
vation de la religion catholique dans toute fa pureté,,
autorifa, par arrêt de la même année 1542, la faculté
de Théologie à examiner les livres qui venoient des
pays étrangers. Cet arrêt fut occafionné par 1e livre
de 1 yinfiitution chrétienne , que Calvin a voit fait imprimer
à Bâle.
Les livres s’étant confidérablemerit multipliés au
commencement de l’année 1600, le nombre des docteurs
chargés de les examiner, fut augmenté. Il en ré-
fulta différens abus ; ces do&eurs fe difpenferent du
rapport qu’ils étoient obligés de faire à la faculté affemblée
, & approuvèrent des livres qu’elle trouva
repréhenfibles. Pour remédier à cette efpece de de-
fordre, la faculté publia un decret par lequel elle
défendit à tous do fleurs de donner inconfidérément
leur approbation, fous peine de perdre pendant fix
mois l’honoraire & les privilèges attachés au doctorat
, & pendant quatre ans le droit d’approuver les
livres. Elle fit encore plufieurs autres reglemens,
mais qui ne firent qu’aigrir les efprits. Enfin en 1623
l’harmonie ceffa tout-à-fait dans la faculté, àl’occa-
fion d’une queftion de Théologie qui partagea tous
les dofleurs : il s’agiffoit de décider fi l’autorité du
pape eft fupérieurè ou inférieure à celle des conciles.
Chacun prit parti dans cette affaire , chacun écrivit
pour foûtenir fon opinion. Le doéteur Duval,
chef de l’un des deux partis, craignant de fe voir
accabler par les écrits multipliés de fes adverfaires,
obtint du roi des lettres patentes en 1624, qui lui
attribuèrent, & à trois de fes confrères , à l’exclu-
fion de tous autres, le droit d’approuver les livres,
avec une penfion de 2000 liv. à -partager entr’eux.
Ces lettres de création chagrinèrent la faculté, qui
fe voyoit dépouiller d’un droit qu’elle croyoit devoir
lui appartenir toûjours. La penfion d’ailleurs accordée
aux quatre nouveaux cenfeurs9 lui parut deshonorante
pour des gens confacrés par état au maintien
de la faine doctrine. Elle fit remontrances fur
remontrances, & ne ceffa de demander avec inftan-
ce la révocation de ces lettres ; mais elle ne put l’obtenir
: le roi au contraire les confirma par de nouvelles
, dans lefquelles il étoit dit que par la fuite ces
quatre cenfeurs créés par lettres patentes, feroient
pris dans la maifon de Sorbonne, & élûs à la pluralité
des voix dans une affemblée, à laquelle feroient
appellés deux dofteurs de la maifon de Navarre. Cette
efpece d’adouciffement ne fatisfit point encore la
faculté ; elle continua, mais inutilement, les follici-
tations. La difcorde régna plus que jamais parmi les
dofteurs ; & pendant plus de trois ans les nouveaux
cenfeurs eüiiyerent tant de defagrémens de la part de
leurs confrères, que Duval, en 1626 ,.prit enfin le,
parti de fe démettre en pleine affemblée de fes fonctions
de cenfeur. On ne fait pas bien pofitivemeut fi
après cette démiffion de D u v a l , les lettres-patentes
qui avoient été données fingulierement en fa fa v e u r ,
furent fupprimées ou non : mais il paroît par différens
decrets des années 1628, 1631 & 16 42 , que la
faculté recommença, comme par le pafle., à charger
des dofteurs de l’examen des livres , & qu’elle prit
les précautions les plus fages pour empêcher les approbations
inconfidérées. Son honneur & fes intérêts
le demandoient : cependant tous fes foins furent
inutiles ; il s’éle va dans l ’Eglife des difputes fur la
grâce , qui donnèrent naiffance à une prodigieufe
quantité d’écrits de part & d’autre : chacun des deux
partis fit approuver fes livres par les docteurs qui
lui étoient favorables , & ces do&eurs donnèrent
leurs approbations fans avo ir été commis par la faculté.
Ces irrégularités durèrent jufqu’en 16*3. Pour
y mettre fin , M. le chancelier Seguier fe détermina
à ôter encore une fois à la faculté le droit d’approuv
e r les livres ; il créa qua^f.e nouveaux cenfeurs; mais
fans lettres-patentes , & Tans autre titre que la feulé
volonté du r o i , av e c chacun 600 livres de penfion.
Depuis ce tems, le nombre des cenfeurs a été confi-
dérablement augmenté ; il y en a pour les différentes
matières que l’on peut traiter : le droit de les
nommer appartient à M. le chancelier, à qui ils rendent
compte des livres dont il leur confie l ’examen,
&c fur leur approbation eft accordé le privilège de
les imprimer. Il arrive, quelquefois que le grand nombre
de livres qu’ils font chargés d’examiner, ou d’au-,
très raifons, les mettent dans la defagréable néceffité
de réduire les auteurs ou les libraires qui attendent
leur jugement, à l’état de ces pauvres'âmes errantes
fur les bords du Styx , qui prioient long - tems
Caron de les palfer.
Stabant orantes primi tranfmittere curfum ,
TenJebantque manus ripa ulteriorbs amore.
Navita fed trijlis nunc hos nunc accipit illos :
si fi ali os longe fummotos arcet are nu.
C EN S IE R , f. m. ( Jurifprud. ) fe dit d’un feigneur
qui a droit de cens fur les héritages tenu^-en roture
dans l ’étendue de fa feigneurie. Foye[ Cens , Censitaire,
Censive.
Censier , eft auffi quelquefois fynonyme à cenfi-
taire ; ainfi on dit en ce fens, il ejl le confier d'un tel
jiïgnc.'r
CEN S1T A IRE, f. m. ( Jurifprud.) eft un vaffal qui
poffede en roture un ou plufieurs héritages dans l’étendue
de la cenfive d’un feigneur, à la charge du
cens. Voyt^ Cens.
Dans les commencemens de l’ctabliflement des cen-
fi v e s , il n’étoit pas permis au cenjîtaire de vendre l’héritage
qui lui avoit été baillé à cens, fans avoir lecon-
fentement du feigneur ; & pour avoir fon confente-
ment, on lui payoit une certaine fomme : ce qui a
depuis pafle en droit commun. Il eft aujourd’hui permis
au cenfitaire de vendre l’héritage chargé de cen s ,
en payant au feigneur un droit qui eft réglé par les j
coûtumes , & qu’on appelle communément lods &
■ventes. Foye^ Lods 6* Ventes. (H)
CENS1T E , f. f. ( Jurifprud.') terme de droit coû-
tumier peu u fité , fynonyme à cenfitaire. Colombet a
donné un traité des perlonnes de main-morte , cen-
fitts & taillables, qu’il a intitulé, Colonia Celtica lu-
M B
^ CEN SIVE , f. f. ( Jurifprud.) eft l’étendue du fief
d’un feigneur cenfier, c ’efi-à-dxre à qui il eft dû un
cens ou redevance foncière par les propriétaires qui
poffedent des terres dans l ’étendue de Ion fief. C ’eft
auffi le droit même de percevoir le cens.
L ’origine des cenfives eft auffi ancienne que celle
des fiefs. Les feigneurs qui avoient une trop grande
étendue de domaine, en donnoient une partie en fief. Tome II. r J
à la èharge du fervice militaire ; & une autre partie
à cen s, avec amende faute de payer le cens au jour
de l ’échéance» Foyeç C e n s . (H)
C EN SU R E , f» f. (Z) roit canoniq. ) fe prend ordinairement
pour un jugement, par lequel on condamne
quelque liv r e , quelque perfonne ; & plus particulièrement
pour une réprimande faite par un fupé-
rieur ou une perfonne en autorité» (Z f)
C e n s u r e s e c c l é s i a s t i q u e s , font des menaces
publiques que l’Eglife f a i t , d’infliger les peines
qu’on a encourues, pour avoir defobéi à fes ordres ,
ou plutôt encore ces peines ou ces punitions elles-
memes. Le Dro it canonique en reconnoît de trois
fo rtes , qui font l’excommunication, la fufpenfe, &
1 interdit. Foye{ chacun de ces mots à leur rang.
Jufqu’au tems de la prétendue réforme , les rois
d’Angleterre ont été foûmis aux cenfures de l’églife
de Rome : mais les François s’en font toûjours maintenus
exempts. En effet il n’y a point d’exemple d’excommunication
d’aucun roi de la première ra c e , jufi
qu’à celle de Lothaire , par le pape Nicolas I. pour
avo ir répudié fa femme T etb e re e ; c’eft la première
breche qui fut faite aux libertés ae l’églife Gallicane r
cependant le pape n’ofa hafarder fon excommunication
de fa propre autorité ; il la fit confirmer par l’af-
femblée des évêques de France.
Les autres papes ont pris dans la fuite les mêmes
précautions : mais, depuis ce tem s -là , les rois ont
mieux foûtenu leur privilège : car l’anti-pape Benoît
XIII. ayant prononcé des cenfures contre le roi Charles
VI. & mis le royaume en interdit, le parlement
de Paris , par arrêt de 1408, ordonna que la bulle
fut lacérée. Jules I I. ayant auffi lancé l’excommunication
contre Louis X II. l’affemblée générale tenue
à Tours cenfura les cenfures du pape. Foye£
E x c o m m u n i c a t i o n .
Les Canoniftes diftinguent deux fortes de cenfures t
l’une de droit, à jure ; l’autre de fait ou par fentence,'
qu’ils appellent ab homine.
Les premières font générales & perpétuelles : i l
n’en eft pas de même des fécondés ; mais auffi elles
font toûjours réfervées.
On divife les cenfures par rapport à l’effet qu’elles
produifent, en celles qu’on appelle latafententia, 6c
celles qu ’on nomme ferenda fententia; c ’eft-à-dire en
cenfures encourues par le feul fa it , ipfo faclo, par vertu
du jugement qui les a prononcées, fans qu’ il foit be-
foin d ’un nouveau ; & en cenfures comminatoires , qui
ne s’encourent pas fans une nouvelle fentence du
juge. I .
Il n’y a que les fupérieurs eccléfiaftiques qui joiiif.
fent de la jurifdiâion extérieure, qui puiffent porter
des cenfures; ainfi les curés n’ont pas ce droit. (H)
C e n s u r e de livres ou depropofitions,. c ’eft une note
Quune qualification, qu’on donne à tout ce qui blefle
la v é r ité , foit dans un livre , foit dans une propofi-
tion.L a v é r ité , fion peut en parler ainfi, eft une fleur
tendre ; on n’y peut toucher qu’on ne l ’altere & qu’on
n’en termite l’éclat. L a note dont on marqueun livre
ou une propofition, eft d’autant plus flétrilïante ,
que l’une ou l’autre s’éloigne plus de la véritéjcar il y
a différentes nuances dans l’erreur. La note de Vhéréfic
eft la plus infamante de toutes ; parce que l’hérefieeft
de toutes les erreurs celles qui s’éloigne le plus de la
vérité. En effet, e lle contredit formellement l’expref»
fe parole de D ie u , & fe révolte contre l ’autorité de
l’Eglife qui l’interprete ; la flétriflure de l’erreur eft
moins forte que celle qui lance l’anathème contre Yhc-
réfie. Comme la vérité que Y erreur attaque eft en partie
fondée fur l ’Ecriture , & en partie fur la raifon
fon crime eft moindre, parce qu’elle fe révolte moins
dire£tementcontre!’autorité de Dieu . O n note comme
f entant Vhéréfic,, tout livre ou toute propofition
qui préfente d’abord à l ’efprit unfens hérétique quoi-*
L L 111 ij ^ f