
jfiété> non-feulement des arbres dont on la tire, piar
rapporté leur âge, leur pofition, leur culture, mais
encore des différentes parties de l’arbre : car la candie
d’un jeune arbre différé de celle d’un vieux arbre
; l’écorce du tronc, de celle des branches ; ôc l’écorce
de la racine, de celle de l’un ôc de l’autre. Les
jeunes arbres produifent la plus fine, Ôc toujours de
moindre qualité à mefure qu’ils acquièrent plus de
trois ans.
Ainfi cette cancllc groffiere, connue communément
dans le commerce fous le nom de canelle matte,
n’eft autre chofe que des éorcces de vieux troncs de
canelliets. Une telle écorce cil de beaucoup inférieure
par fon odeur, fon goût ôc fes vertus, à la fine candie
: aufli la doit-on rejetter en Medecine.
On demande pour le choix de la bonne candie ,
qu’elle foit fine, unie, facile à rompre, mince, d’un
jaune tirant fur le rouge ; odorante, aromatique, d’un
goût v if piquant, ôc cependant douçâtre & agréable.
Celle dont les morceaux en même tems font petits
& les bâtons longs , ont la préférence par les con-
noiffeurs.
Il femble que toute fa vertu confifte dans une pellicule
très-fine qui revêt intérieurement cette écorce ;
du moins .a-t-on lieu d’en juger ainfi, fi ce que dit
Herman eft v rai, qu’on retire plus d’huile d’une livre
de cette pellicule, que de fix livres de l’écorce
entière.
De fes falffcations. Il y a des gens qui pour gagner
fur le débit de cette épicerie, la mélangent avec des
écorces de même groffeur ôc couleur ; d’autres la
vendent après en avoir tiré les vertus par la diftillation.
Ces fraudes fe connoîrront. aifément, tant au
goût qusâ l’odorat. On dit qu’en laiffant léjourner
pendant Iorig-tems des bâtons de candie privés par
la diftillation de leur huile odorante, parmi dé bonne
canelley ils reprennent leurs vertus. Mais, fuivant la
remarque de Boerhaave, n le fait eft vrai, c’eft aux
dépens de la bonne candie fur laquelle on les a mis ;
& alors il eft évident qu’elle doit avoir perdu tout ce
qu’ils ont recouvré. •Cependant comme il n’eft pas
offible dans l’achat de la candie de goûter tous les
âtons les uns après les autres, le vrai fecret eft de
la prendre chez d’honnêtes négocians, qui méprifent
les gains illicites.
Toutes les parties du canellier fourniffent des fe-
cours à la Medecine ; fon écorce , fa racine , fon
tronc, fés tiges, fes feuilles, fes fleurs & fon fruit :
on eh tire des eaux diftillées , des fels volatils, du
camphre, du fuif ou de la cire, des huiles précieu-
fes : l’on en compofe des firops, des paftilles , des
effences odoriférantes , d’autres qui convertiffent
en hÿpocras toutes fortes de vins : en un mot, c’eft
le roi des àrbres à tous ces égards. Prouvons-le en
détail.
De la diftillation de l'huile de candie, & de fa nature.
Newman dit que la canelle eft un fingulier com-
pofé de parties huileufes, falines, réfineufes, gom-
meufes, ôc fur-tout tetreftres ; enforte que dans une
livre de canelle il y a prefque les trois quarts d’une
terre indiffolüble, deux Onces d’une fubftance réfi-
neufe, une once & demie d’une fubftance gommeufe,
& près d’une dragme d’une huile effentielle.
Cette huile vient dans la diftillation avec une eau
blanche au fond de laquelle elle fe précipite, parce
qu’elle eft plus pefante en pareil volume. La qualité
effentielle dë cette eau & de cette huile, logée dans
leur efprit re&eur invifible , qui n’en augmente ni
n’en diminue le poids , eft un phénomène bien fur-
prenant.
Si l’on diftille la candie quand elle eft récente,
elle donne plus d’huile que quand elle eft vieille : delà
vient peut-être que quelques chimifles difent n’a-
voir tiré qu’une dragme d’huile, ôc d’autres deux,
d’une livre de candie; mais il fe peut aufli que l’art
de la diftillation y concoure pour beaucoup, s’il eft
vrai qu’il y a des artiftes qui favent tirer prèsd’une once
d’huile pure d’une livre de candie, par le moyen
de l’efprit-de-vin préparé d’une certaine maniéré
dont ils font un fecret. G’eft aux Indes mêmes, à
Ceylan, à Batavia, qu’on fait la diftillation de la
plus grande partie d’huile de candie qui fe débite
en Europe ; les droguiftes ôc apothicaires hollandois
trouvant encore mieux leur compte à l’acheter de
la compagnie, qu’à la tirer de la candie par la diftillation.
Mais comme cette huile eft extrêmement chere
& vaut environ 50 francs l’once, l’amour du gain a
fait imaginer des rufes pour l’adultérer finement ; 6c
on y a réuffi par le mélange de l’huile de girofle, qui
perdant avec le tems fon odeur, ne laifle prefqu’au-
cun moyen de découvrir la falfification.
Suivant le procédé de Boerhaave, on retire par la
diftillation d’une livre de canelle avec de l’eau bouillante
, une liqueur laiteufe , au fond de laquelle on
trouve une petite quantité d’huile limpide, rougeâtre
, inflammable , brûlante , extrêmement odoriférante
, 6c douée au fupreme degré des qualités effen-
tieiles de la canelle. Il faut la garder dans une phiole
étroite 6c bien bouchée. Il en eft de même de la liqueur
laiteufe, fi recherchée par fon agréable odeur,
fon goût v if ôc piquant. Cette liqueur étant gardée,
dépofe un peu d’huile, 6c devient infenfiblement plus
claire ôc moins aromatique.
Si on conferve l’huile de canelle pendant plufieurs
années dans des phioles hermétiquement bouchées ,
on prétend que la plus grande partie fe transformera
en un fel qui a les vertus de la canelle, & qui fe difr
fout dans l’eau. Le dotteur Slare affûredans les Tran-
faclions philofophiqu.es, que dans l’efpace de vingt ans
la moitié d’üne certaine quantité d’huile de canelle
fe changea en fel.
La canelle eft donc remplie d’un fel effentiel, foit
acide, foit urineux, qui approche du fel ammoniac,
uni avec une huile eflentieile aromatique, d’où fon
aftion paroît dépendre principalement. Toutes les expériences
nous manquent fur cè fel.
Du camphre que donne la racine du candlier. Voici
d’autres phénomènes. Par la diftillation on retire de
l’écorce de la racine du candlier, une huile ôc un fel
volatil, ou plutôt du camphre. L’huile eft plus legere
que l’eau, limpide, jaunâtre, fubtile, ôc fe diflipe
aifément dans l’air ; cl’une odeur forte, vigoureufe ,
agréable, qui tient le milieu entre le camphre ôc la
canelle, d’un goût fort vif. Sans employer même la
diftillation, l’ecorCede la racine du candlier rend de
tems en tems du camphre en gouttes oléagineufes ,
qui fe coagulent en forme de grains blancs.
Le camphre de la candie eft très-blanc; il furpaffe
de beaucoup par la douceur de fon odeur le camphre
ordinaire. Il eft très-volatil, ôc fe diflipe fort aifément
; il s’enflamme promptement, ôc il ne laifle
point de marc après la déflagration.
L’huile que l’on tire dé l’écorce de la racine dit
candlier y eft employée extérieurement aux Indes
dans les. douleurs aux jointures , produites par le
froid ; dans les rhumatifmes ôc dafts les paralyfiès.
On l’y donne intérieurement broyée avec du fucre,
pour exciter les fueurs , les urines , fortifier l’efto-
mac, chaffer les vents, difliper les catarrhes. On y
regarde le camphre du canellier comme le meilleur
dont on puiffe faire ufage en Medecine ; on le rar
maffe avec foin, ôc il eft deftiné pour les rois du
pa ys, qui le prennent comme un cordial d’une efficacité
peu commune. La blancheur de Ce fel, fon
odeur douce, fa volatilité, fa rareté, aflureroieflt
fa fortune quelque part que ce fiât. L’eau camphrée
qui vient avec 1 nuile dans la diftillation, eft éxtrèjnement
recommandée à Ceylan dans les fluxions,
les fievres malignes, Ôc extérieurement pour difliper
les tumeurs aqueufes ôc oedémateufes. . :
De l'ufage de l'huile des feuilles du canellier. L’huile
-des feuilles diftillées va au fond de l’eau ; elle eft d’abord
trouble ; elle devient jaunâtre ôc tranfparente
avec le tems, d’un goût douçâtre, acre, aromatique
, fentant un peu la canelle, ôc approchant un peu
de l’odeur dit clou de girofle.
Cette huile paffe pour un corre&if des violens purgatifs
: on la donne mêlée avec quelque poudre appropriée,
dans les maüx d’eftomac, les coliques ven-
teulès ôc caufées par le froid ; bouillie avec de l’huile
commune, elle eft recommandée dans les compo-
fitions des linimens, des cataplafmes nervins ou ré-
folutifs : on preferit même à Ceylan les feules feuilles
du candlier dans les bains aromatiques ôc les on-
guens deflicatifs.
De C ufage des fleurs du candlier. On obtient des
fleurs par la diftillation, une eau odoriférante, agréable,
bonne contre les vapeurs, propres à rétablir le
cours des efprits, à les ranimer, à adoucir la mau-
vaife haleine, à donner du parfum ôc de l’agrément
à différentes fortes de mçts. On prépare encore avec
ces fleurs une conferve très-bonne pour les perfon-
nes d’un tempérament leucophlegmatique.
De C ufage des fruits & de la cire. Les fruits donnent
deux fortes de fubftances ; on en tire par la diftillation
une huile effentielle femblable à l’huile de genièvre
, qui feroit mêlée avec un peu de canelle Ôc de clou
de girofle ; ôc par la déco&jon on en tire une certaine
graiffe épaiffe, d’une odeur pénétrante, reffem-
blante au fuif par fa couleur, fa confiftance, & qu’on
met en pain comme le favon.
La compagnie des Indes orientales hollandoife
nous l’apporte fous le nom de tire de canelle , parce
que le roi de Candy, province du Mogoliftan, en
fait faire fes bougies, fes flambeaux, qui rendent
une odeur agréable, ôc font refervés pour fon ufage
ôc celui de la cour. Elle fert d’un remede intérieur
ôc extérieur chez les Indiens ; ils la donnent intérieurement
, affez mal-à-propos, dans les contufions,
les luxations, les fra&ures ; ils la font entrer dans les
onguens & les emplâtres réfolutifs, nerveux, céphaliques:
elle pourroit peut-être fervir à faire une
excellente pommade odorante, pour nettoyer &
adoucir la peau, pour les petits boutons, les gerçures
, les engelures, &c.
Dans les vieux troncs du canellier, il y a des noeuds
réfinewx qui ont l’odeur du bois de Rhodes. Nos ébe-
niftes pourroient en tirer quelque ufage pour des
ouvrages de leur profeflion.
De l'ufage de la candie , de l'eau fpiritueufe , & de
thuile qu'on en tire par la diftillation. Mais de toutes
les parties du canellier, nous n’employons guere en
Europe dans la Medecine que fon écorce, l’eau fpiritueufe*,
ôc l’huile effentielle qu’on en tire par la
diftillation.
Les modernes attribuent à l’écorce du canellier,
les mêmes vertus que les anciens attribuoient à leur
cinnamomum, ou à leur caffe en tuyau. Ils 1 eftiment
aromatique, ftimulante, corroborative, cordiale,
ftomachique, emménagogue, ftyptique. Le doâeur
Haies démontre dans fes effais deftatique, cette dernière
qualité de la candie par l’expérience fuivante.
Il injefra une certaine quantité de cette decoftion
chaude dans les inteftins d’un gros chien ; aufli-tot les
vaiffeaux fe refferrerent, ôc retinrent pendant quelque
tems la liqueur qu’ils avoient reçûe ; d’où l’on
peut inférer que l’effet de cet aromate dans les intestins
, feroit d’en arrêter les évacuations trop abondantes
, ôc par conféquent conviendroit aux cours-
de-ventre qui naiffent du relâchement des vaiffeaux.
Elle eft cordiale dans l’abattement des efprits, ôc la
Tome II. *
défaillance qui en eft la fuite ; parce que picotant les
membranes de l’eftomac, elle met les nerfs de ce vif-
cere en jeu : fuivant les mêmes raifons elle eft emménagogue
, quand les réglés font Supprimées par
l’atonie des vaiffeaux : c’eft encore d’après les mêmes
principes qu’elle eft carminative, en diflïpant
les vents par fon aâion fur l’eftomac ôc les inteftins.
En un mot comme c’eft le meilleur des aromates ,
elle en a toutes les propriétés au fouverain degré :
mais elle en a aufli les inconvéniens. Son ufage immodéré
ou mal placé, difpofe l’eftomac à l’inflammation,
en crifpant les fibres, ôc refferrant les ori-.
fices des glandes ftomacales ; ce qui diminue la quantité
du fuc digeftif, ÔC jette un defordre général dans
la machine : de plus fon ufage trop fréquent rend les
fucs trop épais, trop acres; d’où naiffent plufieurs
maladies chroniques. Il ne faut donc l’employer qu’à
propos, & prendre garde d’en continuer l ’ufage trop
long-tems.
L’écorce de candie entre dans les plus fameufes
compofitions pharmaceutiques ; ôc on fait quantité
de différentes préparations de cette écorce, dont la
principale eft l’eau fpiritueufe de canelle , qui a les
mêmes qualités que l’aromate.
On la prépare en faifant macérer pendant vingt-
quatre heures une livre de canelle concaffée, dans
trois livres d’eau de méliffe diftillée ôc trois livres do
vin blanc. On diftille la liqueur à un feu violent dans
l’alembic avec un réfrigèrent. On conferve pour l’ufage
les trois livres d’eau qui viennent les premières.
Cette eau eft trouble, blanchâtre, laiteufe, à caufè
des parties huileufes de la canelle qui y font incorporées
, ôc qui lui donnent beaucoup de force.
Mais cette force n’eft pas comparable à celle de
l’huile pure, qui eft vraiment cauftique, & qui adoucie
par le mélange du fucre, fous la forme d’un oleo-
faccharum, eft délicieufe au goût. On la preferit encore
depuis une goutte jufqu’à fix dans un oeuf poché
, ou quelques liqueurs convenables. G’eft dans
cette huile que réfide toute l’efficacité de la canelle ;
aufli eft-elle étonnante par fes effets. Rien de plus
agréable, ni de plus admirable, pour animer, échauffer
, fortifier tout-d’un coup la machine : mais il faut
bien fe garder d’en faire un ufage déplacé.Elle eft utile
dans les accouchemens laborieux pour l’expulfion
du foetus, de l’arrierefaix ôc des vuidanges, dans les
femmes froides, phlegmatiques, & dont les forces
languiffent : mais il faut s’abftenir de ce remede dans
les tempéramens échauffés, phléthoriques, & dans
les cas où l’on craint quelque inflammation. On en
éprouve au contraire le fuccès dans lés maladies qui
proviennent d’un phlegme muqueux, dans celles où
il régné un défaut de chaleur ôc de mouvement, oc-
cafionné par l ’habitude flafque des vaiffeaux, ou par,
la conftitution languiffante des humeurs.
On peut ajoûter l’huile de canelle. aux purgatifs ,
non-feulement pour les rendre moins defagréables
au goût, mais encore pour prévenir les flatulences
ôc les tranchées. On la fait entrer dans les linimens ,
les onguens, ôc les baumes, tant à çaufe de fa bonne
odeur, que parce qu’elle eft échauffante, réfolutive
ôc difcuflîve.
Comme elle eft extrêmement acre , brûlante, ôc
corrofive, elle cautérife avec promptitude, quand
on l’applique extérieurement. Quelques chirurgiens
l’ont employée dans la carie profonde des os : mais
outre qu’on a d’autres remedes plus faciles ôc plus
sûrs, fon prix exceflif empêche de s’en fervir. Tout
le monde en connoît l’ufage dans le mal de dents :
mais elle ne le guérit qu’en defféchant ôc brûlant le
nerf par fon acreté cauftique ; il ne faut donc l’employer
qu’avec prudence dans ce cas-ci, Ôc dans tous
ceux dont nous avons parlé.
Auteurs, Je n’en connois point de particuliers fur.
F F f f i j