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extrémités des deux diamètres dont les directions fe
coupent à angles droits, afin que la boujfole puiff®
toujours conl'erver la fituation horifontale , malgré
les roulis du vaifleau. Enfin on l’enferme dans une
boîte quarrée couverte d’une glace, & on la place
près du gouvernail dans une plus grande boîte ou armoire
quarrée fans fer, que les marins nomment habitacle
, laquelle eft placée à l’arriere du vaifleau fur
le pont, & éclairée pendant la nuit d’une lampe, afin
que le timonnier, c’eft-à-dire, un matelot intelligent
qui tient le gouvernail, & qui dans les vaiffeauxde
roi eft relève de deux heures en deux heures, puiffe
avoir toujours la boujfole fous les yeux, & diriger la
route du vaifleau fuivant le rumb qui lui eft preferit
par le pilote.
Gomme la rofe de la boujfole eft mobile fur fa chape
, le timonnier a foin de gouverner enforte que la
pointe de la rofe qui indique le rumb ou air du vent
de la route aCtuelle du vaifleau, foit dirigée parallèlement
à la quille ; ce que la pofition de la boîte de
la boujfole, parallèlement aux parois de l’habitacle,
indique fuflïfamment. Enfin pour ne laifler aucune
équivoque, on a coutume de marquer d’une croix
l’endroit de la boîte qui regarde la proue.
Les capitaines de vaifleau, les officiers & les pilotes
attentifs , ont ordinairement une boujfole un peu
différemment conftruite fufpendue au plancher de
leur chambre, afin de pouvoir, lors même qu’ils ne
font pas furie pont, favoir à toute heure où le navire
a le cap , c’eft-à-dire quelle route il fait actuellement
(déduâion faite de la dérive) : cette fufpen-
fion exige moins de précautions que la précédente :
mais en ce cas il faut obferver que l’eft foit à la gauche
du nord, & l’oiieft à fa droite ; en un mot que
tous les points foient dans une fituation inverfe à l’égard
de la boujfole renverfée, quoique toûjours dans
la même pofition à l’égard du fpeCtateur ou à l’égard
du vaifleau.
Pour prévenir les accidens que les frottemens ou
quelqu’irrégularité phyfique pourroient caufer à une
boujfole fi elle étoit feule, il y en a toujours deux
dans l’habitacle, & elles font ieparées par une cloi-
fon.Toutes deux.font expofées àla vue du timonnier.
Maintenant voici la maniéré de fe fervir de cet
infiniment pour diriger’la route du navire. On re-
connoît fur une carte marine réduite par quel rumb
le vaifleau doit tenir fa route pour aller au lieu pro-
pofé, & on tourne le gouvernail jufqu’à ce que le
rumb déterminé foit vis-à-vis de la croix marquée
fur la boîte ; & le vaifleau faifant voile eft dans fa
véritable route : par exemple , fi on part de l’île
d’Oüeflant à l’occident de Breft, & qu’on veuille aller
au capFiniftere en Galice, on commencera par
chercher dans une carte marine réduite quelle doit
être la direction de la route , & on trouve qu’on la
doit faire au fud-oiieft quart au fud : tournant donc
le gouvernail jufqu’à ce que le.rumb fud-olieft quart
au fud réponde exactement à la petite croix marquée
fur la boîte de la boujfole, le vaifleau fe trouvera
dans fa véritable route.
Tel eft le principal ufage de la boujfole : il y en a
plufieurs autres qui tendent à déterminer les latitudes
, à fixer les points de l’horifon où les aftres fe lèvent
&• fe couchent ; c’eft-à-dire, à déterminer les
amplitudes orientales ou occidentales : mais ces ufa-
ges ont plus de rapport à l’Aftronomie & à la Navigation,
qu’à l’ufage principal de la boujfole.
La déclinaifon de l’aimant dont on a parlé à l’article
Aig u il l e , qui confifte en ce que cette aiguille
ne fe dirige prefque jamais exactement vers les pôles
du monde , mais qu’elle s’en écarte ordinairement
tantôt vers l’eft tantôt vers l’oiieft ; cette déclinaifon
, dis-je, qui varie dans les différens endroits de
la terre, ôc dans les mêmes en différens tems, oblige
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les marins à faire continuellement des corrections
aux opérations qu’ils font avec la boujfole. On verra
à l’article V a r i a t i o n les précautions qu’ils apportent
pour rcconnoître & déterminer la quantité de
cette variation , & les moyens dont ils fe fervent
pour rectifier leur route.
L’avantage que les gens de mer retirent de la bouf-
fole qui les guide au-travers des mers les plus vaftes,
& les fait arriver aux extrémités de la terre les plus
reculées, a porté les Phyficiens à imaginer différens -
moyens pour la perfectionner. Tous conviennent que
la boujfole doit être la mieux aimantée qu’il eft pofli-
ble, très-legere dans fa conftruCtion, & fur-tout parfaitement
mobile fur fon pivot. Nous avons enfeigne
dans l’article A i g u i l l e la meilleure maniéré de
conftruire & d’aimanter les aiguilles : en voici une
autre qui a aufîi fes avantages, & meme qui nous pa-
roît préférable à bien des égards. Elle eft fondée fur
ce principe démontré par l’expérience, que le fer &
l’acier ne reçoivent qu’une quantité determinee de
vertu magnétique, & qu’il y a une proportion de longueur
, de largeur & d’épaifleur pour que ces^rne-
taux puiflent recevoir la plus grande quantité qu’il eft
pofliblequ’ils retiennent; c’eft pourquoi M.Mitchell,
auteur de cette nouvelle méthode, prétend qu’il eft
très-avantageux de faire les boujfoles avec des lames
d’acier parallélépipèdes & bien trempees, plutôt que
de fil d’acier ou de lames de reffort dont on fe fert
ordinairement. En effet, on éprouve que non-feule-
, ment ces lames prennent beaucoup plus de vertu magnétique,
qu’elles la confervent plus long-tems dans
le même degré, & qu’elles la perdent beaucoup plüs
difficilement, mais encore qu’elles ont leurs pôles
plus près des extrémités ; ce qui augmente confidé-
rablemenf leur vivacité, & l’exaCtitude de l’obferva-
tion. La dimenfion qu’il eftime la meilleure, eft celle
à-peu-près qu’il donne aux lames dont il compofe fes
aimans artificiels ; c’eft-à-dire, fix pouces de longueur
, fix lignes, de largeur, & environ un tiers de
ligne d’épaiffeur : elles doivent être percées dans le
milieu, pour laifler paffer le pivot fur lequel elles feront
leur révolution.
On a obfervéque la rouille détruit confidérable-
ment la vertu magnétique , c’eft pourquoi on doit
tâcher d’en préferver avec foin les aiguilles des bouf
foles : les boîtes vitrées dans Iefquelles on les renferme
ordinairement font infuffifantes,& l’air de la mer
agit toûjours fur elles. On les garantira de cet accident
en les enduifant d’une couche fort mince d’huile
de lin cuite : cet enduit n’apporte aucun obftacle
aux effets de l’aimant, & les boujfoles s’aimantent_au-
travers avec autant de facilite que fi elles étoient
bien polies. Il y a même lieu de croire par quelques
expériences , que les boujfoles peintes confervent
mieux que les autres leur grande force magnétique;
car onremarque dans la plûpart des ferremens peints
à l’huile, qu’ils font plus fufceptibles de magnétif-
me que les autres fers, en même tems qu’ils deviennent
plus caftans & plus durs ; & c’eft peut-être par
cette raifon qu’ils s’aimantent mieux.
On aimantera ces lames en les pofant fur le milieu
d’une barre de fer aflez longue, & en pafiant huit à
dix fois d’un bout à l’autre fix aimans artificiels, dont
trois ont leurs pôles nord tournés en-haut, & contigus
aux pôles du fud des trois autres lames; enforte
que les pôles du fud des premiers aimans foient un
peu écartés des pôles du nord des trois autres lames,
& tournés vers l’extrémité de l’aiguille qu’on veut
faire diriger vers le nord. Voyt{ l'article A i m a n t .
Comme il eft difficile de bien déterminer dans des
aiguilles ainfi larges & plates fi leur axe , c’eft-à-dire
la ligne qui joint les deux pôles , pafle exactement
par les points de fufpenfion, & que d’un autre côté
en les faifant pointues par les extrémités, on fait rentrer
leurs pôles en-dedans , & on les rend un peu
moins aimantées qu’elles ne le pourroient être ; voici
un moyen de remédier à ces inconvéniens. On
mettra fur un pivot une des meilleures aiguilles aimantées
, conftruite fuivant la méthode ordinaire,&
pointue par fes extrémités, & on obfervera avec foin
de combien fon pôle nord décline de quelque point
fixe qu’on choilira à volonté : enfuite onajuflera fur
le pivot la nouvelle aiguille, appliquée fur la rofe de
carton de telle forte que la fleur-de-lis décline du point
obfervé , dans le même fens & de la même quantité
que faifoitlepotadu nord de l’aiguille mince & pointue
: on fixera la rofe dans cette fituation, & la bouf-
fole fera centrée.
Il vaudra mieux faire cette opération fur un vaif-
feau en cette maniéré : on tirera une ligne droite de
la poupe à la proue , 6c on placera les deux boujfoles
fur cette ligne , à une telle diftance & en telle lorte
qu’elles ne puiflent ni agir l’une fur l’autre , ni être
détournées par aucun fer qui foit dans le voifinage :
on ajuftera îa rofe comme on vient de dire , de maniéré
que la fleur-de-lis fafle avec la ligne d’épreuve,
le même angle que fait le pôle du nord de l’autre aiguille.
On ne fauroit diflimuler que le poids de ces nouvelles
aiguilles ne fafle augmenter leur frotement,
fur-tout fi le pivot & la chape font de cuivre ; car il
n’eft guere poflible de fe fervir à la mer du pivot d’a-
cier, qui feroit bien-tôt rouillé. Mais on pourra remédier
à cet inconvénient en employant un pivot
d’o r , allié de quelque métal pour l’endurcir, &en
attachant aux barres , des chapes garnies d’un petit
morceau de verre, concave bien poli ; ce qui vaut encore
mieux que l’agate dont on fe fert quelquefois.
Ce petit changement, qui n’augmente pas eonfidé-
rablement le prix des boujfoles, donne à ces inftru mens
plus d’exaétitude qu’on ne peut efpérer dans les bouf-
foles ordinaires , fur-tout lorfque le tems eft calme,
&qu e les vagues n’agitent pas le vaifleau: car alors
il faut néceflairement frapper les boîtes pour vaincre
les frotemens, fi l’on veut que la boujfole marque la
route avec exactitude ; au lieu que les nouvelles bouf-
folesfe meuvent très-librement fans ce fecours.
On a conftruit fur ces principes une aiguille de
boujfole qui avoit trente-deux pouces de longueur ,
& qui pefoitun peu plus de huit onces. Elle a été mi-
fe en mouvement avec une force capable de lui faire
faire vingt-cinq tours par minute : cette .force a été
fiiffifante pour lui faire continuer fes révolutions pendant
l’efpace de foixante-dix ou quatre-vingts minutes,
& elle a encore fait des vibrations pendant quinze
autres minutes , quoiqu’elle ne fût que fur un pivot
de cuivré qui a été bien-tôt émoufle par fon poids,
au lieu qu’elle a fait à peine quelques vibrations lorf-
qu’elle a été fufpendue par une chape de cuivre fur
un pivot d’acier bien pointu & bien poli.
Les avantages de la boujfole ne fe bornent pas à
ceux qu’en peuvent retirer les navigateurs ; cet infiniment
eft aufli fort utile fur la terre pour faire une
infinité d’opérations : on y fait feulement différens
changemens., pour le rendre plus propre aux divers
ulages auxquels on le defline.Son application la plus
commune eft à l’équerre des arpenteurs, qui ne con-
fiftoit anciennement que dans un cercle de cuivre di-
vifé en quatre parties égales par deux diamètres qui
fe coupent à angles droits. Il y a une pinnule bien
perpendiculaire au plan du cercle , à l’extrémité .de
chacun de ces diamètres, afin de pouvoir pointer fur
différens objets. Voyei Equerre.
il Dans les nouvelles éqiierres d’arpenteur on a ajoû<-
te au centre du cercle un pivot, fur lequel eft fufpendue
une aiguille aimantée, &c renfermée dans une
r t]Q*r'OUVe™e ^ une olace- L’aiguille parcourt dans
fes différens mouyemens la circonférence d’un cercle
Tome II,
divifé en trois cents foixante degrés ; & le o de la
graduation marqué d’une N(norcT) ou d’une fleur-de-
lis , eft directement au-deflouS d’une des .pinnules ,
enforte que les autres points cardinaux fe trouvent
aufli fous les autres pinnules.; toute la machine eft
montée fur un pivot, ou mieux encore fur un genou ^
fur lequel on peut la tourner librement en tout fens;
On fe fert aufli quelquefois de boujfoles enfermées
dans des boîtes de cuivre ou dé bois ( ces dernieres
font plus Aires ) exactement quarrées , & dont les
côtés font bien parallèles aux diamètres qui paflent
par les points cardinaux.
Celles-ci, par exemple, font très-commodes pour
trouver la déclinaifon d’un mur ou d’un édifice,c’eft-
à-dire l’angle qu’ils forment avec le méridien dii lieu :
pour cet effet on applique à une réglé pofée horifon-
talement le long du mûrie côté de la boîte.marqué
fud ou nord, fuivant que le mur regarde à-peu-près,
le feptentrion ou le midi ; enfuite on obferve quel
angle fait la pointe de l’aiguille, ou fon pôle boréal,
avec le méridien tracé fur la boujfole, & qui eft perpendiculaire
à la réglé. Cet angle, réduction faite de
la déclinaifon dé l ’aimant, exprime en degrés la véritable
déclinaifon du mur, laquelle eft orientale ou
occidentale,.fuivant que l’aiguille s’écarte à l ’eft ou
à l’oiieft du méridien de. la ;■boujfole , dans le cas où
ce mur eft tourné du côté du midi ; &. réciproquement,
Iorfqù’il. regarde lé feptentrion. . . . .
Ceux qui conftruifent des cadrans fol a ires, verticaux,
ont fouvent recours à cette méthode pour trouver
la déclinaifon du plan fur lequel ils veulent tracer,
& découvrir jufqu’à quelle heure il peut; être
éclairé ; ou bien en connoiffant la déclinaifon de l’aiguille
aimantée dans le lieu & au tems de l’opération
, ils employent pour tracer tout d’un coup une
ligne méridienne, & orienter uniCadran horifontal ;
il fuffit pour cet effet de pofer là boujfole-fur un plan
bien parallèle à l ’horifon,& de faire enforte en tournant
peu-à-peu la boîte, .que J e pôle boréal de [’aiguille
s’arrête du côté de l’oiieft ou de l’e ft , fur un
point qui fafle avec celui de O un angle égal.à_ çelui
de la déclinaifon de l’aimant ( par exemple , de 174
10' N. O . pour le 19 OCt. 17.50 à Pari.s ) : & en appliquant
une réglé à l’eft pu à Boueft de la boîte,, ils.tra-
cent une ligne droite qui, eft la méridienne. Enfin
cette méthode,eft encore très-utile pour orienter des
édifices , des orangeries , des ferres chaudes, pour
donner une expofition favorable aux étuy.es., aux
greniers, ou aux glacières.,
La Géométrie pratique tire de grands avantages
de la boujfo^ ,pou r lever d’une maniéré expéditive
des angles fur le terrein , faire le plan d’une forêt
d’un étang , d’un marais.iriaçceflible, ou pour déterminer
le'cours d’une riviere.
Par exemple., pçur lever les angles A D B , BD C ,
( PI. d'Arpentage, fig. //. ) on commencera pàrap-
pliquer bien exactement un des côtés de la boîte de
la boujfole fur la ligne A D , enforte que la ligne qui
pafle par les pinnules du nord & du fud fe termine
aux points A D ; enfuite ôn obfervera l’angle que
fera le pôle boréal dé l’aiguille avec cette ligne : on
appliquera aufli la boujfole fur la ligne D B , & on obfervera
de même l’angle que fera l’aiguille avec, cette
ligne. Maintenant la différence de ces deux angles
fera la valeur de l’angle A D B , fi l’aiguille.s’écarte
dans le même fens de la méridienne; de la boujfole ;
ou, ce qui eft la même chofe, des lignes A D , D B ,
fur Iefquelles elle eft poféè. Mais fi l’aiguille s’écarte
de fa méridienne en fens contraire, comme il arrive
en la pofant fur les lignes. B D , D C , lafomme des
angles obfervésfera la valeur de l’angle cherché.
On opérera plus exactement fi au côté même de
la boîte de la boujfole eft appliqué un parallélépipède
creux > qui porte deux pinnules par lefquelfes - on
B b b