toit le petit bout en-bas, le pie viendroit tortu, &
me réuffiroit point ; fi on plantait la graine -de plat,
le pié ne laifferoit pas de venir affez bien.
4°. De mettre deux ou trois graines à chaque piquet,
afin que fi par malheur les criquets ou autres
petits infeétes coupoient la plume encore tendre d’un
ou deux pies, il en reliât une troifieme pour fup-
pléer au défaut des autres. S’il n’arrive point d’accident,
on a au moins l’avantage de pouvoir choi-
fir enfuite le brin qui eft le plus droit & de meilleure
venue : mais on ne fe refout à couper" les pies
furnuméraires, -que lorfque celui qu’on a choifi, eft
couronné, & hors de riîque félon toutes les apparences.
Les graines de cacao lèvent dans huit, dix ou douze
jours plus ou moins, félon que le tems plus ou
moins propre avance ou recule la végétation : le
grain cylindrique du germe venant à fe gonfler, pouffe
en-bas la radicule, qui devient enfuite le pivot de
l ’arbre; & en-haut la plume, qui eft un racourci de
la tige & des branches : ces parties croiffant & fe développant
de plus en plus, les deux lobes de l’amande
un peu féparés & recourbés, fortent les premiers
de la terre, & à mefure que le pié s’élève, fe re-
dreffent & fe féparent tout - à - fait en deux feuilles
diffemblables, d’un verd obfcur, épaiffes , inégales,
& comme recoquillées, qui font ce qu’on appelle les
oreilles de la plante: la plume paroît en même tems,
& fe partage en deux feuilles tendres, & d’un verd
clair & naiffant ; à ces deux premières feuilles op-
pofées deux à deux en fuccedent deux autres de même
. à celles-ci deux troifiemes, le pié s’élève à proportion
, & ainfi de fuite durant une année ou environ.
Toute la culture du cacao fe réduit alors à la pratique
de deux chofes.
Premièrement à le recouvrir tous les quinze jours,
c ’eft-à-dire planter de nouvelles graines aux lieux
où les premières n’ont pas levé, ou bien plûtôt, où
les piés ont été rongés par les criquets & autres in-
feftes, qui font fouvent un dégât terrible de ces nouvelles
plantes, lors même qu’on les croit hors de tout
danger. Quelques habitans font des pépinières à part,
& tranfplantent enfuite des piés de cacao où il en
manque ; mais comme ils ne prennent pas tous, lors
principalement qu’ils font un peu grands , ou que la
faifon n’eft pas favorable, & que la plupart même
de ceux qui prennent, font long-tems à languir, il a
toûjours paru plus convenable de recouvrir avec la
graine.
Secondement, à ne laiffer croître aucune herbe
dans la cacaoyere , recommençant à farder par un
bout dès qu’on a fini par l’autre; & prenant garde
fur toutes chofes de laiffer jamais grener aucune herbe
; car s’il arrive une fois qu’on en laiffe monter en
graine, on a dans la fuite bien de la peine & du travail
à détruire les mauvaifes herbes, & à tenir nets
les cacaoyers, parce que la végétation n’eft jamais
interrompue en ce pays-là par le froid.
Ces farclaifons continuelles durent jufqu’à ce que
les cacaoyers devenus grands, & leurs branches fe
croifant, l’ombrage empêche les herbes de pouffer ;
& que d’ailleurs les feuilles tombant des arbres &
couvrant la terre, achèvent d’étouffer les herbes.
Ainfi finit le pénible exercice de farder ; il fuffit alors
de foire tous les mois une revue en fe promenant dans
la cacaoyere, d’arracher par-ci par-là le peu d’herbes
qu’on y trouve, & de les tranfporter loin dans le bois,
crainte des graines.
Dès que les cacaos ont neuf mois, on doit commencer
à arracher le manioc, & foire fi bien qu’en
trois mois au plus tard il n’y en ait plus. A mefure
qu’on l’arrache, on peut encore en replanter une
^rangée ou deux au milieu de chaque allée, de femer
dans les autres vuides des concombres, des ci*
trouilles, des giraumonts & des choux caraïbes ; parce
que ces plantes ayant de grandes feuilles rempan-
tes, font fort propres à conferver la fraîcheur de la
terre, & à étouffer les méchantes herbes. Quand les
cacaoyers font parvenus à couvrir leur terre, on eft
contraint d’arracher tout, car rien ne peut plus profiter
au-deffous.
Les cacaoyers d’un an ont ordinairement quatre piés
de tige ou environ, & commencent à foire leur tête
en pouffant tout-à-la-fois cinq branches au fommet,
qui forment ce qu’on appelle la couronne du cacao. 11
arrive rarement que cette couronne n’ait pas ces
cinq branches ; & lorfque par quelque accident, ou
contre l’ordre de la nature, elle n’en a que trois ou
quatre, l’arbre ne vient jamais bien ; ôc il feroit peut-
être mieux de le recéper d’abord, & d’attendre une
nouvelle couronne qui ne feroit pas long-tems à fe
former.
Si à la fin de l’année le manioc n’étoit pas encore
arraché, cela retarderoit la portée des arbres; &
leurs tiges montant trop haut, feroient foibles, veu-
les, & plus expofées aux coups de vent : que fi elles
couronnoient, les couronnes feroient trop ferrées,
& les meres branches ne s’évafant pas affez, les arbres
ne feroient jamais bien dégages, & n’auroient
point l’étendue qui leur eft naturelle.
Quand tous les piés font couronnés, on fait choix
des plus beaux jets, & l’on coupe fans miféricorde
tous les furnuméraires ; fi l’on ne prend brufquement
ce parti, on a bien de la peine à s’y réfoudre dans la
fuite ; cependant il n’eft pas poffible que des arbres
ainfi accolés ne s’entrenuifent à la fin.
Les cacaoyers ne font pas plûtôt couronnés qu’ils
pouffent de tems en tems un pouce ou deux au-deffous
de leur couronne, de nouveaux jets qu’on appelle
rejettons ; fi on laiffe agir la nature, ces rejet-
tons produifent bientôt un fécondé couronne, fous
laquelle un nouveau rejetton venant àpouffer, en forme
encore une troifieme, &c. C ’eft ainfi que font
faits les cacaoyers naturels & fans culture, qu’on
trouve dans les bois de la Capeftere de la Martinique.
Mais parce que toutes ces couronnes à plufieur«
etages ne font qu’anéantir en quelque maniéré la première
, qui eft la principale, & que l’arbre abandonné
à lui-même devient trop haut & trop effilé ; on a
foin tous les mois en fardant, ou en cueillant le fruit,
d’ébourgeonner, c’eft-à-dire de châtrer tous ces rejettons;
& c’eft ce qu’on appelle fur les lieux rejet-
tonner.
On ne s’eft point encore avifé de tailler, non plus
que de greffer les cacaoyers; il y a cependant une ef-
pece de taille qui pourroit leur être avantageufe. Il
eft confiant, par exemple, que ces fortes d’arbres
ont toûjours quelque partie de bois mort, les uns
plus, les autres moins ; fur-tout aux extrémités des
branches : & il n’y a pas lieu de douter qu’elle ne leur
fût très-utile de retrancher ce bois mort jufqu’au v if
avec la ferpette : mais comme l’avantage qu’on en
retireroit ne feroit pas fi préfent ni fi fenfible que le
tems & le travail qu’on y employeroit,il y a bien de
l’apparence qu’on négligera toûjours cette opération,
& qu’on la traitera même de peine inutile. Les Efpa-
gnols n ’en jugent pas de même, & ils ont au contraire
un grand foin de retrancher tous ces bois morts ; auffi
leurs arbres font plus vigoureux que les nôtres, &
donnent de plus beaux fruits. On doute qu’ils ayent
la même attention de les greffer, & que perfonne ait
encore tenté de le faire ; on croit néanmoins que les
cacaos en feroient bien meilleurs.
A mefure que les cacaoyers croiffent, ils fe dépouillent
peu-à-peu des feuilles de la tige, qu’il faut laiffer
tomber d’elles-mêmes ; car dès qu’ils en font entièrement
dépouillés, ils ne font pas long-tems à ileurir
• mais ces premières fleurs coulent ordinairement,'
& on ne doit guère efpérer de fruit mûr avant trois
ans encore faut-il que ce foit en bonne terre : à quatre
ans la levée eft médiocre, 8c à cinq elle eft dans
toute fa force. Pour lors les cacaoyers portent ordinairement
pendant toute l’année des fleurs & des fruits
de tout âge ; il eft à la vérité des mois où ils n’en ont
prefque point, & d’autres où ils en font chargés : vers
les folftices les levées font toûjours plus abondantes
que dans les autres faifons.
Comme dans les ouragans le vent peut faire le tour
du compas en très-peu d’heures, il eft mal-aifé que
perçant par l’endroit le plus foible & le moins couvert
des cacaoyers, il n’y faffe bien du defordré, & il
eft néceffaire d’y remédier lé plus promptement qu’il
eft poffible. Si le vent n’a fait que renverfer les arbres
fans rompre leur p ivo t, en ce cas le meilleur parti
qu’il y ait à prendre, fur-tout dans les bonnes terres,
eft de relever fur le champ c'es arbres, & de lés remettre
en place, les appuyant avec une fourche,' &
les rechauffant.bien avec de la terre d’alentour : de
cette maniéré ils font raffermis en moins de fix mois,
& rapportent comme s’ils n’avoient jamais eu de mal.
Dans lés mauvaifes terres il vaut mieux les laiffer
couchés , rechauffer les racines, & cultiver à chaque
pié le rejetton de plus belle venue , & le plus
proche des racines qu’il.pouffera, en retranchant
avec foin tous les autres. L’arbre en cet état ne laiffe
pas de fleurir & de porter du fruit ; & quand dans
deux ans le rejetton confervé eft devenu un arbre
nouveau , on étronçonne le vieux arbre à un demi-
pié du rejetton.
De la cueillette du cacao y_& de la maniéré, de le-'faire
reffuer & féclier pour pouvoir être confervé & tranfporte en
£urope.Le cacao eft bon à cueillir lorfque toute la côffe
a changé de'couleur, & qu’il n’y a que lè petit bouton
d’en-bas qui foit demeuré verd. On va d’arbre en arbre
& de rang en rang, & avec des gaulettes fourchues
ont fait tomber les côffes mûres, prenant garde
de ne point toucher à celles qui ne le font pas, non
plus qu’aux fleurs. On employé à cela les Negres les
plus adroits ; & d’autres qui les fuivent avec des paniers
, ramaffent les coffes à terre, & en font à droite
& à gauche dans la cacaoyere des piles qu’on laiffe-là
quatre jours fans y toucher.
Dans les môis d’un grand rapport, on cueille tous
les quinze jours ; dans les faifons moins abondantes,
on cueille dè mois en mois.
Si les graines reftoient dans les coffes plus de quatre
jours, elles ne manqueroient pas de germer & de
fe gâter ; c’eft pourquoi lorfque de la Martinique on
a voulu envoyer aux îles voifines des coffes de cacao,
pour avoir de la graine à planter, on a eu un foin
extrême de ne cueillir que lorfque le bâtiment de
îranfport alloit mettre à la voile, & de les employer
d ’abord en arrivant. Il n’eft donc pas poffible que les
Jüfpagnols voulant avoir de la femence pour produire
ces arbres, laiffent parfaitement mûrir & fécher les
gouffes qui la contiennent ; qu’après ils ôtent les fe-
mences de ces gouffes, & qu’ils les faffent loigneufe-
ment fécher à l’ombre, pour les planter enfin en pépinière
, comme le rapporte Oexmelin , hïfioire des
aventuriers} tom. I. pag. 424* 11'eft néceffaire de les
dealer dès le matin du cinquième jour au plus-tard ;
pour cela on frappe fur le milieu des coffes avec-un
morceau de bois, pour les fendre ; & avec les mains
on achevé de les ouvrir en-travers, & d’en tirer les
amandes qu’on met dans des paniers, jettant dans la
cacayere les écoffes vuides pour lui fervir d’aman dément
& d’engrais, quand elles font pourries, à-peu-
près comme lès feuilles de la dépouille des arbres
leur fervent de fumier continuel.
On porte enfuite dans une café tout le cacao écalé,
i& on le met en pile fur une efpece de plancher
Tome II.
Volant, couvert de feuilles de balifier qui ont environ
quatre piés de long fur vingt pouces de large ;
puis entourant le cacao de planches recouvertes des
mêmes feuilles , & faifant une efpece' de .grenier
qui puiffe contenir toute la pile de cacao • étendue ;
on couvre le tout de femblables feuilles , qii’ori'-affer-
mit avec quelques planches. Le cacao ainfi entaffé,
couvert & enveloppé de toutes parts, ne manque1
pas de s’échauffer par la fermentation de fies 'parties
infenfibles, & c’eft ce qu’on appelle furies-fieux
H | ■ H .
• On découvre ce cacào foir oc matin, & 1 on fait entrer
dans le lieu où il eft des Negres, qui travaillant k
force des pies & des mains, le remuent bien , & le
renyerfent fens-deffus-deffous ; après quoi on le recouvre
comme auparavant avec les mêmes feuilles
& les mêmes planches. On continue cette opération
chaque jour jufqu’au cinquième , auquel il eft ordinairement
affez reffuè; ce qifion connoît à lâ couleur,
qui eft beaucoup plus foncée & tout-à-foitrouffe:
Plus le cacao reflue, & plus il perd de fa pefanteur
& de fon amertume ; mais s’il ne reflue pas affez , il
eft plus amer, fent le verd, & germe quelquefois : il
y a donc pour bien faire un certain milieu à garder,
ce qui s’apprend par l ’ufage.
Dès que le cacao a affez reflué, on le met à l’air, &
on.l’expofe au foleilpour le faire fécher en la manière
fuivante.
On a déjà dreffé d’avance plüfiéurs établis à‘dëuk
piés ou environ, au-deffous du plan d’une COürdeftK
née à cela : ce font deux éfpeces de fabliéres parai--
leles, à deux piés Pune deTalitre ,'afferm’iës fufi'dfe
petits poteaux enfoncés dans-la' tefre. On‘étend fifi t
ces établis plusieurs n'attes foires1 dè brins dè'rbfeâüx
refendus; âffemblés avec des liens d’écorce de hia-
hot : (le mahot eft un arbriffeau dont les feuilles font
rondes & douces aü-màniemèrit , comme' ëeliesdéla
guimauve ; fon écorce, qui : fè le ve fàcilèmëni: )- &c
qu’on divifeen longs rubansfi ferf de fieellé'&detorde
aux habitans & auxfouVa'gés) ; '& -furieës ‘nattes,
on met du cacao reffué environ à lâ hauteur’ dé ëetfx
pouces ; on le remue ôc on le retourne fort• foùven't-
avec un rabot de bois , fur-tout les deux ptermer’s'
jours : le foir on plie le cacao dans fés nattes ;' qu’on;
recouvre de quelques feuilles de balifier,; crainte del
la pluie ; on en fait autant le jour qùandfil -vâ -plÀi-
voir. Ceux qui craignent qu’on ne-le vêle1 là:‘huit,’
l ’enferinent dans une café;
Il y a des habitans qui-fe fervent de’ câiffeâ- d’-èfivi11
ron cinq pies de long iùr defix de larg?è , 'ô£'tfois à
quatre pouces de rebord , pbiirfairé flchèr lëûrfcÆ-'
cao. Elles ont cette commodité ; que dans les grandes'
pluies, ou qui furvienneht tout-à-coup'lorfquèle cÆ-'
cao commence à fécher, on pëut vite mettre1 toutes
cescaiffes en pile l’une fur l’autre,-onfortë qu’il ne:
refte que la derniere à couvrir ; ce qui eft bientôt fait
avec des feuilles de balifier recouvertes1 d’ttrife tàiffb
vuide renverfée. Mais cè qiiî rend l’üfage des ■ nattes
préférable, eft que Pair’qiii' pàffê'par-deïîb'us-'à-^fà-'
vers les vuides des rofeaux ; faitmieüfc fécher le eà~'
cao. Des caiffes dont lè fond feroit en réfeàù fort’ferré
de fil de laiton, feroient ëxcéllëntès; mais’i f fou-;
droit les faire faire en Europe, ce qui feroit ühë'dé-
penfe eonfidérable.
Quand le cacao eft affez reflué, il faut l’expôfer fur
les nattes, quelque tems qu’il foffe : fi l’ôh prévoyoit'
même une pluie abondante & de durée , il feroit bon
de le laiffer moins refluer d’ün;d'émi-jour ou environ.
On remarque que quelques heures de pluie dans le-
commencement, bien loin de lui nuire , ne fervent
qu’à le rendre plus beau & mieux cçnditionné. Dans
la belle faifon, au lieu de cette pluie, il‘-n’ eft pas mal
1 de l’expofer les premières nuits au ferein & à- la ro-
fée ; -la pluie même-d’un-jour-oudeux- ne lui-fera pas
R r r ij